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POITIERS – Procès de Christine (15/03/16)

Mardi 15 mars dès 12h au Tribunal de Poitiers
Venez manifester votre solidarité et votre soutien à Christine
qui résiste en prison contre l’arbitraire et pour la liberté

« […] il arrive que des condamnés commettent le crime de parler… »
A.M. Jacob

L. Jacqua - la boîte à sardines

Suite à un mouvement collectif des détenues du centre pénitentiaire de Vivonne en décembre 2014, Christine Ribailly devait comparaître mardi 6 octobre 2015 au tribunal de Poitiers pour « violences », « outrages », « menaces » envers divers membres de l’Administration pénitentiaire. Une quarantaine de personnes étaient venues la soutenir et témoigner leur solidarité aux résistances individuelles et collectives face à l’incarcération et la violence des matons. Mais l’audience n’avait pu avoir lieu.

En effet, à la lecture faite par la juge de la longue liste de faits qui lui sont reprochés, l’avocat de Christine avait observé que la copie qui lui avait été envoyée était incomplète et faisait état de 6 faits au lieu des 11 cités par la juge. L’audience fut donc renvoyée au 15 mars 2016. Il apparaît d’ores et déjà que les multiples plaintes rapportées par les membres de l’AP se sont ajoutées les unes après les autres à un dossier qui promettait aux accusateurs quelques recettes pour arrondir leurs fins de mois sur le dos de l’accusée. Chacun y est allé de sa petite plainte, toutes aussi ridicules les unes que les autres.

Double peine pour de nombreux prisonniers, les mois d’emprisonnement suite à ce genre de plaintes s’ajoutent à des sanctions disciplinaires déjà prononcées, et ne cessent de gonfler les durées d’incarcération dans la plus totale impunité des matons.


Nous nous retrouverons donc aux côtés de Christine le 15 mars 2016 au tribunal de Poitiers.

Isolement, éloignement familial, transferts disciplinaires, fouilles à nu, violences, quartiers disciplinaires, humiliations… Pour les près de 70 000 prisonniers en France, chaque journée passée en prison est un défi face à l’Administration Pénitentiaire (AP). Forte d’une multitude d’outils et de dispositifs tant violents qu’insidieux, l’AP encadre l’atomisation des prisonniers et orchestre la répression de leurs résistances. Pour n’en citer que quelques exemples :

  • casques, boucliers, équipes d’intervention anti-émeute (ERIS)
  • sédatifs et anti-anxiolytiques
  • chantages à la possibilité d’avoir accès à des remises de peines, activités, parloirs, UVF (Unité de Vie Familiale), … qui deviennent des faveurs à quémander à l’AP,
  • organisation de l’espace qui vise l’atomisation des détenus (cellules d’isolement, quartier disciplinaire, segmentation par de nombreuses grilles d’accès, TV/douche/repas en cellule et donc seuls…)

Aspirateur social, prison de la misère, machine à broyer, entreprise de déshumanisation, les mots n’ont jamais manqué pour désigner la prison, la taule. Des paroles de prisonniers aux enquêtes de l’Observatoire International des Prisons en passant par les témoignages des familles et proches de détenus, les conclusions sont les mêmes : la prison détruit l’être social.

Résister en prison, c’est y survivre, c’est exister.

Au centre pénitentiaire de Vivonne en décembre 2014, les détenues du quartier femmes rédigent une plate-forme de revendications collectives (voir au dos) où elles expriment leurs frustrations et aspirations immédiates dans le cadre de leur détention. L’Administration pénitentiaire de Vivonne ne tarde pas à réprimer cette tentative d’expression collective: commissions de discipline, mitard, confinement pour de nombreuses détenues et plaintes de surveillants contre Christine qui doit comparaître pour outrage, violence et rébellion. Malgré cela, l’Administration pénitentiaire n’aura pas réussi à briser la solidarité entre les détenues. Plusieurs d’entre elles ont décidé d’apporter leurs témoignages pour soutenir Christine lors de son procès le 15 mars au Tribunal de Poitiers.
Ces témoignages sont à lire ici

Face aux institutions, ne pas se laisser piétiner et tabasser est trop souvent synonyme d’ « outrage, violence, menace »

En prison, en plus de l’insupportable privation de liberté, les situations de confrontation et d’humiliation sont le lot quotidien des prisonniers face aux agents de l’administration pénitentiaire et leurs supérieurs : refus de promenade, de séances de sport, fouilles diverses et multiples, problèmes de courrier ou remarque déplacée, palpations, annulations de parloir… D’autant plus que « les matons disent qu’ils ne font que respecter la loi. […] Mais c’est rarement le cas. »

Alors à chaque manquement à ses droits ou provocation, que Christine soit elle-même concernée ou que l’une de ses codétenues soit visée, elle réagit avec la même ardeur et, en retour, essuie des sanctions. Christine a ainsi passé la moitié de ces trois dernières années en quartier disciplinaire ou à l’isolement, et subi treize transferts d’établissement. Certaines confrontations mènent à des insultes ou affrontements physiques… A plusieurs reprises, Christine a porté plainte contre des surveillants : ses plaintes n’ont jamais été retenues. À plusieurs reprises, des surveillants ont porté plainte : ils y ont gagné du fric et de nouvelles peines pour Christine. En deux ans d’emprisonnement, Christine a ainsi accumulé plus d’une année d’incarcération supplémentaire à sa peine initiale (elle-même le fruit d’« outrages, violences et rébellions »).

Sans notre soutien, les prisonniers et leurs combats face à l’Administration pénitentiaire sont écrasés dans le silence.

LISTE DE REVENDICATIONS DES PRISONNIÈRES DE LA MAISON D’ARRÊT DES FEMMES DU CENTRE PÉNITENTIAIRE DE POITIERS-VIVONNE [Décembre 2014]

Comme ailleurs, nous voulons :
– Des payes correctes, tant aux ateliers qu’au service général
– La suppression des QI et des régimes différenciés au CD
– Les portes ouvertes en MA et/ou le téléphone en cellule
– La mise en place systématique des aménagements de peine sans délais et des transferts en CD dès la condamnation
– La facilitation du téléphone, des parloirs et des UVF avec nos proches, enfermés ou non
– La fin des fouilles systématiques et/ou punitives
– Les repas appétissants : marre de manger du plastique !

Localement, nous demandons :
– Des conditions dignes à la nursery : arrêt des réveils nocturnes, une cour avec de l’herbe, des temps de socialisation pour la maman…
– L’accès à l’école pour toutes : fin des refus avec la fausse excuse de la mixité
– La télé à 8 euros par mois : alignement sur la loi, comme dans les prisons publiques (18 euros ici pour Eurest)
– La fin de l’interdiction des apports aux parloirs (livres, disques, produits d’hygiène…) : on n’est pas là pour enrichir les cantines privées
– L’ouverture d’une salle de convivialité : elle doit être systématique quand la météo est mauvaise car il n’y a pas de préau dans la cour
– Plus d’activités : actuellement, il n’y a que « bricolages en papier » et « fitness », 2h par semaine
– L’accès au terrain de foot : seuls les hommes y ont droit
– La gratuité du courrier interne : on doit timbrer les lettres pour le quartier hommes
(Ces demandes sont toutes réalisables dans l’état actuel de la législation)

« Nous avons donc affiché la liste de revendications le jeudi 13 sur le tableau des notes de services. A notre surprise, la feuille manuscrite y est restée quatre jours ! Mais nous n’avons eu aucun retour. Je l’ai donc expédiée à la direction qui n’a pas fait plus de commentaires. Alors nous avons fait une lettre, extrêmement polie, pour demander l’ouverture d’une salle aux mêmes heures que les promenades. Elle a été signée par toutes les filles de la MAF. Quand elle a été remise à la chef, j’étais déjà au mitard [NDLR : sanctionnée pour un refus de fouille à nu].

