Archives mensuelles : juin 2015

Rassemblement à Evry le 29 juin

Le procès du 29 juin à Evry a été renvoyé.
Ce renvoi a été obtenu à l’initiative de l’avocat qui a relevé dans la procédure un « problème de compétences ».
Le 29 juin, Christine aurait du passer devant une « collégiale », c’est-à-dire 3 juges. Or les faits pour lesquels elle est convoquée relèvent d’une cour à « juge unique ». L’extraction et le procès sont annulés pour le 29. Pas d’audience avant octobre ou novembre.

Incarcérée depuis novembre 2012, Christine purge plusieurs peines écopées ces dernières années suite à de multiples insoumissions à l’autorité de différentes institutions (flics, Administration Pénitentiaire, institution psychiatrique,..). Tous ceux qui, quotidiennement, ont pour rôle de réguler et réprimer nos vies, d’assurer le contrôle social. À l’intérieur, Christine ne faiblit pas et continue de résister. Régulièrement en conflit avec l’Administration Pénitentiaire (AP) et son personnel, elle se bouge contre ce qu’elle ne supporte pas : par exemple le fichage à l’entrée en détention, et les fouilles et palpations corporelles répétées. En réponse, l’AP et la justice ne manquent pas de moyens pour, chaque jour, tenter de la broyer un peu plus.

Lundi 29 juin 2015, à 13h30, Christine sera jugée par le tribunal d’Évry pour quatre chefs d’inculpation de violences sur cinq matons de la Maison d’Arrêt des Femmes (MAF) de Fleury Mérogis.

Fin juin 2014, quand elle arrive à la MAF de Fleury Mérogis en transfert disciplinaire depuis Rennes, ce n’est qu’en transit, le temps qu’une place se libère au Centre de Détention de Poitiers-Vivonne. (voir ici sur son parcours : http://rebellyon.info/spip.php?page=recherche&recherche=Ribailly )
Comme ailleurs, à son arrivée, elle refuse de donner ses empreintes, de prendre la carte de circulation et refuse aussi toute fouille ou palpation[1]. La réponse de la matonnerie est directe, violente et sans concession. Elle est  directement envoyée au mitard. A partir de là, elle n’en sort, à chaque fois, que pour quelques jours, voire les seules 24h légales[2], le temps qu’une autre commission de discipline ait lieu et l’y renvoie. Chaque déplacement à l’intérieur de la taule se fait avec une escorte de matons casqués où Christine ne manque pas de se faire molester (plusieurs points de sutures à l’index dès son arrivée). À chaque retour au mitard, la fouille à nu obligatoire se transforme en une mêlée où une dizaine de matons s’affairent à forcer Christine à se déshabiller, quand ils ne lui arrachent pas littéralement ses vêtements. En plus de servir de sanction, le placement au mitard permet à l’AP de maintenir Christine isolée des autres détenues. Pas question de donner le « mauvais » exemple ! En effet, durant les quelques jours passés en détention normale, elle est la seule à sortir en promenade sans carte de circulation et sans palpation.
Une petite victoire que l’AP et ses matons vont faire payer cher à Christine.
Le 25 septembre, elle est placée en garde à vue afin d’être entendue à propos de plusieurs plaintes pour des soit disant violences sur des matons de Fleury. Le 29 juin c’est le tribunal d’Évry qui la jugera sur ces plaintes.

En trois mois passés à Fleury, Christine aura passé 87 jours au mitard.
Aujourd’hui, après un nouveau transfert disciplinaire, elle est incarcérée à la MAF d’Épinal, dans les Vosges. La onzième taule depuis le début de son incarcération, toujours dans la moitié nord de la France, le plus loin possible de sa famille et de ses proches. Elle continue à être maintenue la majeure partie du temps au QD. Ses demandes de libération conditionnelle ont été refusées. Des matons continuent de porter plainte contre elle après l’avoir cognée ou humiliée, pour défendre leur sale corporation et tenter de se grappiller un treizième mois. Et à la finale, c’est la date de libération de Christine qui continue toujours de s’éloigner.

