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Compte-rendu du procès de Roanne

Procès de Christine contre des surveillant-e-s de Roanne

mercredi 27 juillet 2016

Christine est au centre de détention de Roanne depuis le 24 mars 2016. Elle passe ce 27 juillet devant le tribunal local pour des faits survenus d’avril à juin. Au jour de l’audience, Christine est libérable au 16 décembre 2016. Elle est finalement condamnée, en plus, à un an de prison dont 6 avec sursis et mise à l’épreuve.

A la va-vite, voici un compte-rendu de l’audience.

Aujourd’hui Christine comparaît pour quatre (ou cinq ? On s’y perd tellement elles se répètent!) altercations avec des surveillants et surveillantes de Roanne. : elle est accusée d’une dizaine d’infractions de « rébellion et/ou violence sur personne dépositaire de l’autorité publique » sans ITT ou avec des ITT inférieures à 8 jours. Elle est aussi accusée du refus de prélèvement d’empreintes (digitales, photo…) lors de la garde à vue.

Résumé

Au sujet de ces altercations, qui la mènent pour la énième fois devant un tribunal, et rallongent indéfiniment sa peine, Christine tient d’abord à préciser : « Je ne vais jamais au contact physique la première. Jamais. Quand il y a un problème en détention, je le signale aux surveillants. Si rien ne se passe, éventuellement, je fais un blocage. Mais je ne vais jamais, jamais, au contact la première ».

Ensuite elle raconte les quatre histoires pour lesquelles elle comparaît, en détails, même lorsque la juge tente de la couper en lui demandant de se « limiter aux faits » : Christine veut faire comprendre au tribunal et au public ce qui se déroule et comment on en vient à des accusations de violences et de rebellions, comment ces faits sont inscrits dans un contexte.

« Je me suis retrouvée outil dans une guerre entre certains surveillants qui veulent selon eux se battre contre la voyoucratie et la direction : ceux qui veulent juste être les plus forts » et « des agents qui veulent faire confiance aux détenus ». Selon elle ces surveillants ne supportant pas ce qu’ils considéraient comme des « privilèges » qu’elle aurait obtenu (alors même qu’elle était placée au mitard!) ont provoqué des incidents. Elle explique qu’au fur et à mesure, la violence est montée en intensité.

Un exemple

Pour l’exemple, résumons ici l’une des histoires pour lesquelles elle est poursuivie aujourd’hui.

Christine explique que « le tricot a un avantage phénoménal quand on est débutante : ça fait passer le temps ». À la présidente qui l’interrompt et lui ordonne « d’aller à l’essentiel », elle répond : « C’est ça l’essentiel ! Je suis en prison depuis quatre ans, c’est essentiel de faire passer le temps. »

Des voisines lui préparent un sac de laine et demandent à une surveillante de lui faire passer. « La surveillante refuse, ce qu’elle niera ensuite dans son rapport. Le problème est là ! Il est dans le manque de respect total et continuel des surveillants. Comme elle a refusé, mes voisines m’ont envoyé la laine en promenade. Une surveillante veut vérifier la pelote de laine, la confisque et promet de la rendre lors du repas. Mais le bricard ne la restitue pas car il me reproche d’avoir récupéré la laine en promenade (ce qui n’est pas réglementaire) au lieu d’avoir demandé à la surveillante de la faire passer! Deux mensonges en une journée ! Aucune violence de ma part. » Au moment du repas, Christine et un surveillant ont une explication à ce sujet : « Le surveillant me prend par le col. C’est là que je le prend par le col. À la base je voulais juste passer mon week-end tranquille à tricoter. Cette fois ça a été très violent. Les surveillants entrent dans ma cellule avec les boucliers , me poussent au sol, l’un d’eux me met des coups de poing quand je suis au sol… Ils m’ont volé ma promenade la veille, et ma laine ce jour là ».

La juge admet ensuite que les plaintes des divers surveillants déposées suite à cette histoire ne sont pas précises. Pourtant, elle est ici jugée et condamnée entre autre pour ces faits.

Christine précise qu’elle a demandé à l’OPJ (officier de police judiciaire) qui l’a entendue pour ces faits de faire témoigner ses voisines au sujet de la laine et du mensonge de la surveillante. Il n’en a pas tenu compte. La juge estime que le problème n’est pas là et qu’il est uniquement dans l’attitude de Christine.

Voilà le genre d’histoires qui mènent Christine à être condamnée pour « rébellion et violence ». Elle est aussi accusée d’avoir refusé de se soumettre aux prises d’empreinte en garde à vue. À la juge qui la questionne sur ses positions de principe contre le fichage, Christine répond : « En général je refuse d’être fichée, mais là ils ne peuvent pas me poursuivre pour ça : ils ne m’ont jamais demandé mes empreintes en garde à vue ! Ni si je voulais manger, ni si je voulais aller aux WC d’ailleurs. »

Morceaux choisis

Le procureur reproche à Christine de ne pas supporter les surveillants et de tous les traiter de « nazis ». Christine lui répond qu’il n’y a qu’une surveillante qu’elle surnomme « la nazie », depuis qu’elle l’a entendue dire au sujet des prisonnier-e-s : « Pour ces gens là, c’est pas la prison qu’il faut mais des camps, comme ça on les ferait marcher à la shlag ou au fusil mitrailleur. » Christine ajoute : « J’ai jamais dit que tous les surveillants étaient des nazis. Mais elle, j’ai porté plainte contre elle pour ce qu’elle a dit. Où est ma plainte ?».

Alors que la juge ne cesse de lui parler de « votre cellule », Christine rappelle : « ce n’est pas MA cellule, ce n’est pas chez moi ici ». Christine a déposé une demande de libération conditionnelle pour la deuxième fois depuis son entrée en prison en novembre 2012 pour une peine initiale de 3 mois.

Conclusion

La présidente reproche à Christine de légitimer ses attitudes en critiquant celles des surveillants : « S’il y avait vraiment un problème du côté de l’administration pénitentiaire, ça arriverait à tous les détenus. Vos problèmes sont liés à votre comportement ».

Christine répond : « Je suis en prison depuis novembre 2012, j’ai fait 620 jours de QD et 160 jours de QI, ma peine se rallonge pour des altercations avec des surveillants. Je ne comprends pas à quoi ça sert, à part peut-être à enrichir les vendeurs de cahiers de mots croisés. A part à enrichir quelques surveillants, je comprends pas à quoi ça sert. Je suis bergère. Mon utilité, c’est de fournir aux gens des côtelettes pour qu’ils fassent leurs barbecues l’été. 70 % des détenus n’ont pas de peine interne, pour eux la vie dehors et dedans c’est pareil : télé et shit. Mais 30 % des détenus ont des peines internes. Quand vous condamnez des gens, c’est à tout ça que vous devez penser. »

Plaidoirie

L’avocat de Christine, Benoît David, rappelle que l’enfermement de Christine ne sert à rien. Il relève surtout les contradictions, incohérences et absences d’éléments précis dans les dépositions des surveillant-e-s. Pour exemple : une surveillante qui ne décrit dans sa déposition aucune violence de Christine contre elle, mais qui plus tard demande réparation pour une douleur à l’épaule.

Verdict

Christine est relaxée pour le refus de prélèvement. Reconnue coupable pour tout le reste.

Elle est condamnée à douze mois d’enfermement dont 6 ferme et 6 avec sursis et mise à l’épreuve, c’est-à-dire que lorsqu’elle sortira enfin, elle subira de nombreuses obligations (soins, suivi…). Trois surveillantes recevront un chèque de 100 à 600 euros, une autre est renvoyée à une audience ultérieure pour tenter de gagner elle aussi sa chance au grattage. Il n’y a pas de mandat de dépôt, ce qui laisse croire que la peine pourra être aménageable, que c’est ce que désire la juge. En effet, elle sait que le JAP (Juge d’Application des Peines) doit répondre le 4 août à la demande de conditionnelle. Oui mais voilà, le 4 août, il la refuse. Il est donc trop tard pour un appel. Et le proc’ a promis de « faire tomber vite ces 6 mois en cas de refus, pour ne pas gêner une autre demande ». Qu’ils sont gentils !!

Rassemblement à Roanne le 27 juillet à 13h

MANIFESTONS NOTRE SOLIDARITE ET NOTRE SOUTIEN À CHRISTINE

QUI RESISTE EN PRISON CONTRE L’ARBITRAIRE ET POUR LA LIBERTE

RDV LE 27 JUILLET à 13H

AU TRIBUNAL DE ROANNE (place Georges Clémenceau)

Une fois encore Christine actuellement détenue à la prison de Roanne, passe en procès pour répondre d’incidents survenus en avril-mai-juin 2016 et pour lesquels lui ont été signifiés 9 chefs d’inculpations de violences et rébellions sur des matons de Roanne ainsi qu’un refus de signalétique ( empreintes digitales et photos).

A Roanne comme dans les 14 taules qu’elle a « fréquentées » depuis novembre 2012, les « chiens de garde » de l’AP (administration pénitentiaire), tous niveaux confondus, poursuivent leur acharnement pour la pousser à bout. Par de multiples provocations, ils tentent de la réduire au silence et à la soumission :

Interdite de promenade, suppression d’activités, refus de répondre à ses requêtes justifiées, humiliations (fouilles à nu), brutalité (menottes), QI (quartier d’isolement), mitard…

Christine, la bergère rebelle n’est pas un mouton qui se laisse dresser, mater et tondre sans se révolter !