J’ai appris que le chef de bâtiment avait convoqué toutes les filles une par une dans son bureau pour leur faire peur en disant que les revendications collectives étaient interdites. Bien sûr, ils n’ont pas osé mentir ainsi aux Basques et à moi. En effet, ce qui est passible d’un CRI (compte-rendu d’incident), c’est « une action collective mettant en danger la sûreté de l’établissement », ce qui n’est pas notre cas. Au contraire, la loi de 2009 incite l’AP à consulter les détenus sur les activités qui leur sont proposées. Il en a profité pour leur dire aussi que c’était interdit de me saluer en criant (et comment peut-on faire autrement avec le béton qui nous sépare ?). Donc depuis quinze jours, seules les Basques me parlent. Bref, c’est l’attitude classique de l’AP… »
Christine, 11/12/2014, MAF de Vivonne

Voir le site du journal anti-carcéral (envoyé gratuitement aux prisonniers sur demande) : http://lenvolee.net/

Pour des lettres, infos et nouvelles de Christine : https://enfinpisserdanslherbe.noblogs.org/

 

Toutes pour une, une pour toutes !

Une pour toutes - toutes pour une
C’est sous ce titre que paraîtront dans le N°43 du journal l’Envolée des extraits de témoignages de prisonnières et ex-prisonnières de la Maison d’Arrêt des Femmes de Poitiers-Vivonne.
Suite à la rédaction de revendications collectives en décembre 2014, l’ensemble des signataires de ce texte s’étaient vues infliger menaces et sanctions de la part de l’AP (Administration Pénitentiaire). Pour Christine cela s’était également traduit par des dépôts de plaintes de surveillants. C’est pour apporter leur soutien à Christine lors de son procès au tribunal de Poitiers que trois de ses ex-codétenues ont décidé de rédiger des témoignages qui replacent les faits qui lui sont reprochés dans leur contexte : un contexte de mépris et de surdité de la part de l’AP face aux demandes des détenues, rapidement suivies de menaces et de sanctions pour tenter de museler ces paroles dérangeantes, mais surtout pour tenter de briser la solidarité entre ces détenues. Mais la solidarité a la peau dure…
Ci-dessous se trouvent ces trois témoignages dans leur intégralité. Les prénoms des personnes ont été changés.
Le dernier texte est une retranscription d’un entretien réalisé dans le cadre de l’émission Papillon du 7 décembre 2015 sur Radio Dio.
> Entretien à écouter sur :
https://emissionsradio.rebellyon.info/papillon/autres/itwJessica-Papillon2015-12-07.mp3
Il s’agit d’un entretien avec une ancienne codétenue de Christine qui s’étaient rencontrées lors de leur passage réciproque au Centre Pénitentiaire des Femmes de Rennes.

 


 

Aurélie, septembre 2015, Poitiers
« Nous nous trouvons dans les geôles de la loi parce que l’État a demandé justice, alors ici, plus que n’importe où la justice doit être de rigueur. Et c’est en demandant une application juste des lois et du règlement de l’établissement que Christine s’est exposée à de sévères sanctions.

Alors que nous ne nous demandions que des conditions d’incarcération dignes, comme un abri décent en cours de promenade ou simplement un ballon pour pouvoir y pratiquer une activité sportive, tout est systématiquement refusé ou seulement ignoré. Le Chef de bâtiment se ferme à toutes discussions et ne souhaite clairement résoudre aucun problème.
Nous nous sommes donc concertées et avons posé sur papier les dysfonctionnements constatés à la MAF sans autre objectif que de faire évoluer la situation pacifiquement. Mais pour seule réponse, chacune des prisonnières a été sanctionnée, mise en confinement avec pour motif : « les revendications sont interdites ».
Devrions-nous laisser l’administration pénitentiaire bafouer son propre règlement en procédant à l’application systématique et automatique de la répression. Le ton est monté et lorsque l’une de nous émettait la moindre plainte, les sanctions s’abattaient.

Alors certaines ont finies par se laisser humilier et ont cessé de réclamer justice. Mais d’autres, comme Christine n’ont pas renoncé et se sont donc retrouvées dans le viseur de l’AP.

Par exemple, la loi stipule que les fouilles intégrales doivent être motivées et justifiées. Une fouille lui a été imposée, elle a voulu en connaître le motif avant d’obtempérer. Mais il n’y en avait pas, il s’agissait de pression par l’humiliation.
Face à son refus de soumission, l’AP a décidé de faire usage de la violence. 4 à 6 hommes peuvent être appelés à intervenir, ils sont casqués, portent des boucliers et disposent de bombes lacrymogènes dont ils ont d’ailleurs fait usage. Dispositif impressionnant déployé sur une femme, elle sera conduite au QD sans ménagement.

Au mitard, se voyant refuser le droit de porter des chaussures en plein hiver et parfois même sans vêtements, Christine a été poussée à bout, ce qui déclenchait souvent l’intervention de ces hommes armés. Elle hurlait « Stop, arrêtez », des moyens d’une extrême violence pour arriver à leur fin, ôter sa dignité. L’escalade de la violence n’a plus cessé.

Les courriers internes destinés à celles qui se retrouvaient au QD comme Christine sont rarement transmis puisque la solidarité est l’unique moyen dont on dispose pour lutter contre l’injustice, l’AP met donc tout en œuvre pour l’éradiquer.
La violence et l’inhumanité dont fait preuve l’AP ne nous résignera pas à croire en l’Homme et les droits qui lui sont dus en tant que tel.
Aujourd’hui encore les combats qu’elle a engagé pour la dignité et les droits de celles et ceux que plus personne ne veut entendre se poursuivent. »

 


Magali, septembre 2015, MAF Poitiers-vivonne
« La première fois que Madame Ribailly avait été amenée au Quartier Disciplinaire c’était parce qu’elle avait demandé la justification face à la fouille intégrale que la surveillante prétendait lui imposer. Malgré que la loi préconise que les fouilles intégrales ne doivent être systématiques, ici, elles sont systématiques et jamais personne nous montre la justification pour la fouille.

De toute façon j’ai déjà entendu Monsieur Kabiala affirmer que « puisque c’est moi le chef de bâtiment, c’est moi qui fait la loi ici ».

Dès le début de l’enfermement de M.Ribailly au Quartier Disciplinaire nous avons senti une grande hostilité de la part de l’Administration Pénitentiaire envers elle. Par exemple ils ont voulu interdire le courrier interne avec M.Ribailly. Quand nous l’avons dénoncé auprès de l’OIP et le contrôleur des prisons, la prison avait été obligé de l’autoriser mais il fallait mettre un timbre. Quelques mois après, le contrôleur des prisons avait visité le CP de Vivonne et depuis, nous ne sommes plus obligé(e)s de mettre un timbre dans le courrier interne.

Petit à petit cette hostilité n’a fait qu’augmenter et la tension et la violence sont devenues insupportables. Dans chaque mouvement les surveillants étaient équipés et armés des boucliers, des casques, du gaz lacrymogène etc. J’estime que la force employée par l’Administration Pénitentiaire était totalement disproportionnée et cela ne fait que pousser à bout les personnes.

Je me souviens qu’un jour j’avais du téléphoner à mon père pour lui demander d’appeler chez M.Ribailly afin de les rassurer, de leur dire que leur fille allait bien. M.Ribailly avait demandé de pouvoir téléphoner mais les surveillants refusaient de l’amener au téléphone. Finalement elle a du commencer une grève de la faim pour y accéder.

Face à cette situation de plus en plus insupportable pour nous, six prisonnières avons décidé de montrer notre mécontentement. Nous avons écrit une lettre et à la fin de la promenade nous avons demandé à voir le responsable pour lui donner la lettre. A cause de cette action tout à fait pacifique, le 7 janvier nous sommes toutes passé devant la commission de discipline et nous avons été toutes punies au confinement. Le jour où en France des milliers de personnes manifestaient pour la liberté d’expression, nous étions confinées justement pour avoir exprimé notre opinion. En l’occurrence d’arrêter la violence contre M.Ribailly car la répression ne fait qu’empirer les choses.

Depuis plus de cinq ans que je suis ici, j’ai remarqué que le pilier principal de la prison est la punition. Le système pénitentiaire est basé sur les menaces, l’humiliation et la répression. Ils nous disent que la prison va nous aider à nous réinsérer. Pourtant la plupart des moyens sont destinés à punir les personnes. Il n’y a pas un vrai programme destiné à la réinsertion, juste des petites choses qui ne sont jamais prioritaires.

Par exemple le manque d’activités au Quartier Femme est flagrant. Les responsables de ce quartier au lieu d’essayer de remédier à ce manque, ils passent leur temps à menacer et punir les prisonnières si : a) elles parlent par la fenêtre (nous passons vingt heures par jour enfermées en cellule) ou b) elles osent faire une pétition pour demander l’accès à une salle les jours pluvieux car dans notre très petite promenade il n’y a pas un abri décent.