Parce que le rapport dans lequel Christine se débat n’est pas un rapport individuel entre elle et les institutions, mais bien un rapport social fait d’exploitation et de domination que nous subissons tous quotidiennement,
Parce que ces même institutions mettent tout en place pour nous maintenir divisés et isolés,
Parce que, dans un tribunal ou dans une taule, un peu de solidarité peut redonner du courage ou appuyer un rapport de force trop souvent en notre défaveur,

SOYONS NOMBREUX À SOUTENIR CHRISTINE FACE À LA JUSTICE ET L’ISOLEMENT CARCÉRAL.

                              LUNDI 29 JUIN 2015 À 13H
                     devant le Tribunal d’Évry (rue des Mazières)

D’ici là et après, pour lui écrire, voici son adresse à Épinal:
Christine RIBAILLY, écrou 15863, MAF d’Épinal, 13 rue Villars, BP21069, 88060 ÉPINAL Cedex9

Pour plus d’informations sur la situation de Christine et lire des extraits de courriers :
http://enfinpisserdanslherbe.noblogs.org/

NOTES :
1/   Bien que la loi pénitentiaire de 2009 interdise théoriquement les fouilles systématiques des détenus, à Fleury comme dans de nombreuses autres taules, à chaque arrivée au Quartier Disciplinaire (QD) et chaque retour de parloir, les détenues son fouillées à nu. Et d’une manière générale chaque sortie de cellule est conditionnée à une palpation corporelle. La formulation du texte de loi est suffisamment floue pour que chaque taule s’en accommode à sa guise.
2/   La même loi de 2009 limite à 30 jours la période maximale des placements en QD. 24h de pause suffisent pour rembrayer sur une autre période de mitard.

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Ci-dessous, un récit de Christine sur cette période passée à Fleury-Mérogis

FLEURY MEROGIS

Je suis arrivée début juillet (je ne me souviens d’aucune date par cœur et je n’ai pas mon cahier avec moi) à Fleury, en transfert-transit entre Rennes et Vivonnes (2 CD [Centre de Détention]).
Comme d’habitude, à l’arrivée, je refuse de donner mes empreintes au greffe. Je leur explique calmement « Soit vous rester calmes et on règle ça dans une semaine avec un prétoire où je ne risque pas plus de 7 jours ; soit vous me les prenez de force, on risque de se faire mal, ça va compliquer tout le reste de la détention ici et, de toutes façons, vous n’aurez rien d’utilisable ». Ils choisissent la force, ce qui donne une photo assez comique et pas d’empreintes palmaires. Je résiste mais ne me débat pas. Arrivée à la MAF [Maison d’Arrêt Femmes], en camion vu la taille de la taule, un chef vient me dire que je vais direct au mitard. Je lui dit qu’il va avoir du mal à le justifier mais que j’accepte. Je suis encore menottée, il y a des agents avec l’équipement pare-coups (casques, plastrons, etc.). Je redis que je vais y aller seule mais ils veulent me tenir. Du coup, je me débats et ils m’y portent de force. Là, je refuse la fouille et je rue comme je peux pendant qu’ils me pelotent.
Le prétoire 2 jours plus tard est annulé car, comme je l’avais prévu, il n’y a pas de justificatif de mise en prévention. Je vais au QA 3 jours puis ils le refont correctement. Je prend 7 jours de QD [Quartier Disciplinaire (« mitard »)]. Durant la GAV [Garde à vue], presque 3 mois plus tard, ils me diront que 2 surveillantes ont été blessées (2 et 3 jours d’ITT) lors de la fouille. C’est la première affaire de violences.
[…]
(Lire la suite sur ici

Epinal ( mai juin 15)

Mardi 23 juin 2015

Salut !