En effet, à l’intérieur de la prison elle poursuit les combats menés auparavant hors les murs et entend dénoncer la machine à broyer l’humain qu’est en réalité la prison.

Christine refuse de se taire, de se plier à l’arbitraire et au non respect des droits des prisonniers, des droits humains dont l’enfermement carcéral est l’illustration.

Le cas de Christine n’est pas isolé, d’autres détenues entrent en résistance et subissent le même sort.

Sans notre soutien, les prisonnier.e.s et leur combat face à l’AP sont écrasés dans le silence !

Face aux institutions, en taule comme à l’extérieur, ne pas se laisser piétiner et tabasser est systématiquement synonyme :

d’outrages, violences, rébellions.

« Même si les matons disent qu’ils ne font que respecter la loi. J’attends donc une honnêteté sans faille de leur part. Quand j’ai été incarcérée, j’ai lu le code du prisonnier et le code pénal. Je regarde toutes les notes de service affichées en détention. Si tout çà est respecté, je ne fais pas d’histoire. Mais c’est rarement le cas ».

Christine a porté plainte contre des surveillants pour non respect des règlements pénitentiaires ou pour coups et blessures : ses plaintes n’ont jamais été retenues ! Par contre, comme aujourd’hui, les plaintes des matons ont toujours eu des suites judiciaires, qui se soldent par du fric pour eux et de nouvelles peines pour elle qui rallongent d’autant sa durée en détention.

Lors des événements de Roanne « alors qu’il me tenait, le bricard a dit : vous n’êtes pas adaptée à la vie en centre de détention – je suis bien d’accord : je suis bergère, pas taularde » !

Qui est cette détenue que l’AP, de taule en taule, considère comme dangereuse et subversive ?

Christine est bergère – elle aime son métier, éprise de liberté et de justice sociale – son parcours est celui d’une militante contre le système carcéral, la loi Loppsi, le puçage des moutons et l’ensemble des lois liberticides – Ses actes militants sanctionnés par de courtes peines avec sursis, ont, après l’affront de trop face à l’AP, quand elle conteste le despotisme des fouilles pénitentiaires, abouti à son incarcération pour 2 mois en novembre 2012 pour outrage et rébellion ; 2 mois qui sont devenues des années une fois les sursis tombés puis à la suite des multiples altercations avec des surveillants dans les 14 geôles où elle a été transférée pour motif disciplinaire.

Lieux de détention toujours très éloignés de sa famille et de ses proches, car non contents d’embastiller ceux que la société bourgeoise déclare nuisibles afin de maintenir en son sein ses valeurs morales fondées sur l’inégalité sociale, le respect de l’autorité, la soumission à la violence étatique, l’AP punit également les familles !

Le rapport dans lequel Christine se débat n’est pas un rapport individuel entre elle et les institutions mais bien un rapport social fait de l’exploitation que nous subissons tou.te.s quotidiennement. Ces mêmes institutions mettent tout en place pour nous maintenir divisé.e.s et isolé.e.s.

La prison dite « privation de liberté » est-elle compatible avec la nature humaine ?

La justice va-t-elle une fois de plus écraser la résistance des prisonnier.e.s face à l’arbitraire de l’AP et accorder à l’institution carcérale une nouvelle fois l’impunité ?

Soyons présent.e.s devant le tribunal le 27 juillet 2016 à 13h à Roanne pour soutenir Christine et faire connaître le combat des prisonnier.e.s

Contre la privation de liberté et l’arbitraire pénitentiaire.

Lettres de Roanne – avril / octobre 2016

Extrait d’une lettre du 1er septembre

Lors du procès à Roanne, j’avais décidé de ne pas me censurer. Je sais bien que ce que je dis n’est pas entendable par la matonnerie ni par la « justice », mais ce n’est pas une raison pour les laisser croire que je suis d’accord et soumise ou repentante. Ce qui est certain c’est qu’on ne sait jamais quelle peine va tomber ( sauf que ce ne sera jamais relaxe et jamais plus de 3 ans) et que ça ne dépend ni du type de défense, ni de la présence de camarades dans la salle, juste de l’humeur du juge. Je comprends très bien que ça soit frustrant d’être spectateur, que ce rôle passif peut même donner l’impression d’être complice des saloperies répressives. Mais moi ça me fait du bien de voir des camarades qui me sourient. D’ailleurs, après coup le baveux m’a « engueulée » que je m’étais trop souvent tournée vers vous, alors que moi j’avais l’impression d’avoir fait bien gaffe à ne pas trop le faire ! La banderole,même si elle n’était guère visible en ville, a été reprise avec une grande photo couleur par le journal local ( qu’on reçoit d’ailleurs gratuitement ici tous les jours, ce qui me permet de faire la page jeux quotidiennement depuis que je suis au QI ou au QD) ce n’était donc pas inutile.

J’ai eu un exemplaire de « Aux marches du palais »avec une dédicace perso de Courtois. Des copains de la CNT d’Avignon l’avaient invité pour un débat sur la taule à l’occasion de la sortie de son bouquin. Effectivement, un procès n’est qu’une mascarade…mais ça me bouffe beaucoup d’énergie à chaque fois, et surtout ça rallonge la peine et offre une aire d’écoute aux pleurnicheries de la matonnerie. Pour autant, je ne veux pas aborder ça avec l’indifférence du « j’ai rien à dire puisque je sais que vous ne m’écouterez pas » et continue à parler dans le vide… ou pour les camarades dans la salle !

Au retour, après le procès, rien n’a changé. L’échéance pour moi était le 4 août, le jour où le JAP devait dire s’il m’accordait ou non la condi demandée lors du débat contradictoire le 7 juillet qui aurait pu « manger » ces 6 mois fermes. J’avais donc décidé de faire profil bas pendant 6 semaines ( de la comparution à la sortie de la GAV le 29 juin au délibéré du JAP le 4 aout) dans l’espoir que ça payerait. Évidement, ce n’était qu’une carotte, et la condi à été refusée pour la 3ème fois !

Donc, dès le 5 août j’ai provoqué une mise en prévention QD ( où, pour une fois, ils n’ont pas joué la violence) pour pouvoir enfin discuter des conditions de vie au QI avec le dirlo ( ce que je demandais dès que ça a commencé à merder, notamment avec la surveillante plaignante Pezeron le 6juin). J’ai pu avoir un entretien avec lui la semaine d’après, alors qu’il m’avait foutu au QD pour 14 jours ( le maximum car il était vexé que j’utilise ce mode d’action). Il a été méprisant et d’une mauvaise foi totale, ça n’a rien reg lé au contraire car les matons se sentent maintenant autorisés à ne même plus faire leur travail ( prendre le courrier à 7h, le distribuer à 17h, répondre au drapeau ou à l’interphone etc.)

Le QI a été prolongé d’encore 3 mois, avec l’accord de la DI et la complicité de l’UCSA ( alors que j’avais plutôt confiance en l’infirmière psy que je vois toutes les semaines pendant 45 minutes, pour sortir un moment du QI et discuter avec une civile hors le la présence des casqués).

L’ambiance est très lourde, ça me tape sur les neurones. J’ai eu un UVF de 24heures avec ma famille, mais dans la minute où ils ont été relayés par les bleus toute la tendresse ressentie durant une journée a disparu illico.

J’ai une quinzaine de CRI en stock,il devrait y avoir un prétoire prochainement où je vais prendre 30 jours de mitard pour épurer ce stock. Le message est clair, on ne te laissera pas respirer tant qu’on ne t’aura pas cassée ! c’est dur à supporter.

Pour l’instant je tiens le coup grâce aux courriers ( nombreux) de mes proches et au tricot,mais aussi à la télé pour me vider la tête. J’ai du mal à me concentrer sur un bouquin ou à étudier avec Auxilia. Je dors un peu moins bien.comme il y a la clim en bâtiment ( où je suis 21h/jour au moins) je ne souffre pas du tout de la canicule. Il y a une autre fille au QI ( le dirlo est un fan de répression), ça va, mais on a pas grand-chose à se raconter. Le dirlo a refusé qu’on soit ensemble dans la salle de muscu alors que ça n’aurait posé aucun problème de sécurité ou d’organisation.

Donc maintenant il n’y a plus, comme activité, que 2 fois 10 minutes de biblio/semaine et 1h de muscu, seule, par semaine. C’est vraiment peu !

Bon voilà les news, pas très réjouissantes. (…)

Je vous souhaite une bonne rentrée sociale, la lutte continue !