Pour celles qui avons le sens de la justice, il y a trop souvent derrière ces quatre murs des situations qui sont intolérables. Madame Ribailly n’a fait que défendre la dignité, la justice et l’humanité. Elle a eu pour réponse la violence indigne, injuste et inhumaine de l’Administration Pénitentiaire. »

 


Irina, septembre 2015, MAF de Poitiers-vivonne 
« J’ai connu Christine au CP de Poitiers-Vivonne. La première fois qu’elle a été amenée au Quartier Disciplinaire, c’était parce qu’elle a juste demandé de respecter la loi. Leur loi dit que les fouilles intégrales ne doivent pas être systématiques et qu’elles doivent être justifiées. Mais ici, chaque jour qu’il y a des fouilles de cellule, on a aussi la fouille intégrale. Moi aussi j’ai subi des fouilles intégrales systématiques après chaque parloir. L’Administration pénitentiaires disait que c’était aléatoires mais « bizarrement » c’était toujours mon tour. Ces derniers mois au niveau des parloirs, la situation a un peu changé. Car nous avons dénoncé cette pratique aux contrôleurs des prisons.

Quand une personne ne respecte pas la loi, elle finit en prison. Quand l’AP ne respecte pas sa propre loi, un prisonnier est menacé et est puni seulement pour demander que règlement pénitentiaire soit respecté. Et parfois, elle est même poursuivie en justice, comme c’est le cas de Christine.

La violence utilisée contre Christine a été sans aucun doute abusive. Une personne enfermée dans une cage et désarmée contre je ne sais pas combien de surveillants. Tous équipés de casques, boucliers, gaz lacrymogène… L’AP savait parfaitement que cette attitude ne ferait qu’empirer la situation. J’entendais les surveillants rigoler au retour du QD. Si ils étaient des professionnels, ils auraient fait les choses différemment. Mais non, la seule réponse de l’AP c’est la violence, la menace et la punition.

Face à cette situation, j’ai décidé d’agir. On voulait dénoncer les mesures appliquées par l’AP contre Christine. Et seulement pour avoir écrit une lettre dénonçant cela, nous aussi nous avons été punies.

Malheureusement ce qui s’est passé avec Christine, ce n’est que le reflet d’un système pénitentiaire extrêmement inhumain, injuste et cruel. La prison ne nous traite pas comme des êtres humains et ne cherche pas la réinsertion. C’est pour cela que leur politique est basée sur la punition et la vengeance. »

 


« J’AI RENCONTRÉ CHRISTINE À RENNES »
entretien avec Jessica, décembre 2015

Jessica a été incarcérée pendant trois ans. Libérée depuis peu, elle a raconté dans l’émission Papillon du 17 décembre 2015 les méthodes de l’administration pénitentiaire pour réprimer les prisonnières en les isolant, en les stigmatisant et en les faisant passer pour folles ou dangereuses. A l’extérieur Jessica continue de se bagarrer pour ses amies incarcérées.

> Entretien à écouter sur :
https://emissionsradio.rebellyon.info/papillon/autres/itwJessica-Papillon2015-12-07.mp3

 

Jessica : J’ai rencontré Christine à Rennes, on a fait deux ou trois mois ensemble ; après elle a été transférée. Elle est passée par Poitiers, et moi aussi – mais pas en même temps. Comme Christine, j’étais une détenue assez rebelle. Parce qu’en plus d’être enfermées, on va nous interdire un certain nombre de choses qui peuvent ne pas nous paraître normales, donc on va refuser de se soumettre. Ils veulent qu’on accepte tout au nom de la sécurité. Donc à partir du moment où ils voient qu’on n’est pas des détenues qui disons « oui » à tout, ils vont jouer avec nous, pour nous provoquer. Ça a été ça avec Christine, ça a été ça avec moi, c’est ça avec plein d’autres détenues. […] À Poitiers ils font une fouille à corps après chaque fouille de cellule. C’est chiant de se foutre à poil à chaque fois devant eux. Des fouilles à répétition, comme ça, en sachant qu’ils trouvent rien… Ça fait partie des choses qui m’ont fait péter les plombs. […] Je refuse de me soumettre aux fouilles parce que j’ai pas envie de me mettre à poil tous les quatre matins devant eux. Des fois, en passant sous un portique, je sonnais ; là, c’est moi qui me déshabillais, et ils me mettaient un rapport parce qu’ils disaient que je faisais de l’exhibitionnisme. C’est de l’hypocrisie ! […]

Papillon : Les surveillants ou l’administration voient certaines relations d’un mauvais œil et essaient de casser les amitiés, d’empêcher les gens de se fréquenter.

C’est quelque chose que j’ai connu autant à Poitiers qu’à Rennes. Je fréquentais des personnes, et ça plaisait pas – plus au niveau de la direction. Ils nous mettaient des bâtons dans les roues pour pas qu’on se fréquente. […] Ils veulent choisir avec qui tu dois être, ils veulent faire les choses à ta place. Ou plutôt : ils veulent qu’on soit comme eux ils veulent. Moi j’étais avec des filles qui étaient super solidaires, ils n’appréciaient pas la solidarité entre nous, parce qu’ils voyaient que ça pouvait être dangereux pour eux. C’est pour ça qu’ils n’acceptaient pas ces fréquentations.

Donc tu atterris au centre de détention de Rennes, la plus grande prison pour femmes de France.

Au début ça se passait bien, on me prenait pas trop la tête. […] Après j’ai fréquenté justement une personne avec qui j’étais solidaire, ça ne leur a pas plu, et à partir de là il s’est passé tellement de choses ! Ils ont ouvert un quartier D0… J’ai été la cobaye du truc. A Rennes, ils ont mis ça en place le 1er juin, et j’ai atterri dedans le 1er juin. Personne voyait rien, et en cachette ils m’ont fait la misère. Ça a fini, j’ai mis le feu à ma cellule, j’ai été transférée à Nantes à trois semaines de ma sortie.

Le D0, c’est comme un quartier d’isolement qui ne dit pas son nom ?

C’est ça, c’est un quartier d’isolement. C’est un peu pareil que le mitard, même. On avait

une heure de promenade l’après-midi, une heure le matin. Sinon, enfermées toute la journée. Personne. Quand on sortait, on avait toujours deux ou trois surveillants avec nous -pour faire les 20 mètres qui conduisent en promenade !

Au D0, tu avais des contacts avec les autres prisonnières ?

Non. Enfin si, je parlais par les fenêtres et tout ça. On se débrouillait autrement, mais on avait

interdiction de communiquer avec le reste des détenues. Les promenades étaient confinées, toute seule, spécialement pour ceux qui étaient à l’isolement. Mais c’était mal foutu, hein ! Comme on était des cobayes, ils arrivaient pas encore bien à gérer ! C’était un peu marrant, parce qu’à chaque fois on croisait du monde. Mais le but était qu’on soit bien isolées du reste de la détention, que personne ne voie ce qui se passe…

Il y a beaucoup de fouilles, des fouilles par palpation… Tous les jours. Trois, quatre fois par jour, parce qu’on sort au moins trois ou quatre fois par jour de la cellule. Des fouilles de cellule toutes les semaines. […] Au début, l’isolement devait durer un mois, mais après ça a été prolongé. […]

Quand les gens qui sont en prison racontent ce qu’ils subissent, on a parfois du mal à les croire ; et souvent, les personnels, que ce soient les médecins, les profs, l’administration pénitentiaire, les surveillants… tout le monde essaie de les faire passer pour fous, menteurs ou paranos !

C’est surtout à Rennes que je l’ai ressenti ; au quartier d’isolement, je voyais tout ce qu’ils me faisaient, et quand je passais en commission je leur disais : « Vous me faites ça, ça, ça, c’est pas normal. » Et ils me disaient : « Mais vous êtes complètement parano, vous vous sentez persécutée. » Et à force de me dire ça, je me disais vraiment : « C’est peut-être moi, je sais plus ce que je fais, je sais plus si je gère ce que je fais… » Ils essayaient vraiment de te retourner le cerveau, en fait. […]

On a l’impression qu’il y a pas mal d’isolement à l’intérieur des prisons pour des gens qui ont

des galères, ou qui sont en lutte ou en rébellion : quelles sont les solidarités qui existent, ou que t’aimerais voir ?

