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Lettres de Nantes – octobre 2016…

Le 31/10

Salut !

Le 17, quand tu me postais ta lettre sur Roanne, je partais avec les ERIS à Nantes. Mais ton courrier a suivi, tout comme mes affaires, à peu près une semaine plus tard (…)

La situation était super tendue au QI de Roanne et j’attendais ce transfert depuis plusieurs mois. J’espérais qu’il allait amener du mieux, mais je n’osais pas trop espérer. En fait, dès que je suis arrivée ici, le QI a été levé et ça a tout changé. Maintenant, je peux à nouveau papoter, jouer au ballon ou aux cartes dans la cour avec les voisines. J’ai accès aux quelques activités, j’ai repris le sport ( et j’en chie grave après des mois d’inactivité).

C’est très loin, Nantes, pour les parents, mais heureusement il y a des UVF alors on en a demandé un pour Noël.

Ici, c’est une MAF et on est 40 nanas. Je n’ai pas trouvé de camarades de la ZAD de NDDL ou des basques, mais il y a quelques nanas sympas. Une demande de repas collectif pour le 1er janvier est même en cours… Dans ces foutues taules bouygues, le combat c’est ça : arriver à limiter l’isolement prévu par ces architectes pervers adeptes des sas à gogo. (…)

J’ai découvert le tricot en taule ( dehors j’étais trop occupée pour ça). Je m’améliore à force de pratiquer seule en cellule. Je ne maîtrise que le point mousse, arrive au jersey et dois bien réfléchir pour les cotes : on est très loin du jacquard et des torsades ! Mais j’arrive à faire de la layette pour les copains qui ont des bébés et j’en suis presque fière. Ma grand-mère tricotait énormément, sans regarder son ouvrage ; j’en suis bien loin mais ça me donne l’illusion de partager quelque chose avec elle, au-delà de la prison et de la mort.

Bon courage à tous, à la prochaine

Compte-rendu du procès de Roanne

Procès de Christine contre des surveillant-e-s de Roanne

mercredi 27 juillet 2016

Christine est au centre de détention de Roanne depuis le 24 mars 2016. Elle passe ce 27 juillet devant le tribunal local pour des faits survenus d’avril à juin. Au jour de l’audience, Christine est libérable au 16 décembre 2016. Elle est finalement condamnée, en plus, à un an de prison dont 6 avec sursis et mise à l’épreuve.

A la va-vite, voici un compte-rendu de l’audience.

Aujourd’hui Christine comparaît pour quatre (ou cinq ? On s’y perd tellement elles se répètent!) altercations avec des surveillants et surveillantes de Roanne. : elle est accusée d’une dizaine d’infractions de « rébellion et/ou violence sur personne dépositaire de l’autorité publique » sans ITT ou avec des ITT inférieures à 8 jours. Elle est aussi accusée du refus de prélèvement d’empreintes (digitales, photo…) lors de la garde à vue.

Résumé

Au sujet de ces altercations, qui la mènent pour la énième fois devant un tribunal, et rallongent indéfiniment sa peine, Christine tient d’abord à préciser : « Je ne vais jamais au contact physique la première. Jamais. Quand il y a un problème en détention, je le signale aux surveillants. Si rien ne se passe, éventuellement, je fais un blocage. Mais je ne vais jamais, jamais, au contact la première ».

Ensuite elle raconte les quatre histoires pour lesquelles elle comparaît, en détails, même lorsque la juge tente de la couper en lui demandant de se « limiter aux faits » : Christine veut faire comprendre au tribunal et au public ce qui se déroule et comment on en vient à des accusations de violences et de rebellions, comment ces faits sont inscrits dans un contexte.

« Je me suis retrouvée outil dans une guerre entre certains surveillants qui veulent selon eux se battre contre la voyoucratie et la direction : ceux qui veulent juste être les plus forts » et « des agents qui veulent faire confiance aux détenus ». Selon elle ces surveillants ne supportant pas ce qu’ils considéraient comme des « privilèges » qu’elle aurait obtenu (alors même qu’elle était placée au mitard!) ont provoqué des incidents. Elle explique qu’au fur et à mesure, la violence est montée en intensité.

Un exemple

Pour l’exemple, résumons ici l’une des histoires pour lesquelles elle est poursuivie aujourd’hui.

Christine explique que « le tricot a un avantage phénoménal quand on est débutante : ça fait passer le temps ». À la présidente qui l’interrompt et lui ordonne « d’aller à l’essentiel », elle répond : « C’est ça l’essentiel ! Je suis en prison depuis quatre ans, c’est essentiel de faire passer le temps. »

Des voisines lui préparent un sac de laine et demandent à une surveillante de lui faire passer. « La surveillante refuse, ce qu’elle niera ensuite dans son rapport. Le problème est là ! Il est dans le manque de respect total et continuel des surveillants. Comme elle a refusé, mes voisines m’ont envoyé la laine en promenade. Une surveillante veut vérifier la pelote de laine, la confisque et promet de la rendre lors du repas. Mais le bricard ne la restitue pas car il me reproche d’avoir récupéré la laine en promenade (ce qui n’est pas réglementaire) au lieu d’avoir demandé à la surveillante de la faire passer! Deux mensonges en une journée ! Aucune violence de ma part. » Au moment du repas, Christine et un surveillant ont une explication à ce sujet : « Le surveillant me prend par le col. C’est là que je le prend par le col. À la base je voulais juste passer mon week-end tranquille à tricoter. Cette fois ça a été très violent. Les surveillants entrent dans ma cellule avec les boucliers , me poussent au sol, l’un d’eux me met des coups de poing quand je suis au sol… Ils m’ont volé ma promenade la veille, et ma laine ce jour là ».

La juge admet ensuite que les plaintes des divers surveillants déposées suite à cette histoire ne sont pas précises. Pourtant, elle est ici jugée et condamnée entre autre pour ces faits.

Christine précise qu’elle a demandé à l’OPJ (officier de police judiciaire) qui l’a entendue pour ces faits de faire témoigner ses voisines au sujet de la laine et du mensonge de la surveillante. Il n’en a pas tenu compte. La juge estime que le problème n’est pas là et qu’il est uniquement dans l’attitude de Christine.

Voilà le genre d’histoires qui mènent Christine à être condamnée pour « rébellion et violence ». Elle est aussi accusée d’avoir refusé de se soumettre aux prises d’empreinte en garde à vue. À la juge qui la questionne sur ses positions de principe contre le fichage, Christine répond : « En général je refuse d’être fichée, mais là ils ne peuvent pas me poursuivre pour ça : ils ne m’ont jamais demandé mes empreintes en garde à vue ! Ni si je voulais manger, ni si je voulais aller aux WC d’ailleurs. »

Morceaux choisis

Le procureur reproche à Christine de ne pas supporter les surveillants et de tous les traiter de « nazis ». Christine lui répond qu’il n’y a qu’une surveillante qu’elle surnomme « la nazie », depuis qu’elle l’a entendue dire au sujet des prisonnier-e-s : « Pour ces gens là, c’est pas la prison qu’il faut mais des camps, comme ça on les ferait marcher à la shlag ou au fusil mitrailleur. » Christine ajoute : « J’ai jamais dit que tous les surveillants étaient des nazis. Mais elle, j’ai porté plainte contre elle pour ce qu’elle a dit. Où est ma plainte ?».

Alors que la juge ne cesse de lui parler de « votre cellule », Christine rappelle : « ce n’est pas MA cellule, ce n’est pas chez moi ici ». Christine a déposé une demande de libération conditionnelle pour la deuxième fois depuis son entrée en prison en novembre 2012 pour une peine initiale de 3 mois.

Conclusion

La présidente reproche à Christine de légitimer ses attitudes en critiquant celles des surveillants : « S’il y avait vraiment un problème du côté de l’administration pénitentiaire, ça arriverait à tous les détenus. Vos problèmes sont liés à votre comportement ».

Christine répond : « Je suis en prison depuis novembre 2012, j’ai fait 620 jours de QD et 160 jours de QI, ma peine se rallonge pour des altercations avec des surveillants. Je ne comprends pas à quoi ça sert, à part peut-être à enrichir les vendeurs de cahiers de mots croisés. A part à enrichir quelques surveillants, je comprends pas à quoi ça sert. Je suis bergère. Mon utilité, c’est de fournir aux gens des côtelettes pour qu’ils fassent leurs barbecues l’été. 70 % des détenus n’ont pas de peine interne, pour eux la vie dehors et dedans c’est pareil : télé et shit. Mais 30 % des détenus ont des peines internes. Quand vous condamnez des gens, c’est à tout ça que vous devez penser. »

Plaidoirie

L’avocat de Christine, Benoît David, rappelle que l’enfermement de Christine ne sert à rien. Il relève surtout les contradictions, incohérences et absences d’éléments précis dans les dépositions des surveillant-e-s. Pour exemple : une surveillante qui ne décrit dans sa déposition aucune violence de Christine contre elle, mais qui plus tard demande réparation pour une douleur à l’épaule.

Verdict

Christine est relaxée pour le refus de prélèvement. Reconnue coupable pour tout le reste.

Elle est condamnée à douze mois d’enfermement dont 6 ferme et 6 avec sursis et mise à l’épreuve, c’est-à-dire que lorsqu’elle sortira enfin, elle subira de nombreuses obligations (soins, suivi…). Trois surveillantes recevront un chèque de 100 à 600 euros, une autre est renvoyée à une audience ultérieure pour tenter de gagner elle aussi sa chance au grattage. Il n’y a pas de mandat de dépôt, ce qui laisse croire que la peine pourra être aménageable, que c’est ce que désire la juge. En effet, elle sait que le JAP (Juge d’Application des Peines) doit répondre le 4 août à la demande de conditionnelle. Oui mais voilà, le 4 août, il la refuse. Il est donc trop tard pour un appel. Et le proc’ a promis de « faire tomber vite ces 6 mois en cas de refus, pour ne pas gêner une autre demande ». Qu’ils sont gentils !!

Rassemblement à Roanne le 27 juillet à 13h

MANIFESTONS NOTRE SOLIDARITE ET NOTRE SOUTIEN À CHRISTINE

QUI RESISTE EN PRISON CONTRE L’ARBITRAIRE ET POUR LA LIBERTE

RDV LE 27 JUILLET à 13H

AU TRIBUNAL DE ROANNE (place Georges Clémenceau)

Une fois encore Christine actuellement détenue à la prison de Roanne, passe en procès pour répondre d’incidents survenus en avril-mai-juin 2016 et pour lesquels lui ont été signifiés 9 chefs d’inculpations de violences et rébellions sur des matons de Roanne ainsi qu’un refus de signalétique ( empreintes digitales et photos).

A Roanne comme dans les 14 taules qu’elle a « fréquentées » depuis novembre 2012, les « chiens de garde » de l’AP (administration pénitentiaire), tous niveaux confondus, poursuivent leur acharnement pour la pousser à bout. Par de multiples provocations, ils tentent de la réduire au silence et à la soumission :

Interdite de promenade, suppression d’activités, refus de répondre à ses requêtes justifiées, humiliations (fouilles à nu), brutalité (menottes), QI (quartier d’isolement), mitard…

Christine, la bergère rebelle n’est pas un mouton qui se laisse dresser, mater et tondre sans se révolter !

En effet, à l’intérieur de la prison elle poursuit les combats menés auparavant hors les murs et entend dénoncer la machine à broyer l’humain qu’est en réalité la prison.

Christine refuse de se taire, de se plier à l’arbitraire et au non respect des droits des prisonniers, des droits humains dont l’enfermement carcéral est l’illustration.

Le cas de Christine n’est pas isolé, d’autres détenues entrent en résistance et subissent le même sort.

Sans notre soutien, les prisonnier.e.s et leur combat face à l’AP sont écrasés dans le silence !

Face aux institutions, en taule comme à l’extérieur, ne pas se laisser piétiner et tabasser est systématiquement synonyme :

d’outrages, violences, rébellions.

« Même si les matons disent qu’ils ne font que respecter la loi. J’attends donc une honnêteté sans faille de leur part. Quand j’ai été incarcérée, j’ai lu le code du prisonnier et le code pénal. Je regarde toutes les notes de service affichées en détention. Si tout çà est respecté, je ne fais pas d’histoire. Mais c’est rarement le cas ».

Christine a porté plainte contre des surveillants pour non respect des règlements pénitentiaires ou pour coups et blessures : ses plaintes n’ont jamais été retenues ! Par contre, comme aujourd’hui, les plaintes des matons ont toujours eu des suites judiciaires, qui se soldent par du fric pour eux et de nouvelles peines pour elle qui rallongent d’autant sa durée en détention.

Lors des événements de Roanne « alors qu’il me tenait, le bricard a dit : vous n’êtes pas adaptée à la vie en centre de détention – je suis bien d’accord : je suis bergère, pas taularde » !