Je t’écris tout de suite après reçu ta lettre postée le 19 car, vu le temps que met le contrôle, j’aimerai que tu saches que je l’ai reçue avant le 29. Il y avait tout dedans : l’article de Vosges Matin et la brochure sur A.Jacob.

Donc, deux semaines après qu’il soit paru, j’ai pu lire ce torchon. Je suis rassurée sur plusieurs points :

-il n’y a pas mon nom : donc pas de recherche internet possible

-il n’y a pas d’info sur JL qui n’a rien demandé

-les bleus s’engueulent entre eux : ça ne m’apporte rien mais c’est toujours jouissif…

Par contre, je suis outrée qu’une syndicaliste s’érige en psy et me déclare barjot. Ça corrobore malheureusement le signalement que l’AP a fait au psychiatre qui m’a reçu la semaine dernière.

Je ne reconnais pas les deux matons pris en photo, mais je ne suis pas du tout physionomiste.

Hier, j’ai vu les 2 directeurs pour une discussion à propos du QI. Ils ont justifié cette décision, prise bien avant le 19, par les 11 lettres des filles qu’ils ont reçues et où elles se plaignaient de moi. Ça confirme ce que dit la matonne FO dans l’article. Ainsi, le dirlo a osé me dire : « Plus de la moitié de vos co-détenues se plaignent de vous, disent que vous criez trop, que vous ne respectez pas les surveillantes et que vous les tutoyez. Je ne peux donc pas décemment vous laisser retourner en promenade collective. A 11 contre 1, il en va de votre sécurité ». Au début, j’ai cru qu’il se moquait de moi. En effet, j’ai eu des courriers internes sympas de 8 d’entre elles (je te rappelle qu’on n’était que 17 – moi comprise – le 1er juin). […] Il est […] tout à fait probable qu’elles aient fait le papier demandé par la matonne, juste pour lui faire plaisir sans réfléchir une minute qu’elles se comportaient comme des poukaves. Ça me désole et me met en colère, je préférerai qu’il mente tout simplement. Peut-être que l’homme n’est pas un loup pour l’homme, mais la violence est l’autre face de la peur. Et par peur de l’AP, elles ont fait acte de violence (uniquement morale) contre moi. J’en ai eu la gerbe une bonne partie du samedi (quand ils ont refusé de me laisser retourner en bâtiment) et de la journée (quand j’ai « digéré » cette info d’instrumentalisation des taulardes les unes contre les autres).

J’ai refusé d’aller au QI samedi, ils m’ont donc laissée au mitard. Mais ils se sont embrouillés dans les papiers et les dates. Au final, cette peine finira le vendredi 3 au matin. Pourras-tu t’organiser pour qu’on ait un parloir le 2 puis un le 3 ?

Ensuite, j’irai au QI, maintenant qu’ils m’ont fourni une explication (malhonnête au possible certes, mais sûrement réelle). Il n’y aura plus qu’à attendre le prochain prétoire. Et, comme à Joux et à Sequedin, je naviguerai entre QD et QI au gré de leurs envies en attendant le transfert. Statistiquement, ça sera pour mi-août.

J’espère que l’extraction pour voir le chirurgien à l’hôpital aura lieu avant. J’aimerai être capable de courir après les brebis quand ils se décideront à me lâcher !

Pour répondre à ton interrogation sur le contrôle des courriers de ton précédent envoi, voici un extrait de la discussion d’hier :

LUI : – Et en plus vous mentez à vos correspondants !

MOI, baissant la tête, piteuse : – C’est vrai. Quand j’écris à mes parents, j’édulcore. Mais c’est pour qu’ils ne s’inquiètent pas trop.

LUI : – Non, ça c’est respectable. Je parlais de votre récit sur Fleury.

MOI : – Quoi ? Mais il n’y a aucun mensonge là !