 

Extrait d’une lettre envoyée le 10 juillet 2016
….
… « Ils ont donc du te raconter le changement d’ambiance avec l’AP
qui s’est amorcée dès fin mars, quand ils m’ont volé les activités,
malgré l’accueil « on va se faire confiance », moins d’un mois plus
tôt.
Je ne mets pas en doute la sincérité de la directrice ou de l’officier QF,
quand ils l’ont tenu. Mais, comme à Epinal, ils se sont fait dépasser
par les petits chefs frustrés de me voir « traitée comme une
princesse ». Ils sont allés chercher la bagarre. J’ai esquivé le plus
longtemps possible, mais ça ne les a pas empêché de sortir leurs
tenues anti-émeute avec boucliers.
De là, c’est parti complètement en couilles. Après un retour en
« portes fermées », je me suis retrouvée au QI à partir du 20 mai. Les
CRI s’empilaient et le proc a eu les premières plaintes. Vexés que ça
n’aboutisse pas, ils en ont rajouté une couche et le 20 juin, je me suis
retrouvée au mitard pour 30 jours, puis les 27 et 28 en GAV.
Le procès aura lieu le 27 juillet à Roanne, à 14h. Il n’y a pas d’appel à
rassemblement mais j’espère quand même qu’il y aura 2 ou 3 potes
dans la salle, que je n’y voie pas que la tronche des matons en attente
de 13ème mois ou des journaleux locaux (qui valent ceux du « Midi
Libre »).
J’avais un peu d’espoir pour cette 3ème demande de condi, posée dès
mars à Saran. Ici le JAP a bonne réputation, j’ai un dossier en béton et
j’avais confiance en la CPIP. Mais les derniers évènements ont changé
la donne : le JAP est aussi le juge correctionnel, le proc’ y est plus
opposé que jamais, la CPIP a tourné casaque et le rapport de l’AP
(pourtant présenté par la directrice) est défavorable.
J’ai vu le JAP jeudi 7 juillet et il a paru à l’écoute. Mais il a mis le
délibéré le 4 août et je ne me fais pas plus d’illusions, car une nouvelle
peine sera tombée d’ici là.
C’est pourtant évident que ça ne s’arrêtera jamais s’il n’y en a pas un
qui leur coupe l’herbe sous le pied en les privant de la possibilité de
déposer plainte sans arrêt… J’en ai marre !
En ce moment les troupeaux sont en alpage, les gamins en vacances et
mes parents auraient besoin d’un coup de main pour faire les travaux à
la maison. Pourtant je suis là, à glander au mitard, à remplir des
cahiers de mots croisés et à fumer. A quoi ça sert bordel ?
Bien sûr si tu penses utile de mettre des extraits de cette lettre sur le
blog, tu sais comment faire »…

… « Bon voilà, les news pour le moment, pas réjouissantes… J’ai
quand même eu un bon UVF le 4 juin, mais le prochain ne sera qu’en
septembre et il est probable que d’ici là il y ait un nouveau transfert
disciplinaire. Je n’ai pas eu le temps d’entrer en contact avec les filles
ici, même les basques et j’en suis frustrée. Et pour couronner le tout,
ce soir, il semblerait qu’aucune station de radio ne sache parler
d’autre chose que du foot qui m’emmerde !
Allez, je ne vais pas jouer à « Tatie Danièle », moi aussi ! Alors
j’arrête là cette lettre en te souhaitant à toi et à tous les camarades que
tu croiseras un bon été. Profitez-en bien ! Bises ».
Christine ».

EXTRAIT lettre de Christine du 29 mai 2016 :

[…] Bon, comme tu le sais, je suis au QI [Quartier d’Isolement] depuis le 20 mai. L’ambiance dépend beaucoup de l’équipe du jour, surtout du bricard. En effet, ils ont décidé qu’il en fallait un à chaque ouverture, en plus de 2 matonnes. Dans les faits, ça leur arrive d’être 6 ou 7 devant la porte, même s’ils ont remisé leurs tenues de carnaval. J’ai tout de même 2 promenades par jour (et ici le soleil – quand il y en a – atteint la cour) et accès quotidien au téléphone. Le plus par rapport à Saran c’est que je peux discuter avec l’auxi biblio les 2 fois 10 minutes hebdo où j’ai le droit d’y aller. Je peux aussi aller à la salle de muscu 1h les lundis et mercredis (c’est la loi). Les aumônières viennent me rendre visite mais sont dépendantes de la présence inutile d’un chef ( puisque les surveillantes ont les clés du QI et que je n’en ai jamais menacé une d’elles). Comme en bâtiment, j’ai les aiguilles à tricoter alors, tant que j’ai de la laine, je m’occupe bien. J’ai toujours du courrier des potes et de la lecture. Bref, ça va.

Le débat contradictoire avec le directeur était totalement pipé par sa mauvaise foi. Il m’a laissé parler mais n’avait aucune intention de m’écouter. En fait, je me suis instrumentalisée dans une lutte d’influence entre les « humains », « pro-voyoux », symbolisés par la directrice, et les « tenants de l’ordre », « adeptes de la sécurité des agents », avec le directeur à leur tête. On recrée les conditions d’Épinal… L’école a tenté d’instrumentaliser mes co-stagiaires pour m’interdire le stage BD et je me suis retrouvée sans accès à toutes les formations. Un bricard a essayé de faire peur à mes voisines, mais ça a dégonflé et on se parle à la fenêtre à 20h quand ils ont dégagé les lieux (et pendant la promenade pour les plus « courageuses »).

En fait, je ne sais pas trop ce qu’ils ont en tête et ça me met un peu en stress pour la suite. Ça a pas mal fritté entre le 23 avril et le 6 mai puis le 14 mai. Il paraît qu’il y a eu 5 matons qui ont eu des ITT… Mais je n’ai aucune info officielle de CRI ou de dépôts de plainte. Quand ça va bien, je me dis qu’ils m’ont mise au QI pour calmer les « anti-voyoux » en espérant que le JAP [Juge d’application des peines] me fera sortir au plus vite (ce qui leur ferait presque autant plaisir qu’à moi!) et que c’est pour ça qu’ils font traîner la répression. On verra bien… Le JAP étudiera ma demande de condi sur dossier (automatique aux 2 tiers de peine) le 16 juin. Le 7 juillet, on remet ça mais cette fois je serai présente et pourrai lui parler en face à face. J’ai un dossier en béton et ma CPIP a l’air compétente…

EXTRAITS lettre de Christine du 27 mai :

(…) La semaine prochaine, le 4 juin, je verrai ma mère, ma soeur et ma nièce de 10 ans (que je n’ai pas revue depuis ses 6 ans) en UVF, ça va faire du bien ! Je devrais être arrivée à finir le sac en tricot que j’ai commencé ici à temps.

En effet, contrairement aux MA, ils nous laissent avoir les aiguilles à tricoter en cellule. Du coup, je m’y suis mise à fond. C’est chouette car ça occupe bien, surtout quand on est débutante. En plus, on voit le travail avancer, on a l’impression de produire quelque chose, d’être utile.

Je n’ai guère que ça pour m’occuper car depuis une semaine je suis de retour au QI. Le directeur que j’ai vu en débat contradictoire, n’avait rien à faire de mes explications et m’a séparé de mes voisines avec qui je n’ai aucun problème pour m’obliger à ne cotoyer que les bleus dont certains ont une haine tenace à mon égard. Il y a eu une grosse montée en pression du 23/04 au 6/05, puis le WE du 13 au 15/05 ; ça a fritté plusieurs fois et il paraît que certains se sont blessés en me tombant dessus à 4 contre 1 malgré leurs tenues pare-coups… Il y a eu une quantité de CRI rédigés mais aucune enquête n’a eu lieu, aucune GAV, aucune convocation au prétoire. Cette absence d’infos me met un peu en stress. A l’origine, la directrice avait un discours appaisant mais je savais que même si elle était sincère je ne pouvais pas y croire. C’est parti vraiment en couille quand ils m’ont interdit sans raison le stage Bande Dessinée et traitaient mes demandes d’explications avec mépris.

Avant hier, j’ai vu la CPIP [service social], qui m’a paru faire son travail honnètement. Elle m’a confirmé que des matons avaient déposé plainte. Mais, peut être, ont-ils décidé de laisser trainer en me collant au QI « pour leur sécurité » afin que le JAP [ juge d’application des peines] puisse octroyer la condi (qui leur ferait presque aussi plaisir à eux qu’à moi !) ? Il y aura une première étude sur dossier le 16 juin. Elle m’a dit de ne pas trop y croire car la peine d’Evry (1 an de plus) ne serait confirmée que le 13 et risque de ne pas être encore enregistrée. Mais je verrai le JAP en face le 7 juillet et pourrais lui expliquer mon travail au troupeau (avec CDI au SMIG et hébergement) en espérant que ça marche mieux aussi. En effet, il a une bonne réputation auprès des filles. mais encore faut-il qu’il n’y ai pas une GAV ou une comparution immédiate entre temps…

Outre les aiguilles à tricoter en cellule, la différence avec le QI de Saran c’est que le soleil atteint la cour de promenade où je vais 2 fois par jour. Je rencontre aussi l’auxi biblio quand je m’y rends à raison d’ 1/4 h les mardis et jeudis. Bien sur, il y a aussi (ils n’ont pas le choix, c’est la loi) accès à la muscu 2 fois/semaine durant 1 h à chaque fois. Ils ont essayé de mettre la pression sur mes voisines pour qu’elles ne me parlent pas aux fenêtres mais ça n’a pas pris heureusement. Mais comme à Réau et à Vivonne, ils refusent de transmettre le courrier interne. Bon, tout ça pour dire que l’été va être long, mais que je saurai faire face, comme d’habitude.

