Archives mensuelles : janvier 2015

Lettres de Fleury ( juillet / aout 2014)

Une lettre en date du 4 juin 2015 revient sur les violences subies par Christine à Fleury Mérogis, suite auxquelles elle passe en procès le 29 juin 2015 au tribunal d’Évry. La voilà ici :

Je suis arrivée début juillet (je ne me souviens d’aucune date par cœur et je n’ai pas mon cahier avec moi) à Fleury, en transfert-transit entre Rennes et Vivonnes (2 CD [Centre de Détention]).

Comme d’habitude, à l’arrivée, je refuse de donner mes empreintes au greffe. Je leur explique calmement « Soit vous rester calmes et on règle ça dans une semaine avec un prétoire où je ne risque pas plus de 7 jours ; soit vous me les prenez de force, on risque de se faire mal, ça va compliquer tout le reste de la détention ici et, de toutes façons, vous n’aurez rien d’utilisable ». Ils choisissent la force, ce qui donne une photo assez comique et pas d’empreintes palmaires. Je résiste mais ne me débat pas. Arrivée à la MAF [Maison d’Arrêt Femmes], en camion vu la taille de la taule, un chef vient me dire que je vais direct au mitard. Je lui dit qu’il va avoir du mal à le justifier mais que j’accepte. Je suis encore menottée, il y a des agents avec l’équipement pare-coups (casques, plastrons, etc.). Je redis que je vais y aller seule mais ils veulent me tenir. Du coup, je me débats et ils m’y portent de force. Là, je refuse la fouille et je rue comme je peux pendant qu’ils me pelotent.

Le prétoire 2 jours plus tard est annulé car, comme je l’avais prévu, il n’y a pas de justificatif de mise en prévention. Je vais au QA 3 jours puis ils le refont correctement. Je prend 7 jours de QD [Quartier Disciplinaire (« mitard »)]. Durant la GAV [Garde à vue], presque 3 mois plus tard, ils me diront que 2 surveillantes ont été blessées (2 et 3 jours d’ITT) lors de la fouille. C’est la première affaire de violences.

Quand je passe au prétoire, donc, une semaine après mon arrivée, ils veulent me fouiller « parce que c’est comme ça pour tout le monde, tout le temps ». Je leur explique la loi de 2009 qui exige des justifications individuelles et finis par accepter contre la note de service que je pourrais attaquer au TA [Tribunal Administratif]. La matonne chargée de la fouille à nu fait du zèle, retire les lacets des tennis (alors que je ne suis pas suicidaire), exige d’examiner la culotte que j’ai aux chevilles. Je jette le slip à terre et, pendant qu’elle le ramasse, met mon index valide (un a été salement amoché – 6 points de suture – dans les violences précédentes) dans mon vagin avant de lui tendre sous le nez en disant « T’es sûre que ça ne sent pas le shit là ? ». Elle hurle « Me touches pas, salope ! », fuit et crie encore derrière la porte « Je vais te casser la gueule ! ». Pour ça, je prendrais 30 jours de QD et c’est la 2ème affaire (violences sans ITT) qui sera jugée le 29 juin.

Pendant ces 30 jours, les conflits se sont multipliés : 23 CRI au total. La chef de détention n’en garde que 5 et j’ai un nouveau prétoire, 2 jours après être sortie. A nouveau « Vous allez au QD donc fouille à nu ». Je refuse car je n’ai jamais eu la note promise. Elles sont 3 matonnes à négocier presque 1h. A la fin, ils me menottent puis reviennent en masse : 4 femmes en tenue, 4 autres avec les gants plastiques, au moins 4 mecs dans le couloir. Ils me déshabillent entièrement, arrachent le slip, cassant la braguette du pantalon. Écartelée, face à terre, j’ai peur. Quand ils me lâchent, je me précipite vers la porte et y passe le bras pour empêcher la fermeture et parler au chef de la MAF.

En GAV, ils me diront que j’ai touché une surveillante au visage (5 jours d’ITT) – 3ème affaire. Moi, je dépose plainte pour violences sexuelles en réunion. Bien sur, elle est enterrée. Pour ça, je prendrais 20 jours.

Un médecin, particulièrement lâche, refuse de m’examiner face à face, sans la présence des bleus. Ça fait une semaine que je n’ai pas eu de visite bien que la loi en prévoit 2 par semaine. Je m’avance dans le couloir pour lui parler. Un briscard (DUREIL) me repousse, je me débats, il m’agrippe par le cou, moi aussi et sa chaînette en or casse. Ils arrivent à me rentrer en s’y mettant à plusieurs. Après, petit à petit, le médecin n’aura plus peur de moi et me recevra correctement à l’UCSA [Unité de consultation et de soins ambulatoires]. L’autre médecin, Mme Lecu, elle, est toujours correcte (c’est elle qui m’a recousu le doigt).

Pour ça, je prends 30 jours de QD, mais 22 avec sursis (nouvelle directrice). Il n’a aucun ITT ce kakou mais c’est la 4ème affaire. Il a provoqué de plus en plus jusqu’à la fin et a été souvent violent.

Je pars de Fleury pile 3 mois après y être arrivée, du mitard où j’ai passé 87 jours sur les 92 passés là-bas. Arrivée à Vivonne, ils prennent aussi les empreintes digitales et la photo de force.

Procès à Evry le 29 juin à 13h30.

NB : les mitards à Fleury sont les pires : chiottes turcs, pas de fenêtres, réveils toutes les heures la nuit, cour minuscule, douches sales, utilisés pour les nanas en crise psy…


Les lettres suivantes sont celles écrites durant la periode passée à Fleury-Mérogis

(juillet, août et septembre 2014)

Fleury-Mérogis, dimanche 6 juillet
Salut !
[…] Tu arrives à me lire ? L’index est encore emmailloté et raide mais je coince le stylo avec le majeur et ça marche plutôt bien. On doit retirer les fils demain (6 points quand même). Je devais faire une radio de contrôle pour savoir s’il n’était pas fêlé (je ne crois pas) mais ça a été reporté : sûrement en même temps demain, quand la toubib (honnête) leur aura mis un coup de pression…
[…]
[Je connais déjà le mitard de Fleury.] En fait, c’est la première cellule que j’ai vue (à part celle d’attente au greffe). J’ai bien sûr refusé les empreintes digitales, biométriques et photo à l’arrivée. Ils ont joué les gros bras, faisant une photo assez rigolote de ma tronche grimaçante, avec épaule en arrière, 2 mains gantées sur le cou, 1 main tirant les cheveux en arrière… Une vraie pub pour Guantanamo ! J’avais accepté d’aller seule au mitard pour calmer le jeu après avoir ruiné leur espoir d’avoir des empreintes à l’encre utilisables. Mais là encore, ils n’ont pas voulu avoir mis les équipements anti-émeutes (casques, cuirasses pare-coups…) pour rien et se sont ridiculisés à m’y porter. Toute l’AM, ils se sont vengés en m’y laissant sans rien (ni lunettes, ni tabac, ni bouquins, ni même repas). Ça s’est calmé avec la gamelle le soir et la visite « arrivante » chez le toubib qui m’a reçue seule (pas comme à Sequedin).
Le lendemain, j’ai demandé plusieurs fois le transistor auquel on a le droit au QD [Quartier Disciplinaire] mais ils faisaient comme à Réau : « on en a pas, ils sont tous cassés et d’ailleurs il n’y a pas de réseau ». Donc le dimanche, j’ai bloqué la promenade à 11h et ils m’ont rentrée de force (mais sans boucliers et menottes). Le lundi, rebelotte, d’où le doigt dans la porte. Ils m’ont laissée sans soins durant 2h, juste pour savourer leur vengeance alors qu’ils voyaient que ça saignait.
A 14h, je devais passer au prétoire, mais avant ils m’ont quand même laissée aller à l’infirmerie où la médecin m’a recousue avec une anesthésie locale, du beau travail. Puis, bien que (et peut-être parce que) je n’avais pas d’avocat malgré ma demande, ils ont décidé un report de la commission de discipline et donc une levée de prévention.
Je me suis donc retrouvée au quartier arrivant. La cour était aussi minable que celle du mitard mais on pouvait y être 4h par jour et en groupe. Ils nous réveillaient aussi toutes les heures la nuit, mais la cellule avait une grande fenêtre d’où on voyait des oiseaux (pas de fenêtre du tout au mitard). J’y suis restée jusqu’à jeudi 13h30, avec un bon contact avec mes voisines, tout juste arrivées de GAV et complètement paumées, ayant besoin de beaucoup d’infos et d’aide pour les courriers.
Donc jeudi, nouveau prétoire. Il y avait un commis d’office à qui j’ai un peu appris son boulot et qui a été choqué de la violence utilisée. Est-ce à cause de ça ? Je n’ai pris « que » 7 jours. Comme j’en avais déjà fait 4 et qu’ici on sort le matin (et pas le soir comme à Rennes), dès samedi 9h j’étais dans la cellule du quartier des condamnées, dans l’aile 6E.
Durant ces 2 jours, j’ai continué à me battre pour avoir le transistor (que j’ai finalement obtenu vendredi à 18h) et refuser les fouilles systématiques. Ça m’a valu 3 CRI qui seront audiencés mardi à 14h. J’ai demandé à mon avocat d’être là, je ne sais pas encore s’il sera disponible. Je risque 30 jours car ils m’accusent de violences (ça faisait longtemps !). Les bricards hommes sont particulièrement remontés contre moi car je mets leur légitimité de mâles (faire peur aux taulardes) en cause. Là encore, je n’ai eu mes livres et mes médicaments (j’avais mis le tabac dans les poches en prévention) que 18h après le prétoire…
Depuis que je suis dans l’aile 6E (l’étage du 6ème couloir), une des ailes des condamnées, la pression ne baisse pas vraiment. Je suis, bien sûr, seule en cellule (bien plus grande qu’à Rennes soit dit en passant), privilège des « emmerdeuses » que j’ai toujours eu. Pour me mettre en promenade ou me servir la gamelle, ils sont constamment en surnombre (au moins trois selon la directive, mais jusqu’à 8 quand c’est un bricard homme qui gueule). En fait, la différence avec Sequedin c’est qu’ici il n’y a pas de QI…
Je ne sais pas combien de temps je vais rester à Fleury. Certes, c’est lourd pour eux et ils stressent (surtout les plus cons). Mais il y a un procès à la cour d’appel de Paris le 26/09 et ils voudront peut-être économiser un transfert depuis Poitiers. Dans ce cas, pour parer à l’absence de QI, ils peuvent motiver du QD à gogo. Ca me fait un peu chier. D’abord parce que je ne vais pas pouvoir le cacher éternellement à ma mère. Ensuite parce que j’ai retrouvé ici une fille avec qui je m’entendais bien à Réau et que j’aime mieux les promenades avec elle que toute seule. Enfin car il y a un stage de théâtre du 17/07 au 6/08 et que ça occuperait mieux que la branlette… […]