A l’intérieur, la solidarité, y en a pas beaucoup, mine de rien. Après c’est normal, la détention a les armes pour te dissuader d’être solidaire. Elles pensent à sortir, je comprends tout à fait. Mais faut aussi garder sa dignité. Je pense que c’est important d’être solidaire : on est tous dans la même galère en prison. Faut qu’on s’entraide. Si y a des gens qui m’entendent : faut vraiment qu’il y ait de la solidarité dans les prisons, arrêtez de vous faire la guerre entre vous.

Et je voudrais faire une dédicace à l’administration pénitentiaire : vous m’avez pas eue, et je suis bien contente ! Et dédicace pour toutes les personnes détenues, gardez la pêche !

 

Évry – Compte rendu du procès (du 17/11/15)

Mardi 17 novembre Christine Ribailly était jugée par le tribunal correctionnel d’Évry. Lire ici sur l’origine de ce procès.

Elle était poursuivie suites aux plaintes de pas moins de neuf matons de la Maison d’Arrêt de Fleury-Mérogis pour violence et rébellion , dont 4 se sont portés partie civile.

Christine a ré-expliqué dans quel cadre se sont passés ces faits : Comme dans les taules précédentes, arrivée à Fleuy elle refuse le fichage qu’impose la carte de circulation mais aussi les fouilles à nu systématiques et abusives lorsqu’elle est placée au mitard. Alors que ces refus sont passibles de sanctions disciplinaires suffisamment lourdes (mitard, isolement, transferts, suppression de remises de peines,…), ils ne relèvent pas du délit pénal. Mais l’Administration Pénitentiaire veut tout de même la contraindre par la force et cela se transforme en scène d’humiliation et de violence de la part des matons, puis à la finale, en plainte contre Christine qui leur résiste.

En effet, comme l’insinuera l’avocate des matons dans toute sa plaidoirie, une personne dépositaire de l’autorité publique ne peut pas être en tort et ne peut pas mentir. Donc pour les matons, l’Administration Pénitentiaire, et l’État par la voix du parquet, dans cette affaire, c’est bien évidement de la part de Christine que viennent ces violences et humiliations et ce sont les matons, en surnombres, armés, casqués et protégés par toutes leur chaîne hiérarchique qui en sont les pauvres victimes.

L’avocat de Christine, en plaidant la relaxe, a rappelé que loin d’une description idyllique du milieu carcéral dépeint par la défense des matons, « la prison est loin d’être le monde des bisounours ». Car ceux qui y ont le monopole de la violence c’est bien les surveillants pénitentiaires grâce à tous les dispositifs qu’offre leur administration pour mater les taulards. Pour illustrer cette violence, il a montré la photo de Christine avec le visage écrasé sous les mains de quatre matons, sur sa carte de circulation faite à Fleury. Il a aussi dénoncé l’inversion du rapport d’humiliation et de violence, quand c’est Christine qui se retrouve plaquée au sol sous une douzaine de matons casqués, bras et jambes écartés pendant que tout ses vêtements sont littéralement arrachés pour lui imposer une fouille à nu. Mais aussi l’hypocrisie de la justice qui enregistre neuf plaintes de surveillants immédiatement après les faits et n’a toujours pas donner suite, plus d’un an et demi après, à la plainte déposée par Christine pour toutes ces violences. Il a également rappelé que ce que nomme la justice comme violence et rébellion de la part de Christine n’est que son refus aux abus pouvoirs de l’administration pénitentiaire qui s’impose par la violence en justifiant des mesures de sécurité. Il a enfin affirmé qu’on devrait « être rassuré lorsque que des personnes ne s’adaptent pas à la prison ». Car s’adapter à la prison c’est ne plus exister.

L’avocate des matons, qui s’était portée partie civile pour quatre d’entre eux, a demandé pour chacun 1000€ de dommages et intérêts, plus 200€ de dédommagement de frais de justice.

La procureur a requis 12 mois fermes et 1700€ de dommages et intérêts au bénéfice de l’administration pénitentiaire.

Le tribunal a renvoyé le délibéré au 8 décembre 2015.

ÉVRY – Christine en procès le 17 novembre

Les chiens de garde de Fleury-Mérogis en remettent une couche.

(report de l’audience du 29 juin)

 

Incarcérée depuis novembre 2012, Christine purge plusieurs peines écopées ces dernières années suite à de multiples insoumissions à l’autorité de différentes institutions (flics, Administration Pénitentiaire, institution psychiatrique,..). Tous ceux qui, quotidiennement, ont pour rôle de réguler et réprimer nos vies, d’assurer le contrôle social. À l’intérieur, Christine ne faiblit pas et continue de résister. Régulièrement en conflit avec l’Administration Pénitentiaire (AP) et son personnel, elle se bouge contre ce qu’elle ne supporte pas : par exemple le fichage à l’entrée en détention, et les fouilles et palpations corporelles répétées. En réponse, l’AP et la justice ne manquent pas de moyens pour, chaque jour, tenter de la broyer un peu plus.

Mardi 17 novembre, à 9h, Christine sera jugée par le tribunal d’Évry pour quatre chefs d’inculpation de violences sur cinq matons de la Maison d’Arrêt des Femmes (MAF) de Fleury Mérogis. Il s’agit du report d’un procès initialement prévu le 29 juin. l’audience avait été reporté suite à une erreur de procédure soulevée par l’avocat de Christine.

Fin juin 2014, quand elle arrive à la MAF de Fleury Mérogis en transfert disciplinaire depuis Rennes, ce n’est qu’en transit, le temps qu’une place se libère au Centre de Détention de Poitiers-Vivonne. (voir ici sur son parcours)

Comme ailleurs, à son arrivée, elle refuse de donner ses empreintes, de prendre la carte de circulation et refuse aussi toute fouille ou palpation injustifiée [1]. La réponse de la matonnerie est directe, violente et sans concession. Elle est directement envoyée au mitard. A partir de là, elle n’en sort, à chaque fois, que pour quelques jours, voire les seules 24h légales[2], le temps qu’une autre commission de discipline ait lieu et l’y renvoie. Christine ne manque pas de se faire molester (plusieurs points de sutures à l’index dès son arrivée). À chaque retour au mitard, la fouille à nue obligatoire se transforme en une mêlée où une dizaine de matons s’affairent à forcer Christine à se déshabiller, quand ils ne lui arrachent pas littéralement ses vêtements. En plus de servir de sanction, le placement au mitard permet à l’AP de maintenir Christine isolée des autres détenues. Pas question de donner le « mauvais » exemple ! En effet, durant les quelques jours passés en détention normale, elle est la seule à sortir en promenade sans carte de circulation et sans palpation.

Une petite victoire que l’AP et ses matons vont faire payer cher à Christine.

Le 25 septembre, elle est placée en garde à vue afin d’être entendue à propos de plusieurs plaintes pour des soit disant violences sur des matons de Fleury. Le 29 juin c’est le tribunal d’Évry qui la jugera sur ces plaintes.

En trois mois passés à Fleury, Christine aura passé 87 jours au mitard.

Aujourd’hui, après de nouveaux transferts disciplinaires, elle est incarcérée au Centre Pénitentiaire d’Orléans-Saran. La treizième taule depuis le début de son incarcération, toujours dans la moitié nord de la France, le plus loin possible de sa famille et de ses proches. Elle continue à être maintenue la majeure partie du temps au QD. Sa demande de libération conditionnelle a été refusée. Des matons continuent de porter plainte contre elle après l’avoir cognée ou humiliée, pour défendre leur sale corporation et tenter de se grappiller un treizième mois. Et à la finale, c’est la date de libération de Christine qui continue toujours de s’éloigner.

Parce que le rapport dans lequel Christine se débat n’est pas un rapport individuel entre elle et les institutions, mais bien un rapport social fait d’exploitation et de domination que nous subissons tous quotidiennement,

Parce que ces même institutions mettent tout en place pour nous maintenir divisés et isolés,

Parce que, dans un tribunal ou dans une taule, un peu de solidarité peut redonner du courage ou appuyer un rapport de force trop souvent en notre défaveur,

SOYONS NOMBREUX À SOUTENIR CHRISTINE

FACE À LA JUSTICE ET L’ISOLEMENT CARCÉRAL.