Qui est cette détenue que l’AP, de taule en taule, considère comme dangereuse et subversive ?

Christine est bergère – elle aime son métier, éprise de liberté et de justice sociale – son parcours est celui d’une militante contre le système carcéral, la loi Loppsi, le puçage des moutons et l’ensemble des lois liberticides – Ses actes militants sanctionnés par de courtes peines avec sursis, ont, après l’affront de trop face à l’AP, quand elle conteste le despotisme des fouilles pénitentiaires, abouti à son incarcération pour 2 mois en novembre 2012 pour outrage et rébellion ; 2 mois qui sont devenues des années une fois les sursis tombés puis à la suite des multiples altercations avec des surveillants dans les 14 geôles où elle a été transférée pour motif disciplinaire.

Lieux de détention toujours très éloignés de sa famille et de ses proches, car non contents d’embastiller ceux que la société bourgeoise déclare nuisibles afin de maintenir en son sein ses valeurs morales fondées sur l’inégalité sociale, le respect de l’autorité, la soumission à la violence étatique, l’AP punit également les familles !

Le rapport dans lequel Christine se débat n’est pas un rapport individuel entre elle et les institutions mais bien un rapport social fait de l’exploitation que nous subissons tou.te.s quotidiennement. Ces mêmes institutions mettent tout en place pour nous maintenir divisé.e.s et isolé.e.s.

La prison dite « privation de liberté » est-elle compatible avec la nature humaine ?

La justice va-t-elle une fois de plus écraser la résistance des prisonnier.e.s face à l’arbitraire de l’AP et accorder à l’institution carcérale une nouvelle fois l’impunité ?

Soyons présent.e.s devant le tribunal le 27 juillet 2016 à 13h à Roanne pour soutenir Christine et faire connaître le combat des prisonnier.e.s

Contre la privation de liberté et l’arbitraire pénitentiaire.

Lettres de Roanne – avril / octobre 2016

Extrait d’une lettre du 1er septembre

Lors du procès à Roanne, j’avais décidé de ne pas me censurer. Je sais bien que ce que je dis n’est pas entendable par la matonnerie ni par la « justice », mais ce n’est pas une raison pour les laisser croire que je suis d’accord et soumise ou repentante. Ce qui est certain c’est qu’on ne sait jamais quelle peine va tomber ( sauf que ce ne sera jamais relaxe et jamais plus de 3 ans) et que ça ne dépend ni du type de défense, ni de la présence de camarades dans la salle, juste de l’humeur du juge. Je comprends très bien que ça soit frustrant d’être spectateur, que ce rôle passif peut même donner l’impression d’être complice des saloperies répressives. Mais moi ça me fait du bien de voir des camarades qui me sourient. D’ailleurs, après coup le baveux m’a « engueulée » que je m’étais trop souvent tournée vers vous, alors que moi j’avais l’impression d’avoir fait bien gaffe à ne pas trop le faire ! La banderole,même si elle n’était guère visible en ville, a été reprise avec une grande photo couleur par le journal local ( qu’on reçoit d’ailleurs gratuitement ici tous les jours, ce qui me permet de faire la page jeux quotidiennement depuis que je suis au QI ou au QD) ce n’était donc pas inutile.

J’ai eu un exemplaire de « Aux marches du palais »avec une dédicace perso de Courtois. Des copains de la CNT d’Avignon l’avaient invité pour un débat sur la taule à l’occasion de la sortie de son bouquin. Effectivement, un procès n’est qu’une mascarade…mais ça me bouffe beaucoup d’énergie à chaque fois, et surtout ça rallonge la peine et offre une aire d’écoute aux pleurnicheries de la matonnerie. Pour autant, je ne veux pas aborder ça avec l’indifférence du « j’ai rien à dire puisque je sais que vous ne m’écouterez pas » et continue à parler dans le vide… ou pour les camarades dans la salle !

Au retour, après le procès, rien n’a changé. L’échéance pour moi était le 4 août, le jour où le JAP devait dire s’il m’accordait ou non la condi demandée lors du débat contradictoire le 7 juillet qui aurait pu « manger » ces 6 mois fermes. J’avais donc décidé de faire profil bas pendant 6 semaines ( de la comparution à la sortie de la GAV le 29 juin au délibéré du JAP le 4 aout) dans l’espoir que ça payerait. Évidement, ce n’était qu’une carotte, et la condi à été refusée pour la 3ème fois !

Donc, dès le 5 août j’ai provoqué une mise en prévention QD ( où, pour une fois, ils n’ont pas joué la violence) pour pouvoir enfin discuter des conditions de vie au QI avec le dirlo ( ce que je demandais dès que ça a commencé à merder, notamment avec la surveillante plaignante Pezeron le 6juin). J’ai pu avoir un entretien avec lui la semaine d’après, alors qu’il m’avait foutu au QD pour 14 jours ( le maximum car il était vexé que j’utilise ce mode d’action). Il a été méprisant et d’une mauvaise foi totale, ça n’a rien reg lé au contraire car les matons se sentent maintenant autorisés à ne même plus faire leur travail ( prendre le courrier à 7h, le distribuer à 17h, répondre au drapeau ou à l’interphone etc.)

Le QI a été prolongé d’encore 3 mois, avec l’accord de la DI et la complicité de l’UCSA ( alors que j’avais plutôt confiance en l’infirmière psy que je vois toutes les semaines pendant 45 minutes, pour sortir un moment du QI et discuter avec une civile hors le la présence des casqués).

L’ambiance est très lourde, ça me tape sur les neurones. J’ai eu un UVF de 24heures avec ma famille, mais dans la minute où ils ont été relayés par les bleus toute la tendresse ressentie durant une journée a disparu illico.

J’ai une quinzaine de CRI en stock,il devrait y avoir un prétoire prochainement où je vais prendre 30 jours de mitard pour épurer ce stock. Le message est clair, on ne te laissera pas respirer tant qu’on ne t’aura pas cassée ! c’est dur à supporter.

Pour l’instant je tiens le coup grâce aux courriers ( nombreux) de mes proches et au tricot,mais aussi à la télé pour me vider la tête. J’ai du mal à me concentrer sur un bouquin ou à étudier avec Auxilia. Je dors un peu moins bien.comme il y a la clim en bâtiment ( où je suis 21h/jour au moins) je ne souffre pas du tout de la canicule. Il y a une autre fille au QI ( le dirlo est un fan de répression), ça va, mais on a pas grand-chose à se raconter. Le dirlo a refusé qu’on soit ensemble dans la salle de muscu alors que ça n’aurait posé aucun problème de sécurité ou d’organisation.

Donc maintenant il n’y a plus, comme activité, que 2 fois 10 minutes de biblio/semaine et 1h de muscu, seule, par semaine. C’est vraiment peu !

Bon voilà les news, pas très réjouissantes. (…)

Je vous souhaite une bonne rentrée sociale, la lutte continue !

 

Extrait d’une lettre envoyée le 10 juillet 2016
….
… « Ils ont donc du te raconter le changement d’ambiance avec l’AP
qui s’est amorcée dès fin mars, quand ils m’ont volé les activités,
malgré l’accueil « on va se faire confiance », moins d’un mois plus
tôt.
Je ne mets pas en doute la sincérité de la directrice ou de l’officier QF,
quand ils l’ont tenu. Mais, comme à Epinal, ils se sont fait dépasser
par les petits chefs frustrés de me voir « traitée comme une
princesse ». Ils sont allés chercher la bagarre. J’ai esquivé le plus
longtemps possible, mais ça ne les a pas empêché de sortir leurs
tenues anti-émeute avec boucliers.
De là, c’est parti complètement en couilles. Après un retour en
« portes fermées », je me suis retrouvée au QI à partir du 20 mai. Les
CRI s’empilaient et le proc a eu les premières plaintes. Vexés que ça
n’aboutisse pas, ils en ont rajouté une couche et le 20 juin, je me suis
retrouvée au mitard pour 30 jours, puis les 27 et 28 en GAV.
Le procès aura lieu le 27 juillet à Roanne, à 14h. Il n’y a pas d’appel à
rassemblement mais j’espère quand même qu’il y aura 2 ou 3 potes
dans la salle, que je n’y voie pas que la tronche des matons en attente
de 13ème mois ou des journaleux locaux (qui valent ceux du « Midi
Libre »).
J’avais un peu d’espoir pour cette 3ème demande de condi, posée dès
mars à Saran. Ici le JAP a bonne réputation, j’ai un dossier en béton et
j’avais confiance en la CPIP. Mais les derniers évènements ont changé
la donne : le JAP est aussi le juge correctionnel, le proc’ y est plus
opposé que jamais, la CPIP a tourné casaque et le rapport de l’AP
(pourtant présenté par la directrice) est défavorable.
J’ai vu le JAP jeudi 7 juillet et il a paru à l’écoute. Mais il a mis le
délibéré le 4 août et je ne me fais pas plus d’illusions, car une nouvelle
peine sera tombée d’ici là.
C’est pourtant évident que ça ne s’arrêtera jamais s’il n’y en a pas un
qui leur coupe l’herbe sous le pied en les privant de la possibilité de
déposer plainte sans arrêt… J’en ai marre !
En ce moment les troupeaux sont en alpage, les gamins en vacances et
mes parents auraient besoin d’un coup de main pour faire les travaux à
la maison. Pourtant je suis là, à glander au mitard, à remplir des
cahiers de mots croisés et à fumer. A quoi ça sert bordel ?
Bien sûr si tu penses utile de mettre des extraits de cette lettre sur le
blog, tu sais comment faire »…

… « Bon voilà, les news pour le moment, pas réjouissantes… J’ai
quand même eu un bon UVF le 4 juin, mais le prochain ne sera qu’en
septembre et il est probable que d’ici là il y ait un nouveau transfert
disciplinaire. Je n’ai pas eu le temps d’entrer en contact avec les filles
ici, même les basques et j’en suis frustrée. Et pour couronner le tout,
ce soir, il semblerait qu’aucune station de radio ne sache parler
d’autre chose que du foot qui m’emmerde !
Allez, je ne vais pas jouer à « Tatie Danièle », moi aussi ! Alors
j’arrête là cette lettre en te souhaitant à toi et à tous les camarades que
tu croiseras un bon été. Profitez-en bien ! Bises ».
Christine ».

EXTRAIT lettre de Christine du 29 mai 2016 :

[…] Bon, comme tu le sais, je suis au QI [Quartier d’Isolement] depuis le 20 mai. L’ambiance dépend beaucoup de l’équipe du jour, surtout du bricard. En effet, ils ont décidé qu’il en fallait un à chaque ouverture, en plus de 2 matonnes. Dans les faits, ça leur arrive d’être 6 ou 7 devant la porte, même s’ils ont remisé leurs tenues de carnaval. J’ai tout de même 2 promenades par jour (et ici le soleil – quand il y en a – atteint la cour) et accès quotidien au téléphone. Le plus par rapport à Saran c’est que je peux discuter avec l’auxi biblio les 2 fois 10 minutes hebdo où j’ai le droit d’y aller. Je peux aussi aller à la salle de muscu 1h les lundis et mercredis (c’est la loi). Les aumônières viennent me rendre visite mais sont dépendantes de la présence inutile d’un chef ( puisque les surveillantes ont les clés du QI et que je n’en ai jamais menacé une d’elles). Comme en bâtiment, j’ai les aiguilles à tricoter alors, tant que j’ai de la laine, je m’occupe bien. J’ai toujours du courrier des potes et de la lecture. Bref, ça va.

Le débat contradictoire avec le directeur était totalement pipé par sa mauvaise foi. Il m’a laissé parler mais n’avait aucune intention de m’écouter. En fait, je me suis instrumentalisée dans une lutte d’influence entre les « humains », « pro-voyoux », symbolisés par la directrice, et les « tenants de l’ordre », « adeptes de la sécurité des agents », avec le directeur à leur tête. On recrée les conditions d’Épinal… L’école a tenté d’instrumentaliser mes co-stagiaires pour m’interdire le stage BD et je me suis retrouvée sans accès à toutes les formations. Un bricard a essayé de faire peur à mes voisines, mais ça a dégonflé et on se parle à la fenêtre à 20h quand ils ont dégagé les lieux (et pendant la promenade pour les plus « courageuses »).