Fleury-Mérogis, vendredi 18 juillet

Salut !
[Mardi 8] à 14h, j’avais un nouveau prétoire. Il n’y avait que 2 CRI : un refus de retour de promenade du QD pour négocier le transistor (que j’ai eu le dernier soir) et une « violence sur agents ». En fait, le jeudi 3, lors du 2ème prétoire pour le refus de fichage, ils m’ont ordonné une fouille à nue. J’ai essayé de négocier, expliquant au chef de détention que les fouilles devaient être justifiées. Il m’a sorti une note de service disant qu’elles étaient systématiques à l’entrée du QD. J’ai alors accepté en échange d’une photocopie de cette note pour que je puisse l’attaquer au TA, comme celle de Rennes […]. Il n’y avait qu’une matonne avec moi dans la salle . Elle faisait du zèle : elle a retiré les lacets des tennis, voulait examiner le slip (comme s’il y avait une poche !) que j’avais de moi-même baissé jusqu’au chevilles pour qu’elle ait le temps de voir ma chatte et mon cul. Je lui ai alors jeté le slip et, pendant qu’elle se baissait pour le ramasser, j’ai mis mon index valide dans mon vagin. Quand elle me l’a rendu, je lui ai dit : « T’es sûre que ça suffit ? Tiens, renifle donc pour voir si j’avais planqué du shit » en lui tendant le doigt sous le nez. Elle est devenue hystérique, elle est sortie en hurlant « Me touche pas, salope ! », puis, elle a encore crié. « Je vais t ’éclater la gueule ! ». Bon, tu connais l’AP, bien que je ne l’ai pas touchée, que ça soit elle qui m’ai insultée et menacée, j’ai pris 30 jours (+ 5 confusionnées pour le refus de réintégrer).
Donc, à nouveau « Vous allez au mitard donc on va faire une fouille intégrale ». C’était d’autant plus idiot qu’ils m’avaient passé à la poêle (détecteur de métaux) et qu’ils savaient par expérience que je n’avais ni shit ni médocs. Donc j’ai refusé très calmement tant que je n’aurai pas la justification individuelle. Les matonnes, qui avaient apprécié le calme dans lequel s’était déroulé la commission de discipline, ont essayé de négocier (« on va faire vite, on vous touche pas, on obéit juste aux ordres, on ne cherche pas la merde ») durant une heure en entier.
Puis, l’heure de la gamelle arrivant, elles sont allées en référer au chef qui a envoyé 4 d’entre elles avec les casques et autant avec les gants en plastiques et autant de mecs dans le couloir.
Ils m’ont entièrement foutue à poil, arrachant et déchirant le slip, cassant le fermeture du pantalon. Écartelée, à plat ventre, j’ai eu peur qu’ils me rentrent les doigts dedans, mais leur « tournante » s’est arrêtée là. Par contre mon doigt dont on venait de retirer les points s’est réouvert et le médecin n’a pu que mettre des strips durant 10 jours (on les a enlevés ce matin, c’est propre). J’ai pu voir le toubib 1 heure après, à 19h, mais je n’ai eu me s livres et de quoi écrire que le lendemain (ça s’appelle « faire tricarde une emmerdeuse »).
Bon, depuis la situation s’est nettement calmée. J’ai mes deux promenades par jour, le transistor, le courrier timbré dans des délais corrects. En fait, l’ambiance dépend beaucoup de l’équipe de la demi-journée : les 2 bricardes femmes sont moins chercheuses de merde que les hommes qui ont envie de se bagarrer (mais toujours en surnombre, ces lâches). J’ai eu hier un retour forcé en cellule car le toubib remplaçant, comme à Sequedin, à eu peur, à cause même de ce surnombre, de tirer la porte derrière lui pour faire un semblant de confidentialité médicale. J’ai pas mal de problèmes pour correspondre avec K. car, si le courrier timbré passe bien, l’intérieur est très ralenti pour vérifier si je « n’incite pas à l’émeute ». Mais surtout, il fait très chaud au mitard, où il n’y a même pas de fenêtre (un hublot face au plafond dans le sas). Selon les équipes, ils me laissent cuire dedans ou ouvrent la porte (pas la grille hein !) voire même celle de la cour de promenade en même temps pour essayer de faire un courant d’air (qui tient d’ailleurs plus de la méthode Coué). Ce qui est très lourd, c’est le réveil toutes les heures de 19h à 7h, totalement inutile en termes de sécurité. Là, ça ne sert à rien de mettre le drap sur la grille pour boucher la vue depuis le judas car il suffit que le bricard laisse la porte ouverte à 20h pour ne plus se déplacer de la nuit (la nuit seul le chef a les clés, pas les matonnes).
Bon, ceci dit, je ne vais pas mal. J’ai plein de courrier. […] J’ai demandé la visite de l’aumônier pour passer le temps (pour l’instant, pas de réponse). J’ai eu donc une lettre de ma prof d’Auxillia qui me propose de bosser sur la Commune de Paris. J’ai encore quelques bouquins envoyés par des potes. Le dirlo, après un coup de fil de (ou à ?) Bidet (le dirlo lâche de Rennes), m’a même « offert » 1/2heure d’entretien hier « pour comprendre ». Il m’a même dit qu’il allait demander à un psychologue (pas psychiatre, hein !) de venir causer 2 fois par semaine. Si ça lui permet d’avoir bonne conscience à ce salopard d’enfermeur, tant mieux pour lui. Moi ça me fait toujours une petite occupation hors de la cellule. Ça serait chouette s’il savait jouer aux échecs le psy…
Lundi, je vois [mon avocat] au parloir, là aussi, ça fera une « sortie ». Mais surtout on va essayer de voir comment accélérer la vraie. Il faut préparer le procès du 26 septembre, quoique la fin officielle des peines planchers devrait aider. Il faut aussi monter le dossier pour la condi. [Mon autre avocat] s’occupe des confusions, même si la 1ère demande a foiré.
[…] Je ne sais pas ce qu’ils ont en tête à propos de mon transfert sur Poitiers. Le 6 août je sors du QD, et, comme il n’y a pas de QI ici et qu’ils ont peur que je motive les filles à refuser les palpations systématiques (à chaque sortie de cellule, même s’il y a un portique à l’entrée de promenade !), je pense que tout dépendra de si d’ici là ils ont appris à respecter la loi ou non… Si ça traîne, malgré le recours au TA, je pense que le 6 au matin je prendrai le camion (même si du coup, ça fera une extraction Poitiers-Paname le 26 septembre pour l’appel). Bon, dans tous les cas, je ne ferai pas le stage théâtre ou sculpture…On verra… En attendant, je joue à « cassoulet » toute seule 😉 …
Sinon, comment ça va ? Ben pas trop mal. Je suis toujours debout, mon doigt se retape, je mange toute ma gamelle. J’entretiens ma colère et m’amuse en relevant la moindre entorse de leur part au règlement ou à la loi. Mais je fais super attention à ce que mes actions ne risquent pas d’entraîner une nouvelle poursuite au pénal.
D’habitude, quand j’ai une voisine au mitard c’est plus cool et on fait des batailles navales ou des parties de dames, chacune sur son lit (E3 ! C5 !). Mais là, j’ai récupéré pour 15 jours une toxico que c’est pas du gâteau… Comme elle me demandait pourquoi j’étais en prison, j’ai répondu, « Comme toi : un juge m’a condamnée, des gendarmes m’y ont amenée et les matons ont fermé la porte ». Cette idiote n’a pas compris le message et a insisté : « Mais pourquoi il t’a condamnée le juge ? ». Comme la réponse « il te l’a dit à toi pourquoi ? Parce qu’il était de mauvaise humeur car cocu ? Parce qu’il avait faim et qu’il voulait pas t’écouter après midi et ½ ? Parce qu’il voulait se venger de ton avocat qui l’avait humilié lors d’un autre procès ? ») ne lui a pas plu, elle a décrété que j’étais « une pédo ». C’est l’insulte majeure des procureurs de coursives dans les taules pour femmes (il paraît que chez les mecs c’est « pédé » ou « pointeur »). Du coup quand elle ne dort pas, cachetonnée, elle m’insulte. Heureusement, j’ai la radio pour couvrir ses conneries… GRR !

Christine

Courrier paru dans l’Envolee

Maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis, le 18 juillet 2014

Salut ! […] Le jeudi 3, lors d’un prétoire pour le refus de fichage, ils m’ont ordonné une fouille à nu. J’ai essayé de négocier, expliquant au chef de déten- tion que depuis 2009 les fouilles devaient être justi- fiées. Il m’a sorti une note de service disant qu’elles étaient systématiques à l’entrée du QD. J’ai alors ac- cepté en échange d’une photocopie de cette note pour que je puisse l’attaquer au tribunal adminis- tratif, comme celle de Rennes […]. Il n’y avait qu’une matonne avec moi dans la salle. Elle faisait du zèle : elle a retiré les lacets des tennis, voulait examiner le slip (comme s’il y avait une poche !) que j’avais de moi-même baissé jusqu’au chevilles pour qu’elle ait le temps de voir ma chatte et mon cul. Je lui ai alors jeté le slip et, pendant qu’elle se baissait pour le ramasser, j’ai mis mon index dans mon vagin. Quand elle me l’a rendu, je lui ai dit : « T’es sûre que ça suffit ? Tiens, renifle donc pour voir si j’avais planqué du shit », en lui tendant le doigt sous le nez. Elle est devenue hystérique, elle est sortie en hurlant : « Me touche pas, salope ! », puis elle a en- core crié : « Je vais t’éclater la gueule ! » Bon, tu connais l’AP, bien que je ne l’aie pas touchée, que ça soit elle qui m’ait insultée et menacée, j’ai pris trente jours. Donc, à nouveau : « Vous allez au mi- tard, donc on va faire une fouille intégrale. » C’était d’autant plus idiot qu’ils m’avaient passée à la poêle (détecteur de métaux) et qu’ils savaient par expé- rience que je n’avais ni shit ni médocs. Donc j’ai re- fusé très calmement, tant que je n’aurais pas lajustification individuelle. Les ma- tonnes, qui avaient apprécié le calme dans lequel s’était déroulée la commission de discipline, ont essayé de négocier : « On va faire vite, on vous touche pas, on obéit juste aux ordres, on ne cherche pas la merde », durant une heure en entier. Puis, l’heure de la gamelle arrivant, elles sont allées en ré- férer au chef qui a envoyé quatre d’entre elles avec les casques et autant avec les gants en plastique, et autant de mecs dans le couloir. Ils m’ont entière- ment foutue à poil, arrachant et déchirant le slip, cassant la fermeture du pantalon. Écartelée, à plat ventre, j’ai eu peur qu’ils me rentrent les doigts de- dans, mais leur « tournante » s’est arrêtée là. […] Bon, depuis, la situation s’est nettement calmée. En fait, l’ambiance dépend beaucoup de l’équipe de la demi-journée : les deux bricardes femmes sont moins chercheuses de merde que les hommes qui ont envie de se bagarrer (mais toujours en surnom- bre, ces lâches). […] Sinon, comment ça va ? Ben pas trop mal. J’entretiens ma colère et m’amuse en relevant la moindre entorse de leur part au règle- ment ou à la loi. Mais je fais super attention à ce que mes actions ne risquent pas d’entraîner une nouvelle poursuite au pénal.

CHRISTINE

« Mercredi 23 juillet, Maison d’arrêt pour femmes (MAF) de Fleury Merogis,

Salut !

J’ai à nouveau changé d’adresse. La tradition du baluchonnage a repris, ils ne sont pas originaux. Et Fleury n’est qu’un transit, puisque je suis officiellement affectée au CD de Poitiers Vivonne. Le QF (quartier femmes) y est minuscule (18 nanas) et c’est tellement branché sécuritaire que les matons l’appellent « centrale ». Alors tu vois, je m’en fous bien d’être au QD (quartier disciplinaire) ici ou là-bas…

Car bien sûr je suis au mitard. C’est même la première cellule que j’ai découvert à Fleury. Ça a commencé au greffe où, comme à chaque fois, j’ai refusé de donner empreintes, photo et biométrie. Ils me sont tombés dessus à 10 contre un, puis j’ai revu les casqués, que j’avais presque oubliés à Rennes. Et oui, le transfert disciplinaire de Rennes n’était motivé que par la volonté de confort de l’AP, mais durant cinq mois il n’y a pas eu de violence avec les matons. J’ai donc fait une semaine de mitard à mon arrivée, avec une petite pause de deux jours au QA (quartier arrivants) car le premier prétoire (1) était vraiment trop mal ficelé pour pouvoir avoir lieu.

Donc le samedi 6 je me suis retrouvée affectée dans une cellule, seule (c’est l’avantage d’être une emmerdeuse !) mais avec la promenade collective dans l’aile condamnées. Je n’en ai pas profité longtemps (j’avais pourtant retrouvé une fille avec qui je m’entendais bien à Réau et c’était plutôt cool) car, comme à Séquedin, il y a des palpations systématiques à chaque sortie de cellule, alors même qu’il y a un portique détecteur de métaux à l’entrée en promenade, c’est donc totalement illégal et je m’y suis opposée. En plus, au QD, il n’y avait pas le transistor auquel on a droit depuis 2009, et j’ai du faire plusieurs blocages de promenade pour l’obtenir le dernier soir. Bref, la même situation qu’à Séquedin où ils jouaient à avoir peur de moi sur la simple foi du dossier. Là aussi ils étaient en surnombre (parfois jusqu’à 6) à chacun de mes mouvements, ce qui les limite, les ralentit et les met sous pression. Comme ici, à la différence de Séquedin ou Joux, il n’y a pas de QI (quartier d’isolement) ils m’ont collée au mitard pour 30 jours depuis le 8 juillet (j’ai fait un recours avec David, l’avocat parisien, car il n’y a pas eu contact avec la matonne qui hurle à la « violence »). Depuis, l’ambiance dépend beaucoup du bricard de service. Ils sont toujours en surnombre (3 pour que je franchisse le 1m50 entre la porte du mitard et celle de la promenade, bien plus pour que j’aille à l’UCSA(2) ou au téléphone), mais ils ont arrêté les tripottages continuels. Ce que je ne sais pas, c’est si ils continuent en détention. (…)

J’ai appris un peu par hasard que je suis conditionnable(3) depuis le 6 juillet. J’ai donc lancé les démarches. L’avocat m’a bien expliqué qu’il ne fallait pas que je rêve trop, d’abord parce qu’il y a deux peines (6 mois + 4 mois) qui n’ont toujours pas été mises à exécution. Et puis surtout que la JAP tient beaucoup compte du « bon comportement » et que mes transferts à répétition ne plaident pas en ma faveur. (…)

Bonne niak à tous et toutes !

Christine »

notes :

  1. Prétoire = commission de discipline interne
  2. UCSA = service médical
  3. être conditionnable = avoir le droit de demander une libération conditionnelle

Fleury-Mérogis, vendredi 21 août
Le 13 août j’ai rencontré le big boss de Fleury (« J’ai 4000 personnes à gérer, mais vous êtes un cas »), comme ça avait été le cas à Séquedin. D’ailleurs, la gestion est exactement la même, le QI en moins. Comme il passait son temps à mentir, disant que j’avais cogné sur des matons à Rennes, je l’ai forcé à me promettre de me faire lire le rapport qui accompagnait mon transfert disciplinaire. Bien sûr, il n’a pas tenu parole et j’ai dû à nouveau faire pression sur le chef de détention. Mardi, j’ai pu le lire. J’y ai donc appris que « l’urgence » qui motivait le transfert c’était un mouvement de matons qui pleurnichaient à la menace de prise d’otages. Je n’ai rien fait, mais un tract syndical a du poids pour obtenir le transfert d’une emmerdeuse ! J’ai lu aussi dans ce rapport de l’AP de larges extraits d’une expertise psy faite pour le procès de Bapaume. J’avais récupéré les conclusions au greffe de Rennes : l’étanchéité justice – AP laisse à désirer… Bien sûr, je n’en ai pas une copie et ne pourrai rien faire de ces infos avant d’être libérée et que la CNIL leur ait ordonné de me laisser lire mon CEL [Cahier Électronique de Liaison]. Bref dans au moins 3 ans. J’espère qu’à ce moment-là j’aurai mieux à faire qu’à faire chier ces cons : faire naître un agneau, préparer l’apéro pour les potes, accompagner K. au collège en vélo, cueillir un bouquet de fleurs pour Maman, retaper le camion, jouer avec mon chien… « 

Compte rendu du procès de Christine à la cour d’appel de Paris

Le 26 septembre 2014, Christine est passée en procès à la cour d’appel de Paris suite à une plainte de maton pour violence. Elle avait été condamnée à un mois ferme et 200 euros de dommage et intérêts par le Tribunal de Grande Instance de Melun le 5 mars 2014, mais le parquet, jugeant la peine trop clémente avait fait appel.