Je suis en correspondance avec un théatreux parisien qui découvre l’activisme politique avec Nuit Debout. Il participe à une commission « justice et prison » où il a rencontré d’autres personnes que je connais. Il découvre, épaté, que tous les « indignés » ne sont pas abolitionnistes ! moi, ça me semblait évident…Même à l’intérieur on entend des conneries du style « c’est normal que les pédos soient en prison, c’est même trop doux pour eux » ou « je suis bien ici, j’ai peur qu’ils me libèrent trop vite ». Si, si, je t’assure ! Donc, tu as raison, la révolution n’est pas pour demain tant que « les pauvres » préfèreront parler de la retraite d’un footballeur adulé que de la grève générale dans les cours de promenades des taules françaises ou au bas d’immeubles des quartiers pourris (…) Moi, je suis bloquée ici, avec juste la télé pour suivre « les événements » à Rennes ou ailleurs. Du coup, je suis super frustrée car j’aimerai bien pouvoir rentrer dans le lard des casqués sans être en sous-nombre. Alors je fantasme devant les images de camions CRS caillassés et me réjouis des lettres enthousiastes du parigot. (…)

EXTRAIT – mercredi 6 avril 2016 / Centre de Détention de Roanne,

« (…) 8 mois dont 6 en sursis ! C’est étonnant car, à l’issue du procès, j’étais convaincue que le proc’ serait suivi dans son réquisitoire (un an). C’est une bonne nouvelle mais il a encore dix jours pour faire appel…

Suite au procès d’Evry où j’avais pris un an ferme malgré mon silence, confiante en mon avocat, je lui ait dit que je ne me censurerais plus. A Orléans je me suis tellement lâchée que j’ai dit à la cour que ce n’était que des enfermeurs. Du coup, ils m’ont prise pour une folle, se sont beaucoup appuyés sur les deux expertises (d’ailleurs contradictoires!) et ont été « cléments » (4 mois ferme). La grosse différence avec Evry, c’est que les matons n’étaient pas là pour pleurnicher (même s’ils avaient un bon baveux). J’aurais dû être contente de la « légèreté » de cette peine, mais j’étais vexée de la psychiatrisation du débat.

À poitiers il n’y avait pas non plus de matons et leur avocat était totalement sénil, mais le proc était particulièrement intelligent et pervers. Il avait décidé de déconsidérer les quelques camarades qui étaient là avec la banderole « Solidarité avec les prisonniers en lutte contre l’enfermement ». Il était habile et provocateur (…)Il avait lu l’intégralité du tract distribué et a aussi été malhonnête avec l’avocat, lui reprochant même d’avoir donné ses conclusions à l’avance ! Quand je suis sortie de là, j’étais contente d’avoir pu échanger quelques regards avec des potes, contente aussi de ne pas m’être autocensurée et que FR3 ait filmé la banderole, mais je pensais aussi que cette médiatisation allait me coûter cher.

Bref, on ne sait jamais ce qui motive un juge et l’utilisation d’un tribunal comme tribune est bandant, mais sûrement pas efficace en terme de longueur de peine. Ainsi, à Arras, suite aux engueulades à Bapaume, je m’étais lâchée autant qu’à Orléans et j’ai pris un an (dont 6 mois avec sursis).( …) »

Retranscription d’une audition de Compte-Rendu d’Incident (CRI) du 26 avril 2016

Le vendredi 15, alors que j’étais en prévention au QD [Quartier Disciplinaire], j’ai eu une CDD [commission disciplinaire ] parce que la surveillante m’avait interdit l’accès à l’activité BD le 13 à 16h, puis avait dit à son collègue du socio de faire monter la pression par l’usage du mépris à 16h45.

Ce prétoire s’est bien passé. La présidente avait donné son accord explicite pour qu’il y ait, conformément aux recommandations de la DAP [direction de l’admnistration pénitentiaire], 2 promenades par jour au QD [quartier disciplinaire]. Elle ne m’avait pas déclassée [privée] de l’activité à titre disciplinaire et m’avait dit que je pourrais aller à la BD dès le mardi 19 à 9h «  si les intervenants estimaient que le retard pouvait être comblé ». Le soir-même, je lui ai fait un courrier positif sur ces prises de position et disant que j’espérais que ce prétoire serait le point de départ d’une détention sans mépris.

Mais dès le lendemain, et jusqu’à la fin de la sanction, il n’y a eu plus qu’une promenade quotidienne. Mais surtout, le 18 après-midi, j’ai appris que je ne pourrais pas aller à la BD. J’ai aussitôt fait un mot aux intervenants pour leur expliquer la situation et leur demander de prendre une position claire. Le lendemain, j’ai demandé calmement à parler à l’officier QF avant 9h. Mais il a campé sur sa position injuste et contre-productive, me parlant d’un mail de l’institutrice et de la « peur » de mes co-stagiaires. Cette attitude, que j’ai subi à Epinal, est ignoble. En effet, je n’ai jamais mal parlé à ces personnes !

J’ai demandé à la surveillante activités si mon mot avait été remis aux intervenants et elle m’a dit l’avoir donné à l’institutrice. J’ai alors essayé de faire passer un message par L (qui elle non plus n’était pas allée au stage lundi matin pour cause de travail aux ateliers), mais la surveillante l’a aussitôt menacée. J’ai fait un mot à la direction par la borne. J’ai encore essayé de rentrer en contact avec les intervenants le mardi après-midi (à l’occasion de la messe en socio) et le mercredi (de passage vers l’UCSA [médical]). A chaque fois j’étais calme mais je me heurtais à votre mépris. J’ai pris sur moi et laissé courir en me laissant à nouveau prendre au piège de votre discours d’apaisement, en pensant à mes parents et en espérant pouvoir aller à la formation horticulture cet été.

Aujourd’hui, je suis descendue en promenade à 14h. J’ai bien dit au bricard [gradé] qui était là que j’aurais RDV avec le RLE à 14h30 et que ça ne devait pas m’empêcher de sortir, il n’a pas réfuté. J’ai donc vu le responsable RLE dans l’aile socio du lot C à 14h30. Je ne suis pas arrivée à rester calme car il se moquait de moi. Ainsi, alors que j’avais demandé des renseignements sur l’activité journal il y a un mois et que j’avais eu une réponse disant que ça commençait le 4 mai, il m’a dit seulement maintenant que l’AP faisait la censure et que les textes interdits n’étaient même pas laissés en blanc. Il ne m’a pas apporté d’informations sur les cours pour lesquels j’avais fait un mot il y a un mois, mais me parlait du DAEU dont je n’ai rien à faire. Il m’a aussi parlé d’Auxilia alors que je travaille avec cette association depuis 3 ans et en connais mieux le fonctionnement que lui. Après ce préambule irritant, il voulait parler de ma dernière expérience avortée avec le RIE. J’espérais enfin avoir des réponses à mes courriers et pouvoir avoir une discussion franche. Mais tout ce qu’il voulait c’était faire une leçon de morale comme si je rentrais au CP [centre pénitentiaire], énonçant des règles idiotes (« ne vous énervez pas, faites des mots, ayez confiance en la surveillante activités »). Or, comme je viens de l’expliquer, des mots, j’en avais fait plein et aucun n’a abouti ! Il était au courant que j’avais bien travaillé le mardi 12, mais pas au courant du mot remis le 19 à sa collègue, ni de la délation de celle-ci. Mon énervement est monté en flèche et j’ai crié. Mais à aucun moment je ne l’ai menacé ou ai eu de gestes brusques. Mais 2 surveillantes et un bricard sont arrivés en courant. J’ai fini ce que j’avais à lui dire, lui montrant, en me mettant à plat ventre sur le sol, mains jointes dans le dos, ce qui se passait s’il laissait faire des paranoïaques violents en uniformes. Puis je suis sortie de la salle pour retourner prendre l’air en promenade et me calmer.

Mais avant même d’être arrivée à la grille du sas avec le portique détecteur de métaux, le bricard m’a interdit la promenade dont j’avais besoin. C’était mon créneau et je l’en avais averti au préalable. Il voulait m’enfermer en cellule au C1, ce qui aurait été nocif. Je lui ai dit, j’ai même ajouté « aie un peu de respect pour mes voisines ! ». Mais il voulait faire preuve d’autoritarisme. Je lui ai alors dit que je voulais bien aller à la promenade QD (où j’aurais été seule durant 45 min pour me calmer avant de remonter cuisiner le goûter prévu à l’aile gauche). Il m’a dit que je faisais un blocage, ce qui était totalement faux : je voulais juste prendre l’air. Puis il m’a dit de me mettre face au mur pour qu’il me menotte. J’ai refusé, économisant mes épaules qu’il avait abîmées sans raison le 12. En effet, l’usage des menottes est illégal : je ne pouvais pas m’évader et ne menaçais personne ! Au final, il m’a saisie par le bras et je me suis laissée faire (en contradiction avec mes engagements) pour le mener au QD. Là, il m’a lâchée devant la cellule où je suis rentrée. Comme le 12, il a ordonné une fouille à nu illégale (j’en avais parlé au prétoire du 15). Les surveillantes ont calmé le jeu en acceptant que je prenne une douche dont j’avais besoin pour me calmer et dont elles avaient besoin pour que je me déshabille.

Je demande l’assistance de [mon avocat] pour la CDDD ou d’un commis d’office s’il n’est pas disponible.