En fait, je ne sais pas trop ce qu’ils ont en tête et ça me met un peu en stress pour la suite. Ça a pas mal fritté entre le 23 avril et le 6 mai puis le 14 mai. Il paraît qu’il y a eu 5 matons qui ont eu des ITT… Mais je n’ai aucune info officielle de CRI ou de dépôts de plainte. Quand ça va bien, je me dis qu’ils m’ont mise au QI pour calmer les « anti-voyoux » en espérant que le JAP [Juge d’application des peines] me fera sortir au plus vite (ce qui leur ferait presque autant plaisir qu’à moi!) et que c’est pour ça qu’ils font traîner la répression. On verra bien… Le JAP étudiera ma demande de condi sur dossier (automatique aux 2 tiers de peine) le 16 juin. Le 7 juillet, on remet ça mais cette fois je serai présente et pourrai lui parler en face à face. J’ai un dossier en béton et ma CPIP a l’air compétente…

EXTRAITS lettre de Christine du 27 mai :

(…) La semaine prochaine, le 4 juin, je verrai ma mère, ma soeur et ma nièce de 10 ans (que je n’ai pas revue depuis ses 6 ans) en UVF, ça va faire du bien ! Je devrais être arrivée à finir le sac en tricot que j’ai commencé ici à temps.

En effet, contrairement aux MA, ils nous laissent avoir les aiguilles à tricoter en cellule. Du coup, je m’y suis mise à fond. C’est chouette car ça occupe bien, surtout quand on est débutante. En plus, on voit le travail avancer, on a l’impression de produire quelque chose, d’être utile.

Je n’ai guère que ça pour m’occuper car depuis une semaine je suis de retour au QI. Le directeur que j’ai vu en débat contradictoire, n’avait rien à faire de mes explications et m’a séparé de mes voisines avec qui je n’ai aucun problème pour m’obliger à ne cotoyer que les bleus dont certains ont une haine tenace à mon égard. Il y a eu une grosse montée en pression du 23/04 au 6/05, puis le WE du 13 au 15/05 ; ça a fritté plusieurs fois et il paraît que certains se sont blessés en me tombant dessus à 4 contre 1 malgré leurs tenues pare-coups… Il y a eu une quantité de CRI rédigés mais aucune enquête n’a eu lieu, aucune GAV, aucune convocation au prétoire. Cette absence d’infos me met un peu en stress. A l’origine, la directrice avait un discours appaisant mais je savais que même si elle était sincère je ne pouvais pas y croire. C’est parti vraiment en couille quand ils m’ont interdit sans raison le stage Bande Dessinée et traitaient mes demandes d’explications avec mépris.

Avant hier, j’ai vu la CPIP [service social], qui m’a paru faire son travail honnètement. Elle m’a confirmé que des matons avaient déposé plainte. Mais, peut être, ont-ils décidé de laisser trainer en me collant au QI « pour leur sécurité » afin que le JAP [ juge d’application des peines] puisse octroyer la condi (qui leur ferait presque aussi plaisir à eux qu’à moi !) ? Il y aura une première étude sur dossier le 16 juin. Elle m’a dit de ne pas trop y croire car la peine d’Evry (1 an de plus) ne serait confirmée que le 13 et risque de ne pas être encore enregistrée. Mais je verrai le JAP en face le 7 juillet et pourrais lui expliquer mon travail au troupeau (avec CDI au SMIG et hébergement) en espérant que ça marche mieux aussi. En effet, il a une bonne réputation auprès des filles. mais encore faut-il qu’il n’y ai pas une GAV ou une comparution immédiate entre temps…

Outre les aiguilles à tricoter en cellule, la différence avec le QI de Saran c’est que le soleil atteint la cour de promenade où je vais 2 fois par jour. Je rencontre aussi l’auxi biblio quand je m’y rends à raison d’ 1/4 h les mardis et jeudis. Bien sur, il y a aussi (ils n’ont pas le choix, c’est la loi) accès à la muscu 2 fois/semaine durant 1 h à chaque fois. Ils ont essayé de mettre la pression sur mes voisines pour qu’elles ne me parlent pas aux fenêtres mais ça n’a pas pris heureusement. Mais comme à Réau et à Vivonne, ils refusent de transmettre le courrier interne. Bon, tout ça pour dire que l’été va être long, mais que je saurai faire face, comme d’habitude.

Je suis en correspondance avec un théatreux parisien qui découvre l’activisme politique avec Nuit Debout. Il participe à une commission « justice et prison » où il a rencontré d’autres personnes que je connais. Il découvre, épaté, que tous les « indignés » ne sont pas abolitionnistes ! moi, ça me semblait évident…Même à l’intérieur on entend des conneries du style « c’est normal que les pédos soient en prison, c’est même trop doux pour eux » ou « je suis bien ici, j’ai peur qu’ils me libèrent trop vite ». Si, si, je t’assure ! Donc, tu as raison, la révolution n’est pas pour demain tant que « les pauvres » préfèreront parler de la retraite d’un footballeur adulé que de la grève générale dans les cours de promenades des taules françaises ou au bas d’immeubles des quartiers pourris (…) Moi, je suis bloquée ici, avec juste la télé pour suivre « les événements » à Rennes ou ailleurs. Du coup, je suis super frustrée car j’aimerai bien pouvoir rentrer dans le lard des casqués sans être en sous-nombre. Alors je fantasme devant les images de camions CRS caillassés et me réjouis des lettres enthousiastes du parigot. (…)

EXTRAIT – mercredi 6 avril 2016 / Centre de Détention de Roanne,

« (…) 8 mois dont 6 en sursis ! C’est étonnant car, à l’issue du procès, j’étais convaincue que le proc’ serait suivi dans son réquisitoire (un an). C’est une bonne nouvelle mais il a encore dix jours pour faire appel…

Suite au procès d’Evry où j’avais pris un an ferme malgré mon silence, confiante en mon avocat, je lui ait dit que je ne me censurerais plus. A Orléans je me suis tellement lâchée que j’ai dit à la cour que ce n’était que des enfermeurs. Du coup, ils m’ont prise pour une folle, se sont beaucoup appuyés sur les deux expertises (d’ailleurs contradictoires!) et ont été « cléments » (4 mois ferme). La grosse différence avec Evry, c’est que les matons n’étaient pas là pour pleurnicher (même s’ils avaient un bon baveux). J’aurais dû être contente de la « légèreté » de cette peine, mais j’étais vexée de la psychiatrisation du débat.

À poitiers il n’y avait pas non plus de matons et leur avocat était totalement sénil, mais le proc était particulièrement intelligent et pervers. Il avait décidé de déconsidérer les quelques camarades qui étaient là avec la banderole « Solidarité avec les prisonniers en lutte contre l’enfermement ». Il était habile et provocateur (…)Il avait lu l’intégralité du tract distribué et a aussi été malhonnête avec l’avocat, lui reprochant même d’avoir donné ses conclusions à l’avance ! Quand je suis sortie de là, j’étais contente d’avoir pu échanger quelques regards avec des potes, contente aussi de ne pas m’être autocensurée et que FR3 ait filmé la banderole, mais je pensais aussi que cette médiatisation allait me coûter cher.

Bref, on ne sait jamais ce qui motive un juge et l’utilisation d’un tribunal comme tribune est bandant, mais sûrement pas efficace en terme de longueur de peine. Ainsi, à Arras, suite aux engueulades à Bapaume, je m’étais lâchée autant qu’à Orléans et j’ai pris un an (dont 6 mois avec sursis).( …) »

Retranscription d’une audition de Compte-Rendu d’Incident (CRI) du 26 avril 2016

Le vendredi 15, alors que j’étais en prévention au QD [Quartier Disciplinaire], j’ai eu une CDD [commission disciplinaire ] parce que la surveillante m’avait interdit l’accès à l’activité BD le 13 à 16h, puis avait dit à son collègue du socio de faire monter la pression par l’usage du mépris à 16h45.

Ce prétoire s’est bien passé. La présidente avait donné son accord explicite pour qu’il y ait, conformément aux recommandations de la DAP [direction de l’admnistration pénitentiaire], 2 promenades par jour au QD [quartier disciplinaire]. Elle ne m’avait pas déclassée [privée] de l’activité à titre disciplinaire et m’avait dit que je pourrais aller à la BD dès le mardi 19 à 9h «  si les intervenants estimaient que le retard pouvait être comblé ». Le soir-même, je lui ai fait un courrier positif sur ces prises de position et disant que j’espérais que ce prétoire serait le point de départ d’une détention sans mépris.

Mais dès le lendemain, et jusqu’à la fin de la sanction, il n’y a eu plus qu’une promenade quotidienne. Mais surtout, le 18 après-midi, j’ai appris que je ne pourrais pas aller à la BD. J’ai aussitôt fait un mot aux intervenants pour leur expliquer la situation et leur demander de prendre une position claire. Le lendemain, j’ai demandé calmement à parler à l’officier QF avant 9h. Mais il a campé sur sa position injuste et contre-productive, me parlant d’un mail de l’institutrice et de la « peur » de mes co-stagiaires. Cette attitude, que j’ai subi à Epinal, est ignoble. En effet, je n’ai jamais mal parlé à ces personnes !

J’ai demandé à la surveillante activités si mon mot avait été remis aux intervenants et elle m’a dit l’avoir donné à l’institutrice. J’ai alors essayé de faire passer un message par L (qui elle non plus n’était pas allée au stage lundi matin pour cause de travail aux ateliers), mais la surveillante l’a aussitôt menacée. J’ai fait un mot à la direction par la borne. J’ai encore essayé de rentrer en contact avec les intervenants le mardi après-midi (à l’occasion de la messe en socio) et le mercredi (de passage vers l’UCSA [médical]). A chaque fois j’étais calme mais je me heurtais à votre mépris. J’ai pris sur moi et laissé courir en me laissant à nouveau prendre au piège de votre discours d’apaisement, en pensant à mes parents et en espérant pouvoir aller à la formation horticulture cet été.

Aujourd’hui, je suis descendue en promenade à 14h. J’ai bien dit au bricard [gradé] qui était là que j’aurais RDV avec le RLE à 14h30 et que ça ne devait pas m’empêcher de sortir, il n’a pas réfuté. J’ai donc vu le responsable RLE dans l’aile socio du lot C à 14h30. Je ne suis pas arrivée à rester calme car il se moquait de moi. Ainsi, alors que j’avais demandé des renseignements sur l’activité journal il y a un mois et que j’avais eu une réponse disant que ça commençait le 4 mai, il m’a dit seulement maintenant que l’AP faisait la censure et que les textes interdits n’étaient même pas laissés en blanc. Il ne m’a pas apporté d’informations sur les cours pour lesquels j’avais fait un mot il y a un mois, mais me parlait du DAEU dont je n’ai rien à faire. Il m’a aussi parlé d’Auxilia alors que je travaille avec cette association depuis 3 ans et en connais mieux le fonctionnement que lui. Après ce préambule irritant, il voulait parler de ma dernière expérience avortée avec le RIE. J’espérais enfin avoir des réponses à mes courriers et pouvoir avoir une discussion franche. Mais tout ce qu’il voulait c’était faire une leçon de morale comme si je rentrais au CP [centre pénitentiaire], énonçant des règles idiotes (« ne vous énervez pas, faites des mots, ayez confiance en la surveillante activités »). Or, comme je viens de l’expliquer, des mots, j’en avais fait plein et aucun n’a abouti ! Il était au courant que j’avais bien travaillé le mardi 12, mais pas au courant du mot remis le 19 à sa collègue, ni de la délation de celle-ci. Mon énervement est monté en flèche et j’ai crié. Mais à aucun moment je ne l’ai menacé ou ai eu de gestes brusques. Mais 2 surveillantes et un bricard sont arrivés en courant. J’ai fini ce que j’avais à lui dire, lui montrant, en me mettant à plat ventre sur le sol, mains jointes dans le dos, ce qui se passait s’il laissait faire des paranoïaques violents en uniformes. Puis je suis sortie de la salle pour retourner prendre l’air en promenade et me calmer.

Mais avant même d’être arrivée à la grille du sas avec le portique détecteur de métaux, le bricard m’a interdit la promenade dont j’avais besoin. C’était mon créneau et je l’en avais averti au préalable. Il voulait m’enfermer en cellule au C1, ce qui aurait été nocif. Je lui ai dit, j’ai même ajouté « aie un peu de respect pour mes voisines ! ». Mais il voulait faire preuve d’autoritarisme. Je lui ai alors dit que je voulais bien aller à la promenade QD (où j’aurais été seule durant 45 min pour me calmer avant de remonter cuisiner le goûter prévu à l’aile gauche). Il m’a dit que je faisais un blocage, ce qui était totalement faux : je voulais juste prendre l’air. Puis il m’a dit de me mettre face au mur pour qu’il me menotte. J’ai refusé, économisant mes épaules qu’il avait abîmées sans raison le 12. En effet, l’usage des menottes est illégal : je ne pouvais pas m’évader et ne menaçais personne ! Au final, il m’a saisie par le bras et je me suis laissée faire (en contradiction avec mes engagements) pour le mener au QD. Là, il m’a lâchée devant la cellule où je suis rentrée. Comme le 12, il a ordonné une fouille à nu illégale (j’en avais parlé au prétoire du 15). Les surveillantes ont calmé le jeu en acceptant que je prenne une douche dont j’avais besoin pour me calmer et dont elles avaient besoin pour que je me déshabille.