LUI : – On verra ce qu’en dira le juge le 29…

[…]

Il reste demain à m’emmerder. Jeudi et vendredi, je vois les parents. Puis le week-end au mitard, 23h/j, à part peut-être la visite de l’aumônière 1/2h samedi après-midi. Lundi sera occupé et je serais contente de vous (aperce)voir. Il ne restera plus que 3j, puisque la sortie du QD se fait le matin et j’espère bien qu’on aura au moins un parloir de 1h45. […]

Dimanche 21 juin 2015

J’avais prévu de te téléphoner ce matin, de te tirer du lit et qu’on partage un café virtuel en papotant. Tu as vu, c’est raté.

Voilà ce qui s’est passé : vendredi matin, il y a eu le prétoire pour 3CRI anodins en soi mais précurseurs de la suite (dont le 1er juin, mais aussi le 9). Je suis arrivée à rester calme même si la veille j’avais été convoquée chez le psychiatre à qui l’AP avait fait un signalement (comme à Strasbourg avant l’HO). Je savais que je prendrais 14j, ça n’a pas loupé. Mais ils ont dit que ça commencerait le 22, donc le week-end hors du mitard pour qu’il n’y ai pas plus de 30j d’affilé. Là où ça a commencé à merder c’est que le dirlo a dit que ces 2j je les passerai au QI. Or, avant le prétoire, je lui avais demandé un entretien, qui devait impérativement avoir lieu avant ma sortie du QD. Je voulais lui dire d’arrêter le surnombre pour que ça reparte normalement avec mes voisines. D’ailleurs, depuis qu’elles m’ont parlé de l’article du 9 juin, le courrier interne ne passe plus (ou alors elles n’y répondent plus sur ordre de l’AP).

Donc hier midi j’étais remontée et bien décidée à ne pas aller au QI. La seule différence avec le QD (outre la télé dont je n’ai rien à foutre) c’était que j’aurai eu accès au téléphone. Mais ils n’avaient toujours pas enregistré ton numéro ces salauds ! Bref, j’ai refusé de sortir du mitard avant de voir le directeur et j’ai chopé un CRI du 2ème degré (refus de se soumettre à une mesure de sécurité) alors que je n’ai fait aucun blocage et qu’il n’y a pas eu de contact physique. Ça leur permet de me mettre en prévention jusqu’à demain…où commencera la peine de 14j. C’est bien calculé et ça m’énerve ! Ce qui m’énerve c’est que c’est reparti comme à Joux ou à Sequedin : je vais rester bloquée au QI-QD jusqu’à mon transfert, sans revoir les filles que je n’ai jamais menacées, volées, rackettées, violées ou autres. Statistiquement, je serai partie mi-août vers une autre taule.

Le seul truc que le dirlo m’a concédé c’est que j’aurai un parloir double avec les parents les 25 et 26. Par contre, avec toi, il y a fort à parier qu’on devra se contenter du 2. Renseigne-toi de ton côté, moi je ne veux pas leur donner l’impression que je fais la manche.

Je devrais donc sortir du QD le 4 juillet. Mais d’ici là, ils ont plusieurs CRI en stock et vont pouvoir refaire un prétoire. Même s’ils le font plus tard, je parie qu’ils me colleront au QI en attendant. Je serai obligée d’accepter car je téléphone tous les mois environ à ma grand-mère et elle va finir par s’inquiéter si c’est trop long. […]

Mercredi 17 juin 2015

[…]

Eh oui, nos courriers sont très probablement lus. Il suffit de le savoir. Je ne me suis jamais auto-censurée (et je compte pas le faire) pour autant. Parfois, j’utilise cette donnée pour fair eun peu de provo, c’est tout. […]

Je serai contente de te voir début juillet. Comme je te l’ai dit, j’ai un prétoire dans 36h pour les 3 CRI de mai. Les faits sont anodins en soit mais ils ont motivé leur parano qui a abouti à la provo du 1er juin. Je ne risque « que » 14j de mitard. Ils ont le droit, légalement, de faire commencer la sanction samedi, quand celle-ci finira. On verra…

[…] Le dirlo avait demandé un apaisement mais il n’a pas eu lieu longtemps, du moins pas avec les matons encartés FO. Comme je te l’ai dit dans une précédente lettre, ils ont joué la carte de la diffamation par voie de presse. Une matonne (celle qui m’a bousculée le 1er) continue à chercher la merde. Un briscard aussi, qui m’a collé un CRI tout bidon dimanche 17 juste pour que je l’insulte (et donc en avoir un plus sérieux). Avec les autres, ça va.