Je demande que soit ajouté au dossier le mot que j’avais fait à la direction le 15 au soir, celui aux intervenants fait le 18 au soir, celui fait à la direction via la borne le 17 au matin, celui volé à L le 19 à 14h, l’inscription à l’école faite le 26/03 et l’attestation d’inscription à la BD ainsi que la décision de la CDD du 15 ne portant pas annulation de cette activité.

Ribailly le 26/04 à 17h30

PS : Alors qu’il me tenait, le bricard a dit « Vous n’êtes pas adaptée à la vie en CD », je suis bien d’accord : je suis bergère, pas taularde !

POITIERS – Procès de Christine (15/03/16)

Mardi 15 mars dès 12h au Tribunal de Poitiers
Venez manifester votre solidarité et votre soutien à Christine
qui résiste en prison contre l’arbitraire et pour la liberté

« […] il arrive que des condamnés commettent le crime de parler… »
A.M. Jacob

L. Jacqua - la boîte à sardines

Suite à un mouvement collectif des détenues du centre pénitentiaire de Vivonne en décembre 2014, Christine Ribailly devait comparaître mardi 6 octobre 2015 au tribunal de Poitiers pour « violences », « outrages », « menaces » envers divers membres de l’Administration pénitentiaire. Une quarantaine de personnes étaient venues la soutenir et témoigner leur solidarité aux résistances individuelles et collectives face à l’incarcération et la violence des matons. Mais l’audience n’avait pu avoir lieu.

En effet, à la lecture faite par la juge de la longue liste de faits qui lui sont reprochés, l’avocat de Christine avait observé que la copie qui lui avait été envoyée était incomplète et faisait état de 6 faits au lieu des 11 cités par la juge. L’audience fut donc renvoyée au 15 mars 2016. Il apparaît d’ores et déjà que les multiples plaintes rapportées par les membres de l’AP se sont ajoutées les unes après les autres à un dossier qui promettait aux accusateurs quelques recettes pour arrondir leurs fins de mois sur le dos de l’accusée. Chacun y est allé de sa petite plainte, toutes aussi ridicules les unes que les autres.

Double peine pour de nombreux prisonniers, les mois d’emprisonnement suite à ce genre de plaintes s’ajoutent à des sanctions disciplinaires déjà prononcées, et ne cessent de gonfler les durées d’incarcération dans la plus totale impunité des matons.


Nous nous retrouverons donc aux côtés de Christine le 15 mars 2016 au tribunal de Poitiers.

Isolement, éloignement familial, transferts disciplinaires, fouilles à nu, violences, quartiers disciplinaires, humiliations… Pour les près de 70 000 prisonniers en France, chaque journée passée en prison est un défi face à l’Administration Pénitentiaire (AP). Forte d’une multitude d’outils et de dispositifs tant violents qu’insidieux, l’AP encadre l’atomisation des prisonniers et orchestre la répression de leurs résistances. Pour n’en citer que quelques exemples :

  • casques, boucliers, équipes d’intervention anti-émeute (ERIS)
  • sédatifs et anti-anxiolytiques
  • chantages à la possibilité d’avoir accès à des remises de peines, activités, parloirs, UVF (Unité de Vie Familiale), … qui deviennent des faveurs à quémander à l’AP,
  • organisation de l’espace qui vise l’atomisation des détenus (cellules d’isolement, quartier disciplinaire, segmentation par de nombreuses grilles d’accès, TV/douche/repas en cellule et donc seuls…)

Aspirateur social, prison de la misère, machine à broyer, entreprise de déshumanisation, les mots n’ont jamais manqué pour désigner la prison, la taule. Des paroles de prisonniers aux enquêtes de l’Observatoire International des Prisons en passant par les témoignages des familles et proches de détenus, les conclusions sont les mêmes : la prison détruit l’être social.

Résister en prison, c’est y survivre, c’est exister.

Au centre pénitentiaire de Vivonne en décembre 2014, les détenues du quartier femmes rédigent une plate-forme de revendications collectives (voir au dos) où elles expriment leurs frustrations et aspirations immédiates dans le cadre de leur détention. L’Administration pénitentiaire de Vivonne ne tarde pas à réprimer cette tentative d’expression collective: commissions de discipline, mitard, confinement pour de nombreuses détenues et plaintes de surveillants contre Christine qui doit comparaître pour outrage, violence et rébellion. Malgré cela, l’Administration pénitentiaire n’aura pas réussi à briser la solidarité entre les détenues. Plusieurs d’entre elles ont décidé d’apporter leurs témoignages pour soutenir Christine lors de son procès le 15 mars au Tribunal de Poitiers.
Ces témoignages sont à lire ici

Face aux institutions, ne pas se laisser piétiner et tabasser est trop souvent synonyme d’ « outrage, violence, menace »

En prison, en plus de l’insupportable privation de liberté, les situations de confrontation et d’humiliation sont le lot quotidien des prisonniers face aux agents de l’administration pénitentiaire et leurs supérieurs : refus de promenade, de séances de sport, fouilles diverses et multiples, problèmes de courrier ou remarque déplacée, palpations, annulations de parloir… D’autant plus que « les matons disent qu’ils ne font que respecter la loi. […] Mais c’est rarement le cas. »

Alors à chaque manquement à ses droits ou provocation, que Christine soit elle-même concernée ou que l’une de ses codétenues soit visée, elle réagit avec la même ardeur et, en retour, essuie des sanctions. Christine a ainsi passé la moitié de ces trois dernières années en quartier disciplinaire ou à l’isolement, et subi treize transferts d’établissement. Certaines confrontations mènent à des insultes ou affrontements physiques… A plusieurs reprises, Christine a porté plainte contre des surveillants : ses plaintes n’ont jamais été retenues. À plusieurs reprises, des surveillants ont porté plainte : ils y ont gagné du fric et de nouvelles peines pour Christine. En deux ans d’emprisonnement, Christine a ainsi accumulé plus d’une année d’incarcération supplémentaire à sa peine initiale (elle-même le fruit d’« outrages, violences et rébellions »).

Sans notre soutien, les prisonniers et leurs combats face à l’Administration pénitentiaire sont écrasés dans le silence.

LISTE DE REVENDICATIONS DES PRISONNIÈRES DE LA MAISON D’ARRÊT DES FEMMES DU CENTRE PÉNITENTIAIRE DE POITIERS-VIVONNE [Décembre 2014]

Comme ailleurs, nous voulons :
– Des payes correctes, tant aux ateliers qu’au service général
– La suppression des QI et des régimes différenciés au CD
– Les portes ouvertes en MA et/ou le téléphone en cellule
– La mise en place systématique des aménagements de peine sans délais et des transferts en CD dès la condamnation
– La facilitation du téléphone, des parloirs et des UVF avec nos proches, enfermés ou non
– La fin des fouilles systématiques et/ou punitives
– Les repas appétissants : marre de manger du plastique !

Localement, nous demandons :
– Des conditions dignes à la nursery : arrêt des réveils nocturnes, une cour avec de l’herbe, des temps de socialisation pour la maman…
– L’accès à l’école pour toutes : fin des refus avec la fausse excuse de la mixité
– La télé à 8 euros par mois : alignement sur la loi, comme dans les prisons publiques (18 euros ici pour Eurest)
– La fin de l’interdiction des apports aux parloirs (livres, disques, produits d’hygiène…) : on n’est pas là pour enrichir les cantines privées
– L’ouverture d’une salle de convivialité : elle doit être systématique quand la météo est mauvaise car il n’y a pas de préau dans la cour
– Plus d’activités : actuellement, il n’y a que « bricolages en papier » et « fitness », 2h par semaine
– L’accès au terrain de foot : seuls les hommes y ont droit
– La gratuité du courrier interne : on doit timbrer les lettres pour le quartier hommes
(Ces demandes sont toutes réalisables dans l’état actuel de la législation)

« Nous avons donc affiché la liste de revendications le jeudi 13 sur le tableau des notes de services. A notre surprise, la feuille manuscrite y est restée quatre jours ! Mais nous n’avons eu aucun retour. Je l’ai donc expédiée à la direction qui n’a pas fait plus de commentaires. Alors nous avons fait une lettre, extrêmement polie, pour demander l’ouverture d’une salle aux mêmes heures que les promenades. Elle a été signée par toutes les filles de la MAF. Quand elle a été remise à la chef, j’étais déjà au mitard [NDLR : sanctionnée pour un refus de fouille à nu].

J’ai appris que le chef de bâtiment avait convoqué toutes les filles une par une dans son bureau pour leur faire peur en disant que les revendications collectives étaient interdites. Bien sûr, ils n’ont pas osé mentir ainsi aux Basques et à moi. En effet, ce qui est passible d’un CRI (compte-rendu d’incident), c’est « une action collective mettant en danger la sûreté de l’établissement », ce qui n’est pas notre cas. Au contraire, la loi de 2009 incite l’AP à consulter les détenus sur les activités qui leur sont proposées. Il en a profité pour leur dire aussi que c’était interdit de me saluer en criant (et comment peut-on faire autrement avec le béton qui nous sépare ?). Donc depuis quinze jours, seules les Basques me parlent. Bref, c’est l’attitude classique de l’AP… »
Christine, 11/12/2014, MAF de Vivonne

Voir le site du journal anti-carcéral (envoyé gratuitement aux prisonniers sur demande) : http://lenvolee.net/

Pour des lettres, infos et nouvelles de Christine : https://enfinpisserdanslherbe.noblogs.org/

 

Toutes pour une, une pour toutes !