Je demande l’assistance de [mon avocat] pour la CDDD ou d’un commis d’office s’il n’est pas disponible.

Je demande que soit ajouté au dossier le mot que j’avais fait à la direction le 15 au soir, celui aux intervenants fait le 18 au soir, celui fait à la direction via la borne le 17 au matin, celui volé à L le 19 à 14h, l’inscription à l’école faite le 26/03 et l’attestation d’inscription à la BD ainsi que la décision de la CDD du 15 ne portant pas annulation de cette activité.

Ribailly le 26/04 à 17h30

PS : Alors qu’il me tenait, le bricard a dit « Vous n’êtes pas adaptée à la vie en CD », je suis bien d’accord : je suis bergère, pas taularde !

POITIERS – Procès de Christine (15/03/16)

Mardi 15 mars dès 12h au Tribunal de Poitiers
Venez manifester votre solidarité et votre soutien à Christine
qui résiste en prison contre l’arbitraire et pour la liberté

« […] il arrive que des condamnés commettent le crime de parler… »
A.M. Jacob

L. Jacqua - la boîte à sardines

Suite à un mouvement collectif des détenues du centre pénitentiaire de Vivonne en décembre 2014, Christine Ribailly devait comparaître mardi 6 octobre 2015 au tribunal de Poitiers pour « violences », « outrages », « menaces » envers divers membres de l’Administration pénitentiaire. Une quarantaine de personnes étaient venues la soutenir et témoigner leur solidarité aux résistances individuelles et collectives face à l’incarcération et la violence des matons. Mais l’audience n’avait pu avoir lieu.

En effet, à la lecture faite par la juge de la longue liste de faits qui lui sont reprochés, l’avocat de Christine avait observé que la copie qui lui avait été envoyée était incomplète et faisait état de 6 faits au lieu des 11 cités par la juge. L’audience fut donc renvoyée au 15 mars 2016. Il apparaît d’ores et déjà que les multiples plaintes rapportées par les membres de l’AP se sont ajoutées les unes après les autres à un dossier qui promettait aux accusateurs quelques recettes pour arrondir leurs fins de mois sur le dos de l’accusée. Chacun y est allé de sa petite plainte, toutes aussi ridicules les unes que les autres.

Double peine pour de nombreux prisonniers, les mois d’emprisonnement suite à ce genre de plaintes s’ajoutent à des sanctions disciplinaires déjà prononcées, et ne cessent de gonfler les durées d’incarcération dans la plus totale impunité des matons.


Nous nous retrouverons donc aux côtés de Christine le 15 mars 2016 au tribunal de Poitiers.

Isolement, éloignement familial, transferts disciplinaires, fouilles à nu, violences, quartiers disciplinaires, humiliations… Pour les près de 70 000 prisonniers en France, chaque journée passée en prison est un défi face à l’Administration Pénitentiaire (AP). Forte d’une multitude d’outils et de dispositifs tant violents qu’insidieux, l’AP encadre l’atomisation des prisonniers et orchestre la répression de leurs résistances. Pour n’en citer que quelques exemples :

  • casques, boucliers, équipes d’intervention anti-émeute (ERIS)
  • sédatifs et anti-anxiolytiques
  • chantages à la possibilité d’avoir accès à des remises de peines, activités, parloirs, UVF (Unité de Vie Familiale), … qui deviennent des faveurs à quémander à l’AP,
  • organisation de l’espace qui vise l’atomisation des détenus (cellules d’isolement, quartier disciplinaire, segmentation par de nombreuses grilles d’accès, TV/douche/repas en cellule et donc seuls…)

Aspirateur social, prison de la misère, machine à broyer, entreprise de déshumanisation, les mots n’ont jamais manqué pour désigner la prison, la taule. Des paroles de prisonniers aux enquêtes de l’Observatoire International des Prisons en passant par les témoignages des familles et proches de détenus, les conclusions sont les mêmes : la prison détruit l’être social.

Résister en prison, c’est y survivre, c’est exister.

Au centre pénitentiaire de Vivonne en décembre 2014, les détenues du quartier femmes rédigent une plate-forme de revendications collectives (voir au dos) où elles expriment leurs frustrations et aspirations immédiates dans le cadre de leur détention. L’Administration pénitentiaire de Vivonne ne tarde pas à réprimer cette tentative d’expression collective: commissions de discipline, mitard, confinement pour de nombreuses détenues et plaintes de surveillants contre Christine qui doit comparaître pour outrage, violence et rébellion. Malgré cela, l’Administration pénitentiaire n’aura pas réussi à briser la solidarité entre les détenues. Plusieurs d’entre elles ont décidé d’apporter leurs témoignages pour soutenir Christine lors de son procès le 15 mars au Tribunal de Poitiers.
Ces témoignages sont à lire ici

Face aux institutions, ne pas se laisser piétiner et tabasser est trop souvent synonyme d’ « outrage, violence, menace »

En prison, en plus de l’insupportable privation de liberté, les situations de confrontation et d’humiliation sont le lot quotidien des prisonniers face aux agents de l’administration pénitentiaire et leurs supérieurs : refus de promenade, de séances de sport, fouilles diverses et multiples, problèmes de courrier ou remarque déplacée, palpations, annulations de parloir… D’autant plus que « les matons disent qu’ils ne font que respecter la loi. […] Mais c’est rarement le cas. »

Alors à chaque manquement à ses droits ou provocation, que Christine soit elle-même concernée ou que l’une de ses codétenues soit visée, elle réagit avec la même ardeur et, en retour, essuie des sanctions. Christine a ainsi passé la moitié de ces trois dernières années en quartier disciplinaire ou à l’isolement, et subi treize transferts d’établissement. Certaines confrontations mènent à des insultes ou affrontements physiques… A plusieurs reprises, Christine a porté plainte contre des surveillants : ses plaintes n’ont jamais été retenues. À plusieurs reprises, des surveillants ont porté plainte : ils y ont gagné du fric et de nouvelles peines pour Christine. En deux ans d’emprisonnement, Christine a ainsi accumulé plus d’une année d’incarcération supplémentaire à sa peine initiale (elle-même le fruit d’« outrages, violences et rébellions »).

Sans notre soutien, les prisonniers et leurs combats face à l’Administration pénitentiaire sont écrasés dans le silence.

LISTE DE REVENDICATIONS DES PRISONNIÈRES DE LA MAISON D’ARRÊT DES FEMMES DU CENTRE PÉNITENTIAIRE DE POITIERS-VIVONNE [Décembre 2014]

Comme ailleurs, nous voulons :
– Des payes correctes, tant aux ateliers qu’au service général
– La suppression des QI et des régimes différenciés au CD
– Les portes ouvertes en MA et/ou le téléphone en cellule
– La mise en place systématique des aménagements de peine sans délais et des transferts en CD dès la condamnation
– La facilitation du téléphone, des parloirs et des UVF avec nos proches, enfermés ou non
– La fin des fouilles systématiques et/ou punitives
– Les repas appétissants : marre de manger du plastique !

Localement, nous demandons :
– Des conditions dignes à la nursery : arrêt des réveils nocturnes, une cour avec de l’herbe, des temps de socialisation pour la maman…
– L’accès à l’école pour toutes : fin des refus avec la fausse excuse de la mixité
– La télé à 8 euros par mois : alignement sur la loi, comme dans les prisons publiques (18 euros ici pour Eurest)
– La fin de l’interdiction des apports aux parloirs (livres, disques, produits d’hygiène…) : on n’est pas là pour enrichir les cantines privées
– L’ouverture d’une salle de convivialité : elle doit être systématique quand la météo est mauvaise car il n’y a pas de préau dans la cour
– Plus d’activités : actuellement, il n’y a que « bricolages en papier » et « fitness », 2h par semaine
– L’accès au terrain de foot : seuls les hommes y ont droit
– La gratuité du courrier interne : on doit timbrer les lettres pour le quartier hommes
(Ces demandes sont toutes réalisables dans l’état actuel de la législation)

« Nous avons donc affiché la liste de revendications le jeudi 13 sur le tableau des notes de services. A notre surprise, la feuille manuscrite y est restée quatre jours ! Mais nous n’avons eu aucun retour. Je l’ai donc expédiée à la direction qui n’a pas fait plus de commentaires. Alors nous avons fait une lettre, extrêmement polie, pour demander l’ouverture d’une salle aux mêmes heures que les promenades. Elle a été signée par toutes les filles de la MAF. Quand elle a été remise à la chef, j’étais déjà au mitard [NDLR : sanctionnée pour un refus de fouille à nu].

J’ai appris que le chef de bâtiment avait convoqué toutes les filles une par une dans son bureau pour leur faire peur en disant que les revendications collectives étaient interdites. Bien sûr, ils n’ont pas osé mentir ainsi aux Basques et à moi. En effet, ce qui est passible d’un CRI (compte-rendu d’incident), c’est « une action collective mettant en danger la sûreté de l’établissement », ce qui n’est pas notre cas. Au contraire, la loi de 2009 incite l’AP à consulter les détenus sur les activités qui leur sont proposées. Il en a profité pour leur dire aussi que c’était interdit de me saluer en criant (et comment peut-on faire autrement avec le béton qui nous sépare ?). Donc depuis quinze jours, seules les Basques me parlent. Bref, c’est l’attitude classique de l’AP… »
Christine, 11/12/2014, MAF de Vivonne

Voir le site du journal anti-carcéral (envoyé gratuitement aux prisonniers sur demande) : http://lenvolee.net/

Pour des lettres, infos et nouvelles de Christine : https://enfinpisserdanslherbe.noblogs.org/

 

Toutes pour une, une pour toutes !

Une pour toutes - toutes pour une
C’est sous ce titre que paraîtront dans le N°43 du journal l’Envolée des extraits de témoignages de prisonnières et ex-prisonnières de la Maison d’Arrêt des Femmes de Poitiers-Vivonne.
Suite à la rédaction de revendications collectives en décembre 2014, l’ensemble des signataires de ce texte s’étaient vues infliger menaces et sanctions de la part de l’AP (Administration Pénitentiaire). Pour Christine cela s’était également traduit par des dépôts de plaintes de surveillants. C’est pour apporter leur soutien à Christine lors de son procès au tribunal de Poitiers que trois de ses ex-codétenues ont décidé de rédiger des témoignages qui replacent les faits qui lui sont reprochés dans leur contexte : un contexte de mépris et de surdité de la part de l’AP face aux demandes des détenues, rapidement suivies de menaces et de sanctions pour tenter de museler ces paroles dérangeantes, mais surtout pour tenter de briser la solidarité entre ces détenues. Mais la solidarité a la peau dure…
Ci-dessous se trouvent ces trois témoignages dans leur intégralité. Les prénoms des personnes ont été changés.
Le dernier texte est une retranscription d’un entretien réalisé dans le cadre de l’émission Papillon du 7 décembre 2015 sur Radio Dio.
> Entretien à écouter sur :
https://emissionsradio.rebellyon.info/papillon/autres/itwJessica-Papillon2015-12-07.mp3
Il s’agit d’un entretien avec une ancienne codétenue de Christine qui s’étaient rencontrées lors de leur passage réciproque au Centre Pénitentiaire des Femmes de Rennes.

 


 

Aurélie, septembre 2015, Poitiers
« Nous nous trouvons dans les geôles de la loi parce que l’État a demandé justice, alors ici, plus que n’importe où la justice doit être de rigueur. Et c’est en demandant une application juste des lois et du règlement de l’établissement que Christine s’est exposée à de sévères sanctions.

Alors que nous ne nous demandions que des conditions d’incarcération dignes, comme un abri décent en cours de promenade ou simplement un ballon pour pouvoir y pratiquer une activité sportive, tout est systématiquement refusé ou seulement ignoré. Le Chef de bâtiment se ferme à toutes discussions et ne souhaite clairement résoudre aucun problème.
Nous nous sommes donc concertées et avons posé sur papier les dysfonctionnements constatés à la MAF sans autre objectif que de faire évoluer la situation pacifiquement. Mais pour seule réponse, chacune des prisonnières a été sanctionnée, mise en confinement avec pour motif : « les revendications sont interdites ».
Devrions-nous laisser l’administration pénitentiaire bafouer son propre règlement en procédant à l’application systématique et automatique de la répression. Le ton est monté et lorsque l’une de nous émettait la moindre plainte, les sanctions s’abattaient.

Alors certaines ont finies par se laisser humilier et ont cessé de réclamer justice. Mais d’autres, comme Christine n’ont pas renoncé et se sont donc retrouvées dans le viseur de l’AP.