Comme lors de ses nombreux procès précédents, elle a tenté d’expliquer son geste en décrivant le contexte dans lequel il se place. Pour une fois, les juges lui ont laissé la possibilité de s’exprimer et ce fut donc pour Christine une occasion supplémentaire de poser des mots sur son quotidien, sur ses perspectives de plus en plus réduites par l’engrenage carcéral dans lequel elle est maintenue. Sans exprimer de regrets et sans s’excuser, elle explique point par point les actes que la justice lui reproche et met les juges face à la question carcérale. Comment imaginer une quelconque insertion ou réflexion lorsque tout un quotidien est conçu pour nous isoler et nous humilier ?

Lorsque ses projets de sortie sont abordés, elle maintien son envie de retrouver son troupeau, une vie à la campagne avec ses proches et n’oublie pas de mentionner que c’est la prison qui l’a désinsérée de ce projet puisque c’est l’AP (administration pénitentiaire) qui fut la première à lui passer les menottes.

Comme lors des précédents procès, elle précise que l’AP est une administration de droit qui contient des codes et des articles de lois. Le moins qu’on puisse attendre d’elle est qu’elle applique les règles qu’elle s’est elle même fixées et ce n’est pas le cas puisque le quotidien qu’elle vit depuis qu’elle est confrontée à l’AP est régit par l’arbitraire des matons et que cela ne peut qu’attiser sa révolte.

Lorsque ses anciennes condamnations sont abordées par la procureur avec la fameuse question « Que pensez vous de ces peines ? Selon vous, sont elles fondées ou toutes injustes ? » elle explique calmement qu’elle comprend que ce sont des conséquences logiques face aux lois auxquelles elles font références mais qu’en l’occurrence, elle rejette la légitimité de ces lois et donc conteste les condamnations prononcées contre elle.

Suite aux questions des différents magistrats, la proc requiert un ajournement du procès pour le mois de mars en précisant que cela pourrait avoir une influence sur le comportement de Christine et la pousser à sa seule possibilité d’amorcer un processus de sortie, une soumission à l’AP en réprimant elle-même ses envies de révoltes.

Ensuite, la plaidoirie de son avocat se basa sur son doute quant à la pertinence d’un ajournement puisqu’il retarde encore une fois la date de sortie et donc la démarche de conditionnelle que Christine est en train d’amorcer. Il exprime aussi son inquiétude face à l’accumulation des peines et aux tensions que cela crée dans le quotidien de Christine et à l’impossibilité, dans la dynamique actuelle, d’imaginer une sortie si un geste n’est pas fait de la part de la justice pour désamorcer l’engrenage dans lequel Christine se trouve. Il fait donc appel à la clémence des juges dans l’espoir qu’ils comprennent que c’est la seule solution pour que la situation s’apaise et que Christine puisse retrouver un espoir de sortie.
Suite à cela, le juge a demandé à Christine si elle accepterait une peine de TIG (travaux d’intérêts général), proposition que Christine a accepté.

Il est toutefois bon de noter que les réquisitions de la proc furent surprenantes puisqu’elles ne faisaient pas références aux anciennes réquisitions mais que dans la plupart des situations, un ajournement entraîne une carotte supplémentaire qui pousse la personne condamnée à se soumettre aux autorités auxquelles elle est confrontée.

Le 24 octobre 2014, la cour d’appel de Paris a rendu son délibéré et a condamné Christine à 140 heures de TIG à effectuer durant les 18 prochains mois.

Dans la société actuelle, il est souvent difficile d’imaginer une position cohérente puisque c’est un contexte de confrontation quasi permanent face à des institutions oppressantes. Dans une telle situation, il est difficile d’imaginer survivre sans effectuer une série de compromis, ainsi que de rendre nos désir de révoltes et de luttes concrètes au quotidien.

En prison, cette réalité est accentuée et la moindre confrontation est souvent synonyme de représailles des matons, de durcissement du quotidien ou de procès supplémentaire. Le cas de Christine n’est malheureusement pas un cas isolé et beaucoup de personnes se trouvent dans le même engrenage et voient, jours après jours, procès après procès, leur sortie s’éloigner. Face à l’esprit revanchard et corporatif des matons ainsi que le panel des outils juridiques qui maintient cette situation, il est difficile d’imaginer des manières de sortir d’un engrenage de la sorte. Ce qui est sûr, c’est que briser l’isolement causé par l’AP peut apporter de la force à celles et ceux qui se battent entre les murs et peut être un des éléments parmi d’autres permettant de diminuer le sentiment d’impunité que les matons ressentent dans leur quotidien.

Solidarité avec Christine et les détenu.e.s en lutte !
Et que crève l’AP !

Bref compte-rendu du procès du 5 mars au TGI de Melun

Christine était accusée d’avoir mordu le surveillant Ha-o-kwi. Quelques personnes étaient venues la soutenir. Le procureur et les parties civiles réclamaient la peine plancher de un an pour récidive, et un dédommagement de 500euros pour le doigt du surveillant, insistant sur la nécessité de punir sévèrement cette détenue récalcitrante qui selon eux menaçaient la détention. Son avocat, Benoît David, de l’association Ban Public, a tout d’abord plaidé la relaxe pour divers vices de procédures. Il a aussi insisté sur le fait que Christine ait été tabassée suite à la prise de bec avec Ha-O-kwi, qui curieusement n’a porté plainte que trois semaines plus tard… quand les images de vidéo-surveillance n’étaient plus visionnables !
Christine a terminé en parlant de la prison : « Je n’ai jamais avoué à ma grand mère que j’étais en prison, elle n’arrêtait pas de demander quand je viendrais la voir. Elle est morte avant que je sorte de prison. Voilà ce que c’est la prison. Je me demande en quoi cela protège votre société ? »
Christine et son avocat ont eu la « bonne » surprise de ne la voir condamnée « que » à un mois de prison supplémentaire et 200euros d’amende. Une peine qui reste lourde, même si on s’attendait à pire, connaissant les habitudes de la justice dans ce genre d’affaires.

 

Transfert à Fleury Mérogis

Après cinq mois d’incarcération à Rennes, Christine [1], a connu un nouveau transfert disciplinaire fin juin. Elle est pour l’instant à Fleury-Mérogis, semble-t-il en attendant qu’une place se libère au Centre de Détention (CD) de Poitiers-Vivonne. Christine doit passer devant la Cour d’Appel de Paris le 26 septembre suite à l’appel du parquet sur son procès de Melun début mars 2014.

Depuis février 2014, Christine était donc incarcérée au CD pour femmes de Rennes, arrivée en transfert disciplinaire depuis Réau en banlieue parisienne (voir ici les événements précédents). Après la tension de Réau (mitard, violences physiques et humiliations de la part des matons), le climat change à Rennes. Il faut dire que cette taule, souvent présentée comme un modèle, tient à conserver son image. Mais c’est bien d’image dont il est question. Le mode de gestion des détenues y est peut être différent mais plus bien plus insidieux.
Absence de Quartier d’Isolement et de régime « portes fermés », le changement sur le quotidien n’est pas des moindre. Sitôt arrivée, Christine s’inscrit aux nombreuses activités que propose l’Administration Pénitentiaire (AP), (cours de langues, journal interne, sport, jardin, …). Les Unités de Vie Familiale (UVF) sont facilement obtenues et les jours de mitard tombent moins rapidement et sont un peu moins nombreux (près 40 jours en 5 mois, contre plus de 200 jours en 15 mois dans les taules précédentes). Mais, contrairement à ce dont se vante la direction, il ne s’agit pas là d’altruisme ni d’une « humanisation » de la détention, mais seulement de dispositifs tendant à mieux faire accepter cette détention. Pour les détenues récalcitrantes, la suppression de ces nombreux « avantages » sert de moyen de chantage pour les faire rentrer dans le rang. Une manière de faire en sorte que même derrière des barreaux et des murs de béton, il puisse encore y avoir quelque chose à perdre.
Et cela n’a pas raté. Rapidement, Christine s’est vue restreindre puis interdire l’accès au cours de langue, au jardin et au journal interne (au cynique nom : « Citad’elles »). Constamment l’AP menace de refuser un parloir double, une UVF. Malgré cela, Christine ne se démonte pas.
Mais fin juin, l’AP de Rennes s’en débarrasse par un nouveau transfert disciplinaire. Bien qu’officiellement affectée au CD de Poitiers-Vivonne, elle est placée en transit à Fleury-Mérogis le temps qu’une place s’y libère.
Arrivée à Fleury, comme ailleurs, elle refuse de donner ses empreintes et de prendre la carte de circulation et refuse aussi les fouilles et palpations. Là, le mode de gestion des détenues est plus proche des établissements précédents que de Rennes. Elle rentre direct au mitard et n’en sort que quelques jours à chaque fois (car limité à 30 jours maxi consécutifs), le temps d’une autre commission de discipline, puis elle y retourne. Chaque déplacement se fait avec une escorte de matons casqués où Christine ne manque pas de se faire molester (plusieurs points de sutures à l’index dès son arrivée).
Le passage de transit à Fleury ne doit officiellement pas dépasser 3 mois mais devrait certainement aller jusqu’au 26 septembre (à 13h30 Pôle2, chambre9), date à laquelle Christine doit passer devant la Cour d’Appel de Paris suite à l’appel du parquet sur son procès de Melun début mars 2014

Lettres de Rennes (juin / juillet 2014)

« CD de Rennes,
jeudi 6 février 2014

Au Centre de Détention Femmes de Réau, les filles qui n’ont plus le droit au « régime de responsabilité »1 (donc que l’AP maintient en irresponsabilité avec la complicité de l’UCSA) ont quand même la possibilité de faire les deux premières heures de promenade de l’après-midi au chaud. Ils appellent ça « la salle de convivialité » et on peut y avoir accès à quelques jeux de société. Le 2 décembre, j’y étais juste avec Kaoutar (qui cartonne au scrabble!). Dans le couloir on a entendu du grabuge car une fille voulait y venir alors que la matonnerie le lui refusait (depuis, selon son souhait, elle a été transférée, elle devrait même être dehors à l’heure qu’il est). Le 3 décembre, on n’a pas eu accès à cette salle car elle sert aussi de vestiaire quand il y a des arrivantes. Et le 4 au matin, une affiche la déclarait fermée, sans explication et sur ordre de la direction.

J’ai demandé aux surveillantes puis aux gradés pourquoi, aucun n’a voulu me répondre, tant il était évident que c’était juste une crise d’autorité injustifiée. Je suis alors allée demander à l’officier, dans son bureau. Il a encore forcé la dose sur l’autoritarisme et le mépris, m’envoyant, grâce à un CRI mensonger, au mitard pour 18 jours. Au prétoire du 6, la directrice a dit qu’elle ré-ouvrirait la salle « dans une semaine ».
Mais quand je suis sortie du QD le 21 décembre, la salle était toujours fermée, sans plus de raison. On en a parlé en salle de muscu avec les filles du RDC et on a décidé de demander la ré-ouverture mais aussi une ouverture exceptionnelle le 1er janvier à midi « pour commencer l’année sous le signe de la bonne camaraderie », selon les termes de notre courrier signé par 11 d’entre nous (sur 13 au rez-de-chaussée!). Les chefs ont eu cette lettre collective le 24 au soir. Le vendredi 27, on n’avait toujours pas de réponse. J’ai insisté auprès des chefs qui m’ont refusé une audience mais ont pris 5 filles à part pour leur dire « Ne suivez pas Ribailly dans ses conneries. On peut très bien vous mettre un CRI car les pétitions sont interdites. C’est nous, et nous seuls, qui décidons si la salle sera ré-ouverte et quand ». Elles sont rentrées à fond dans la menace et m’ont dit qu’elles feraient rien qui risquerait de déplaire à la pénit’. Moi, j’ai chopé la directrice dans le couloir dès que j’ai pu, c’est à dire le lundi 30. Elle m’a dit, une fois qu’elle a compris que je lui collerai aux basques jusqu’à avoir une réponse, que la salle serait ré-ouverte le lundi 6 (c’est à dire à la fin des vacances scolaires, quand les activités reprendrons, logique,…) et qu’ils allaient décider en équipe pour l’ouverture de mercredi, qu’on en serait informées le lendemain en fin d’AM.