Une pour toutes - toutes pour une
C’est sous ce titre que paraîtront dans le N°43 du journal l’Envolée des extraits de témoignages de prisonnières et ex-prisonnières de la Maison d’Arrêt des Femmes de Poitiers-Vivonne.
Suite à la rédaction de revendications collectives en décembre 2014, l’ensemble des signataires de ce texte s’étaient vues infliger menaces et sanctions de la part de l’AP (Administration Pénitentiaire). Pour Christine cela s’était également traduit par des dépôts de plaintes de surveillants. C’est pour apporter leur soutien à Christine lors de son procès au tribunal de Poitiers que trois de ses ex-codétenues ont décidé de rédiger des témoignages qui replacent les faits qui lui sont reprochés dans leur contexte : un contexte de mépris et de surdité de la part de l’AP face aux demandes des détenues, rapidement suivies de menaces et de sanctions pour tenter de museler ces paroles dérangeantes, mais surtout pour tenter de briser la solidarité entre ces détenues. Mais la solidarité a la peau dure…
Ci-dessous se trouvent ces trois témoignages dans leur intégralité. Les prénoms des personnes ont été changés.
Le dernier texte est une retranscription d’un entretien réalisé dans le cadre de l’émission Papillon du 7 décembre 2015 sur Radio Dio.
> Entretien à écouter sur :
https://emissionsradio.rebellyon.info/papillon/autres/itwJessica-Papillon2015-12-07.mp3
Il s’agit d’un entretien avec une ancienne codétenue de Christine qui s’étaient rencontrées lors de leur passage réciproque au Centre Pénitentiaire des Femmes de Rennes.

 


 

Aurélie, septembre 2015, Poitiers
« Nous nous trouvons dans les geôles de la loi parce que l’État a demandé justice, alors ici, plus que n’importe où la justice doit être de rigueur. Et c’est en demandant une application juste des lois et du règlement de l’établissement que Christine s’est exposée à de sévères sanctions.

Alors que nous ne nous demandions que des conditions d’incarcération dignes, comme un abri décent en cours de promenade ou simplement un ballon pour pouvoir y pratiquer une activité sportive, tout est systématiquement refusé ou seulement ignoré. Le Chef de bâtiment se ferme à toutes discussions et ne souhaite clairement résoudre aucun problème.
Nous nous sommes donc concertées et avons posé sur papier les dysfonctionnements constatés à la MAF sans autre objectif que de faire évoluer la situation pacifiquement. Mais pour seule réponse, chacune des prisonnières a été sanctionnée, mise en confinement avec pour motif : « les revendications sont interdites ».
Devrions-nous laisser l’administration pénitentiaire bafouer son propre règlement en procédant à l’application systématique et automatique de la répression. Le ton est monté et lorsque l’une de nous émettait la moindre plainte, les sanctions s’abattaient.

Alors certaines ont finies par se laisser humilier et ont cessé de réclamer justice. Mais d’autres, comme Christine n’ont pas renoncé et se sont donc retrouvées dans le viseur de l’AP.

Par exemple, la loi stipule que les fouilles intégrales doivent être motivées et justifiées. Une fouille lui a été imposée, elle a voulu en connaître le motif avant d’obtempérer. Mais il n’y en avait pas, il s’agissait de pression par l’humiliation.
Face à son refus de soumission, l’AP a décidé de faire usage de la violence. 4 à 6 hommes peuvent être appelés à intervenir, ils sont casqués, portent des boucliers et disposent de bombes lacrymogènes dont ils ont d’ailleurs fait usage. Dispositif impressionnant déployé sur une femme, elle sera conduite au QD sans ménagement.

Au mitard, se voyant refuser le droit de porter des chaussures en plein hiver et parfois même sans vêtements, Christine a été poussée à bout, ce qui déclenchait souvent l’intervention de ces hommes armés. Elle hurlait « Stop, arrêtez », des moyens d’une extrême violence pour arriver à leur fin, ôter sa dignité. L’escalade de la violence n’a plus cessé.

Les courriers internes destinés à celles qui se retrouvaient au QD comme Christine sont rarement transmis puisque la solidarité est l’unique moyen dont on dispose pour lutter contre l’injustice, l’AP met donc tout en œuvre pour l’éradiquer.
La violence et l’inhumanité dont fait preuve l’AP ne nous résignera pas à croire en l’Homme et les droits qui lui sont dus en tant que tel.
Aujourd’hui encore les combats qu’elle a engagé pour la dignité et les droits de celles et ceux que plus personne ne veut entendre se poursuivent. »

 


Magali, septembre 2015, MAF Poitiers-vivonne
« La première fois que Madame Ribailly avait été amenée au Quartier Disciplinaire c’était parce qu’elle avait demandé la justification face à la fouille intégrale que la surveillante prétendait lui imposer. Malgré que la loi préconise que les fouilles intégrales ne doivent être systématiques, ici, elles sont systématiques et jamais personne nous montre la justification pour la fouille.

De toute façon j’ai déjà entendu Monsieur Kabiala affirmer que « puisque c’est moi le chef de bâtiment, c’est moi qui fait la loi ici ».

Dès le début de l’enfermement de M.Ribailly au Quartier Disciplinaire nous avons senti une grande hostilité de la part de l’Administration Pénitentiaire envers elle. Par exemple ils ont voulu interdire le courrier interne avec M.Ribailly. Quand nous l’avons dénoncé auprès de l’OIP et le contrôleur des prisons, la prison avait été obligé de l’autoriser mais il fallait mettre un timbre. Quelques mois après, le contrôleur des prisons avait visité le CP de Vivonne et depuis, nous ne sommes plus obligé(e)s de mettre un timbre dans le courrier interne.

Petit à petit cette hostilité n’a fait qu’augmenter et la tension et la violence sont devenues insupportables. Dans chaque mouvement les surveillants étaient équipés et armés des boucliers, des casques, du gaz lacrymogène etc. J’estime que la force employée par l’Administration Pénitentiaire était totalement disproportionnée et cela ne fait que pousser à bout les personnes.

Je me souviens qu’un jour j’avais du téléphoner à mon père pour lui demander d’appeler chez M.Ribailly afin de les rassurer, de leur dire que leur fille allait bien. M.Ribailly avait demandé de pouvoir téléphoner mais les surveillants refusaient de l’amener au téléphone. Finalement elle a du commencer une grève de la faim pour y accéder.

Face à cette situation de plus en plus insupportable pour nous, six prisonnières avons décidé de montrer notre mécontentement. Nous avons écrit une lettre et à la fin de la promenade nous avons demandé à voir le responsable pour lui donner la lettre. A cause de cette action tout à fait pacifique, le 7 janvier nous sommes toutes passé devant la commission de discipline et nous avons été toutes punies au confinement. Le jour où en France des milliers de personnes manifestaient pour la liberté d’expression, nous étions confinées justement pour avoir exprimé notre opinion. En l’occurrence d’arrêter la violence contre M.Ribailly car la répression ne fait qu’empirer les choses.

Depuis plus de cinq ans que je suis ici, j’ai remarqué que le pilier principal de la prison est la punition. Le système pénitentiaire est basé sur les menaces, l’humiliation et la répression. Ils nous disent que la prison va nous aider à nous réinsérer. Pourtant la plupart des moyens sont destinés à punir les personnes. Il n’y a pas un vrai programme destiné à la réinsertion, juste des petites choses qui ne sont jamais prioritaires.

Par exemple le manque d’activités au Quartier Femme est flagrant. Les responsables de ce quartier au lieu d’essayer de remédier à ce manque, ils passent leur temps à menacer et punir les prisonnières si : a) elles parlent par la fenêtre (nous passons vingt heures par jour enfermées en cellule) ou b) elles osent faire une pétition pour demander l’accès à une salle les jours pluvieux car dans notre très petite promenade il n’y a pas un abri décent.

Pour celles qui avons le sens de la justice, il y a trop souvent derrière ces quatre murs des situations qui sont intolérables. Madame Ribailly n’a fait que défendre la dignité, la justice et l’humanité. Elle a eu pour réponse la violence indigne, injuste et inhumaine de l’Administration Pénitentiaire. »

 


Irina, septembre 2015, MAF de Poitiers-vivonne 
« J’ai connu Christine au CP de Poitiers-Vivonne. La première fois qu’elle a été amenée au Quartier Disciplinaire, c’était parce qu’elle a juste demandé de respecter la loi. Leur loi dit que les fouilles intégrales ne doivent pas être systématiques et qu’elles doivent être justifiées. Mais ici, chaque jour qu’il y a des fouilles de cellule, on a aussi la fouille intégrale. Moi aussi j’ai subi des fouilles intégrales systématiques après chaque parloir. L’Administration pénitentiaires disait que c’était aléatoires mais « bizarrement » c’était toujours mon tour. Ces derniers mois au niveau des parloirs, la situation a un peu changé. Car nous avons dénoncé cette pratique aux contrôleurs des prisons.