RDV MARDI 17 NOVEMBRE 2015 À 8H30

devant le Tribunal d’Évry (rue des Mazières)

D’ici là et après, pour lui écrire, voici son adresse à Épinal:
Christine RIBAILLY, écrou 2824, MAF – CP d’Orléans, RD702 – les Montaubans, 4024 ancienne route de Chartres, 45770 SARAN

 

Pour plus d’informations sur la situation de Christine et lire des extraits de courriers :

http://enfinpisserdanslherbe.noblogs.org/

 

 

 

NOTES :

1/ Bien que la loi pénitentiaire de 2009 interdise théoriquement les fouilles systématiques des détenus, à Fleury comme dans de nombreuses autres taules, à chaque arrivée au Quartier Disciplinaire (QD) et chaque retour de parloir, les détenues son fouillées à nu. Et d’une manière générale chaque sortie de cellule est conditionnée à une palpation corporelle. La formulation du texte de loi est suffisamment floue pour que chaque taule s’en accommode à sa guise.

2/ La même loi de 2009 limite à 30 jours la période maximale des placements en QD. 24h de pause suffisent pour rembrayer sur une autre période de mitard.

 

 

 

_______________________________________________________________________________

Ci-dessous, un récit de Christine sur cette période passée à Fleury-Mérogis

 

FLEURY MEROGIS

Je suis arrivée début juillet (je ne me souviens d’aucune date par cœur et je n’ai pas mon cahier avec moi) à Fleury, en transfert-transit entre Rennes et Vivonnes (2 CD [Centre de Détention]).Retour ligne automatique
Comme d’habitude, à l’arrivée, je refuse de donner mes empreintes au greffe. Je leur explique calmement « Soit vous rester calmes et on règle ça dans une semaine avec un prétoire où je ne risque pas plus de 7 jours ; soit vous me les prenez de force, on risque de se faire mal, ça va compliquer tout le reste de la détention ici et, de toutes façons, vous n’aurez rien d’utilisable ». Ils choisissent la force, ce qui donne une photo assez comique et pas d’empreintes palmaires. Je résiste mais ne me débat pas. Arrivée à la MAF [Maison d’Arrêt Femmes], en camion vu la taille de la taule, un chef vient me dire que je vais direct au mitard. Je lui dit qu’il va avoir du mal à le justifier mais que j’accepte. Je suis encore menottée, il y a des agents avec l’équipement pare-coups (casques, plastrons, etc.). Je redis que je vais y aller seule mais ils veulent me tenir. Du coup, je me débats et ils m’y portent de force. Là, je refuse la fouille et je rue comme je peux pendant qu’ils me pelotent.Retour ligne automatique
Le prétoire 2 jours plus tard est annulé car, comme je l’avais prévu, il n’y a pas de justificatif de mise en prévention. Je vais au QA 3 jours puis ils le refont correctement. Je prend 7 jours de QD [Quartier Disciplinaire (« mitard »)]. Durant la GAV [Garde à vue], presque 3 mois plus tard, ils me diront que 2 surveillantes ont été blessées (2 et 3 jours d’ITT) lors de la fouille. C’est la première affaire de violences.

[…]

(Lire la suite sur ici)

 

Poitiers. Nouveau report de procès (06/10/15)

Suite à un mouvement collectif des détenues du centre pénitentiaire de Vivonne en décembre 2014, Christine Ribailly devait comparaître ce mardi 6 octobre au tribunal de Poitiers pour « violences », « outrages », « menaces » envers divers membres de l’Administration pénitentiaire.  Actuellement détenue à la prison d’Orléans-Saran, Christine a été déplacée jusqu’à la salle d’audience où l’attendait une quarantaine de personnes venues la soutenir et témoigner leur solidarité aux résistances individuelles et collectives face à l’incarcération et la violence des matons.
Mais l’audience n’a pu avoir lieu et est reportée au 15 mars 2016 à 14h.
En effet, à la lecture faite par la juge de la longue convocation de Christine, énumérant les multiples faits qui lui sont reprochés, l’avocat de Christine observe que la copie qui lui avait été envoyée était incomplète et faisait état de 6 faits au lieu des 11 cités par la juge. Le procureur n’acceptant pas que ces 6 faits passent à la trappe du jugement, Christine et sa défense optent pour le renvoi.
Il apparaît d’ores et déjà que les multiples plaintes rapportées par les membres de l’AP se sont ajoutées les unes après les autres à un dossier qui promettait aux accusateurs quelques recettes pour arrondir leurs fins de mois sur le dos de l’accusée. Chacun y est allé de sa petite plainte, toutes aussi ridicules les unes que les autres.
Double peine pour de nombreux prisonniers, les mois d’emprisonnement suite à ce genre de plaintes s’ajoutent à des sanctions disciplinaires déjà prononcées, et ne cessent de gonfler les durées d’incarcération dans la plus totale impunité des matons.

Nous nous retrouverons donc aux côtés de Christine le 15 mars 2016 au tribunal de Poitiers à 14h.

Poitiers, Procès de Christine qui résiste en prison contre l’arbitraire et pour la liberté

Le 28 avril 2015, Christine Ribailly devait être extraite de la prison de Strasbourg afin de comparaître au tribunal de Poitiers pour y répondre d’ « incidents » survenus à l’automne 2014 quand elle était incarcérée à Vivonne. Pour des raisons qui ne lui appartiennent pas, Christine n’a pas été transférée ce jour-là et son audience remise au mardi 6 octobre 2015 à 13h.

« […] il arrive que des condamnés commettent le crime de parler… »

A.M. Jacob

Le 28 avril 2015, Christine Ribailly devait être extraite de la prison de Strasbourg afin de comparaître au tribunal de Poitiers pour y répondre d’ « incidents » survenus à l’automne 2014 quand elle était incarcérée à Vivonne. Pour des raisons qui ne lui appartiennent pas, Christine n’a pas été transférée ce jour-là et son audience remise au mardi 6 octobre 2015 à 13h.

Isolement, éloignement familial, transferts disciplinaires, fouilles à nu, violences, quartiers disciplinaires, humiliations… Pour les près de 70 000 prisonniers en France, chaque journée passée en prison est un défi face à l’Administration Pénitentiaire (AP). Forte d’une multitude d’outils et de dispositifs tant violents qu’insidieux, l’AP encadre l’atomisation des prisonniers et orchestre la répression de leurs résistances. Pour n’en citer que quelques exemples :

  •  casques, boucliers, équipes d’intervention anti-émeute (ERIS)
  •  sédatifs et anti-anxiolytiques
  •  chantages à la possibilité d’avoir accès à des remises de peines, activités, parloirs, UVF (Unité de Vie Familiale), … qui deviennent des faveurs à quémander à l’AP,
  •  organisation de l’espace qui vise l’atomisation des détenus (cellules d’isolement, quartier disciplinaire, segmentation par de nombreuses grilles d’accès, TV/douche/repas en cellule et donc seuls…)

Aspirateur social, prison de la misère, machine à broyer, entreprise de déshumanisation, les mots n’ont jamais manqué pour désigner la prison, la taule. Des paroles de prisonniers aux enquêtes de l’Observatoire International des Prisons en passant par les témoignages des familles et proches de détenus, les conclusions sont les mêmes : la prison détruit l’être social.

Résister en prison, c’est y survivre, c’est exister.

Au centre pénitentiaire de Vivonne en décembre 2014, les détenues du quartier femmes rédigent une plate-forme de revendications collectives (voir au dos) où elles expriment leurs frustrations et aspirations immédiates dans le cadre de leur détention. C’est dans ce contexte d’expression collective que l’Administration pénitentiaire de Vivonne décida de porter plainte contre Christine qui comparaîtra ce mardi 6 octobre pour outrage, violence et rébellion.