Mais cet après-midi, il y a eu du nouveau. Ils m’ont proposé d’aller à l’infirmerie pour voir « le psy ». Je croyais que c’était la psychologue que j’ai relancée depuis que je suis au mitard pour avoir de l’occupation. Mais c’était un psychiatre qui avait eu un signalement par l’AP. Ça m’a fait peur car c’est comme ça qu’a eu lieu l’HO à Strasbourg. Du coup, j’étais super tendue lors de cet entretien. Il a eu beau me dire qu’il ne demanderait pas d’HO, il m’a quand même proposé un « traitement pour être plus calme » que j’ai bien sur refusé. Du coup, je suis sur mes gardes. Et c’est pas bon car ça me rend plus réactive (eux disent agressive). Il va falloir que j’assure face au dirlo vendredi matin !

Le week-end du 13 & 14 juin 2015

[…] J’ai appris que le syndicat FO-Pénitenciaire avait commandé un article sur ma pomme au journal local, un torchon nommé « Vosges Matin ». Ce journal est distribué tous les jours gratuitement aux prisonnier(e)s d’Epinal. Le but est donc d’essayer de me stigmatiser encore plus que par un surnombre d’agents à chacun de mes mouvements. Il est paru le 9 juin, alors que j’étais au mitard (où je suis encore). J’ai alerté David [l’avocat de Christine] mais, sur internet, il n’a pu lire que la une du journal qui renvoyait à un article (gros a priori) en page intérieure. Ce qui me dégoûte c’est que c’est nettement une commande syndicale pour nuire : le « journaliste » n’a pas entendu parler de moi en flânant au tribunal d’Epinal ou en monnayant les infos auprès des gendarmes en train de faire une GAV… Perso, je n’ai pas encore pu avoir le journal entre les mains mais David a lu en une « La détenue qui pousse à bout les surveillants. FO-Pénitenciaire soutient les surveillants qui ont maille à partir avec une détenue qui a déjà fait 12 transferts et 80 commissions de discipline. Lire page 5 ». […]

Jeudi 18, je repasse au prétoire pour les 3 CRI récupérés avant le lundi 1er juin. C’est assez anodin et c’est à la base ou les conséquences de mon « traitement spécial » lors des ouvertures de cellule. Je risque 14 j au maximum (insultes et tapages). On verra s’ils les collent tout de suite après le 20 (date de fin de la peine actuelle) ou s’ils attendent le 26 que j’ai vu mes parents…[…]

Pour le procès du 29, David a l’air plutôt au point et confiant. Mais, vu l’escorte que je vais me traîner, ça va être difficile que ça n’impressionne pas la cour. Bah ! Ça me fera toujours une journée hors du QD. Et puis, je verrai quelques tronches amies…

Pour l’instant, les conditions de vie au mitard sont correctes. J’ai toutes mes affaires auxquelles j’ai droit (je peux donc fumer, bouquiner, écrire et écouter la radio). Comme on est en centre ville, justement, la radio capte bien plus de stations qu’à Réau ou Joux. Mais je n’ai qu’une promenade par jour, de 9 à 10h, dans une petite cour bétonnée. Par contre, je reçois les aumôniers très correctement, en discrétion et sans temps imparti tous les jeudis. […] Après avoir du batailler, le médecin fait aussi ses visites grille ouverte sans maton à proximité immédiate. Ils ne m’emmerdent pas non plus sur le fait que j’ai mis le matelas hors d’atteinte du panoptique : ils savent que je crèverai pas ici !