Par exemple, la loi stipule que les fouilles intégrales doivent être motivées et justifiées. Une fouille lui a été imposée, elle a voulu en connaître le motif avant d’obtempérer. Mais il n’y en avait pas, il s’agissait de pression par l’humiliation.
Face à son refus de soumission, l’AP a décidé de faire usage de la violence. 4 à 6 hommes peuvent être appelés à intervenir, ils sont casqués, portent des boucliers et disposent de bombes lacrymogènes dont ils ont d’ailleurs fait usage. Dispositif impressionnant déployé sur une femme, elle sera conduite au QD sans ménagement.

Au mitard, se voyant refuser le droit de porter des chaussures en plein hiver et parfois même sans vêtements, Christine a été poussée à bout, ce qui déclenchait souvent l’intervention de ces hommes armés. Elle hurlait « Stop, arrêtez », des moyens d’une extrême violence pour arriver à leur fin, ôter sa dignité. L’escalade de la violence n’a plus cessé.

Les courriers internes destinés à celles qui se retrouvaient au QD comme Christine sont rarement transmis puisque la solidarité est l’unique moyen dont on dispose pour lutter contre l’injustice, l’AP met donc tout en œuvre pour l’éradiquer.
La violence et l’inhumanité dont fait preuve l’AP ne nous résignera pas à croire en l’Homme et les droits qui lui sont dus en tant que tel.
Aujourd’hui encore les combats qu’elle a engagé pour la dignité et les droits de celles et ceux que plus personne ne veut entendre se poursuivent. »

 


Magali, septembre 2015, MAF Poitiers-vivonne
« La première fois que Madame Ribailly avait été amenée au Quartier Disciplinaire c’était parce qu’elle avait demandé la justification face à la fouille intégrale que la surveillante prétendait lui imposer. Malgré que la loi préconise que les fouilles intégrales ne doivent être systématiques, ici, elles sont systématiques et jamais personne nous montre la justification pour la fouille.

De toute façon j’ai déjà entendu Monsieur Kabiala affirmer que « puisque c’est moi le chef de bâtiment, c’est moi qui fait la loi ici ».

Dès le début de l’enfermement de M.Ribailly au Quartier Disciplinaire nous avons senti une grande hostilité de la part de l’Administration Pénitentiaire envers elle. Par exemple ils ont voulu interdire le courrier interne avec M.Ribailly. Quand nous l’avons dénoncé auprès de l’OIP et le contrôleur des prisons, la prison avait été obligé de l’autoriser mais il fallait mettre un timbre. Quelques mois après, le contrôleur des prisons avait visité le CP de Vivonne et depuis, nous ne sommes plus obligé(e)s de mettre un timbre dans le courrier interne.

Petit à petit cette hostilité n’a fait qu’augmenter et la tension et la violence sont devenues insupportables. Dans chaque mouvement les surveillants étaient équipés et armés des boucliers, des casques, du gaz lacrymogène etc. J’estime que la force employée par l’Administration Pénitentiaire était totalement disproportionnée et cela ne fait que pousser à bout les personnes.

Je me souviens qu’un jour j’avais du téléphoner à mon père pour lui demander d’appeler chez M.Ribailly afin de les rassurer, de leur dire que leur fille allait bien. M.Ribailly avait demandé de pouvoir téléphoner mais les surveillants refusaient de l’amener au téléphone. Finalement elle a du commencer une grève de la faim pour y accéder.

Face à cette situation de plus en plus insupportable pour nous, six prisonnières avons décidé de montrer notre mécontentement. Nous avons écrit une lettre et à la fin de la promenade nous avons demandé à voir le responsable pour lui donner la lettre. A cause de cette action tout à fait pacifique, le 7 janvier nous sommes toutes passé devant la commission de discipline et nous avons été toutes punies au confinement. Le jour où en France des milliers de personnes manifestaient pour la liberté d’expression, nous étions confinées justement pour avoir exprimé notre opinion. En l’occurrence d’arrêter la violence contre M.Ribailly car la répression ne fait qu’empirer les choses.

Depuis plus de cinq ans que je suis ici, j’ai remarqué que le pilier principal de la prison est la punition. Le système pénitentiaire est basé sur les menaces, l’humiliation et la répression. Ils nous disent que la prison va nous aider à nous réinsérer. Pourtant la plupart des moyens sont destinés à punir les personnes. Il n’y a pas un vrai programme destiné à la réinsertion, juste des petites choses qui ne sont jamais prioritaires.

Par exemple le manque d’activités au Quartier Femme est flagrant. Les responsables de ce quartier au lieu d’essayer de remédier à ce manque, ils passent leur temps à menacer et punir les prisonnières si : a) elles parlent par la fenêtre (nous passons vingt heures par jour enfermées en cellule) ou b) elles osent faire une pétition pour demander l’accès à une salle les jours pluvieux car dans notre très petite promenade il n’y a pas un abri décent.

Pour celles qui avons le sens de la justice, il y a trop souvent derrière ces quatre murs des situations qui sont intolérables. Madame Ribailly n’a fait que défendre la dignité, la justice et l’humanité. Elle a eu pour réponse la violence indigne, injuste et inhumaine de l’Administration Pénitentiaire. »

 


Irina, septembre 2015, MAF de Poitiers-vivonne 
« J’ai connu Christine au CP de Poitiers-Vivonne. La première fois qu’elle a été amenée au Quartier Disciplinaire, c’était parce qu’elle a juste demandé de respecter la loi. Leur loi dit que les fouilles intégrales ne doivent pas être systématiques et qu’elles doivent être justifiées. Mais ici, chaque jour qu’il y a des fouilles de cellule, on a aussi la fouille intégrale. Moi aussi j’ai subi des fouilles intégrales systématiques après chaque parloir. L’Administration pénitentiaires disait que c’était aléatoires mais « bizarrement » c’était toujours mon tour. Ces derniers mois au niveau des parloirs, la situation a un peu changé. Car nous avons dénoncé cette pratique aux contrôleurs des prisons.

Quand une personne ne respecte pas la loi, elle finit en prison. Quand l’AP ne respecte pas sa propre loi, un prisonnier est menacé et est puni seulement pour demander que règlement pénitentiaire soit respecté. Et parfois, elle est même poursuivie en justice, comme c’est le cas de Christine.

La violence utilisée contre Christine a été sans aucun doute abusive. Une personne enfermée dans une cage et désarmée contre je ne sais pas combien de surveillants. Tous équipés de casques, boucliers, gaz lacrymogène… L’AP savait parfaitement que cette attitude ne ferait qu’empirer la situation. J’entendais les surveillants rigoler au retour du QD. Si ils étaient des professionnels, ils auraient fait les choses différemment. Mais non, la seule réponse de l’AP c’est la violence, la menace et la punition.

Face à cette situation, j’ai décidé d’agir. On voulait dénoncer les mesures appliquées par l’AP contre Christine. Et seulement pour avoir écrit une lettre dénonçant cela, nous aussi nous avons été punies.

Malheureusement ce qui s’est passé avec Christine, ce n’est que le reflet d’un système pénitentiaire extrêmement inhumain, injuste et cruel. La prison ne nous traite pas comme des êtres humains et ne cherche pas la réinsertion. C’est pour cela que leur politique est basée sur la punition et la vengeance. »

 


« J’AI RENCONTRÉ CHRISTINE À RENNES »
entretien avec Jessica, décembre 2015

Jessica a été incarcérée pendant trois ans. Libérée depuis peu, elle a raconté dans l’émission Papillon du 17 décembre 2015 les méthodes de l’administration pénitentiaire pour réprimer les prisonnières en les isolant, en les stigmatisant et en les faisant passer pour folles ou dangereuses. A l’extérieur Jessica continue de se bagarrer pour ses amies incarcérées.

> Entretien à écouter sur :
https://emissionsradio.rebellyon.info/papillon/autres/itwJessica-Papillon2015-12-07.mp3

 

Jessica : J’ai rencontré Christine à Rennes, on a fait deux ou trois mois ensemble ; après elle a été transférée. Elle est passée par Poitiers, et moi aussi – mais pas en même temps. Comme Christine, j’étais une détenue assez rebelle. Parce qu’en plus d’être enfermées, on va nous interdire un certain nombre de choses qui peuvent ne pas nous paraître normales, donc on va refuser de se soumettre. Ils veulent qu’on accepte tout au nom de la sécurité. Donc à partir du moment où ils voient qu’on n’est pas des détenues qui disons « oui » à tout, ils vont jouer avec nous, pour nous provoquer. Ça a été ça avec Christine, ça a été ça avec moi, c’est ça avec plein d’autres détenues. […] À Poitiers ils font une fouille à corps après chaque fouille de cellule. C’est chiant de se foutre à poil à chaque fois devant eux. Des fouilles à répétition, comme ça, en sachant qu’ils trouvent rien… Ça fait partie des choses qui m’ont fait péter les plombs. […] Je refuse de me soumettre aux fouilles parce que j’ai pas envie de me mettre à poil tous les quatre matins devant eux. Des fois, en passant sous un portique, je sonnais ; là, c’est moi qui me déshabillais, et ils me mettaient un rapport parce qu’ils disaient que je faisais de l’exhibitionnisme. C’est de l’hypocrisie ! […]

Papillon : Les surveillants ou l’administration voient certaines relations d’un mauvais œil et essaient de casser les amitiés, d’empêcher les gens de se fréquenter.

C’est quelque chose que j’ai connu autant à Poitiers qu’à Rennes. Je fréquentais des personnes, et ça plaisait pas – plus au niveau de la direction. Ils nous mettaient des bâtons dans les roues pour pas qu’on se fréquente. […] Ils veulent choisir avec qui tu dois être, ils veulent faire les choses à ta place. Ou plutôt : ils veulent qu’on soit comme eux ils veulent. Moi j’étais avec des filles qui étaient super solidaires, ils n’appréciaient pas la solidarité entre nous, parce qu’ils voyaient que ça pouvait être dangereux pour eux. C’est pour ça qu’ils n’acceptaient pas ces fréquentations.

Donc tu atterris au centre de détention de Rennes, la plus grande prison pour femmes de France.

Au début ça se passait bien, on me prenait pas trop la tête. […] Après j’ai fréquenté justement une personne avec qui j’étais solidaire, ça ne leur a pas plu, et à partir de là il s’est passé tellement de choses ! Ils ont ouvert un quartier D0… J’ai été la cobaye du truc. A Rennes, ils ont mis ça en place le 1er juin, et j’ai atterri dedans le 1er juin. Personne voyait rien, et en cachette ils m’ont fait la misère. Ça a fini, j’ai mis le feu à ma cellule, j’ai été transférée à Nantes à trois semaines de ma sortie.

Le D0, c’est comme un quartier d’isolement qui ne dit pas son nom ?

C’est ça, c’est un quartier d’isolement. C’est un peu pareil que le mitard, même. On avait

une heure de promenade l’après-midi, une heure le matin. Sinon, enfermées toute la journée. Personne. Quand on sortait, on avait toujours deux ou trois surveillants avec nous -pour faire les 20 mètres qui conduisent en promenade !

Au D0, tu avais des contacts avec les autres prisonnières ?

Non. Enfin si, je parlais par les fenêtres et tout ça. On se débrouillait autrement, mais on avait

interdiction de communiquer avec le reste des détenues. Les promenades étaient confinées, toute seule, spécialement pour ceux qui étaient à l’isolement. Mais c’était mal foutu, hein ! Comme on était des cobayes, ils arrivaient pas encore bien à gérer ! C’était un peu marrant, parce qu’à chaque fois on croisait du monde. Mais le but était qu’on soit bien isolées du reste de la détention, que personne ne voie ce qui se passe…

Il y a beaucoup de fouilles, des fouilles par palpation… Tous les jours. Trois, quatre fois par jour, parce qu’on sort au moins trois ou quatre fois par jour de la cellule. Des fouilles de cellule toutes les semaines. […] Au début, l’isolement devait durer un mois, mais après ça a été prolongé. […]

Quand les gens qui sont en prison racontent ce qu’ils subissent, on a parfois du mal à les croire ; et souvent, les personnels, que ce soient les médecins, les profs, l’administration pénitentiaire, les surveillants… tout le monde essaie de les faire passer pour fous, menteurs ou paranos !

C’est surtout à Rennes que je l’ai ressenti ; au quartier d’isolement, je voyais tout ce qu’ils me faisaient, et quand je passais en commission je leur disais : « Vous me faites ça, ça, ça, c’est pas normal. » Et ils me disaient : « Mais vous êtes complètement parano, vous vous sentez persécutée. » Et à force de me dire ça, je me disais vraiment : « C’est peut-être moi, je sais plus ce que je fais, je sais plus si je gère ce que je fais… » Ils essayaient vraiment de te retourner le cerveau, en fait. […]

On a l’impression qu’il y a pas mal d’isolement à l’intérieur des prisons pour des gens qui ont

des galères, ou qui sont en lutte ou en rébellion : quelles sont les solidarités qui existent, ou que t’aimerais voir ?