Donc le mardi 31, à 15h, juste à la sortie du gymnase, je suis appelée au bureau des chefs. Il y avait 2 bricards, Ho-a-Kwie et Borde, une nouvelle. Il m’a dit : « Je t’ai appelé pour te donner la réponse pour la salle demain ». J’étais convaincue que c’était refusé et j’ai dit : « pourquoi juste moi ? On est 11 à l’avoir signé cette lettre, il y a une semaine ! » Il a essayé d’expliquer que j’étais la seule à avoir mis une affiche (c’est vrai et ça m’a valu un CRI de plus, à mettre sur la pile), à avoir alpagué la dirlo, donc que j’étais la porte-parole. J’ai refusé ce terme et il m’a dit qu’il préviendrait chacune des filles individuellement.
Après, ils m’ont passé des documents administratifs, en partie périmés que j’ai bâclé, et je suis partie. Une dizaine de minutes plus tard, j’étais de retour, un peu calmée et j’ai demandé un imprimé pour répondre aux papiers que j’avais jetés. Et (et c’est juste à ce moment-là que j’ai eu tort car je savais qu’ Ha-o-kwie est un sale menteur), avant de partir, je me suis retournée vers lui :
– Tu préviens les filles une par une, hein ? Parce que depuis 10 min, tu n’as rien fait, alors que la moitié sont à la biblio où tu pourrais nous parler à toutes en même temps.
– Je fais ce que je veux !
– Non, foutu psychopathe, tu ne fais pas ce que tu veux ! Tu as pris un engagement, tu le tiens ! Si t’as un problème avec la « toute puissance », vas donc voir le psychiatre que vous m’avez balancé dans les pattes alors que je réclamais la radio au mitard !
– Tu t’en vas de ce bureau !
– Et pourquoi ? Pour te laisser le temps de rédiger un CRI pour l’affiche, alors que tu dois nous répondre ?
– J’ai dis que je te répondrais. Je le ferai si je veux, c’est ça la liberté d’expression !
– Sale menteur ! Vous passez votre temps à ça : mentir et menacer. Comme quand vous avez dit aux filles de se méfier de moi…
– On sait bien que c’est toi qui a écrit cette lettre. Et il n’y a que toi qui fait chier…
– Quoi ? J’ai pas écrit cette lettre ! Je l’ai rédigée, c’est tout ! On est 11 à l’avoir signée !
– Ouais, t’as même fait signer les filles qui savent pas écrire !
– Qu’est ce que tu dis là ? C’est vous qui menacez les filles, pas moi ! Y a des filles qui t’ont dit qu’elles avaient signé alors qu’elles ne voulaient pas manger ensemble, peut être ?
– On m’a dit que tu leur faisais peur…
Là, ça a été trop ! J’ai fait un pas en avant, bien vif, dans sa direction, mais sans le toucher. Borde et deux matonnes qui s’étaient approchées à cause du bruit de l’engueulade, m’ont saisie par le bras, lui a bondi de son siège, effrayé. Je n’ai pas bougé, j’ai juste ricané : « C’est toi qu’a peur, minable menteur ! ». Alors qu’elles étaient trois à me tenir sans que je me débatte, il a pointé son index sur moi pour me menacer : « c’est une agression sur personne ! Tu vas manger ! ». Je l’ai laissé délirer trente secondes puis, lassée, j’ai fait mine de le lui happer le doigt. Je sais que je n’ai pas serré les dents, mais il est aussi douillet que lâche et l’alarme a été lancée. Ils m’ont foutue au sol et menottée dans le dos pendant que ce [biiiiip] m’envoyait des coups de poing au visage.

Au mitard, ils m’ont arraché mon survêt’ (avec lacet) et m’ont laissée à poil et menottée pendant près d’une heure. Je n’ai eu l’ensemble de mes affaires que 36h plus tard. Je n’ai vu le toubib que 72h après, c’est à dire après le prétoire qui a eu lieu le 2 janvier.

Le prétoire a été dégueulasse. Il y avait un vice de procédure énorme (je n’ai pas eu le dossier 24h avant ) mais mon commis d’office était minable. Il n’y avait pas non plus les images de la caméra qui donne sur le bureau des chefs et qui devaient montrer les coups de poing au visage (confirmés par le certificat médical, 3 jours après). Il n’y a même pas le Compte Rendu Professionnel (CRP) d’une matonne qui dit que j’ai crié au chinois « c’est toi qui a peur ! » et qu’elles me tenaient quand je l’ai « mordu », mais la dirlo n’en a pas tenu compte. Il n’y avait aucun certificat médical constatant cette « grave blessure » que je lui avais infligé. Bref, sans originalité, j’ai pris 30 jours avec une promesse de dépôt de plainte et de transfert disciplinaire à la clef. Le lendemain, le mitard étant très proche de la cour du RDC, les filles m’ont saluée et m’ont dit qu’on leur avait proposé à 11h d’aller à la salle de convivialité. À sept, elles ont partagé le sac que j’avais préparé pour ça (soda, gâteaux, bonbons, saucisson). Elles n’y sont pas restées à midi parce que c’est interdit d’y fumer. Depuis, je ne les ai pas ré-entendues dans la cour mais l’aumônière m’a dit qu’elles me saluaient bien. Une autre bonne nouvelle : mercredi, bien sûr, quand j’ai pu aller en promenade, j’ai dit : « je rentrerai quand il y aura un transistor ». Ils sont venus, comme d’habitude, avec casques et boucliers. Jeudi, ils m’ont laissée en promenade de 11h à 14h30 ! Mais quand je suis rentrée en cellule, en plus de la gamelle froide, il y avait un petit poste de radio FM. On ne capte que Radio Autoroute, ce qui n’a rien d’exaltant, mais c’est quand même une victoire. Ma voisine de QD qui était là depuis 12 jours, a eu aussi le sien. Elle n’a pas compris l’ironie quand j’ai lancé « El pueblo unido jamás será vencido » en guise de chant de victoire. […] Les 30 jours sont passés, lentement bien sûr, mais sans trop de provo, à part le refus de courrier interne, commun à tout le CPSF (Centre Pénitencier Sud Francilien), de leur part. J’avais la radio et j’ai eu un parloir de 2h30 avec ma mère. J’appréciais les visites des aumônières ou autre pour le break, pour voir des gens sans uniforme. J’attendais aussi la GAV. Elle n’a eu lieu que le 28, à la toute fin. Contrairement aux gendarmes de Bapaume, les flics de Moissy on été bien cons durant la GAV, singeant la paranoïa des matons, même après 2 heures d’audition. J’ai appris, quand j’ai pu lire le dossier avec l’avocat de la comparution immédiate, que ce pauvre maton violenté, qui a récupéré 1 jour d’ITT (alors qu’il était au boulot le lendemain), n’a été déposer plainte au comico de Moissy Cramayel que le 22. Au tribunal, à 20h30, j’ai refusé d’être jugée sans un avocat correct et avec plein de pièces manquantes (notamment le témoignage de la matonne du 31 décembre, mon certificat médical du 3 janvier et les images de la caméra de la coursive). Bref, je repasse le 5 mars à 13h30 au TGI de Melun et Ha-o-Kwi sera partie civile (pour avoir un 13ème mois).

Le lendemain, j’étais, après 30 jours de QD, transférée à Rennes. Là, je suis au quartier arrivante du CD. L’architecture ici est très différente des prisons Bouygues. Il y a moins de caméras et pas de sas. Les matons ne sont pas cachés dans leurs aquariums à déclencher des portes à distance. Donc ils sont moins paranos, donc ils sont moins dangereux, donc ça va mieux. Bon, je ne me fais quand même pas d’illusion, j’attends de voir où se niche leur perversité… en profitant de l’herbe dans la cour de promenade et en retournant au sport. »

 

Rennes, dimanche 1er juin
Salut !
[…] Comme promis, voici le récit et les documents à propos du projet « jardin potager ».
Au CD de Rennes, l’aumônerie gère un petit jardin attenant à la chapelle où poussent des fleurs pour la décoration de l’église. Une dizaine de filles y vont le samedi matin et cultivent aussi quelques fraises ou pieds de menthe sous la houlette d’un moine jardinier. La première fois que j’y ai suivi une fille, l’aumônerie en chef m’a dit « Je dois d’abord signaler ta présence à l’AP ». Mais la semaine suivante, alors que j’arrivais pleine de bonne volonté pour me salir les mains, elle m’a dit que le chef de détention avait refusé de me mettre sur la liste. J’ai alors exigé un RDV. Il y avait l’adjoint du chef de détention (absent depuis 3 mois) et le directeur que je voyais pour la première fois. Ils m’ont sorti une histoire totalement bidon comme quoi je risquais de m’évader du jardin (un 1er mur de 2,5m, aussi haut qu’en promenade, réhaussé de fils électriques puis un 2ème de 4m) avec l’aide de mon « comité de soutien ». Leur fantasme était si costaud qu’ils m’ont même parlé d’une évasion que j’avais déjà faite lors d’une extraction ! Il a fallu un bon mois pour que je revois Bidet (le dirlo) dans les couloirs et qu’il reconnaisse que c’était du pipeau…
En attendant, je suis allée à l’aumônerie le samedi matin, sans avoir accès au jardin, me contentant de fumer ma clope sur le haut des escaliers. Lors du café traditionnel à 11h, je parlais avec les jardinières. On a décidé de rédiger un projet pour avoir un potager plus conséquent et même un poulailler. Je suis allée taper ce texte à la Cyber-base pour que ce courrier ne soit pas écrit de ma main. Un mois après que la direction l’ait réçu, on n’avait toujours pas de réponse. De mon côté, je n’avais toujours pas accès au jardin, l’aumônière refusant de m’écouter et faisant le valet de l’AP.
Le 14 mai, j’ai revu Raoul1 et Bidet. Ils m’ont officiellement interdit l’accès au jardin (et au journal interne [Citad’elles] pour faire bonne mesure) mais m’ont demandé de prévenir les filles intéressées qu’une réunion aurait lieu le 30 à propos des projets agricoles. J’ai fait une grosse propagande et suis allée imprimer une affiche pour mettre dans toutes les divisions pour prévenir tout le monde. Raoul m’a alors interdit de les afficher et 2 jours plus tard une note de service disait qu’il fallait s’inscrire auprès du chef de dét’ pour aller à la réunion. Bidet avait aussi décidé qu’une seule d’entre nous devrait être « représentante » de sa division (une division c’est maximum 20 filles, il y a 11 divisions au CD où on est 200). C’était une jolie forme de censure…
À la division B2, on était 9 à être intéressées, on a fait une liste commune et attendu. Dans les autres divisions, il n’y a eu que des demandes individuelles. Puis on a eu la liste des personnes autorisées. J’en faisais partie avec C., une autre fille du B2. On a alors organisée une assemblé générale. J’avais fait une affiche que j’avais mise dans les communs et qui a été arrachée plusieurs fois par les surveillantes. À la fin, j’ai obtenu gain de cause car rien n’interdit d’afficher sur les panneaux, même si les « actions collectives », (qu’ils ont pourtant motivées !) les dérangent.
À l’AG, on était 6 car les matonnes avaient dit [à d’autres] « Si vous ne voulez pas d’ennuis, ne vous mêlez pas de ça ». Il a été décidé en 20 min et sans un éclat de voix, que C. et moi étions déléguées par le reste des filles intéressées.
À la réunion le 30, on était 11 filles (à la divison B1, elles étaient 2 à s’être inscrites et à être présentes, il y avait aussi une représentante du journal interne, 3 divisions n’étaient pas représentées, Bidet a mené ça d’une main de maître, un parfait politicien. On n’a rien obtenu de ce qu’on voulait : la participation ne se ferai pas sur la base de groupes affinitaires mais par une liste validée par l’AP (comme au « jardin du curé » ou à « Citad’elles » dont je m’étais faite virée), le poulailler est reporté aux calendes grecques parce que Bidet « n’a pas envie de faire des papiers avec le ministère de l’agriculture » et la surface qui nous est allouée est ridicule (8x6m, soit le 1/3 du jardin du curé »). Mais la plupart des filles ont été flattées d’être écoutées, elles voyaient là « un début sur lequel on pourra continuer ». Elles ont proposé de faire des courriers de demande de sponsors aux grosses boites locales (GamVert, Truffaut,…) pour obtenir les 10m de clôture, le petit abri pour les outils, les dits outils et quelques semences. Le directeur a promis de nous laisser une salle 2h par semaine pour qu’on travaille ce courrier et qu’on se reverrait à la fin juin pour qu’il le valide et nous explique l’échéance des travaux de dessouchage qu’il faut faire au préalable.

Voilà comment une initiative spontanée est récupérée, comment on passe d’un projet autogéré à une opération de promotion du SPIP [Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation : service sociaux de la justice] et de l’AP, comment l’AP obtient notre collaboration active. Ce projet (dont Bidet m’avait déclaré meneuse) ne m’intéresse plus du tout dans ces conditions. C’est aussi le cas des basques à qui on a fait un compte rendu (avec arrachage préalable des affiches par la matonnerie qui ne perd pas la main).
[…]

Je reprends cette lettre lundi matin, en attendant l’ouverture pour aller au sport. Je suis encore arrivée à améliore mon score au rameur : 8min 23 pour 2000m. J’en ai bien chié, mais je continue à penser que je peux encore gagner 10 sec : faut bien trouver de quoi s’occuper.
Je passe au prétoire après-demain à propos d’un refus de fouille systématique à l’entrée au mitard il y a un mois. J’espère que le commis d’office aura un peu de courage. Ce qui est important c’est que Raoul m’a promis que, quelle que soit la sanction, j’aurais le parloir et l’UVF avec mes parents. Ils ont encore 2 CRI [Compte Rendu d’Incident] en stock qu’ils auraient très bien pu passer en même temps. Ils se gardent des réserves…
[…]

Christine

PS : le journal « Citad’elles » est visible sur le site des établissements Bollec [http://etablissementsbollec.com/?p=683], association qui en tire le plus de profit. Sur 3 articles que j’avais proposé, 2 ont été censurés et le dernier [« La maison-monde »] a une mise en page dégueulasse.

« Vendredi 6 juin, Centre pénitentiaire pour femmes (CPF) de Rennes

Salut !