Face aux institutions, ne pas se laisser piétiner et tabasser est trop souvent synonyme d’ « outrage, violence, menace »…

En prison, en plus de l’insupportable privation de liberté, les situations de confrontation et d’humiliation sont le lot quotidien des prisonniers face aux agents de l’administration pénitentiaire et leurs supérieurs : refus de promenade, de séances de sport, fouilles diverses et multiples, problèmes de courrier ou remarque déplacée, palpations, annulations de parloir… D’autant plus que « les matons disent qu’ils ne font que respecter la loi. […] Mais c’est rarement le cas. »

Alors à chaque manquement à ses droits ou provocation, que Christine soit elle-même concernée ou que l’une de ses codétenues soit visée, elle réagit avec la même ardeur et, en retour, essuie des sanctions. Christine a ainsi passé la moitié de ces deux dernières années en quartier disciplinaire ou à l’isolement, et subi treize transferts d’établissement. Certaines confrontations mènent à des insultes ou affrontements physiques… A plusieurs reprises, Christine a porté plainte contre des surveillants : ses plaintes n’ont jamais été retenues. À plusieurs reprises, des surveillants ont porté plainte : ils y ont gagné du fric et de nouvelles peines pour Christine. En deux ans d’emprisonnement, Christine a ainsi accumulé plus d’une année d’incarcération supplémentaire à sa peine initiale (elle-même le fruit d’« outrages, violences et rébellions »).

Sans notre soutien, les prisonniers et leurs combats

face à l’Administration pénitentiaire sont écrasés dans le silence.

 

Soyons nombreux mardi 6 octobre 2015 à 12h devant le tribunal de Poitiers (Place Alphonse Lepetit)

LISTE DE REVENDICATIONS DES PRISONNIÈRES DE LA MAISON D’ARRÊT DES FEMMES DU CENTRE PÉNITENTIAIRE DE POITIERS-VIVONNE

Décembre 2014

Comme ailleurs, nous voulons :

  • Des payes correctes, tant aux ateliers qu’au service général
  • La suppression des QI et des régimes différenciés au CD
  • Les portes ouvertes en MA et/ou le téléphone en cellule
  • La mise en place systématique des aménagements de peine sans délais et des transferts en CD dès la condamnation
  • La facilitation du téléphone, des parloirs et des UVF avec nos proches, enfermés ou non
  • La fin des fouilles systématiques et/ou punitives
  • Les repas appétissants : marre de manger du plastique !Localement, nous demandons :
  • Des conditions dignes à la nursery : arrêt des réveils nocturnes, une cour avec de l’herbe, des temps de socialisation pour la maman…L
  • ’accès à l’école pour toutes : fin des refus avec la fausse excuse de la mixité
  • La télé à 8 euros par mois : alignement sur la loi, comme dans les prisons publiques (18 euros ici pour Eurest)
  • La fin de l’interdiction des apports aux parloirs (livres, disques, produits d’hygiène…) : on n’est pas là pour enrichir les cantines privées
  • L’ouverture d’une salle de convivialité : elle doit être systématique quand la météo est mauvaise car il n’y a pas de préau dans la cour
  • Plus d’activités : actuellement, il n’y a que « bricolages en papier » et « fitness », 2h. par semaine
  • L’accès au terrain de foot : seuls les hommes y ont droit
  • La gratuité du courrier interne : on doit timbrer les lettres pour le quartier hommes

(Ces demandes sont toutes réalisables dans l’état actuel de la législation)

« Nous avons donc affiché la liste de revendications le jeudi 13 sur le tableau des notes de services. A notre surprise, la feuille manuscrite y est restée quatre jours ! Mais nous n’avons eu aucun retour. Je l’ai donc expédiée à la direction qui n’a pas fait plus de commentaires. Alors nous avons fait une lettre, extrêmement polie, pour demander l’ouverture d’une salle aux mêmes heures que les promenades. Elle a été signée par toutes les filles de la MAF. Quand elle a été remise à la chef, j’étais déjà au mitard [NDLR : sanctionnée pour un refus de fouillà nue ].

J’ai appris que le chef de bâtiment avait convoqué toutes les filles une par une dans son bureau pour leur faire peur en disant que les revendications collectives étaient interdites. Bien sûr, ils n’ont pas osé mentir ainsi aux Basques et à moi. En effet, ce qui est passible d’un CRI (compte-rendu d’incident), c’est « une action collective mettant en danger la sûreté de l’établissement », ce qui n’est pas notre cas. Au contraire, la loi de 2009 incite l’AP à consulter les détenus sur les activités qui leur sont proposées. Il en a profité pour leur dire aussi que c’était interdit de me saluer en criant (et comment peut-on faire autrement avec le béton qui nous sépare ?). Donc depuis quinze jours, seules les Basques me parlent. Bref, c’est l’attitude classique de l’AP… »

Christine, 11/12/2014, MAF de Vivonne

Voir le site du journal anti-carcéral (envoyé gratuitement aux prisonniers sur demande) : http://lenvolee.net/

Pour des lettres, infos et nouvelles de Christine : https://enfinpisserdanslherbe.noblogs.org/

Rassemblement à Evry le 29 juin

Le procès du 29 juin à Evry a été renvoyé.
Ce renvoi a été obtenu à l’initiative de l’avocat qui a relevé dans la procédure un « problème de compétences ».
Le 29 juin, Christine aurait du passer devant une « collégiale », c’est-à-dire 3 juges. Or les faits pour lesquels elle est convoquée relèvent d’une cour à « juge unique ». L’extraction et le procès sont annulés pour le 29. Pas d’audience avant octobre ou novembre.

Incarcérée depuis novembre 2012, Christine purge plusieurs peines écopées ces dernières années suite à de multiples insoumissions à l’autorité de différentes institutions (flics, Administration Pénitentiaire, institution psychiatrique,..). Tous ceux qui, quotidiennement, ont pour rôle de réguler et réprimer nos vies, d’assurer le contrôle social. À l’intérieur, Christine ne faiblit pas et continue de résister. Régulièrement en conflit avec l’Administration Pénitentiaire (AP) et son personnel, elle se bouge contre ce qu’elle ne supporte pas : par exemple le fichage à l’entrée en détention, et les fouilles et palpations corporelles répétées. En réponse, l’AP et la justice ne manquent pas de moyens pour, chaque jour, tenter de la broyer un peu plus.

Lundi 29 juin 2015, à 13h30, Christine sera jugée par le tribunal d’Évry pour quatre chefs d’inculpation de violences sur cinq matons de la Maison d’Arrêt des Femmes (MAF) de Fleury Mérogis.

Fin juin 2014, quand elle arrive à la MAF de Fleury Mérogis en transfert disciplinaire depuis Rennes, ce n’est qu’en transit, le temps qu’une place se libère au Centre de Détention de Poitiers-Vivonne. (voir ici sur son parcours : http://rebellyon.info/spip.php?page=recherche&recherche=Ribailly )
Comme ailleurs, à son arrivée, elle refuse de donner ses empreintes, de prendre la carte de circulation et refuse aussi toute fouille ou palpation[1]. La réponse de la matonnerie est directe, violente et sans concession. Elle est  directement envoyée au mitard. A partir de là, elle n’en sort, à chaque fois, que pour quelques jours, voire les seules 24h légales[2], le temps qu’une autre commission de discipline ait lieu et l’y renvoie. Chaque déplacement à l’intérieur de la taule se fait avec une escorte de matons casqués où Christine ne manque pas de se faire molester (plusieurs points de sutures à l’index dès son arrivée). À chaque retour au mitard, la fouille à nu obligatoire se transforme en une mêlée où une dizaine de matons s’affairent à forcer Christine à se déshabiller, quand ils ne lui arrachent pas littéralement ses vêtements. En plus de servir de sanction, le placement au mitard permet à l’AP de maintenir Christine isolée des autres détenues. Pas question de donner le « mauvais » exemple ! En effet, durant les quelques jours passés en détention normale, elle est la seule à sortir en promenade sans carte de circulation et sans palpation.
Une petite victoire que l’AP et ses matons vont faire payer cher à Christine.
Le 25 septembre, elle est placée en garde à vue afin d’être entendue à propos de plusieurs plaintes pour des soit disant violences sur des matons de Fleury. Le 29 juin c’est le tribunal d’Évry qui la jugera sur ces plaintes.

En trois mois passés à Fleury, Christine aura passé 87 jours au mitard.
Aujourd’hui, après un nouveau transfert disciplinaire, elle est incarcérée à la MAF d’Épinal, dans les Vosges. La onzième taule depuis le début de son incarcération, toujours dans la moitié nord de la France, le plus loin possible de sa famille et de ses proches. Elle continue à être maintenue la majeure partie du temps au QD. Ses demandes de libération conditionnelle ont été refusées. Des matons continuent de porter plainte contre elle après l’avoir cognée ou humiliée, pour défendre leur sale corporation et tenter de se grappiller un treizième mois. Et à la finale, c’est la date de libération de Christine qui continue toujours de s’éloigner.