A l’intérieur, la solidarité, y en a pas beaucoup, mine de rien. Après c’est normal, la détention a les armes pour te dissuader d’être solidaire. Elles pensent à sortir, je comprends tout à fait. Mais faut aussi garder sa dignité. Je pense que c’est important d’être solidaire : on est tous dans la même galère en prison. Faut qu’on s’entraide. Si y a des gens qui m’entendent : faut vraiment qu’il y ait de la solidarité dans les prisons, arrêtez de vous faire la guerre entre vous.

Et je voudrais faire une dédicace à l’administration pénitentiaire : vous m’avez pas eue, et je suis bien contente ! Et dédicace pour toutes les personnes détenues, gardez la pêche !

 

Courriers d’Orléans (août…

Le 27 janvier

…Je comprends très bien ce sentiment d’impuissance des proches, je l’ai vécu durant plus de 8 ans quand j’étais « femme de taulard ». Mais tu sais, vos courriers où vous me racontez des nouvelles de dehors, m’aident beaucoup au quotidien.
Et puis, demain, j’ai un UVF de 6 heures avec mes parents ! On va se faire des crèpes à gogo, j’ai cantiné bien plus que nécessaire et ils vont repartir avec un grand carton de bouffe.
C’est chouette que vous soyez arrivés à mettre en place cette journée sur l’enfermement. Je ne connais pas le film « Enfermés vivants », il date de quand, il raconte quoi ? C’est super que Georges Courtois puisse venir pour le débat du soir. Je vous souhaite une discussion riche et productive.

Depuis plusieurs mois, je suis en correspondance avec un parisien théatreux, P. Il veut faire une pièce de theâtre à partir de mes textes qu’il a lu dans L’Envolée ou sur le blog. On a pas mal échangé et son projet a évolué. Le personnage principal sera joué par lui (donc pas une nana), ce qui sera plus générique. Il y aura pas mal de monologues (des extraits de mes lettres, mais aussi d’autres taulardes) et qqs dialogues avec des marionettes. le héros s’appellera Camille : un petit hommage aux zadistes de NDDL. Il m’a envoyé le texte mais il est pour l’instant en lecture à la direction du CPOS… Je ne désespère pas de le récupérer avant ma sortie.

…Aujourd’hui, vous devez être devant le tribunal d’Avignon pour soutenir cet « affreux raciste ! » de prof de FAC [un universitaire qui passe en procès accusé  d’avoir tenu des propos racistes alors qu’il a ironiquement repris une expression de Valls afin de contester sa venue]. Comment ça s’est passé ? Encore une plaidoirie fleuve ? Quelle sanction est tombée ? Il y avait du monde au rassemblement ? Pas trop de flics, du moins en tenue ?
…Ici, je fume plus que dehors et ils savent me faire chier en me privant de feu au mitard, ce qui me rend nerveuse. Alors, pour me dépanner quand c’est une équipe de merde, les infirmières m’ont filé des pastilles de nicotine à sucer et c’est assez efficace.

… »Une vie de forçat » c’est instructif, mais comme ce n’était pas un récit à la 1ère personne on avait plus de mal à s’identifier et à compatir/partager la lutte. Des récits de bagne, j’étais habituée à des trucs plus revendicatifs, plus durs. Tant mieux pour lui s’il a renconbtré un toubib correct, mais il ne faut pas oublier que même s’ils s’en défendent, le médical bosse pour l’AP à l’époque comme maintenant…
…Ne t’inquiètes pas trop pour moi : j’ai la peau dure et de bons potes !

Le mercredi 20 janvier,

Salut !

Quand je suis arrivée le 11 août (à Orléans) c’était directement au mitard. Ma réputation m’avait précédée et les matonnes étaient stressées d’accueillir une « folle violente ». Le surnombre [de surveillants] était constant, il a duré trois semaines, c’est-à-dire même après ma sortie du QD (quartier disciplicaire). Les filles aussi avaient été mises au courant et étaient sur la réserve, un peu apeurées, avec moi. Mais, petit à petit, grâce à mes sorties systématiques en promenade et aux activités, la peur a disparu, tant chez les filles que chez les matonnes. Les filles appréciaient que je fasse « la grosse voix » quand l’AP (administration pénitentiaire) se moquait d’elles, que je sois solidaire, et les surveillantes, un peu lâches, s’amusaient que je fasse chier leurs chefs qu’elles n’apprécient pas.

Mais la direction m’avait à l’oeil et ne laissait rien passer. Le premier conflit (une lettre écrite par moi et signée par quinze filles pour demander la levée du QI -quartier d’isolement- de l’une d’entre nous) m’a valu six jours de [mitard avec] sursis et une première manipulation des voisines. Je ne suis pas rentrée dans le lard des quatre qui se sont désistées, je savais que c’était « des victimes » et ça a renforcé mon image de « fille bien ». Ceci dit, la direction me mettait des bâtons dans les roues : pas de réponses à mes courriers, refus de parloir prolongé, refus d’activités, suspension du téléphone inter-prisons… Ça a commencé à bien chauffer avec le bricard et l’officier QF (quartier femmes), les CRI (comptes-rendus d’incidents) s’accumulaient et ça les énervait que j’arrive à les contrer (convocation trop tardive à la commission de discipline, ou dossier incomplet ou différent du leur).

Bref, le 12 décembre, suite à une provocation visant à m’interdire le sport, je me suis retrouvée au mitard. Ils ont voulu m’y laisser en chien et les voisines ont fait un tel raffut que j’ai eu mes affaires (et la gamelle) à 21h30 ! Ils ont essayé de censurer le courrier interne, mais là aussi je les ai contrés juridiquement. Alors ils ont mis la pression aux filles individuellement (« Si tu parles à Ribailly en allant à l’infirmerie, tu auras un CRI », « Penses à ta sortie, à tes enfants, ne traînes pas avec cette emmerdeuse »). Mais elles ont tenu bon, m’assurant qu’elles attendaient ma sortie 26 jours plus tard. Alors le bricard a monté un guet-apens au moment de Noël et la violence est montée en flèche. Ils n’ouvraient plus qu’équipés avec les casques et boucliers, je n’avais plus qu’une promenade à l’aube et contre une fouille, je n’avais plus d’allumettes pour les clopes… Ils savaient que ça ne me ferait pas peur mais espéraient, comme à Épinal, que les filles se diraient : « Si les surveillantes, qui sont parfois gentilles avec nous, prennent de telles mesures pour Christine, c’est qu’elle doit être devenue folle et dangereuse ». Mais on s’était vues assez longtemps en bâtiment pour que ça ne prenne pas. Alors, comme à Vivonne, ils ont lâché les vannes des CRI : 10 prétoires pour 25 filles début janvier. Là, ça a été efficace car aucune n’a envie de perdre des CRP (crédit de réduction de peine) : deux m’écrivent encore mais personne ne répond plus quand je parle aux fenêtres.

Le 6 janvier, c’était la fin du QD. Alors je suis allée au QI : logique ! Le débat contradictoire obligatoire a eu lieu le 8 au soir. La directrice a décidé que j’y resterais tant qu’elle le voudrait (et jusqu’au 6 avril sans aucun problème administratif). Ils ont quand même levé la mesure du « room service en habits de robocops ».

Le 7 et 8 j’étais en garde à vue au comico d’Orléans. En fait, sept matons avaient déposé plainte pour « violences et insultes ». Ça ne m’a pas étonnée, j’avais lu quelques CRI. Mais ce qui était bizarre, c’est qu’ils me ressortaient certaines de mes lettres, vieilles d’octobre ou novembre (notamment une où je qualifiais la JAP de « s……e » quand j’ai appris que, non contente de refuser la condi, elle exigeait une expertise psy pour retarder la prochaine demande). Le dossier était super épais et ils avaient déjà pris rendez-vous avec un expert psy en prévision de la comparution immédiate du lendemain. Je l’ai faite reporter pour que mon avocat habituel soit là et ce sera le 12 février à 14h à Orléans.

Le 9, donc, j’étais de retour au QI et il n’y avait plus le bouclier et les casques à l’ouverture des portes (mais toujours un surnombre d’agents). J’avais à nouveau deux promenades par jour, même si la cour n’avait pas changé. En plus j’avais une voisine au QD et c’était plutôt sympa pour discuter le soir. Mais le bricard a tenu à chercher à nouveau la merde le 12 et le 13 il y avait à nouveau les robocops dans la matinée (vite arrêté par l’officier). Hier j’ai revu l’OPJ (officier de police judiciaire) au parloir : une nouvelle plainte à ajouter au dossier le 12.

Le 15 j’avais une CDD (commission de discipline) pour les « violences » de Noël. Sans surprise, j’ai pris trente jours [de mitard]. Mais la dirlo suintait tellement le mépris, la commise d’office était si nulle, les surveillants si nombreux dans le couloir que j’ai craqué. Je gueulais et chialais en même temps et ils n’ont pas tardé à me virer du prétoire. En fait je n’avais qu’une peur : qu’ils profitent que je sois au QD pour supprimer l’UVF (Unité de Vie Familiale) programmée avec mes parents le 28 janvier, pour 6 heures. J’ai du leur faire pitié (c’est vrai que je ne les ai pas habitués à ce style de comportement de ma part) et ils m’ont assuré qu’il serait maintenu.

Donc là, pour l’instant, ça va. Je suis au mitard mais j’en ai une telle habitude (530 jours + 80 jours de QI en 38 mois!) que ça ne me gêne pas : je bouquine, j’écris, je me repose, j’attends l’UVF et les procès (le 12 février à Orléans et le 15 mars à Poitiers). Je sais que le 13 février, je retournerai au QI et qu’ainsi je pourrai téléphoner tous les jours (la seule vraie différence avec le QD). J’attends, comme eux, un transfert que la DI (direction inter-régionale) n’est pas pressée d’autoriser.

Voilà, fin du récit « Saran ou Vivonne 2.0. »

Christine

21 décembre

Comme tu suis les infos sur le blog, tu sais que la condi a été refusée (et en plus une expertise psy a été ordonnée qui doit être revenue au JAP le 15 février).
Tu sais aussi que j’ai pris 1 an de plus à Evry, même si je ne l’ai toujours pas signé officiellement. Jeudi 17, je devais être extraite sur Valence (toute une journée à mater le paysage depuis le fourgon) pour négocier une confusion de peines avec le JAP. Mais le greffe de la taule, bien que j’ai signé cette convocation le 2 décembre, a « oublié » d’organiser l’extraction avec la gendarmerie. Heureusement, Nagel, l’avocat lyonnais qui était sur place, a pu organiser une vidéo-conférence à l’heure du RDV. Mais le son et l’image étaient pourris, je n’ai pas compris la moitié de ce qu’il se disait…
Par contre le délibéré, qui n’a pris que 3 minutes, ça je l’ai bien compris : refus.
Pas original !
On reposera une 3ème demande avec David, la seule question étant : est ce qu’on attend la sanction de Poitiers ou non ?
En plus de ça, je suis au mitard depuis les samedi 12 et jusqu’au mercredi 6 janvier au matin.
ça faisait un moment qu’ils en avaient envie, mais j’étais arrivée à les contrer sur des fautes de procédure. Là, ils ont organisé un guet-apens, en fait depuis quatre mois que je suis à Saran, je suis arrivée à faire comprendre aux surveillantes que je vois quotidiennement à la MAF que mon dossier de « folle violente » était bidon. Elles se « vengeaient », même par procuration de leurs chefs en me laissant m’engueuler avec eux à chacune de leurs crises d’autorité, la direction a donc décidé d’en rajouter une couche dans l’autoritarisme : interdiction du parloir prolongé le 18/11, interdiction d’école ou d’activités (même une que je préparais avec d’autres filles depuis un trimestre en vue d’un spectacle le 16/12, suppression non justifiée du téléphone avec J., pas de réponses à mes courriers, etc… Là, on attend tous que la Direction Inter Régionale autorise un transfert disciplinaire, mais ils ne sont pas pressés : il n’y a guère que les taules de PACA par lesquelles je ne suis pas passée et ça… ça ressemblerait trop à du respect pour mes proches !
Il y a quand même une « bonne » nouvelle : l’UVF demandé pour janvier a été accepté avec mes parents. Bon, on aurait pu prétendre à 24 h et on a 6h ; ils nous laissent à la date de 6ème choix (le dernier), mais quand même… Je n’arrive pas à comprendre : comptent-ils me le faire sauter d’ici là, grâce à d’autres CRI bidons ? Espèrent-ils que le transfert aura lieu d’ici là ? Veulent-ils essayer la carotte après le bâton ?

Mercredi 16 décembre, 4h du mat’

Salut !