(…) Pour moi ça va couci couça. Je sais bien que la vie est plus supportable à Rennes que dans les prisons modernes, que ça soit Condé (cf L’Envolée n°39) ou Réau, Séquedin, etc. Pour autant il y a toujours de quoi s’énerver. D’abord être enfermée, ensuite de voir le comportement de l’AP. Donc depuis le 29 janvier, j’avais régulièrement des petites altercations avec les bleus ou leurs valets (UCSA, service scolaire, SPIP…) et ça débouchait sur de petites peines de mitard qui me permettaient de faire mon courrier en retard. Effectivement comme il n’y a pas le système « portes fermées »(1) ici, j’arrive à m’occuper assez dans la journée (sport, promenade, activités…) pour m’endormir assez tôt devant la télé. Mais ce comportement « atypique » perturbe les habitudes de la direction qui aimerait bien me transférer pour n’avoir plus à gérer que les conflits traditionnels entre toxicos. Comme depuis 4 mois je n’ai répondu à aucune provocation physique (d’ailleurs bien moindres que dans les prisons Bouygues) ils espèrent que c’est moi qui vais craquer et demander à partir. Ils multiplient alors les interdictions diverses, le pistage dans les couloirs, les demandes autoritaires injustifiées. Tout est bon pour me stigmatiser auprès des autres filles, leur faire croire que me fréquenter risque de leur attirer des problèmes, m’isoler. (…)

Je n’arrive pas à pondre le texte que tu me réclames sur le fichage. J’ai des oppositions basiques, instinctives, au flicage, que ça soit pour moi, mes potes ou mes brebis. J’aime aussi, tout simplement, dire « non » à ceux qui me disent « tu n’as pas le choix ». J’ai du céder au CPF de Rennes car ils m’ont sorti une note liant la présentation de la carte biométrique à l’obtention d’un parloir. Je ne pouvais pas imposer ça à ma famille. J’ai vu avec David pour faire annuler cette note au tribunal administratif, j’ai aussi alerté le défenseur des droits. Ça sera super long (2 ans au moins) et j’espère bien être sortie d’ici là… Je sais donc que ça ne servira pas à grand chose car aucune fille n’a tenté cette résistance, soit parce qu’elles n’imaginent même pas qu’on peut dire « non », soit parce qu’elles estiment ça inutile. (…)

Je n’ai aucune idée d’une date à laquelle je pourrai demander une condi ou sortir en fin de peine (quoique ce ne sera pas une vraie fin de peine vu qu’il y a au moins six mois de sursis récupérés à Arras pour me tenir sous pression même quand je pourrai pisser dans l’herbe). J’ai appris que Kaoutar était sortie, cool ! Je lui souhaite « bon vent » (…).

Au CPF, il y a le quartier maison d’arrêt (environ 50 filles, souvent 2 -voire 3- en cellule), la nursery (5 filles, condamnées ou prévenues), le centre de détention (200 filles, réparties en 11 divisions) et le quartier semi-liberté pour les hommes qu’on ne voit jamais. Chaque quartier est bien cloisonné. (…) Je suis toujours convaincue, pour l’avoir testé, que la taule c’est plus difficile pour les proches que pour les enfermé(e)s…

A plus.

Christine »

notes :

1) les portes de cellule sont ouvertes en journée, ce qui permet de circuler un peu en détention, d’avoir quelques activités…

 

Rennes, dimanche 15 juin 2014
Salut !
Je suis dans la cour du mitard, seule et au soleil. Si je n’avais pas promis au prétoire de mercredi de faire gaffe à ne plus les provoquer en échange d’une suspension dans la menace de transfert, je retirerais bien le tee-shirt pour en profiter en plein…
[…]
Cette semaine n’a pas été facile. […] il y a eu une nouvelle provocation de la matonnerie qui m’a envoyée au mitard samedi soir. J’assumais très bien de leur causer plus de travail jusqu’à ce qu’ils me disent que, du coup, l’UVF de mardi avec mes parents était supprimé. J’étais aussi triste qu’en colère, dégoûtée. Ma mère, que j’ai vue au parloir 2h30 le lundi était aussi démontée par cette annonce. Le prétoire de mardi 10h (alors que l’UVF était prévu à 10h30) a conclu à 4 jours de mitard que j’avais déjà fait. J’ai donc pu voir mes parents du mardi 14h au mercredi 10h30. […]
Mais pour avoir « gagné » cet UVF, qu’est ce qu’on a dû subir de pression et de mépris avant… Et encore, s’il n’y avait pas eu l’assesseur civil, Bidet aurait saisi l’occasion pour organiser un transfert disciplinaire.
Donc mercredi, je quitte l’UVF à 11h et je vais au prétoire […]. Je suis encore passée pour 4 autres CRI. Pour 2 d’entre eux c’est des intervenants (diététicienne et prof d’espagnol) qui avaient eu peur sans raison alors que j’essaye de discuter d’adulte à adulte avec elles et qui avaient appelé la matonnerie à la rescousse comme avait fait la SPIP il y a 2 mois. Un autre était dû à une matonne qui m’avait refusé la cour de promenade à 17h, alors qu’on y avait le droit depuis un mois : je me suis glissée sous son bras, sans la toucher. Pour ça, j’ai eu une nouvelle interdiction (comme Citad’elles et le jardin du curé) d’aller en cours d’espagnol et 7 jours de mitard avec sursis. Là encore, rien n’est réglé pour l’accès à la promenade à 17h, après le sport. Il y a aussi un jour où j’ai refusé la fouille à poil avant d’aller au mitard. C’était la 4ème ou 5ème fois que j’y allais et ils ne m’avaient jamais imposé ça, de plus, depuis 2009, les fouilles doivent être justifiées et je ne suis pas suicidaire. J’avais tous les documents à l’appui, mais ils voulaient démontrer qu’ils sont les plus forts et se foutent de la loi. J’ai donc pris 10 jours et je suis en train de les faire, jusqu’à vendredi. Durant cette partie du prétoire, briefée par mes parents, de leur envie de transfert, je leur ai promis ce qu’ils attendaient : ne plus leur chercher des poux dans la tête, faire profil bas. Le dirlo, qui sait que je ne mens pas, l’a entendu et sait ce que ça me coûte. Du coup, et là c’est rigolo, il m’a demandé de vider mes poches à l’audience avant de dire « Messieurs, la fouille ne sera donc pas nécessaire cette fois ». Je lui ai quand même dit que je ne lâchais pas l’affaire sur ce point de droit et j’ai demandé à mon avocat de faire un recours à la DI [Direction Inter-régionale de l’AP] puis au TA [Tribunal Administratif]. […]
Bref, j’en suis revenue à la situation de Bapaume où j’avais promis de ne plus me lancer dans des provos juste pour le plaisir de les faire chier. J’avais tenu ma parole mais ils n’avaient pas voulu le voir, continuant à m’interdire l’accès au téléphone pour l’avocat jusqu’au jour où ils m’ont envoyée à Séquedin parce que je témoignais de ce que ma voisine subissait. Je m’étais affranchie de cet engagement parce que j’avais vu que les limites étaient plus loin ici, avec l’obtention assez facile des UVF et l’absence de QI ou « portes fermées ». J’avais pu reprendre ce jeu qui m’amusait bien de leur mettre le nez dans leur propre caca. Je m’étais quand même imposée des limites : celles que je considère comme le respect (« Ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas qu’on te fasse »). Je ne suis donc pas allée à l’affrontement physique, n’ai (guère) insulté que les menteurs, n’ai jamais menacé qui que ce soit, bien sûr pas de deal ou de vol auprès de mes voisines. D’ailleurs, je n’ai pris ici quasiment que des peines de maximum 1 semaine pour « refus d’obtempérer », aucune pour « violences ».
Donc là, j’en suis à me faire bien chier. C’était un bon jeu de chercher à les coincer à chacune de leurs conneries. Bien sûr, je risquais le mitard, mais ça fait longtemps que ça ne me fait plus peur… Par contre, je ne peux pas imposer à mes parents un transfert dans une taule où il n’y aura pas d’UVF. Et puis moi aussi, je préfère les promenades dans l’herbe qu’au QI. Je sais quand même que je me suis faite achetée et ça me fait chier. Je sens que les mois à passer ici vont être encore très longs : ce n’est pas le rameur qui va compenser cette énergie là…
Bidet aurait bien voulu que je la mette dans le projet jardin. Il l’a même dit à mes parents, après avoir appris après la lecture d’une de mes lettres que je me désinvestissais de ce projet qui lui permettrait juste de peaufiner son image et n’avait plus rien à voir avec ce qu’on avait proposé.
[…]

Christine

Lettres de Réau (déc / février… puis Rennes)

CD de Réau, mercredi 11 décembre 2013

Depuis mercredi dernier, je suis de nouveau au mitard. Avec l’AP, chassez le naturel il revient au galop ! L’ « équilibre des nuisances » dont je parlais dans ma lettre précédente [12 novembre] a été rompu par un officier qui remplace celui du CDF pendant ses congés, et qui a préféré jouer les gros bras plutôt que de se renseigner sur la relation qu’on avait mise en place.

Au prétoire (où, comme à Joux, il n’y avait pas d’avocat car c’était hors des jours habituels), j’ai vu qu’il avait salement chargé le CRI, inventant (mais là non plus ce n’est pas original) que j’avais essayé de le mordre. J’ai pris 18 jours jusqu’au 21 décembre, mais là il reste encore des CRI en suspens. Pourtant, depuis le 25 novembre, et ma demande de prolongation de parloirs pour voir mes parents le WE du 21 et 22 décembre, j’avais repris ma carte de circulation et il n’y avait plus eu de rapport.

Au mitard ici, on a la douche dedans. D’ailleurs, elle déclenche l’alarme incendie avec la buée quand elle est bien chaude ! Par contre, malgré la loi de 2009, la pénitentiaire ne fournit pas de radio au prétexte que les ondes FM ne passent pas les murs de cette foutue taule. Heureusement, mes voisines basques m’ont dégoté un petit transistor avec lequel je chope « France Bleue » en ondes courtes. Quand mon corps fait antenne près de la fenêtre (position assez sportive), je chope même « France Musique » en FM.

À propos de musique classique, il y a eu un concert avec les cuivres de l’orchestre de Chambre de Paris le 15 novembre au gymnase. Pour la première fois à Réau, les gars du CD1 et CD2 et nous du CDF avons pu y aller en même temps. Quand nous sommes arrivées, avec près d’1/2h de retard, une trentaine de gars étaient assis sur leurs chaises groupés au fond du gymnase. Nous, on était une quinzaine de filles. Toutes se sont assises sur les chaises groupées. Entre les gars et nous, il y avait un « no mans land » de 4m de large. Moi, bien-sûr, puisqu’on ne nous avait pas donné d’ordre, je suis allée m’asseoir sur une chaise libre de l’autre côté. Les filles, qui avaient intégré la norme avant même qu’elle soit formulée, me regardaient effarées.

Les gars avec qui j’essayais péniblement d’engager la conversation me regardaient aussi comme un extraterrestre. Ça a quand même duré 2 bonnes minutes. Puis un maton est venu me dire de changer de côté. « Pourquoi ? » « Là c’est les hommes » « Et alors ? » »Vous ne vous mélangez pas ». Alors je me suis levée en lançant à la cantonade « Désolée les mecs, il paraît que je vais choper des maladies si je reste à côté de vous ! ». Ça n’a fait rire personne mais le maton n’a rien dit. Quand j’ai pris ma place parmi les femmes, il s’est assis au milieu de la travée.

Puis le concert a commencé. Il était de bonne qualité et les musiciens prenaient le temps entre les morceaux de nous les situer dans leur contexte historique, de nous présenter leurs instruments. Après un bonne heure, le chef d’orchestre a dit « Mesdames, messieurs, nous vous remercions pour la qualité de votre écoute » et les matonnes ont dit « Mesdames, on y va ». Alors je me suis levée et j’ai dit aux musiciens « Messieurs, j’espère ne pas me tromper en disant que c’est nous qui vous remercions pour ce beau concert. D’entendre comme ça des musiques qu’on connaissait dehors c’est presque comme recevoir du courrier. Quand je suis venue, je dois dire c’était surtout pour sortir de cellule et croiser nos voisins, mais là, en plus, on a eu un concert de grande qualité. Merci. ». Je crois que ça les a émus, alors j’ai continué « Messieurs, si vous voulez continuer à nous faire plaisir, s’il-vous-plaît, offrez-nous une valse qu’on puisse inviter nos voisins ». Là, l’orchestre, pris au dépourvu, interroge la nombreuse matonnerie du regard, qui s’interroge entre elle sans un mot, mais avec une lueur de panique amusée. Devant cette absence de refus, ils entament aussitôt une valse. Je franchis alors l’espace de « sécurité » et invite le premier gars en face. Il refuse en secouant la tête. Je tend la main vers un voisin qui bredouille un « Je sais pas danser ». Je regarde alors l’ensemble de ces 30 gars et tous font un signe de refus. Dépitée, je retourne chez les filles et leur demande à voix basse : « Mais pourquoi vous en profitez pas ? ». La réponse : « Faut pas brusquer les bleus, c’est déjà une belle victoire. Et puis on sait pas danser ».

Devant cette déconfiture, le morceau s’achève assez vite. On ne demande pas de bis. Mais au moment de partir, les quelques filles qui avaient un compagnon de l’autre côté vont lui faire une bise furtive, de quelques secondes. Puis on part toutes sagement, sans un mot.

Moi, j’ai été stupéfaite que personne ne pense à sortir de la norme. Je n’ai rien fait de contraire au règlement ou la loi, mais j’ai choqué tout le monde. Au bout de quelques années de taule, homme ou femme chacun(e) a intégré des limitations dans l’espace et dans la relation à l’autre. J’ai du mal à rire quand j’entends parler de culture comme élément de re-socialisation … C’est désespérant.

Pour la petite histoire, la directrice a demandé après au matons du CDF de me coller un CRI pour un geste d’impatience, ni dangereux pour qui que ce soit, ni abîmant du matériel de l’AP, ni insultant ou vulgaire que j’avais eu à l’attente (1h quand même !) dans le sas avant l’entrée au gymnase. J’ai pris 3 jours de mitard pour avoir fait des tractions sur une grille, 20 jours après les faits…

CD de Rennes, jeudi 6 février 2014

Au Centre de Détention Femmes de Réau, les filles qui n’ont plus le droit au « régime de responsabilité »1 (donc que l’AP maintient en irresponsabilité avec la complicité de l’UCSA) ont quand même la possibilité de faire les deux premières heures de promenade de l’après-midi au chaud. Ils appellent ça « la salle de convivialité » et on peut y avoir accès à quelques jeux de société.

Le 2 décembre, j’y étais juste avec Kaoutar (qui cartonne au scrabble !). Dans le couloir on a entendu du grabuge car une fille voulait y venir alors que la matonnerie le lui refusait (depuis, selon son souhait, elle a été transférée, elle devrait même être dehors à l’heure qu’il est).