Parce que le rapport dans lequel Christine se débat n’est pas un rapport individuel entre elle et les institutions, mais bien un rapport social fait d’exploitation et de domination que nous subissons tous quotidiennement,
Parce que ces même institutions mettent tout en place pour nous maintenir divisés et isolés,
Parce que, dans un tribunal ou dans une taule, un peu de solidarité peut redonner du courage ou appuyer un rapport de force trop souvent en notre défaveur,

SOYONS NOMBREUX À SOUTENIR CHRISTINE FACE À LA JUSTICE ET L’ISOLEMENT CARCÉRAL.

                              LUNDI 29 JUIN 2015 À 13H
                     devant le Tribunal d’Évry (rue des Mazières)

D’ici là et après, pour lui écrire, voici son adresse à Épinal:
Christine RIBAILLY, écrou 15863, MAF d’Épinal, 13 rue Villars, BP21069, 88060 ÉPINAL Cedex9

Pour plus d’informations sur la situation de Christine et lire des extraits de courriers :
http://enfinpisserdanslherbe.noblogs.org/

NOTES :
1/   Bien que la loi pénitentiaire de 2009 interdise théoriquement les fouilles systématiques des détenus, à Fleury comme dans de nombreuses autres taules, à chaque arrivée au Quartier Disciplinaire (QD) et chaque retour de parloir, les détenues son fouillées à nu. Et d’une manière générale chaque sortie de cellule est conditionnée à une palpation corporelle. La formulation du texte de loi est suffisamment floue pour que chaque taule s’en accommode à sa guise.
2/   La même loi de 2009 limite à 30 jours la période maximale des placements en QD. 24h de pause suffisent pour rembrayer sur une autre période de mitard.

_______________________________________________________________________________
Ci-dessous, un récit de Christine sur cette période passée à Fleury-Mérogis

FLEURY MEROGIS

Je suis arrivée début juillet (je ne me souviens d’aucune date par cœur et je n’ai pas mon cahier avec moi) à Fleury, en transfert-transit entre Rennes et Vivonnes (2 CD [Centre de Détention]).
Comme d’habitude, à l’arrivée, je refuse de donner mes empreintes au greffe. Je leur explique calmement « Soit vous rester calmes et on règle ça dans une semaine avec un prétoire où je ne risque pas plus de 7 jours ; soit vous me les prenez de force, on risque de se faire mal, ça va compliquer tout le reste de la détention ici et, de toutes façons, vous n’aurez rien d’utilisable ». Ils choisissent la force, ce qui donne une photo assez comique et pas d’empreintes palmaires. Je résiste mais ne me débat pas. Arrivée à la MAF [Maison d’Arrêt Femmes], en camion vu la taille de la taule, un chef vient me dire que je vais direct au mitard. Je lui dit qu’il va avoir du mal à le justifier mais que j’accepte. Je suis encore menottée, il y a des agents avec l’équipement pare-coups (casques, plastrons, etc.). Je redis que je vais y aller seule mais ils veulent me tenir. Du coup, je me débats et ils m’y portent de force. Là, je refuse la fouille et je rue comme je peux pendant qu’ils me pelotent.
Le prétoire 2 jours plus tard est annulé car, comme je l’avais prévu, il n’y a pas de justificatif de mise en prévention. Je vais au QA 3 jours puis ils le refont correctement. Je prend 7 jours de QD [Quartier Disciplinaire (« mitard »)]. Durant la GAV [Garde à vue], presque 3 mois plus tard, ils me diront que 2 surveillantes ont été blessées (2 et 3 jours d’ITT) lors de la fouille. C’est la première affaire de violences.
[…]
(Lire la suite sur ici

Procès de Christine à Poitiers reporté !

Mardi 28 avril 2015, Christine RIBAILLY, toujours détenue à la prison de Strasbourg, devait être extraite de sa cellule pour comparaître au tribunal de Poitiers et s’y défendre d’accusations d’outrages et de violences envers des personnes dépositaires de l’autorité publique. L’extraction n’a pas eu lieu, et le procès est renvoyé au 6 octobre 2015… Nous y serons !

Mardi 28 avril, Christine, toujours détenue à la prison de Strasbourg, devait être extraite de sa cellule pour comparaître au tribunal de Poitiers et s’y défendre d’accusations d’outrages et de violences envers des personnes dépositaires de l’autorité publique. L’extraction n’a pas eu lieu, et le procès est renvoyé. Motifs ? : couper l’herbe sous le pied de la dynamique de soutien à Christine, qui s’amplifie ? Punir une fois de plus Christine, qui sortait tout juste du mitard, en lui interdisant cette sortie de cellule, de quelques 24h, que représente une audience à des centaines de kilomètres de son lieu actuel d’incarcération (pratique sadique assez commune de la direction pénitentiaire) ? Retarder l’affrontement du parquet aux conclusions de l’avocat de Christine, qui posent les nullités de la procédure et exigent la relaxe ? Quoiqu’il en soit des vraies motivations des autorités sur ce faux bond de dernière minute, les explications du greffe puis du juge ont été plus qu’évasives et obscures : Christine n’a pas été extraite « compte-tenu de la personnalité particulière de la prévenue », a rapporté le procureur (voir l’article de La Nouvelle République en lien). Incompétences administratives ?
Ce nouveau report entretient une tension et contribue à la tentative d’épuisement de la résistance de Christine. Il équivaut à un nouveau sursis durant lequel elle-même et ses proches sont encore une fois éconduits et maintenus dans l’incertitude de sa libération. Face à la justice et l’administration pénitentiaire, notre mobilisation de solidarité à Christine et contre la société carcérale ne peut que se réaffirmer dans ces circonstances et ne faiblira pas !

Malgré ce renvoi, un rassemblement de solidarité a eu lieu devant le tribunal ce mardi 28 de 15h à 16h30. Entre 20 et 30 personnes ont souhaité manifester leur soutien à Christine et faire connaître sa situation au plus grand nombre. Un journaliste aussi a tenu à informer, au-delà de la brève, sur ce renvoi d’audience et la situation de Christine dans  cet article

L’audience est donc reportée au mardi 6 octobre à 14h au tribunal de Poitiers.

Nous y serons !

Procès à Poitiers le 28 avril (rassemblement)

Mardi 28 avril à 15h

Rassemblement de solidarité

en soutien à Christine qui résiste en prison

contre l’arbitraire et pour la liberté

RDV devant le tribunal de Poitiers à 15h,

10 Place Alphonse Le Petit

Isolement, éloignement familial, transferts disciplinaires, fouilles à nu, violences, quartiers disciplinaires, humiliations… Pour les 66 270 prisonniers en France au 1er février 2015, chaque journée passée en prison est un défi face à l’Administration Pénitentiaire (AP). Forte de ses casques, de ses uniformes blindés, de ses armes et d’un code pénal qu’elle manie à sa guise, l’AP encadre l’atomisation des prisonniers et orchestre la répression de leurs résistances.

Aspirateur social, prison de la misère, machine à broyer, entreprise de déshumanisation, les mots n’ont jamais manqué pour désigner la prison, la taule. Des paroles de prisonniers aux enquêtes de l’Observatoire International des Prisons en passant par les témoignages des familles et proches de détenus, les conclusions sont les mêmes : la prison détruit l’être social.

Résister, c’est y survivre, c’est exister.

Face aux institutions, ne pas se laisser piétiner et tabasser est trop souvent synonyme d’ « outrage, violence, menace »

Sans notre soutien, les prisonniers et leurs combats

contre l’Administration pénitentiaire sont écrasés dans le silence.

Le 28 avril 2015, Christine Ribailly, détenue à la prison de Strasbourg, sera transférée au tribunal de Poitiers pour y répondre d’ « incidents » survenus à l’automne 2014 quand elle était incarcérée à Vivonne. Alors qu’une plate-forme de revendications collective venait de voir le jour au quartier femmes du centre de détention, dans laquelle les détenues exprimaient leurs frustrations et aspirations immédiates, l’Administration pénitentiaire de Vivonne décida de porter plainte contre Christine. C’est dans ce contexte d’expression collective que Christine s’est débattue lors de fouilles et autres provocations des surveillants de la pénitentiaire. Coupable d’avoir refusé d’encaisser sans broncher, de ne pas s’être écrasée, elle comparaîtra ce 28 avril à 16h pour outrage, violence et rébellion.