Quand une personne ne respecte pas la loi, elle finit en prison. Quand l’AP ne respecte pas sa propre loi, un prisonnier est menacé et est puni seulement pour demander que règlement pénitentiaire soit respecté. Et parfois, elle est même poursuivie en justice, comme c’est le cas de Christine.

La violence utilisée contre Christine a été sans aucun doute abusive. Une personne enfermée dans une cage et désarmée contre je ne sais pas combien de surveillants. Tous équipés de casques, boucliers, gaz lacrymogène… L’AP savait parfaitement que cette attitude ne ferait qu’empirer la situation. J’entendais les surveillants rigoler au retour du QD. Si ils étaient des professionnels, ils auraient fait les choses différemment. Mais non, la seule réponse de l’AP c’est la violence, la menace et la punition.

Face à cette situation, j’ai décidé d’agir. On voulait dénoncer les mesures appliquées par l’AP contre Christine. Et seulement pour avoir écrit une lettre dénonçant cela, nous aussi nous avons été punies.

Malheureusement ce qui s’est passé avec Christine, ce n’est que le reflet d’un système pénitentiaire extrêmement inhumain, injuste et cruel. La prison ne nous traite pas comme des êtres humains et ne cherche pas la réinsertion. C’est pour cela que leur politique est basée sur la punition et la vengeance. »

 


« J’AI RENCONTRÉ CHRISTINE À RENNES »
entretien avec Jessica, décembre 2015

Jessica a été incarcérée pendant trois ans. Libérée depuis peu, elle a raconté dans l’émission Papillon du 17 décembre 2015 les méthodes de l’administration pénitentiaire pour réprimer les prisonnières en les isolant, en les stigmatisant et en les faisant passer pour folles ou dangereuses. A l’extérieur Jessica continue de se bagarrer pour ses amies incarcérées.

> Entretien à écouter sur :
https://emissionsradio.rebellyon.info/papillon/autres/itwJessica-Papillon2015-12-07.mp3

 

Jessica : J’ai rencontré Christine à Rennes, on a fait deux ou trois mois ensemble ; après elle a été transférée. Elle est passée par Poitiers, et moi aussi – mais pas en même temps. Comme Christine, j’étais une détenue assez rebelle. Parce qu’en plus d’être enfermées, on va nous interdire un certain nombre de choses qui peuvent ne pas nous paraître normales, donc on va refuser de se soumettre. Ils veulent qu’on accepte tout au nom de la sécurité. Donc à partir du moment où ils voient qu’on n’est pas des détenues qui disons « oui » à tout, ils vont jouer avec nous, pour nous provoquer. Ça a été ça avec Christine, ça a été ça avec moi, c’est ça avec plein d’autres détenues. […] À Poitiers ils font une fouille à corps après chaque fouille de cellule. C’est chiant de se foutre à poil à chaque fois devant eux. Des fouilles à répétition, comme ça, en sachant qu’ils trouvent rien… Ça fait partie des choses qui m’ont fait péter les plombs. […] Je refuse de me soumettre aux fouilles parce que j’ai pas envie de me mettre à poil tous les quatre matins devant eux. Des fois, en passant sous un portique, je sonnais ; là, c’est moi qui me déshabillais, et ils me mettaient un rapport parce qu’ils disaient que je faisais de l’exhibitionnisme. C’est de l’hypocrisie ! […]

Papillon : Les surveillants ou l’administration voient certaines relations d’un mauvais œil et essaient de casser les amitiés, d’empêcher les gens de se fréquenter.

C’est quelque chose que j’ai connu autant à Poitiers qu’à Rennes. Je fréquentais des personnes, et ça plaisait pas – plus au niveau de la direction. Ils nous mettaient des bâtons dans les roues pour pas qu’on se fréquente. […] Ils veulent choisir avec qui tu dois être, ils veulent faire les choses à ta place. Ou plutôt : ils veulent qu’on soit comme eux ils veulent. Moi j’étais avec des filles qui étaient super solidaires, ils n’appréciaient pas la solidarité entre nous, parce qu’ils voyaient que ça pouvait être dangereux pour eux. C’est pour ça qu’ils n’acceptaient pas ces fréquentations.

Donc tu atterris au centre de détention de Rennes, la plus grande prison pour femmes de France.

Au début ça se passait bien, on me prenait pas trop la tête. […] Après j’ai fréquenté justement une personne avec qui j’étais solidaire, ça ne leur a pas plu, et à partir de là il s’est passé tellement de choses ! Ils ont ouvert un quartier D0… J’ai été la cobaye du truc. A Rennes, ils ont mis ça en place le 1er juin, et j’ai atterri dedans le 1er juin. Personne voyait rien, et en cachette ils m’ont fait la misère. Ça a fini, j’ai mis le feu à ma cellule, j’ai été transférée à Nantes à trois semaines de ma sortie.

Le D0, c’est comme un quartier d’isolement qui ne dit pas son nom ?

C’est ça, c’est un quartier d’isolement. C’est un peu pareil que le mitard, même. On avait

une heure de promenade l’après-midi, une heure le matin. Sinon, enfermées toute la journée. Personne. Quand on sortait, on avait toujours deux ou trois surveillants avec nous -pour faire les 20 mètres qui conduisent en promenade !

Au D0, tu avais des contacts avec les autres prisonnières ?

Non. Enfin si, je parlais par les fenêtres et tout ça. On se débrouillait autrement, mais on avait

interdiction de communiquer avec le reste des détenues. Les promenades étaient confinées, toute seule, spécialement pour ceux qui étaient à l’isolement. Mais c’était mal foutu, hein ! Comme on était des cobayes, ils arrivaient pas encore bien à gérer ! C’était un peu marrant, parce qu’à chaque fois on croisait du monde. Mais le but était qu’on soit bien isolées du reste de la détention, que personne ne voie ce qui se passe…

Il y a beaucoup de fouilles, des fouilles par palpation… Tous les jours. Trois, quatre fois par jour, parce qu’on sort au moins trois ou quatre fois par jour de la cellule. Des fouilles de cellule toutes les semaines. […] Au début, l’isolement devait durer un mois, mais après ça a été prolongé. […]

Quand les gens qui sont en prison racontent ce qu’ils subissent, on a parfois du mal à les croire ; et souvent, les personnels, que ce soient les médecins, les profs, l’administration pénitentiaire, les surveillants… tout le monde essaie de les faire passer pour fous, menteurs ou paranos !

C’est surtout à Rennes que je l’ai ressenti ; au quartier d’isolement, je voyais tout ce qu’ils me faisaient, et quand je passais en commission je leur disais : « Vous me faites ça, ça, ça, c’est pas normal. » Et ils me disaient : « Mais vous êtes complètement parano, vous vous sentez persécutée. » Et à force de me dire ça, je me disais vraiment : « C’est peut-être moi, je sais plus ce que je fais, je sais plus si je gère ce que je fais… » Ils essayaient vraiment de te retourner le cerveau, en fait. […]

On a l’impression qu’il y a pas mal d’isolement à l’intérieur des prisons pour des gens qui ont

des galères, ou qui sont en lutte ou en rébellion : quelles sont les solidarités qui existent, ou que t’aimerais voir ?

A l’intérieur, la solidarité, y en a pas beaucoup, mine de rien. Après c’est normal, la détention a les armes pour te dissuader d’être solidaire. Elles pensent à sortir, je comprends tout à fait. Mais faut aussi garder sa dignité. Je pense que c’est important d’être solidaire : on est tous dans la même galère en prison. Faut qu’on s’entraide. Si y a des gens qui m’entendent : faut vraiment qu’il y ait de la solidarité dans les prisons, arrêtez de vous faire la guerre entre vous.

Et je voudrais faire une dédicace à l’administration pénitentiaire : vous m’avez pas eue, et je suis bien contente ! Et dédicace pour toutes les personnes détenues, gardez la pêche !

 

Echange avec la direction du CP

Échange de courrier interne entre Christine et la direction du CP d’Orléans-Saran :

Lettre de Christine :

POUR LA DIRECTION (reçu le 18 novembre 2015-CP Orléans-Saran)

Même si mes relations avec les surveillantes n’ont jamais été aussi peu conflictuelle depuis 3 ans, les provocations de la hiérarchie s’enchaînent : opposition à la condi, violence, mépris de mes proches, CRI bidons…

Toutes les échéances qui faisaient que c’était « pratique » d’être à Orléans sont tombées, UVF, visite médicale à la Pitié Salpetrière, procès à Poitiers et Evry.

Il est donc temps de mettre en place un 15ème transfert avant que ça dégénère comme je vous l’ai déjà dit dans de précédents courriers. Je ne vais pas attendre éternellement dans ce climat de mépris.

Ribailly

Réponse de la Direction (sur le verso de la lettre de Christine, reçu le 26.11) :

Madame,

Vous êtes reçue régulièrement par les chefs de bâtiments. Vous avez toujours eu réponse à vos courriers mais par le biais de l’officier.

Si les réponses apportées ne vous satisfont pas, j’en suis navrée mais ce n’est pas parce que vous n’avez pas les réponses que vous espérez que cela va changer quelque chose.

J’estime que l’officier a suffisamment répondu aux questions que vous me posiez, qui ne nécessitent pas une audience avec la Direction.

Vous devez apprendre à vous satisfaire des réponses que l’on vous apporte.