Le 3 décembre, on n’a pas eu accès à cette salle car elle sert aussi de vestiaire quand il y a des arrivantes. Et le 4 au matin, une affiche la déclarait fermée, sans explication et sur ordre de la direction.

J’ai demandé aux surveillantes puis aux gradés pourquoi, aucun n’a voulu me répondre, tant il était évident que c’était juste une crise d’autorité injustifiée. Je suis alors allée demander à l’officier, dans son bureau. Il a encore forcé la dose sur l’autoritarisme et le mépris, m’envoyant, grâce à un CRI mensonger, au mitard pour 18 jours. Au prétoire du 6, la directrice a dit qu’elle ré-ouvrirait la salle « dans une semaine ».

Mais quand je suis sortie du QD le 21 décembre, la salle était toujours fermée, sans plus de raison. On en a parlé en salle de muscu avec les filles du RDC et on a décidé de demander la ré-ouverture mais aussi une ouverture exceptionnelle le 1er janvier à midi « pour commencer l’année sous le signe de la bonne camaraderie », selon les termes de notre courrier signé par 11 d’entre nous (sur 13 au rez-de-chaussée !). Les chefs ont eu cette lettre collective le 24 au soir. Le vendredi 27, on n’avait toujours pas de réponse. J’ai insisté auprès des chefs qui m’ont refusé une audience mais ont pris 5 filles à part pour leur dire « Ne suivez pas Ribailly dans ses conneries. On peut très bien vous mettre un CRI car les pétitions sont interdites. C’est nous, et nous seuls, qui décidons si la salle sera ré-ouverte et quand ». Elles sont rentrées à fond dans la menace et m’ont dit qu’elles feraient rien qui risquerait de déplaire à la pénit’. Moi, j’ai chopé la directrice dans le couloir dès que j’ai pu, c’est à dire le lundi 30. Elle m’a dit, une fois qu’elle a compris que je lui collerai aux basques jusqu’à avoir une réponse, que la salle serait ré-ouverte le lundi 6 (c’est à dire à la fin des vacances scolaires, quand les activités reprendrons, logique,…) et qu’ils allaient décider en équipe pour l’ouverture de mercredi, qu’on en serait informées le lendemain en fin d’AM.

Donc le mardi 31, à 15h, juste à la sortie du gymnase, je suis appelée au bureau des chefs. Il y avait 2 bricards, Ho-a-Kwie et Borde, une nouvelle. Il m’a dit : « Je t’ai appelé pour te donner la réponse pour la salle demain ». J’étais convaincue que c’était refusé et j’ai dit : « pourquoi juste moi ? On est 11 à l’avoir signé cette lettre, il y a une semaine ! » Il a essayé d’expliquer que j’étais la seule à avoir mis une affiche (c’est vrai et ça m’a valu un CRI de plus, à mettre sur la pile), à avoir alpagué la dirlo, donc que j’étais la porte-parole. J’ai refusé ce terme et il m’a dit qu’il préviendrait chacune des filles individuellement. Après, ils m’ont passé des documents administratifs, en partie périmés que j’ai bâclé, et je suis partie. Une dizaine de minutes plus tard, j’étais de retour, un peu calmée et j’ai demandé un imprimé pour répondre aux papiers que j’avais jetés. Et (et c’est juste à ce moment-là que j’ai eu tort car je savais qu’ Ha-o-kwie est un sale menteur), avant de partir, je me suis retournée vers lui :
Tu préviens les filles une par une, hein ? Parce que depuis 10 min, tu n’as rien fait, alors que la moitié sont à la biblio où tu pourrais nous parler à toutes en même temps.
Je fais ce que je veux !
Non, foutu psychopathe, tu ne fais pas ce que tu veux ! Tu as pris un engagement, tu le tiens ! Si t’as un problème avec la « toute puissance », vas donc voir le psychiatre que vous m’avez balancé dans les pattes alors que je réclamais la radio au mitard !
Tu t’en vas de ce bureau !
Et pourquoi ? Pour te laisser le temps de rédiger un CRI pour l’affiche, alors que tu dois nous répondre ?
J’ai dis que je te répondrais. Je le ferai si je veux, c’est ça la liberté d’expression !
Sale menteur ! Vous passez votre temps à ça : mentir et menacer. Comme quand vous avez dit aux filles de se méfier de moi…
On sait bien que c’est toi qui a écrit cette lettre. Et il n’y a que toi qui fait chier…
Quoi ? J’ai pas écrit cette lettre ! Je l’ai rédigée, c’est tout ! On est 11 à l’avoir signée !
Ouais, t’as même fait signer les filles qui savent pas écrire !
Qu’est ce que tu dis là ? C’est vous qui menacez les filles, pas moi ! Y a des filles qui t’ont dit qu’elles avaient signé alors qu’elles ne voulaient pas manger ensemble, peut être ?
On m’a dit que tu leur faisais peur…
Là, ça a été trop ! J’ai fait un pas en avant, bien vif, dans sa direction, mais sans le toucher. Borde et deux matonnes qui s’étaient approchées à cause du bruit de l’engueulade, m’ont saisie par le bras, lui a bondi de son siège, effrayé. Je n’ai pas bougé, j’ai juste ricané : « C’est toi qu’a peur, minable menteur ! ». Alors qu’elles étaient trois à me tenir sans que je me débatte, il a pointé son index sur moi pour me menacer : « c’est une agression sur personne ! Tu vas manger ! ». Je l’ai laissé délirer trente secondes puis, lassée, j’ai fait mine de le lui happer le doigt. Je sais que je n’ai pas serré les dents, mais il est aussi douillet que lâche et l’alarme a été lancée. Ils m’ont foutue au sol et menottée dans le dos pendant que ce salaud m’envoyait des coups de poing au visage.

Au mitard, ils m’ont arraché mon survêt’ (avec lacet) et m’ont laissée à poil et menottée pendant près d’une heure. Je n’ai eu l’ensemble de mes affaires que 36h plus tard. Je n’ai vu le toubib que 72h après, c’est à dire après le prétoire qui a eu lieu le 2 janvier.

Le prétoire a été dégueulasse. Il y avait un vice de procédure énorme (je n’ai pas eu le dossier 24h avant ) mais mon commis d’office était minable. Il n’y avait pas non plus les images de la caméra qui donne sur le bureau des chefs et qui devaient montrer les coups de poing au visage (confirmés par le certificat médical, 3 jours après). Il n’y a même pas le Compte Rendu Professionnel (CRP) d’une matonne qui dit que j’ai crié au chinois « c’est toi qui a peur ! » et qu’elles me tenaient quand je l’ai « mordu », mais la dirlo n’en a pas tenu compte. Il n’y avait aucun certificat médical constatant cette « grave blessure » que je lui avais infligé. Bref, sans originalité, j’ai pris 30 jours avec une promesse de dépôt de plainte et de transfert disciplinaire à la clef.

Le lendemain, le mitard étant très proche de la cour du RDC, les filles m’ont saluée et m’ont dit qu’on leur avait proposé à 11h d’aller à la salle de convivialité. À sept, elles ont partagé le sac que j’avais préparé pour ça (soda, gâteaux, bonbons, saucisson). Elles n’y sont pas restées à midi parce que c’est interdit d’y fumer. Depuis, je ne les ai pas ré-entendues dans la cour mais l’aumônière m’a dit qu’elles me saluaient bien.
Une autre bonne nouvelle : mercredi, bien sûr, quand j’ai pu aller en promenade, j’ai dit : « je rentrerai quand il y aura un transistor ». Ils sont venus, comme d’habitude, avec casques et boucliers. Jeudi, ils m’ont laissée en promenade de 11h à 14h30 ! Mais quand je suis rentrée en cellule, en plus de la gamelle froide, il y avait un petit poste de radio FM. On ne capte que Radio Autoroute, ce qui n’a rien d’exaltant, mais c’est quand même une victoire. Ma voisine de QD qui était là depuis 12 jours, a eu aussi le sien. Elle n’a pas compris l’ironie quand j’ai lancé « El pueblo unido jamás será vencido » en guise de chant de victoire. […]

Les 30 jours sont passés, lentement bien sûr, mais sans trop de provo, à part le refus de courrier interne, commun à tout le CPSF (Centre Pénitencier Sud Francilien), de leur part. J’avais la radio et j’ai eu un parloir de 2h30 avec ma mère. J’appréciais les visites des aumônières ou autre pour le break, pour voir des gens sans uniforme. J’attendais aussi la GAV. Elle n’a eu lieu que le 28, à la toute fin. Contrairement aux gendarmes de Bapaume, les flics de Moissy on été bien cons durant la GAV, singeant la paranoïa des matons, même après 2 heures d’audition. J’ai appris, quand j’ai pu lire le dossier avec l’avocat de la comparution immédiate, que ce pauvre maton violenté, qui a récupéré 1 jour d’ITT (alors qu’il était au boulot le lendemain), n’a été déposer plainte au comico de Moissy Cramayel que le 22. Au tribunal, à 20h30, j’ai refusé d’être jugée sans un avocat correct et avec plein de pièces manquantes (notamment le témoignage de la matonne du 31 décembre, mon certificat médical du 3 janvier et les images de la caméra de la coursive). Bref, je repasse le 5 mars à 13h30 au TGI de Melun et Ha-o-Kwi sera partie civile (pour avoir un 13ème mois).

Le lendemain, j’étais, après 30 jours de QD, transférée à Rennes. Là, je suis au quartier arrivante du CD. L’architecture ici est très différente des prisons Bouygues. Il y a moins de caméras et pas de sas. Les matons ne sont pas cachés dans leurs aquariums à déclencher des portes à distance. Donc ils sont moins paranos, donc ils sont moins dangereux, donc ça va mieux. Bon, je ne me fais quand même pas d’illusion, j’attends de voir où se niche leur perversité… en profitant de l’herbe dans la cour de promenade et en retournant au sport.

Résistance à la taule de Réau, un maton porte plainte contre Christine

Mi-octobre 2013, Christine se fait incarcérer au Centre de Détention de Réau en banlieue parisienne. Dès son arrivée, elle refuse de prendre la carte de circulation nécessaire aux passages des multiples sas de sécurité au sein de la taule. Elle est alors maintenue en « régime de portes fermées ». Pour les détenues placées sous ce régime, une seule pièce, la « salle de convivialité », permet de passer des moments ensemble. Début décembre, l’Administration Pénitentiaire (AP) décide de fermer cette salle sans donner de motif à cette décision.

Immédiatement, Christine demande des explications. L’AP n’apprécie pas trop cette insolence et lui colle au total 21 jours de mitard en faisant tomber des Comptes Rendus d’Incidents gardés sous le coude.
Au mitard, elle continue de protester, mais cette fois-ci pour obtenir un poste radio (obligatoire au mitard depuis la loi pénitentiaire de 2009). à sa sortie du mitard, elle rédige avec ses co-détenues un courrier destiné à l’AP, revendiquant la ré-ouverture de la « salle de convivialité » ainsi qu’une ouverture exceptionnelle de cette même salle le 1er janvier pour prendre ensemble le repas de midi.

L’AP tarde à répondre, et le 31 décembre le chef de détention Ha-o-kwie convoque Christine pour lui rendre, à elle seule, la réponse négative. Elle proteste et refuse de devoir annoncer elle-même cette réponse à ses co-détenues. Ha-o-kwie insinue alors que c’est elle la meneuse et qu’elle aurait manipulé ses co-détenues pour rédiger la lettre de revendications. Elle fait un pas de défiance en avant. Là, trois autres matons restés à proximité l’agrippent par les bras pendant qu’Ha-o-kwie la menace en agitant son index sous le nez de Christine. Pour stopper cette humiliation, elle lui pince le doigt avec les dents. Menottée, les matons la collent au sol pendant qu’Ha-o-kwie lui envoie des coups de poing au visage.

Suite à cette altercation, Christine prend 30 jours de mitard. Ne voulant pas rater l’occasion de se faire un treizième mois, Ha-o-kwie porte plainte pour violence. Le dernier jour de mitard (le 28/01/14), Christine est placée en garde à vue et présentée au TGI de Melun pour être jugée sur cette plainte. Elle refuse cette comparution immédiate et reçoit une convocation en correctionnelle pour le 5 mars à 13h30 au même TGI de Melun. Dès le lendemain matin, elle est transférée pour raison disciplinaire au Centre Pénitentiaire de Rennes.

En 14 mois de détention, il s’agit de son sixième transfert disciplinaire et donc de sa septième taule. En 14 mois elle aura passés 205 jours au mitard et 70 jours en quartiers d’isolement. Après avoir écopé de 6 mois fermes et plusieurs centaines d’euros à verser à différents matons de Bapaume décidés par le Tribunal d’Arras, c’est maintenant le Tribunal de Melun qui veut venir en rajouter une couche.

N’appréciant pas les réfractaires, l’Administration Pénitentiaire, avec l’appui de la Justice, joue la carte de l’acharnement pour tenter de détruire Christine. Même si nos marges de manœuvre sont étroites, ne laissons pas Christine seule face à la machine à broyer.

 

Suite au procès du 13 février 2013 à Lyon, le parquet avait jugé la peine (3 mois fermes) trop clémente et avait donc fait appel. La date de cette nouvelle audience est tombée. Ce sera le lundi 14 avril 2014 à 13h30 à la Cour d’Appel de Lyon.