Bon, comme tu le sais, je suis au mitard depuis samedi 15h30. Le prétoire a eu lieu lundi [14/12] à 17h, j’ai pris 26 jours, jusqu’au mercredi 6 janvier au matin. Comme l’an dernier, je passerai Noël et le jour de l’an à l’abri des émissions mièvres de la télé en cette période de « fêtes ».

J’avais raconté à M […] comment l’ambiance était pourrie par le choix de la direction et de l’officier MAF. Depuis, ils avaient inventé deux CRI pour violences mais j’étais arrivée à les contrer au prétoire sur des fautes de procédure. Mais à force de faire de la formation, je n’avais plus de billes pour leur mettre le nez dedans…

Samedi, je devais aller au sport mais eux ne voulaient pas. Je savais que ça allait merder à 14h30 et j’avais prévenu la surveillante que je devais voir un briscard avant. Ils ont préféré laisser pourrir et ont fait leur crise d’autorité dans la cellule, à l’abri des caméras. Bonne organisation ! J’ai envoyé tout le dossier à l’avocat. Ce qui est chiant, c’est qu’un briscard, dépêché du QH [Quartier Homme] pour venir faire les gros bras, a décidé de porter plainte pour violence (alors que je ne l’ai pas touché!) et insultes (ça, je confirme, c’est « un lâche, une petite merde »). On verra s’il met sa menace à exécution ou non, si le proc’ le suit ou pas… […]

Tout le week-end, ils ont essayé de me faire la misère. Ainsi, samedi à 18h15, je n’avais toujours pas mon tabac réclamé depuis 15h30. Quand la briscarde est venue pour la gamelle, elle m’a dit : « Vous allez avoir vos affaires. Mettez vous assise, face au mur, les mains en évidence et on vous les dépose ». Bien sur, j’ai refusé de m’humilier. Elle est donc repartie. Je suis arrivée à déclencher l’alarme incendie et ils ont un peu paniqué. J’ai laissé rentrer les pompiers inutiles (il n’y avait aucun feu) pour qu’ils me prennent la tension, mais je n’ai toujours pas eu ce à quoi j’avais droit. Les filles se sont mises à taper sur les barreaux, à les relancer à l’interphone. A 21h30, le briscard de nuit est rentré seul dans la cellule (même s’ils étaient 6 en soutien dans le couloir) et on a discuté correctement. J’ai eu 2 bouquins, de quoi me laver, le tabac, une couverture et le repas. Mais il a fallu attendre hier 16h pour que j’ai enfin toutes mes affaires, j’ai aussi pu parler à l’avocat. Bon, comme ça je tiendrai les 3 semaines à venir… Ici, à la différence de Strasbourg, Épinal ou Metz, il y a bien 2 promenades par jour et avec la radio QD [Quartier Disciplinaire], je capte l’émission de RCF le dimanche midi. Les surveillantes MAF, elles, savent bien que je ne suis pas dangereuse et essaient d’être correctes malgré leurs ordres à la con (et illégaux).

[…] lundi, [la prof de théâtre-vidéo] est venue pour rien : j’étais au mitard, X a un stage d’une semaine de sculpture et Y a préféré aller au terrain de foot. C’est ça quand on décide de mettre toutes les activités en même temps…

Aujourd’hui, il y a la représentation des lectures à haute voix qu’on a travaillé depuis un trimestre à l’activité « autour du livre ». Avant même le prétoire, j’avais un mot du SPIP culturel [Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation] : « oui, tu es bien participante à l’activité. Non, tu ne pourras pas participer à la représentation par choix de la direction AP [Administration Pénitentiaire] ». Ça m’a sciée ! C’est vraiment pourri de leur part ! J’avais bien compris qu’ils m’interdisait toutes les activités mixtes (conférences, concerts, spectacles) mais je ne pensais pas qu’ils oseraient m’interdire celle où j’étais actrice… C’est du mépris total car je m’implique depuis 3 mois dans le choix des textes et dans l’élocution. En plus, il y a des textes où on se donnait la réplique à 2 : c’est donc du mépris pour tout le groupe que je désorganise par mon absence.

Tu vois l’ambiance avec la direction quoi…

Bref, je n’ai guère d’espoir [d’avoir un parloir de 2h] le 23… J’espère juste qu’ils ne feront pas chier avec le colis de Noël qu’ils auront préparé. […] Quant à l’UVF [Unité de Vie Familiale] au mois de janvier, je n’y crois pas non plus . La CPU [Commissions Pluridisciplinaires Uniques] est demain, j’espère me tromper !

[…]

Demain, à cette heure-là, je pense que je serais déjà au greffe en train d’attendre les gendarmes pour la virée à Valence. [L’avocat de Lyon] m’a dit qu’il y avait 6h par l’autoroute. Pfft 12h de camion dans la journée ça va faire beaucoup… Mais je ne vais pas bouder une « sortie » ! Je croise juste les doigts pour que les gendarmes ne soient pas plus cons que lors des 2 dernières extractions. De toutes façons, je te raconterai… [Le 17 décembre, Christine devait être extraite pour comparaître à Valence suite à la demande de confusion de peines]

[…]

A la différence de Vivonne, le mitard est bien chauffé ici. Il y a aussi la douche dedans pour éviter à l’AP des mouvements. Par contre, il n’y a pas de trappe dans la grille qu’ils doivent ouvrir pour la gamelle. J’ai une meilleure vue qu’en cellule, même si la fenêtre ne s’entrouvre qu’à peine.

Bon, voilà, je ne sais plus trop quoi te raconter pour le moment, alors je vais reprendre mon bouquin. Pour l’instant je lis « Itinéraire d’un salaud ordinaire » de Didier Daeninckx, envoyé par des camarades bergers… C’est pas mal du tout… Je n’ai pas du tout accroché sur « Apocalypse bébé » de Virginie Despentes, qui était quand même moins pire que « Vernon subutex ». […]

Allez, porte toi bien, prend soin de toi et des copains. A bientôt.

Samedi 12/12

…Tu as peut être eu l’info par les copains, la sentence d’Evry est tombée : 1 an ferme, ce que demandait le proc. Les copains est l’avocat sont abasourdis, moi ça ne m’étonne pas, je connais la justice. On hésite à faire appel, on a 1 mois pour décider, alors autant attendre de connaitre les motivations du juge pour voir si c’est jouable…
Il y a quand même une bonne nouvelle. Le 17, jeudi, je suis de virée à Valence. Ma 2ème demande de confusion de peines va enfin être étudiée, 18 mois après avoir été posée. Mon avocat lyonnais, Nagel, sera présent. Je n’ai guère d’espoir que ça marche, mais ça me fera une sortie : 12h de camion AIR pour admirer le paysage… Et puis malheureusement, il y aura de quoi en reposer une 3ème…
A l’approche de Noël, il y a beaucoup de libérations, y compris les prévenues en attente de procès. La plupart  sortent sous bracelet électronique. C’est la 1ère année que je le vois aussi nettement : 6 sorties en 10 jours sur 30 nanas à la MAF ! Mais bon, pour moi, ce n’est toujours pas à l’ordre du jour… Il faut déjà que j’attende l’expertise psy (officiellement au plus tard le 15 février) pour reposer une condi.
Tu as bien  de la chance si  ta campagne est épargnée par les patrouilles de gendarmes avec des famas ! M. ma pote, a été sidérée de voir un pont enjambant un minuscule affluent de la Durance à 10 km de Sisteron gardé par 3 uniformes en armes. En rigolant, elle m’a dit au téléphone : « Reste en taule ! C’est le seul endroit où les flics ne peuvent pas entrer sans autorisation. Je suis sure que tu en vois moins que nous dehors ! »…

Lettre + Échange de courrier interne entre Christine et la direction du CP d’Orléans-Saran :

27.11.2015
Salut !

J’ai un peu traîné à répondre à ton courrier car j’attendais la réponse officielle de la JAP à ma demande de condi.

Je l’ai eue qu’hier. Sans surprise, vu l’ambiance le 10 novembre, elle a été refusée. Mais l’originalité est qu’elle ordonne une expertise psy avant que je puisse en poser une nouvelle. Eh oui, refuser l’autoritarisme, surtout en prison, est preuve d’une déviance pathologique! Brejnev ne disait pas autre chose quand il envoyait les dissidents au goulag…Je ne m’inquiète pas du résultat de cette expertise car, même si les conclusion sont mensongères, ça ne pourra pas m’envoyer de nouveau en HP. Au pire, ça leur premettra de refuser la prochaine demande et ils n’ont pas eu besoin de ça jusqu’à maintenant…En fait, c’est surtout une combine pour faire traîner car les experts sont débordés par les demandes bidons et c’est long.

Le procès à Evry s’est bien passé, l’escorte ne cherchait pas la merde. Mais il y avait beaucoup moins de monde qu’à Poitiers dans la salle, juste 8 personnes dont ma mère, accompagnée par (…) et (…). Sans surprise, le proc’ a demandé 1 an. Le délibéré sera le 8 décembre, là aussi il faut attendre. (…) m’a dit au téléphone qu’il y avait un compte-rendu sur le blog.

(…)

Pour moi, l’ambiance a évoluée depuis notre dernière lettre. Avec les filles c’est toujours correct même si je n’ai pas de vraie pote et que ça me manque. Avec les surveillantes que je vois au quotidien, ça s’est beaucoup calmé : au bout de 3 mois, elles ont compris que je n’était pas violente et que je pouvais leur parler normalement si elles ne se foutaient pas de ma gueule. Mais avec les chefs c’est de pire en pire. D’abord ils m’ont privé de téléphone avec (…, enfermé dans une autre prison) et ont refusé de s’en expliquer ; puis, par 3 fois, ils ont essayer de provoquer un CRI à 30 jours en étant violent ; puis ils ont été ignoble lors de ma dernière demande de condi ; ils ont même refusé un double parloir à ma mère qui ne vient qu’une fois par mois ; ils ne répondent jamais à mes courriers, font des crises d’autorité à la con, mettent les filles en garde contre moi…Pour illustrer ça je te joins un des échanges écrits (ils sont rare) que j’ai eu avec la directrice (cet échange est retranscrit suite à cette lettre). Je suis presque sure qu’ils vont refuser l’UVF qu’on va demander pour janvier avec mes parents. Bref, on revient aux usages habituels et ça me fais chier puisque j’étais arrivée à me faire comprendre des bleues de base (celle qui cherchaient la merde au début, comme leurs collègues syndiquées à FO à Épinal).

(…)

Christine

Échange de courrier interne entre Christine et la direction du CP d’Orléans-Saran :

Lettre de Christine :

POUR LA DIRECTION (reçu le 18 novembre 2015-CP Orléans-Saran)

Même si mes relations avec les surveillantes n’ont jamais été aussi peu conflictuelle depuis 3 ans, les provocations de la hiérarchie s’enchaînent : opposition à la condi, violence, mépris de mes proches, CRI bidons…

Toutes les échéances qui faisaient que c’était « pratique » d’être à Orléans sont tombées, UVF, visite médicale à la Pitié Salpetrière, procès à Poitiers et Evry.

Il est donc temps de mettre en place un 15ème transfert avant que ça dégénère comme je vous l’ai déjà dit dans de précédents courriers. Je ne vais pas attendre éternellement dans ce climat de mépris.

Ribailly

Réponse de la Direction (sur le verso de la lettre de Christine, reçu le 26.11) :

Madame,

Vous êtes reçue régulièrement par les chefs de bâtiments. Vous avez toujours eu réponse à vos courriers mais par le biais de l’officier.

Si les réponses apportées ne vous satisfont pas, j’en suis navrée mais ce n’est pas parce que vous n’avez pas les réponses que vous espérez que cela va changer quelque chose.

J’estime que l’officier a suffisamment répondu aux questions que vous me posiez, qui ne nécessitent pas une audience avec la Direction.

Vous devez apprendre à vous satisfaire des réponses que l’on vous apporte.

La Direction n’est pas là pour vous rencontrer au moindre problème que vous vous créez vous même par votre comportement.

Sandrine ARDUCA / Directrice des services pénitentiaires

Dimanche 18/10

Le procès à Poitiers a été reporté au 15 mars 2016. En fait l’avocat a découvert à l’audience qu’à cause d’un problème de photocopieuse, il n’avait eu une convocation que pour la moitié des faits pour lesquels j’étais poursuivie. Il a demandé à ce que les charges qu’il n’avait pas pu étudier soient abandonnées ; Bien sûr le proc’ a refusé mais il a dû accepter un report au nom du droit de la défense. On a eu une suspension de séance pour discuter avec David.