La Direction n’est pas là pour vous rencontrer au moindre problème que vous vous créez vous même par votre comportement.

Sandrine ARDUCA / Directrice des services pénitentiaires

ÉVRY – Christine en procès le 17 novembre

Les chiens de garde de Fleury-Mérogis en remettent une couche.

(report de l’audience du 29 juin)

 

Incarcérée depuis novembre 2012, Christine purge plusieurs peines écopées ces dernières années suite à de multiples insoumissions à l’autorité de différentes institutions (flics, Administration Pénitentiaire, institution psychiatrique,..). Tous ceux qui, quotidiennement, ont pour rôle de réguler et réprimer nos vies, d’assurer le contrôle social. À l’intérieur, Christine ne faiblit pas et continue de résister. Régulièrement en conflit avec l’Administration Pénitentiaire (AP) et son personnel, elle se bouge contre ce qu’elle ne supporte pas : par exemple le fichage à l’entrée en détention, et les fouilles et palpations corporelles répétées. En réponse, l’AP et la justice ne manquent pas de moyens pour, chaque jour, tenter de la broyer un peu plus.

Mardi 17 novembre, à 9h, Christine sera jugée par le tribunal d’Évry pour quatre chefs d’inculpation de violences sur cinq matons de la Maison d’Arrêt des Femmes (MAF) de Fleury Mérogis. Il s’agit du report d’un procès initialement prévu le 29 juin. l’audience avait été reporté suite à une erreur de procédure soulevée par l’avocat de Christine.

Fin juin 2014, quand elle arrive à la MAF de Fleury Mérogis en transfert disciplinaire depuis Rennes, ce n’est qu’en transit, le temps qu’une place se libère au Centre de Détention de Poitiers-Vivonne. (voir ici sur son parcours)

Comme ailleurs, à son arrivée, elle refuse de donner ses empreintes, de prendre la carte de circulation et refuse aussi toute fouille ou palpation injustifiée [1]. La réponse de la matonnerie est directe, violente et sans concession. Elle est directement envoyée au mitard. A partir de là, elle n’en sort, à chaque fois, que pour quelques jours, voire les seules 24h légales[2], le temps qu’une autre commission de discipline ait lieu et l’y renvoie. Christine ne manque pas de se faire molester (plusieurs points de sutures à l’index dès son arrivée). À chaque retour au mitard, la fouille à nue obligatoire se transforme en une mêlée où une dizaine de matons s’affairent à forcer Christine à se déshabiller, quand ils ne lui arrachent pas littéralement ses vêtements. En plus de servir de sanction, le placement au mitard permet à l’AP de maintenir Christine isolée des autres détenues. Pas question de donner le « mauvais » exemple ! En effet, durant les quelques jours passés en détention normale, elle est la seule à sortir en promenade sans carte de circulation et sans palpation.

Une petite victoire que l’AP et ses matons vont faire payer cher à Christine.

Le 25 septembre, elle est placée en garde à vue afin d’être entendue à propos de plusieurs plaintes pour des soit disant violences sur des matons de Fleury. Le 29 juin c’est le tribunal d’Évry qui la jugera sur ces plaintes.

En trois mois passés à Fleury, Christine aura passé 87 jours au mitard.

Aujourd’hui, après de nouveaux transferts disciplinaires, elle est incarcérée au Centre Pénitentiaire d’Orléans-Saran. La treizième taule depuis le début de son incarcération, toujours dans la moitié nord de la France, le plus loin possible de sa famille et de ses proches. Elle continue à être maintenue la majeure partie du temps au QD. Sa demande de libération conditionnelle a été refusée. Des matons continuent de porter plainte contre elle après l’avoir cognée ou humiliée, pour défendre leur sale corporation et tenter de se grappiller un treizième mois. Et à la finale, c’est la date de libération de Christine qui continue toujours de s’éloigner.

Parce que le rapport dans lequel Christine se débat n’est pas un rapport individuel entre elle et les institutions, mais bien un rapport social fait d’exploitation et de domination que nous subissons tous quotidiennement,

Parce que ces même institutions mettent tout en place pour nous maintenir divisés et isolés,

Parce que, dans un tribunal ou dans une taule, un peu de solidarité peut redonner du courage ou appuyer un rapport de force trop souvent en notre défaveur,

SOYONS NOMBREUX À SOUTENIR CHRISTINE

FACE À LA JUSTICE ET L’ISOLEMENT CARCÉRAL.

RDV MARDI 17 NOVEMBRE 2015 À 8H30

devant le Tribunal d’Évry (rue des Mazières)

D’ici là et après, pour lui écrire, voici son adresse à Épinal:
Christine RIBAILLY, écrou 2824, MAF – CP d’Orléans, RD702 – les Montaubans, 4024 ancienne route de Chartres, 45770 SARAN

 

Pour plus d’informations sur la situation de Christine et lire des extraits de courriers :

http://enfinpisserdanslherbe.noblogs.org/

 

 

 

NOTES :

1/ Bien que la loi pénitentiaire de 2009 interdise théoriquement les fouilles systématiques des détenus, à Fleury comme dans de nombreuses autres taules, à chaque arrivée au Quartier Disciplinaire (QD) et chaque retour de parloir, les détenues son fouillées à nu. Et d’une manière générale chaque sortie de cellule est conditionnée à une palpation corporelle. La formulation du texte de loi est suffisamment floue pour que chaque taule s’en accommode à sa guise.

2/ La même loi de 2009 limite à 30 jours la période maximale des placements en QD. 24h de pause suffisent pour rembrayer sur une autre période de mitard.

 

 

 

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Ci-dessous, un récit de Christine sur cette période passée à Fleury-Mérogis

 

FLEURY MEROGIS

Je suis arrivée début juillet (je ne me souviens d’aucune date par cœur et je n’ai pas mon cahier avec moi) à Fleury, en transfert-transit entre Rennes et Vivonnes (2 CD [Centre de Détention]).Retour ligne automatique
Comme d’habitude, à l’arrivée, je refuse de donner mes empreintes au greffe. Je leur explique calmement « Soit vous rester calmes et on règle ça dans une semaine avec un prétoire où je ne risque pas plus de 7 jours ; soit vous me les prenez de force, on risque de se faire mal, ça va compliquer tout le reste de la détention ici et, de toutes façons, vous n’aurez rien d’utilisable ». Ils choisissent la force, ce qui donne une photo assez comique et pas d’empreintes palmaires. Je résiste mais ne me débat pas. Arrivée à la MAF [Maison d’Arrêt Femmes], en camion vu la taille de la taule, un chef vient me dire que je vais direct au mitard. Je lui dit qu’il va avoir du mal à le justifier mais que j’accepte. Je suis encore menottée, il y a des agents avec l’équipement pare-coups (casques, plastrons, etc.). Je redis que je vais y aller seule mais ils veulent me tenir. Du coup, je me débats et ils m’y portent de force. Là, je refuse la fouille et je rue comme je peux pendant qu’ils me pelotent.Retour ligne automatique
Le prétoire 2 jours plus tard est annulé car, comme je l’avais prévu, il n’y a pas de justificatif de mise en prévention. Je vais au QA 3 jours puis ils le refont correctement. Je prend 7 jours de QD [Quartier Disciplinaire (« mitard »)]. Durant la GAV [Garde à vue], presque 3 mois plus tard, ils me diront que 2 surveillantes ont été blessées (2 et 3 jours d’ITT) lors de la fouille. C’est la première affaire de violences.

[…]

(Lire la suite sur ici)

 

Poitiers. Nouveau report de procès (06/10/15)

Suite à un mouvement collectif des détenues du centre pénitentiaire de Vivonne en décembre 2014, Christine Ribailly devait comparaître ce mardi 6 octobre au tribunal de Poitiers pour « violences », « outrages », « menaces » envers divers membres de l’Administration pénitentiaire.  Actuellement détenue à la prison d’Orléans-Saran, Christine a été déplacée jusqu’à la salle d’audience où l’attendait une quarantaine de personnes venues la soutenir et témoigner leur solidarité aux résistances individuelles et collectives face à l’incarcération et la violence des matons.
Mais l’audience n’a pu avoir lieu et est reportée au 15 mars 2016 à 14h.
En effet, à la lecture faite par la juge de la longue convocation de Christine, énumérant les multiples faits qui lui sont reprochés, l’avocat de Christine observe que la copie qui lui avait été envoyée était incomplète et faisait état de 6 faits au lieu des 11 cités par la juge. Le procureur n’acceptant pas que ces 6 faits passent à la trappe du jugement, Christine et sa défense optent pour le renvoi.
Il apparaît d’ores et déjà que les multiples plaintes rapportées par les membres de l’AP se sont ajoutées les unes après les autres à un dossier qui promettait aux accusateurs quelques recettes pour arrondir leurs fins de mois sur le dos de l’accusée. Chacun y est allé de sa petite plainte, toutes aussi ridicules les unes que les autres.
Double peine pour de nombreux prisonniers, les mois d’emprisonnement suite à ce genre de plaintes s’ajoutent à des sanctions disciplinaires déjà prononcées, et ne cessent de gonfler les durées d’incarcération dans la plus totale impunité des matons.

Nous nous retrouverons donc aux côtés de Christine le 15 mars 2016 au tribunal de Poitiers à 14h.