Lettres de Réau ( oct / nov 2013)

Centre pénitentiaire de Réau, dimanche 20 octobre 2013

À Séquedin, jeudi 17, ils m’ont dit de faire mes cartons pour 8 heures du mat’. J’étais contente, car ça voulait dire que j’allais arriver ici au quartier arrivant, normalement, pas au mitard. Et puis je me disais qu’à Réau, je ferais la connaissance de Kaoutar dont j’avais lu les combats dans l’Envolée. Bref, j’ai fait mes cartons sans traîner, et accepté la fouille à poil sans rien dire. Au greffe, j’ai signé mes papiers pour la compta et la chef de détention a dit de ne pas s’emmerder avec la prise d’empreinte du doigt. Elle m’a saluée convivialement, certes contente que je débarrasse le plancher, mais je l’ai cru sincère quand elle m’a souhaité bonne chance pour la suite.

Quand la chef d’escorte a voulu me menotter devant, je lui ai demandé si c’était un fourgon cellulaire. Comme elle m’a répondu que oui, j’ai refusé le menottage en lui citant l’article 803. Je l’avais déjà fait avec les gendarmes lors de l’extraction pour le procès à Arras le 19 septembre et ils avaient compris, il n’y avait donc pas eu de problème. Mais il faut croire qu’à l’Administration Pénitentiaire (AP), ils savent moins lire… Bref, ils m’ont dit de retourner en cellule le temps de rappeler la chef de détention. Elle est revenue vingt minutes après pour me dire que ce n’était pas négociable, que c’était systématique, ce qui est totalement illégal. Je suis restée très calme, n’ai pas crié et ai ré-expliqué et cité le texte. Elle est partie se coordonner avec le directeur, j’imagine. J’ai eu espoir un moment car ils avaient tout intérêt à ce que je parte et je restais très calme, absolument pas menaçante. Mais je les ai entendus s’équiper avec les boucliers et se coordonner.

Quand ils m’ont plaquée au mur dans la cellule, je n’ai pas réagi. J’allais me laisser menotter car la Spip (une femme bien, c’est assez rare pour le noter) m’avait
promis qu’elle ferait tout pour que je puisse voir mes parents au parloir samedi, que ça soit à Séquedin ou à Réau, et je n’avais aucune envie d’être marquée au visage. Mais ils gueulaient et ils m’ont balancée au sol. J’ai essayé de me débattre, et comme régulièrement à Séquedin, ils m’ont envoyé des coups de poing dans la gueule. Ils m’ont menottée dans le dos en faisant exprès de me faire mal, et mis les entraves. J’ai résisté vaillamment pour ne pas rentrer dans la cage du camion, mais un casqué m’a prise à la gorge et je n’ai pas pu bloquer longtemps. J’ai passé deux heures de route pas cool, avec l’œil qui gonflait et les poings ankylosés dans le dos.

Je n’avais pas vraiment mal mais j’étais dégoûtée de devoir expliquer à mes parents dans deux jours que je m’étais encore fait casser la gueule, alors que tout devait se calmer. Alors, une demi-heure avant d’arriver, une fois que j’étais bien calmée, j’ai demandé à la surveillante de sortir du camion juste avec les menottes devant, pour ne pas reproduire l’image qu’ils m’avaient fabriquée à Bapaume et Séquedin. Elle a compris et a négocié avec le chef d’escorte qui a promis. Mais sur le parking de la zonz’, il n’est pas venu me retirer les entraves. Et quand on est arrivés dans le sas, devant le greffe, il est allé prévenir ses collègues avant de m’ouvrir. Bref, j’avais les larmes aux yeux quand une bricarde d’ici est montée dans le camion me dire qu’ils allaient me dé-menotter si je promettais de ne pas cogner. Dans le couloir du greffe, il y avait déjà quatre casqués avec les boucliers… Bien sûr, comme d’habitude, j’ai refusé de donner mes empreintes et la photo.

Le chef de détention m’a alors prise dans son bureau un quart d’heure pour me faire la morale : tout allait recommencer à zéro, j’allais arriver au quartier arrivants, mais il fallait que j’y mette du mien. Je lui ai expliqué que je n’accepterais pas une deuxième fouille à nu car ils ne m’avaient pas lâchée depuis quatre heures. Il m’a dit que les nouveaux portiques promis par Taubira étaient arrivés et qu’il n’y avait pas de fouille systématique après les parloirs. Il insistait surtout pour que je fasse l’empreinte biométrique pour la carte de circulation, qui semblait leur être très importante.

Puis il m’a refilée à une bricarde du CDF(Centre de Détention pour Femmes) le temps d’aller téléphoner. Il y avait aussi une gradée, elles ont continué à me mettre la pression surtout pour la carte en alternant promesses et encouragements. J’étais épuisée et j’ai cédé. J’ai mis ma main dans la machine, avec les casqués à deux pas. Ils ont volé une photo pendant que je signais le papier (pas d’empreinte digitale). Il n’y a pas eu de fouille intégrale et elles m’ont conduite, sans les casqués, au CDF. Dès que j’ai été en cellule, bien qu’il y ait le repas sur la table et qu’il soit 13 h 30, je me suis couchée.

Ils m’ont réveillée une heure plus tard pour voir la toubib qui m’a fait un certificat de coups et blessures. Puis j’ai revu la bricarde dans son bureau, accompagnée de la directrice. J’ai essayé de leur expliquer les règles à respecter. Quand on a fait l’inventaire de mon paquetage, la directrice a tiqué sur l’Envolée et les bouquins sur les socialistes utopiques (je suis des cours d’histoire avec Auxillia) et ça m’a fait rire. Elle m’a même demandé de quelle organisation je faisais partie, alors que je n’ai jamais été encartée à quoi que ce soit, sauf six mois à la confédération paysanne lors de mon installation agricole.

Puis je suis allée en promenade où j’ai rencontré une dizaine de filles qui sont en « portes fermées ». Il y avait notamment Kaoutar, qui vous passe le bonjour. Elle m’a expliqué qu’elle avait pris vingt jours de mitard mais que le psy avait ordonné le fractionnement : deux jours au Quartier Disciplinaire (QD), trois jours en bâtiment, sur deux mois. […] Ici beaucoup de filles sont ensuquées au médocs. Le shit est objectivement le meilleur allié de l’AP !

La nuit, ils sont passés donner de la lumière toutes les heures, comme si j’étais suicidaire. À chaque sortie de cellule, ils étaient au moins quatre. Les filles m’ont dit qu’ils leur avaient aussi conseillé de se méfier de moi. Donc j’ai fait un mot dès le vendredi matin pour leur dire d’arrêter leur provocation. J’ai vu un autre chef pour l’entretien d’accueil et le dépistage suicide et j’ai renouvelé ma demande. Le soir, à la gamelle, ils m’ont dit qu’ils arrêteraient de venir toutes les heures. Effectivement, depuis, ils viennent toutes les deux heures ! Et ils sont toujours en surnombre pour mes mouvements. Donc je mets le cache sur l’œilleton et je leur ai expliqué pourquoi.

Samedi j’ai vu mes parents au parloir pendant deux heures et demi. Mais ils ont imposé des fouilles (palpation à l’entrée, à nu au retour) sous prétexte que les nouveaux portiques étaient certes arrivés, mais pas mis en place. J’ai râlé un peu mais j’ai accepté comme à chaque fois qu’ils tiennent mes proches en
otage. Aussitôt après, j’ai voulu aller en promenade, une fois déposé mon sac de livres et de linge propre en cellule. Ils ont accepté mais m’ont demandé de repasser sous le portique détecteur de métaux alors qu’ils ne m’avaient pas lâchée depuis la fouille. J’ai gueulé et j’ai crié « Bip-bip-bip » en passant dessous : « Là, ça va comme ça ? » Quand j’ai atteint la porte qui donne sur la cour, quatre casqués étaient en train d’arriver en courant au CDF. Je les ai ignorés et suis allée en promenade. Le CDF a été bloqué vingt minutes, sans explications. Le retour s’est fait normalement, mais avec quatre maton(ne)s. Ma cellule n’avait pas été fouillée.

Dimanche, je n’ai pas vu le chef à qui j’ai écrit. J’espère que ça sera aujourd’hui (il est maintenant 5 h 30 du mat’ et je continue cette lettre car j’ai été réveillée par les contrôles nocturnes). Hier j’ai essayé d’expliquer au bricard que si je ne lui disais pas « bonjour », c’était une forme de respect par le refus de l’hypocrisie : je n’ai aucune envie qu’il passe une bonne journée : j’espère chaque fois qu’il y aura des évasions et des mutineries. Je ne pense pas qu’il a compris…

Bon, voilà les news, à utiliser comme bon vous semble […]. Les infos circulent, le dehors bouge aussi, c’est l’essentiel. […] Gardez la niaque et à la prochaine.

Centre pénitentiaire de Réau, vendredi 22 novembre

Jeudi, je devrais avoir le délibéré du procès du 19 septembre à Arras. De manière un peu originale, le juge avait demandé une visio-conférence quelques jours avant. Je n’avais pas bien compris pourquoi car je n’ai pas la possibilité de parler à l’énoncé du verdict. Je me suis dit que c’était juste de la perversité de sa part : il voulait voir ma tronche quand il me dirait que j’ai pris un an de plus pour n’avoir même pas cogné sur des matons, et peut être avoir une possibilité de relever un outrage à magistrat… Bref, à 15h15, j’étais dans la salle de vidéo, au parloir avocat.

Pendant presque 3/4h, la surveillante a bataillé pour mettre la machine en marche car la connexion ne passait pas malgré de multiples essais. Ça commençait à me gonfler et j’avais envie d’une clope. J’ai dit à la surveillante « Mais on s’en fout de la vidéo ! Tu téléphones juste au tribunal pour leur demander la sentence, c’est tout ». Bien sûr elle a répondu : « je ne peux rien décider, je vais voir le chef ». J’ai réussi à ne pas crier en disant : « Mais pourquoi t’as besoin d’un chef ? Cette justice est rendue au nom du peuple français. T’en fais parti, non ? N’importe qui peut rentrer dans la salle là-bas. Y a pas besoin de chefs pour que j’arrête de glander ici : tu te renseignes et je vais en promenade. » Pour que je ne puisse pas fumer sans me prendre un Compte Rendu d’Incident (CRI) [2], elle m’a collé dans une cellule plus petite, sans fenêtre.

Au bout d’un quart d’heure, l’officier du CDF est venu me dire qu’il avait eu le juge au téléphone. Le délibéré est repoussé d’une semaine et il demande une extraction. Je n’en revenais pas : une virée Paris-Arras, 5h de route, cinq gendarmes au moins (ou 2h de TGV et trois gendarmes) pour 5 minutes au tribunal !

J’ai appelé l’avocat pour savoir ce qu’il en pensait et lui aussi est étonné. Ça nous permettra au moins un RDV…

Cette insistance du juge pour me parler me fait espérer qu’il a quelque chose de sérieux à me dire. Pourtant, ma plainte contre Bapaume, déposée le 12 juin, n’est toujours pas enregistrée et l’avocat fait les démarches pour contrer le parquet et obliger un juge d’instruction à s’y coller. Alors quoi ? C’est juste pour me faire la morale ? Encore quelques jours avant de savoir…

Ici, la situation se tend un peu avec la matonnerie. Quand je suis arrivée, le 17 octobre, le chef de détention en personne m’a demandé de prendre la carte biométrique en m’assurant que ça ne serait pas transmis au FNAEG (Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques) ou autre. Comme il m’a promis que je serai au Quartier Arrivants (QA), avec le même régime que toutes les autres filles et que j’étais fatiguée par la dernière démonstration de force de Séquedin (voir le récit précédent), je l’ai acceptée.

Mais durant 5 jours, il y avait une escorte renforcée (sans bouclier/casque) à chaque ouverture de cellule, des contrôles nocturnes très fréquents, et je ne suis toujours pas à l’étage, en portes « ouvertes ». Donc le 23 octobre, je lui ai rendu la carte en lui disant qu’il n’était qu’un menteur. Je pensais que cette provocation allait le faire réagir, mais il a laissé couler. Durant 3 semaines, je me suis très bien passée de cette carte pour tous les mouvements (activités, promenade et même accès à l’infirmerie, dans un autre bâtiment). Ils me mettaient juste la pression pour les parloirs et là, comme ils tenaient mes proches en otages, je me soumettais.

Mais ils ont organisé un prétoire jeudi au sujet de cette grève de carte. Bizarrement, ils ont été réglos et m’ont notifié qu’une faute du 3ème degré (7 jours maxi de mitard). J’étais contente de revoir le chef de détention, Schesser, que je réclamais en vain depuis plusieurs jours. On a discuté très clairement, sans compromission. J’étais sûre d’aller au QD, j’avais préparé le sac. Mais il ne m’a mis que 5 jours de sursis et m’a dit de reprendre la carte ; Bien sûr, j’ai refusé puisqu’il ne s’était pas excusé de ses mensonges. Donc, il a remis un nouveau CRI et je repasse en commission de discipline la semaine prochaine. Depuis, le chef de bâtiment m’a refait la morale à coup de « il s’en fout, il n’est pas ici, mais planqué dans son bureau. Il est orgueilleux et ne lâchera pas. Acceptez la carte et vous monterez vite à l’étage. Sinon, ça va devenir de plus en plus dur pour vos parloirs. »

J’attends le prochain prétoire pour décider de mon attitude face à ce menteur. Rassurez-vous, je me souviens de ce que j’ai dit le 19 septembre à Arras : je n’irai plus dans une bagarre que je ne peux pas gagner. Je vais essayer de tenir mon orgueil en laisse et ne pas pourrir mes parloirs mensuels avec mes parents. Ceci dit, je maintiens : on ne peut pas être respecté si on n’est pas respectable.