A nouveau, un RDV est promis « prochainement » à l’hôpital pour voir un chirurgien pour mon genou. J’espère que ça sera avant le prochain transfert !

[…]

Le 7 juin

Salut !

Pour ne pas changer les habitudes, je t’écris du mitard. Après trois semaines en bâtiment, j’ai pris vingt jours de QD : la parité est respectée.

En fait, dès le début, j’ai été éberluée par le manque d’imagination, l’institutionnalisation des filles ici. Il y en a dans toutes les taules, mais là je ne trouvais personne avec qui j’aurais envie de discuter. L’une d’elle, par exemple, a dit à un prof, pendant un cours intéressant : « Ça vous gêne pas Monsieur qu’elle vous tutoye ? » Des auxi-matons, je ne vois pas d’autre nom ! Le pire c’est que les matons, sentant que je dénote, ont pris peur et, suite à un accrochage complètement anodin et sans conséquences physiques (le refus que je sorte en promenade le jeu d’échecs cantiné, comme je le faisais en promenade depuis une semaine), ont décidé d’être en surnombre à chacun de mes mouvements. Des agents mecs au QF, ça ne passe pas inaperçu, et donc ça a renforcé chez chacune (matonne ou voisine) l’idée que j’étais un « cas dangereux ».

J’ai essayé d’en parler à l’officier QF mais il n’a pas voulu écouter. Du coup, lundi dernier, une matonne se sentant la bride sur le cou a décidé de pousser la provocation jusqu’à venir en civil me bousculer sur le lit lors du contrôle de 12h30. D’où les vingt jours de mitard…

Ceci dit, au prétoire, si le dirlo a bien sûr validé les mensonges de ses agents, li m’a quand même écoutée. Du coup, je les sens vachement plus sur leurs gardes, attentifs à ne pas déconner. Ainsi, jeudi, les aumôniers ont été tout étonnés qu’on nous ouvre une pièce propre et sans contrôle pour une heure de discussion ; ils étaient plus habitués à rester derrière la grille… Le téléphone avec [son compagnon incarcéré] est mis en place, comme à Rennes et à Vivonne. Bon on verra si ça dure car cette surveillante en particulier l’a mauvaise et ne va sûrement pas en rester là…

A plus.

Le 7 juin

J’accuse réception de ton courrier avec la dépèche de l’AFP sur le rapport du CGLPL, à propos de la MA de Strasbourg, et je t’en remercie.
Quand ils étaient venus nous faire leur visite de contrôle en mars, j’en avais recu au mitard pendant presque 1 heure. Je leur avais parlé de ce que j’avais remarqué : les fouilles par palpation systématiques avant les promenades, l’unique promenade quotidienne au QD, les humiliations ( coupure d’eau, prise de matelas et de couvertures, violences…) au mitard.
Je n’avais pas parlé de l’hygiène car la cour des femmes est agréable, à la différence de celle des mecs et les douches valent celles des campings où je vais dehors.