J’étais sceptique car les conditions me semblaient bonnes : escorte pas conne (« seulement » 3 gendarmes), présence des copains, juge unique avec une « bonne » réputation (même si elle s’appelle Facho), un seul maton présent bien qu’ils soient 5 plaignants, un avocat de l’AP qui semblait sénile… Mais David a eu raison de mes réticences en m’expliquant qu’avec un peu de chance ça serait reporté assez loin pour que la condi soit acceptée entre temps et que je comparaisse libre. Ensuite la juge et le proc’ sont partis négocier, ce qui m’a laissé le temps de parler aux copains à travers la vitre du box. Donc on remet ça dans 5 mois, soit plus d’un an après les faits…

La condi a été refusée à la CAP du 1er octobre. Mais il y a un débat contradictoire prévu pour le 10 novembre. David sera présent et j’ai un super dossier (contrat de travail en CDI, attestation d’hébergement…). Ceci dit, je sais qu’il ne faut pas rêver et que je risque bien de passer un 4e Noël en prison…

Le procès d’Evry, qui était prévu en juin, aura lieu le 17 novembre à 9h. J’avais espéré que le dossier soit perdu, mais non, raté… Par contre, la plainte que j’ai déposée moi contre l’AP n’est toujours pas audiencée : original… Là aussi David sera présent et il est plutôt confiant, mais là encore il ne faut pas rêver…

L’UVF avec mes parents s’est bien passé. Mais l’aménagement des UVF dans les taules Bouygues n’a rien à voir avec celui de Rennes où on avait vraiment l’impression d’être dans un gîte. Ici, pas un pet d’herbe et des barreaux aux fenêtres : on sait où on est… ! Ceci dit, j’ai pu faire un gros plat de pates avec des oignons frits, du lard et du fromage, mon plat préféré à la cabane, un truc qui tient au ventre des pâtres. Ça faisait du bien, même s’il manquait le canon avec !

Les soins de mon genou sont en route. Après l’IRM j’ai vu le médecin qui m’a dit qu’il faudra surement opérer… après une nouvelle extraction à l’hosto pour voir un chirurgien… qui ordonnera sûrement une extraction sur l’UHSI de la Pitié Salpétrière. Bref, il ne faut pas être pressée… Mais en attendant, j’ai de la kiné avec une femme sympa qui me propose des exercices à faire en cellule et à la muscu (vélo) et devrait me voir toutes les semaines. J’ai eu un premier RDV vendredi.

Aujourd’hui, la fille qui est au QI depuis un mois, après 12j au QD, devrait enfin revenir en bâtiment. Moi, j’ai eu un prétoire, mais je n’ai pas été au mitard. Ils ont encore 5 CRI en stock et je ne sais pas quand et comment ils les utiliseront… Tout est possible puisque, selon les équipes, c’est parfois détendu et calme, parfois franchement dans la provocation. Par exemple, j’ai pris 6 jours de QD avec sursis pour avoir écrit une lettre au directeur qui a été signée par 14 autres filles pour dire qu’on ne voulait pas que Dounia devienne malade de solitude au QI. Bien sûr, j’ai chargé David de faire un recours à la DI et ça ne peut pas ne pas être annulé, mais quand même, ça te laisse imaginer ce dont ils sont capables. Sans originalité, ils ont fait pression sur les signataires les plus faibles psychologiquement pour qu’elles se désistent et me désignent comme meneuse. Heureusement, aucune n’a menti en disant que je les avais forcé à signer.

Jeudi 2 septembre

J’ai été bien contente de recevoir de tes nouvelles. Mais K. m’avait déjà appris, grâce à un message sur RCF le dimanche (ben ouais, ici il n’y a que les culs-bénis qui s’occupent de nous permettre d’avoir des messages de dehors..) que tu avais fait le déplacement sur Alès…Si la situation n’était pas si merdique je serai fière de t’avoir fourni une excuse pour bouger…
Ici, ça ne se passe pas trop mal. Il n’y a pas de couilles avec les filles même si l’AP avait tout fait pour me coller une sale image avant même mon arrivée (direct au mitard). Mais bon, elles sont totalement institutionnalisées, pas combattives pour un sou, c’est plutôt triste. Avec la matonnerie, ça dépend énormément de l’équipe du jour. Certaines surveillantes cherchent la merde (sur, qu’elles sont encartées à FO !). D’autres plus intelligentes font bien gaffe à rester dans les clous pour éviter les conflits. Il y en même qui essayent le « on est dans le même bateau », je les détrompe mais ne cherche pas le conflit avec elles (elles ne sont pas mauvaises, n’ont juste aucune analyse politique).
Je m’ennuie un peu, moins que dans d’autres taules car on pas mal de promenade (3h/30 maxi jour), quelques activités (vivement la rentrée scolaire), un accès « facile » au sport et à la bibliothèque. Et puis surtout, même si c’est une super carotte entre leurs mains, il y a la possibilité d’UVF pour voir correctement mes parents. On espère passer 6 h ensemble et partager un repas en octobre.
Le 6 octobre, il y a le procès de Poitiers. Je sais que vous êtes mobiliséEs. J’ai confiance en mon avocat parisien. N’empêche le risque de prendre 1 an de plus est réel… Il n’y a toujours pas de date pour le procès d’Evry, mais on se garde bien de les relancer. Avec un peu de chance, la condi aura été acceptée avant de prendre encore du rab… Je n’ai plus d’espoir quant à la confusion, mon avocat lyonnais est aux abonnés absents depuis près d’un an.
Je me suis re-amoché le genou durant l’unique séance de sport où j’ai pu aller. Ca y est, je n’ai plus mal et n’ai plus besoin de béquilles. J’espère que ça sera l’occasion d’avoir enfin un suivi correct. La toubib ne m’a pas l’air pétocharde et elle a demandé un nouvel IRM. Mais bon, il faut bien compter 6 semaines.
Avez-vous sorti, à la CNT, la lettre à vos « camarades » de FO ? Avez-vous eu un retour ?
Est-ce que votre projet de journée autour de la répression carcérale et des luttes de taulardEs avance ? Bien sur, vous pouvez puiser dans tous mes écrits diffusés sur le net !
Je te remercie de ta proposition de m’envoyer des bouquins mais j’ai largement de quoi faire : je lis bien moins que quand je suis au mitard et j’ai un bon stock devant moi (apportés par K. ou envoyés par la poste).
Samedi prochain, je revois G. au parloir. C’est super frustrant car pour l’instant, et pour 15j, il travaille tout près d’ici mais on a le droit qu’à un seul parloir par semaine. Je l’ai vu il y a 5j et je ne le reverrai que le 12 septembre. Le 15, je reverrai ma mère (ça l’oblige à prendre le train et à passer 2 nuits sur place).
(…)

19 aout

Salut,

Aujourd’hui on est le 19 août et je t’écris depuis la MAF d’Orléans où je suis arrivée depuis une semaine.

(…)

Donc, après ce prétoire du 10, j’ai récupéré encore 7 jours de mitard à cause de revendications pour la promenade au QD. Mais ils ont bien veillé à ne pas me permettre de démontrer à mes voisines qu’on avait gagné. En effet, le 11 à 9h, les ERIS étaient là pour le transfert. Bien violent, comme la dernière fois, mais cette fois il y avait 3 heures de route : c’est long avec les serreflex dans le dos…Je te joins le rapport que le CGLPL (Contrôleurs Généraux des Lieux de Privation de Liberté) a fait après sa visite du 3/08 et a envoyé à moi mais aussi à l’OIP que j’avais également branché. Tu as toutes les infos pour comprendre leur perversité.

Ici, je suis donc arrivée direct au QD. C’est une des prison 13000, ces taules Bouyges modernes et tristes à mourir, pleines de caméras et de sas, sans herbe et avec la douche en cellule.

Depuis dimanche, je suis en batiment. A la MAF, on est 25 nanas et il n’y a pas de surpopulation, presque toutes sont seules en cellule. Avec les voisines, ça va, elles n’ont pas été contaminées par la paranoïa de l’AP. Il y a accès au sport facilement et je vais me remettre au rameur. Surtout, la « bonne nouvelle » c’est qu’il y a des UVF. Alors j’espère qu’ils seront un peu résistants et que je pourrai recevoir mes parents correctement avant qu’ils me transfèrent à nouveau…

Echange avec la direction du CP

Échange de courrier interne entre Christine et la direction du CP d’Orléans-Saran :

Lettre de Christine :

POUR LA DIRECTION (reçu le 18 novembre 2015-CP Orléans-Saran)

Même si mes relations avec les surveillantes n’ont jamais été aussi peu conflictuelle depuis 3 ans, les provocations de la hiérarchie s’enchaînent : opposition à la condi, violence, mépris de mes proches, CRI bidons…

Toutes les échéances qui faisaient que c’était « pratique » d’être à Orléans sont tombées, UVF, visite médicale à la Pitié Salpetrière, procès à Poitiers et Evry.

Il est donc temps de mettre en place un 15ème transfert avant que ça dégénère comme je vous l’ai déjà dit dans de précédents courriers. Je ne vais pas attendre éternellement dans ce climat de mépris.

Ribailly

Réponse de la Direction (sur le verso de la lettre de Christine, reçu le 26.11) :

Madame,

Vous êtes reçue régulièrement par les chefs de bâtiments. Vous avez toujours eu réponse à vos courriers mais par le biais de l’officier.

Si les réponses apportées ne vous satisfont pas, j’en suis navrée mais ce n’est pas parce que vous n’avez pas les réponses que vous espérez que cela va changer quelque chose.

J’estime que l’officier a suffisamment répondu aux questions que vous me posiez, qui ne nécessitent pas une audience avec la Direction.

Vous devez apprendre à vous satisfaire des réponses que l’on vous apporte.

La Direction n’est pas là pour vous rencontrer au moindre problème que vous vous créez vous même par votre comportement.

Sandrine ARDUCA / Directrice des services pénitentiaires

Évry – Compte rendu du procès (du 17/11/15)

Mardi 17 novembre Christine Ribailly était jugée par le tribunal correctionnel d’Évry. Lire ici sur l’origine de ce procès.

Elle était poursuivie suites aux plaintes de pas moins de neuf matons de la Maison d’Arrêt de Fleury-Mérogis pour violence et rébellion , dont 4 se sont portés partie civile.

Christine a ré-expliqué dans quel cadre se sont passés ces faits : Comme dans les taules précédentes, arrivée à Fleuy elle refuse le fichage qu’impose la carte de circulation mais aussi les fouilles à nu systématiques et abusives lorsqu’elle est placée au mitard. Alors que ces refus sont passibles de sanctions disciplinaires suffisamment lourdes (mitard, isolement, transferts, suppression de remises de peines,…), ils ne relèvent pas du délit pénal. Mais l’Administration Pénitentiaire veut tout de même la contraindre par la force et cela se transforme en scène d’humiliation et de violence de la part des matons, puis à la finale, en plainte contre Christine qui leur résiste.

En effet, comme l’insinuera l’avocate des matons dans toute sa plaidoirie, une personne dépositaire de l’autorité publique ne peut pas être en tort et ne peut pas mentir. Donc pour les matons, l’Administration Pénitentiaire, et l’État par la voix du parquet, dans cette affaire, c’est bien évidement de la part de Christine que viennent ces violences et humiliations et ce sont les matons, en surnombres, armés, casqués et protégés par toutes leur chaîne hiérarchique qui en sont les pauvres victimes.

L’avocat de Christine, en plaidant la relaxe, a rappelé que loin d’une description idyllique du milieu carcéral dépeint par la défense des matons, « la prison est loin d’être le monde des bisounours ». Car ceux qui y ont le monopole de la violence c’est bien les surveillants pénitentiaires grâce à tous les dispositifs qu’offre leur administration pour mater les taulards. Pour illustrer cette violence, il a montré la photo de Christine avec le visage écrasé sous les mains de quatre matons, sur sa carte de circulation faite à Fleury. Il a aussi dénoncé l’inversion du rapport d’humiliation et de violence, quand c’est Christine qui se retrouve plaquée au sol sous une douzaine de matons casqués, bras et jambes écartés pendant que tout ses vêtements sont littéralement arrachés pour lui imposer une fouille à nu. Mais aussi l’hypocrisie de la justice qui enregistre neuf plaintes de surveillants immédiatement après les faits et n’a toujours pas donner suite, plus d’un an et demi après, à la plainte déposée par Christine pour toutes ces violences. Il a également rappelé que ce que nomme la justice comme violence et rébellion de la part de Christine n’est que son refus aux abus pouvoirs de l’administration pénitentiaire qui s’impose par la violence en justifiant des mesures de sécurité. Il a enfin affirmé qu’on devrait « être rassuré lorsque que des personnes ne s’adaptent pas à la prison ». Car s’adapter à la prison c’est ne plus exister.

L’avocate des matons, qui s’était portée partie civile pour quatre d’entre eux, a demandé pour chacun 1000€ de dommages et intérêts, plus 200€ de dédommagement de frais de justice.

La procureur a requis 12 mois fermes et 1700€ de dommages et intérêts au bénéfice de l’administration pénitentiaire.

Le tribunal a renvoyé le délibéré au 8 décembre 2015.