Centre pénitentiaire de Réau, mardi 12 novembre

Salut ! Pour moi, depuis presque 4 semaines ici, ça ne se passe pas mal . Certes, je suis toujours en « portes fermées » alors qu’après le temps d’observation en QA, durant 10 jours dont 5 jours avec un renfort de matonnerie à chaque ouverture de cellule, ils ont bien compris que je savais m’adapter à la vie en collectivité. Mais j’ai l’impression qu’on atteint une espèce d’équilibre dans le pouvoir de nuisance. À la différence des premières semaines à Bapaume, où je ne m’étais pas faite cognée dessus non plus, ici ils n’esquivent pas le conflit par la bonhomie. Il est affirmé des deux côtés qu’on n’est pas potes, mais pour autant, par économie et confort, aucun n’a envie d’aller au physique.

Par, exemple, jeudi soir, c’est monté haut en décibels pour une histoire d’accès à la promenade où on est censé rester 2h en rang, ce qui est bien long surtout avec cette météo hivernale. Or j’ai dégoté deux lignes dans la règlement interieur qui dit qu’on peut aller en promenade après une activité. Donc il suffit d’aller à la biblio ou à la muscu durant 1h ou 1h30 pour rester dans la cour 1h ou 1/2h. Ça a énervé des matons plus habitués à la normes qu’à la règle, mais ils ont dû céder. L’un d’eux m’a même dit le lendemain : « Je ne devrais pas te le dire mais en vrai tu nous es utile car tu oblige la direction à prendre position au lieu de nous laisser nous démerder, nous surveillants de base, avec des textes inadaptés » ! V’la l’meilleur maintenant : la récupération !

Pour arriver à rire de ça, j’ai une vrai aide. Tous les jours, je vais à la salle de muscu au moins 1h.

Je fais du rameur, en endurance ou en résistance, des séries d’abdos, des exercices de musculation des épaules (c’est ce qui fait le plus mal quand ils tordent…). De sentir le cœur accélérer parce que l’écran indique qu’on a parcouru 5km à vélo (même si on a pas bougé d’un centimètre) c’est bien plus agréable que de le sentir cogner parce qu’on se dit : « Je viens de les envoyer chier. Là, ils en réfèrent au chef. Dans 10min, ils reviennent avec les casques et les boucliers. Dans un quart d’heure, je suis au mitard, les épaules en bouillie. Ah ! Je les entends… Oh putain, ils sont au moins dix ! ». Je me tape une bonne sué tous les jours, ça me fatigue et me détend à la fois. Pour eux aussi, même s’ils doivent gérer des mouvements [3] supplémentaires (notamment la promenade pour une demi-heure…), je suis sûre qu’ils se disent « Pendant 1h on ne la pas entendue, là, entre la douche et la sieste, on a encore 1h de tranquille… ». j’ai essayé d’expliquer à une surveillante qui voulait me brancher en discussion sur le bien être sportif que si elle en était convaincue c’était la dernière chose à supprimer quand un(e) taulard(e) s’énerve et non la première entre Quartier d’Isolement (QI), confinement, QD et autres saloperies, de punitions, de privations.

J’ai aussi commencé des cours (arabe pour débutante et espagnol) et des activités (chant, sophrologie, volley et badminton). La qualité varie beaucoup selon l’intervenant. Par exemple, le prof d’arabe est bien institutionnalisé, alors que la prof d’espagnol vient pour la première fois en taule. Elle est arrivée une demi-heure en retard au premier cours et nous a dit « Désolée, je ne pensais pas qu’il y avait autant de protes et de sas. Il a même fallu que je vide tout mon sac et leur laisse mon portable… », on a répondu « Sans dec’ ? » en ricanant « et encore, si t’avais eu un soutien gorge à baleines, tu y serais encore ! ». On lui a aussi expliqué que si elle voulait qu’on ait un cahier et un stylo, elle ferait bien de nous les fournir car on aller pas empiéter sur notre pécule pour le tabac. Tout ça l’a un peu étonnée, nous ce qui nous a étonné c’est le rythme auquel elle nous a mis au boulot : en 45min, on a appris les jours de la semaine, les 12 mois, à compter jusqu’à 100 et quatre phrases de base ! En 3h d’arabe, on a appris péniblement cinq phrases par cœur…

Les autres activités sont aussi assez aléatoires car, par exemple, on ne peut pas aller au gymnase pour faire volant si on est moins que trois (alors qu’il y a là-bas deux profs payés par l’AP). L’activité couture à laquelle je me suis inscrite il y a 8 jours a été annulée totalement aujourd’hui, une demi-heure avant l’horaire prévu du début…

Je sais bien que cet équilibre est précaire, qu’ils peuvent à tout instant décider de retourner à leur habitudes de répression. Ils ont déjà le moyen de mettre la pression car je leur ai rendu leur carte de circulation informatisée qu’ils m’ont refourguée à coup de mensonges et de promesses à mon arrivée ici il y a un mois. Pour l’instant , ils ne m’obligent à l’utiliser que lors des parloirs, quand ils tiennent mes proches en otages. Le reste du temps, ils s’en passent : ils ne vont pas me mettre à la porte ! Mais s’ils veulent, ça peut entraîner un CRI à chaque sortie en promenade. Un peu comme le refus d’ADN au pénal, ça peut faire enquiller des peines de 7 jours de mitard à l’infini…

Voilà juste un an que je suis enfermée. L’anniversaire c’était samedi 9 novembre. J’aimerai bien que ça continué comme ça, même si je ne monterai jamais à l’étage des « portes ouvertes ». Si je suis encore là en janvier je pourrais commencer un formation horticulture. Ce n’est pas qu’un CAP me tente, mais j’aimerai pouvoir me salir les mains avec de la terre, à bosser avec du vivant…

En février je devrais pouvoir recevoir mes parents 6h en UVF (Unité de Vie Familiale) [4]. Pour ça, il faudrait que je reste plus que 3 moi, ce qui n’a pas été la cas dans les cinq taules précédentes…

Dans une semaine, j’aurai le délibéré du procès d’Arras du 19 septembre où la proc’ a demandé un an à cause des peines planchers. Et puis, il y a encore le procès de Lyon où javais pris 4 mois le 13 février et où le proc’ a fait appel : on n’a toujours pas la date. Au mois de novembre, il dois y avoir une Commission d’Application des Peines (CAP) où il me diront que tout mes CRP (Crédits de Réduction de Peine) [5] ont sautés et que je n’aurai pas de RPS (Remises de Peines Supplémentaires). Les démarches pour la confusion de peines traînent. Je vais passer un 2ème Noël loin de mes parents… Fait chier !

Christine

Lettre du 26 sept / Sequedin

Ci-dessous un extrait de courrier une semaine après le procès :

Séquedin, jeudi 26 septembre 2013

[…]
Après l’audience, comme à chaque fois, les gendarmes sont un peu dépités de s’être fait prendre au jeu de ma prétendue dangerosité. Alors, ils sont plus cool : plus de menottage systématique, pause clope, tutoiement respectueux…pour se différencier de leurs collègues précédents. Là, dans la cours ou on clopait avant de remonter dans le fourgon sans pot d’échappement [?], l’un d’eux m’a dit : « tu sais, je vais bientôt venir te voir au parloir : B. a déposé plainte pour diffamation… ». Ça explique le délire de son baveux sur ma manipulation par les méchants anars pas polis qui domicilient leurs sites à l’étranger…
Mais l’acharnement ne s’arrête pas là. Demain je passe au prétoire pour 4 CRI (Comptes Rendus d’Incident) chopé à mon arrivée ici pour des revendications qui ont abouties après la grève de la faim.
Je risque à nouveau 30 jours, 2 mois plus tard. Heureusement mon avocat a dit qu’il serait là pour m’assister.
Tu crois que là ça suffit ? Petit joueur ! J’ai aussi vu la semaine dernière un maton enquêteur pour le CRI rédigé le 25 juillet à Bapaume à propos de la « prise d’otage ».
Je suis à peu près sure que c’est illégal de passer à Séquedin en commission de discipline sur ça, le prétoire n’étant qu’une mesure interne et disciplinaire, pas un jugement. J’espère que mon avocat pourra le démontrer.
Mais c’est toujours pas fini ! En lisant ce dossier disciplinaire, j’ai vu une lettre de la direction de Bapaume au parquet, à la DI, au JAP et à la gendarmerie à propos de cette « prise d’otage » et d’une matonne qui a été blessée par ses collègues lors de ma réintégration de cellule. Pour l’instant, je n’ai pas vu les gendarmes à ce sujet, mais ça m’étonnerai que ça soit classé sans suite. La procureur y avait d’ailleurs fait allusion à l’audience du 19 septembre (…).
Pour faire bonne mesure, on peut y ajouter une plainte déposée par les matons de Séquedin le 31 juillet, alors qu’ils me tapaient sur la gueule. Là aussi deux d’entre eux ont été blessés dans la [mêlée], dont un assez gravement au genou (évacuation par les pompiers). Pour ça, j’ai vu un expert psy (encore un !) le 17 août (un samedi !), mais avant même d’avoir vu les gendarmes. Depuis je demande en vain des infos au greffe.
Voila la démonstration est faite : l’AP fabrique du récidiviste. Voila comment la provo de B. amène à 30 jours, qui amènent à 30 jours, qui en ramènent eux même à 30 jours. A ça, il faut ajouter un procès qui en amène un autre et deux autres encore par les mêmes plaignants. Bien sur il ne faut pas oublier d’ajouter les CRP [Crédits de Réduction de Peine] qui vont faire sauter les prochains aménagements de peine. Du grand art ! Je suis moi même époustouflée par cet acharnement : il n’y a vraiment rien qui les arrête puisque, malheureusement, le ridicule ne tue pas !

Christine

Le procès d’Arras ( 19 sept 2013)

Le 19 septembre Christine été jugée par le tribunal d’ Arras pour des faits survenus au Centre de Détention (CD) de Bapaume : refus de donner ses empreintes ; « violences » pour s’être débattue sous les coups des matons ; « menaces » pour avoir crié à un mastodonte qu’elle allait lui péter la gueule ; « dégradations » pour avoir gravé sur les murs de la cour « Mur par mur, pierre par pierre, nous détruirons toutes les prisons ! » et foutu le feu dans les différentes cellules dans lesquelles elle est passée.

Connaissant les longues plaidoiries de Christine qui avait été entendue sur les mêmes faits le 4 juillet, le juge a bien préparé et orchestré ce procès, à coup d’infantilisations et d’humiliations.

« Ce procès ne sera pas une tribune pour vous Mme Ribailly » annonce le Juge ; pas de contextualisation, à peine le droit à la parole, Christine doit répondre par « oui ou non » aux questions tendues telles des pièges par un président de séance qui a déjà pris le parti de sa culpabilité. En effet, la séance s’ouvre sur cette considération du juge : le parcours judiciaire de la prévenue montrerait qu’elle n’est « animée dans la vie que par son désir de se rebeller contre l’autorité des institutions ».
Main dans la main, le juge et l’avocat de l’Administration Pénitentiaire (AP) s’attellent donc à redorer le travail « difficile et courageux » des matons, réaffirmer leur autorité et notre devoir d’obéissance. Le juge lit le rapport d’un expert psy qui, après avoir dépeint le comportement de Christine comme paranoïaque, conseille de la poursuivre pénalement et qu’elle soit sanctionnée pour « ponctuer son parcours et qu’elle devienne actrice de sa vie ».

Résistant quotidiennement à ce qu’elle nomme les abus de pouvoir, faisant toujours valoir ses droits, Christine s’est retrouvée une fois de plus face un mur. Face à Christine la Justice ne s’est pas même encombrée des apparats de l’équité, trop soucieuse de réaffirmer l’autorité de l’État et ses chiens de garde dont elle fait partie.
Ironisant sur la « chance » du prévenu d’avoir toujours le dernier mot, le juge a donc mené à la baguette son interrogatoire : « Pensez-vous que votre attitude contribue à apaiser la situation ? Répondez par oui ou par non ? ». « Ne pouvez-vous pas passer comme les autres votre détention…tranquille ?! » dira l’avocat de l’AP.
Tranquille ?! L’audience en tout cas ne l’était pas. La tension était palpable dans la salle, qui comptait une vingtaine de copains et camarades venus soutenir Christine, et une dizaine de matons (dont Mickaël B.) et la dirlo de Bapaume venus soutenir leurs collègues.

Tandis que la Procureur réclame la peine plancher, 1 an de prison ferme supplémentaire pour Christine, son avocat plaide, une heure durant, sa relaxe. Il met notamment en avant la violence institutionnelle en dépeignant la réalité des conditions carcérales, démontrant que structurellement c’est le système carcéral qui crée la violence à l’intérieur de ses propre murs.

Délibéré rendu le 21 novembre.

Aujourd’hui Christine est de nouveau au mitard pour 30 jours et devrait être transférée au Centre de Détention de Réau (région parisienne) dans le courant du mois d’octobre.

 

Jeudi 26 novembre, le délibéré est tombé. Le tribunal a suivi de près le parquet en donnant 1 an ferme dont 6 mois en sursis mise à l’épreuve, il ajoute également une amende de plusieurs centaines d’euros pour dommages et intérêts aux matons qui avaient porté plainte après avoir cogné Christine (200€ pour Bocquet, 300€ pour Coret et encore 200€ pour un troisième). Les conditions du sursis mise à l’épreuve sont l’obligation d’indemniser les « victimes » et une obligation de travail.

Beau chantage, arrondir une fin de mois à la matonnerie ou prendre 6 mois de plus !

Sans surprise la justice a défendu ses chiens de garde et rallongé considérablement le peine de Christine. Avec cette nouvelle peine son hypothétique date de libération passe à fin 2015. À cela s’ajoutera encore un procès en appel à Lyon dont il manque toujours la date.

Aujourd’hui et depuis mi-octobre, Christine est incarcérée au CD de Réau en banlieue parisienne. Elle est toujours en régime « portes fermées » [1] mais a pour l’instant à peu près évité la case mitard/isolement. Elle est donc de nouveau en contact avec d’autres détenues. Ce qui n’était plus le cas depuis le mois de juillet (enchaînement de mitard/isolement à Bapaume puis à Séquedin).