Refus de promenade, de séances de sport, fouilles diverses et multiples, problèmes de courrier ou remarque déplacée, palpations… En prison, les situations de confrontation sont le lot quotidien :

« Les matons disent qu’ils ne font que respecter la loi. J’attends donc une honnêteté sans faille de leur part. Quand j’ai été incarcérée, j’ai lu le code du prisonnier et le code pénal. Je regarde toutes les notes de service affichées en détention. Si tout ça est respecté, je ne fais pas d’histoire. Mais c’est rarement le cas. »

A chaque manquement à ses droits ou provocation, que Christine soit elle-même concernée ou que l’une de ses codétenues soit visée, elle réagit avec la même ardeur et, en retour, essuie les sanctions. Christine a ainsi passé la moitié de ces deux dernières années en quartier disciplinaire ou à l’isolement, et subi dix transferts d’établissement. Certaines confrontations dérapent. Insultes, affrontements physiques… À plusieurs reprises, des surveillants ont porté plainte, ajoutant de nouvelles condamnations à sa peine. En deux ans d’emprisonnement, Christine a ainsi accumulé plus d’une année d’incarcération supplémentaire.

La Justice va-t-elle, une fois de plus, écraser la résistance des prisonniers face à l’arbitraire de l’AP et accorder à l’institution carcérale une nouvelle fois l’impunité ?

Qui est Christine ? (cf. article de L.Bjurström http://www.politis.fr/Christine-un-engrenage-carceral,28711.html)

Christine est bergère. Elle aime la montagne et son troupeau, pouvoir se déplacer en toute liberté, voir qui elle veut quand elle le veut. Quand son compagnon est incarcéré, condamné pour une longue peine, elle découvre les contraintes du parloir, la sévérité de l’administration pénitentiaire. En décembre 2004, une altercation avec des surveillants du centre de détention de Valence, pour un parloir promis puis refusé, l’expédie en garde à vue pour la toute première fois. En comparution immédiate, elle écope de quatre mois de prison avec sursis pour violence sur personne dépositaire de l’autorité publique et outrage. Chaque année qui suit ajoute une nouvelle peine à son dossier. Aux incidents de parloir s’ajoutent ceux des manifestations contre le système carcéral, la loi Loppsi 2 ou le puçage des moutons, et des gardes à vue qui s’enchaînent. Le 8 novembre 2012, partie voir son compagnon au parloir, elle passe un portail de sécurité. Celui-ci ne sonne pas, mais les surveillants lui demandent d’enlever sa veste. L’ordre résonne comme une manifestation supplémentaire de l’arbitraire de l’institution. Parce que « les familles n’ont pas à se déshabiller sans raison », Christine refuse. Sa résistance l’expédie en garde à vue, puis deux mois en prison pour outrage et rébellion. Les deux mois d’incarcération sont devenus années. Un à un, les sursis et peines accumulés depuis 2004 sont tombés. Et, en deux ans d’emprisonnement, les multiples altercations avec les surveillants ont déjà allongé sa peine d’un an. Du mitard au quartier d’isolement, de commissions disciplinaires en procès, Christine s’accroche et ne faiblit pas.

Pour plus d’infos sur la situation de Christine : https://enfinpisserdanslherbe.noblogs.org/

 

Tract 28 avril 2015 – POITIERS

Compte rendu du procès de Christine à la cour d’appel de Paris

Le 26 septembre 2014, Christine est passée en procès à la cour d’appel de Paris suite à une plainte de maton pour violence. Elle avait été condamnée à un mois ferme et 200 euros de dommage et intérêts par le Tribunal de Grande Instance de Melun le 5 mars 2014, mais le parquet, jugeant la peine trop clémente avait fait appel.

Comme lors de ses nombreux procès précédents, elle a tenté d’expliquer son geste en décrivant le contexte dans lequel il se place. Pour une fois, les juges lui ont laissé la possibilité de s’exprimer et ce fut donc pour Christine une occasion supplémentaire de poser des mots sur son quotidien, sur ses perspectives de plus en plus réduites par l’engrenage carcéral dans lequel elle est maintenue. Sans exprimer de regrets et sans s’excuser, elle explique point par point les actes que la justice lui reproche et met les juges face à la question carcérale. Comment imaginer une quelconque insertion ou réflexion lorsque tout un quotidien est conçu pour nous isoler et nous humilier ?

Lorsque ses projets de sortie sont abordés, elle maintien son envie de retrouver son troupeau, une vie à la campagne avec ses proches et n’oublie pas de mentionner que c’est la prison qui l’a désinsérée de ce projet puisque c’est l’AP (administration pénitentiaire) qui fut la première à lui passer les menottes.

Comme lors des précédents procès, elle précise que l’AP est une administration de droit qui contient des codes et des articles de lois. Le moins qu’on puisse attendre d’elle est qu’elle applique les règles qu’elle s’est elle même fixées et ce n’est pas le cas puisque le quotidien qu’elle vit depuis qu’elle est confrontée à l’AP est régit par l’arbitraire des matons et que cela ne peut qu’attiser sa révolte.

Lorsque ses anciennes condamnations sont abordées par la procureur avec la fameuse question « Que pensez vous de ces peines ? Selon vous, sont elles fondées ou toutes injustes ? » elle explique calmement qu’elle comprend que ce sont des conséquences logiques face aux lois auxquelles elles font références mais qu’en l’occurrence, elle rejette la légitimité de ces lois et donc conteste les condamnations prononcées contre elle.

Suite aux questions des différents magistrats, la proc requiert un ajournement du procès pour le mois de mars en précisant que cela pourrait avoir une influence sur le comportement de Christine et la pousser à sa seule possibilité d’amorcer un processus de sortie, une soumission à l’AP en réprimant elle-même ses envies de révoltes.

Ensuite, la plaidoirie de son avocat se basa sur son doute quant à la pertinence d’un ajournement puisqu’il retarde encore une fois la date de sortie et donc la démarche de conditionnelle que Christine est en train d’amorcer. Il exprime aussi son inquiétude face à l’accumulation des peines et aux tensions que cela crée dans le quotidien de Christine et à l’impossibilité, dans la dynamique actuelle, d’imaginer une sortie si un geste n’est pas fait de la part de la justice pour désamorcer l’engrenage dans lequel Christine se trouve. Il fait donc appel à la clémence des juges dans l’espoir qu’ils comprennent que c’est la seule solution pour que la situation s’apaise et que Christine puisse retrouver un espoir de sortie.
Suite à cela, le juge a demandé à Christine si elle accepterait une peine de TIG (travaux d’intérêts général), proposition que Christine a accepté.

Il est toutefois bon de noter que les réquisitions de la proc furent surprenantes puisqu’elles ne faisaient pas références aux anciennes réquisitions mais que dans la plupart des situations, un ajournement entraîne une carotte supplémentaire qui pousse la personne condamnée à se soumettre aux autorités auxquelles elle est confrontée.

Le 24 octobre 2014, la cour d’appel de Paris a rendu son délibéré et a condamné Christine à 140 heures de TIG à effectuer durant les 18 prochains mois.

Dans la société actuelle, il est souvent difficile d’imaginer une position cohérente puisque c’est un contexte de confrontation quasi permanent face à des institutions oppressantes. Dans une telle situation, il est difficile d’imaginer survivre sans effectuer une série de compromis, ainsi que de rendre nos désir de révoltes et de luttes concrètes au quotidien.

En prison, cette réalité est accentuée et la moindre confrontation est souvent synonyme de représailles des matons, de durcissement du quotidien ou de procès supplémentaire. Le cas de Christine n’est malheureusement pas un cas isolé et beaucoup de personnes se trouvent dans le même engrenage et voient, jours après jours, procès après procès, leur sortie s’éloigner. Face à l’esprit revanchard et corporatif des matons ainsi que le panel des outils juridiques qui maintient cette situation, il est difficile d’imaginer des manières de sortir d’un engrenage de la sorte. Ce qui est sûr, c’est que briser l’isolement causé par l’AP peut apporter de la force à celles et ceux qui se battent entre les murs et peut être un des éléments parmi d’autres permettant de diminuer le sentiment d’impunité que les matons ressentent dans leur quotidien.

Solidarité avec Christine et les détenu.e.s en lutte !
Et que crève l’AP !