J’ai été transférée à Epinal le 11 mai : une MA à 2heures de route (1h30 avec le gyrophare) de Strasbourg et un QF de 20 lits et 8 cellules.
Peu de temps après j’étais dans la salle de « convivialité » avec une autre fille, une grande gueule. On met BFM pour avoir l’heure. Sur l’écran un plan fixe de la MA de Strasbourg et la voix off qui dit que le contrôleur général a rendu un rapport tres négatif. Puis apparait un maton syndicaliste qui dit « Strasbourg n’est pas la pire prison de France. On a des problèmes, certes, mais on fait tout pour les gérer. Si le CGLPL trouve à y redire, il faudrait toutes les fermer ! ».
Je me mets à rire en disant  » C’est bien la première fois que je suis d’accord avec un maton ! Bien sûr qu’il faut fermer toutes les taules de France ! ». Alors la fille apeurée me rétorque  » Mais on irait où nous ? »  Je t’assure que ce n’était pas de l’ironie… Juste une preuve de plus de l’institutionnalisation !
Quelques jours plus tard arrivent 2 filles de Strasbourg dans le cadre d’un transfert de désencombrement. Elles me donnent des nouvelles des autres et de l’ambiance à la MAF : encore 4 nouvelles arrivées. Puis elles m’apprennent qu’il y a eu un viol entre mecs. Grâce au papier que tu m’as envoyé, je comprends maintenant comment elles ont eu cette info largement périmée.
Je leur passerai l’info correcte quand je sortirai du mitard. Car bien sûr, rien de plus original à Epinal que dans les autres taules : après 3 semaines en bâtiment, me voici pour 20 jours au QD. Ils avaient préparé le truc : ca faisait 10 jours qu’ils étaient en surnombre à chacun de mes mouvements. L’effet sur mes voisines était assez efficace : la plupart se transformaient en auxi maton. Putain que c’est énervant !
Là j’ai appris que la matonnerie avait fait passer le mot que je « m’étais calmée ». Effectivement, depuis le prétoire de mercredi, ils font gaffe à ne plus sortir des clous, je n’ai donc plus à revendiquer. Je crois que, même s’il refuse de le reconnaitre, le dirlo a compris qu’ils avaient merdé et essaye de récupérer.
Ainsi, en plus de l’appel hebdo à mes parents, le téléphone inter prison avec J. a été maintenu vendredi.
Bon, voilà les news de mon coté. (…)

Jeudi 4 juin 2015

Salut !
Normalement, à cette heure-ci, on devrait être en train de papoter face à face au parloir. Mais bon, voilà, tu le sais, ils m’ont collé en prévention lundi et je suis passée au prétoire hier. Fait chier !
La procédure était totalement foireuse, ça aurait pu faire annuler le prétoire. Mais le commis d’office ne valait pas grand-chose et le directeur préfère passer pour un con aux yeux de la DI dans 2 mois plutôt que de désavouer ces matonnes menteuses. Donc, j’en ai pris pour 20 jours (pourquoi pas 30??). J’espère que je pourrai te téléphoner dès le dimanche 21 à 7h30 (prépare-toi au réveil!;)) car ton numéro devrait enfin être enregistré.
G. t’a peut-être raconté les provocations avec le surnombre d’agents à chaque mouvement depuis le 23. J’ai essayé d’en parler avec l’officier QF mais il n’a rien voulu entendre. Une matonne plus hargneuse que les autres s’est ainsi senti la bride sur le cou et est venue me bousculer alors que j’étais assise sur le lit. Ses collègues sont arrivés dans la minute : le piège était bien en place !
Je savais que j’avais 3 CRI en stock, mais comme le prétoire n’était pas encore programmé lundi, ça ne mettait pas en danger nos 3 parloirs. Hier, le directeur m’a dit qu’il aurait lieu durant ces 20 jours, comme s’il voulait pouvoir faire une confusion de peines. Il a été bizarre hier, presque à l’écoute malgré l’irrégularité de cette commission de discipline. J’ai l’impression qu’il a passé le message pour que les matons lèvent le pied sur la provocation. J’ai moins peur maintenant d’aller au QI dès le 20 à 10h.
[…] [A propos du procès prévu le 29 juin 2015 à Evry] On a bien bossé le dossier avec l’avocat qui semble plutôt confiant. […] Je lui ai encore téléphoné ce matin, notamment pour qu’il s’occupe de faire annuler cette sanction de 20j. Ça sera facile mais ça tombera quand je les aurais finis depuis longtemps. J’ai confiance en lui et ça aide, on commence à bien se connaître maintenant. On a un nouveau RDV téléphone mercredi prochain.
G. m’a apporté des cahiers de jeux. A la biblio, j’ai trouvé un bouquin technique intéressant sur la communication canine. La bibliothécaire m’a aussi fait passer une saga préhistorique style « Ayla et le clan de l’ours ». Bref, j’ai de quoi occuper les 16j restants, même si, aussi ici, il n’y a qu’une promenade par jour (et dans une petite cour bétonnée). La cellule est vaste et le soleil y rentre un peu. J’ai mis le matelas au sol contre le mur pour me protéger de la panoptique la nuit et ils ne me font pas chier avec ça. J’ai du tabac et des allumettes (même s’il a fallu un peu batailler). Je devrais avoir la visite des aumôniers que j’avais pris la précaution de contacter avant. Ça le fera car ça fait longtemps que le mitard ne me fait plus peur. En plus, comme ce n’est « que » 20j, ça ne met pas en danger les 2 parloirs avec les parents les 25 et 26 juin. Le courrier m’arrive avec un peu de retard à cause du contrôle, mais je l’ai au complet. J’ai fait un courrier interne à 2 filles, on verra ce que ça donne (même si depuis le 23, l’AP cherchait à me stigmatiser comme folle et violente à leurs yeux).
[…]

27 mai
(…)
C’est chouette que le blog serve aussi à entrer en contact avec d’autres familles dans les mêmes galères avec l’AP. Je suis touchée par ce salut inconnu et j’espère que l’union de la lutte va payer. A Vivonne, je n’avais aucun contact avec le quartier hommes.
L’ambiance, ici, est très différente.
On est 17 nanas, plus une mineure, isolée de fait. C’est un petit quartier, très tranquille. Moi, je suis seule en cellule, mais la plupart sont 2, voire 4.
Et quasi toutes attendent leurs médocs chaque jour, que ce soit la métha ou d’autres psychotropes. Et toutes, absolument toutes, ont des discours hyper chiants, pleins de compromissions avec l’AP à base de « on n’est pas en prison pour rien » et « les surveillantes sont gentilles ».
Ca ne m’étonne pas que des gosses qui sont passées direct du foyer à la prison confondent matons et éducs et causent avec les bleues comme s’il y avait du respect mutuel. Mais je suis plus choquée quand j’entends le discours de femmes plus agées et plus cultivées.
Ainsi une nana de 30 ans, responsable d’un accident de la route qui a fait 2 morts et un blessé grave alors qu’elle n’avait que 0,5g d’alcool me sort   » c’est normal que je sois ici, je dois ca à la famille de mes victimes, ca les aidera à faire leur deuil ».
Bien sûr, outrée j’ai répondu « quoi ? ca ne te suffit pas qu’ils pleurent leurs morts, tu veux en plus les accuser de perversité, les rendre responsable de l’enfermement d’un être humain ! non mais sérieux, quels avantages ont-ils à ce que leurs impôts servent à payer des gens qui te font foutre à poil après chaque parloir ? Ca ne leur rendra pas leurs proches ! Et que tu les prennes pour des salauds avides de vengeance, que tu les confondes avec le proc ne leur apportera rien non plus… » Mais elle m’a achevée en disant  » même si ce n’est pas important pour eux, c’est important pour moi. Si je n’avais pas été punie j’aurais pu me dire que ce n’était pas grave. Mais maintenant je sais que je ne conduirai plus jamais après avoir bu. Et puis ca me permet de payer ».
J’ai été incapable de répondre à ca…
Enfin bon, en résumé le contact avec mes potes basques de Vivonne me manque. Il n’y a aucune possibilité de remise en question de l’AP ici, aucun espoir d’action collective. Le pire c’est quand je revendique seule, sur des trucs anodins, les filles comme les matonnes prennent peur. Le WE dernier, ils ont fait venir un bricard du QH à chacune de mes ouvertures de cellule : la paranoia n’aura pas mis longtemps à se réinstaller !
Je connais par coeur ce scénario et je sais que le QD non plus ne va pas tarder, dans ces conditions… (…)