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Poitiers, Procès de Christine qui résiste en prison contre l’arbitraire et pour la liberté

Le 28 avril 2015, Christine Ribailly devait être extraite de la prison de Strasbourg afin de comparaître au tribunal de Poitiers pour y répondre d’ « incidents » survenus à l’automne 2014 quand elle était incarcérée à Vivonne. Pour des raisons qui ne lui appartiennent pas, Christine n’a pas été transférée ce jour-là et son audience remise au mardi 6 octobre 2015 à 13h.

« […] il arrive que des condamnés commettent le crime de parler… »

A.M. Jacob

Le 28 avril 2015, Christine Ribailly devait être extraite de la prison de Strasbourg afin de comparaître au tribunal de Poitiers pour y répondre d’ « incidents » survenus à l’automne 2014 quand elle était incarcérée à Vivonne. Pour des raisons qui ne lui appartiennent pas, Christine n’a pas été transférée ce jour-là et son audience remise au mardi 6 octobre 2015 à 13h.

Isolement, éloignement familial, transferts disciplinaires, fouilles à nu, violences, quartiers disciplinaires, humiliations… Pour les près de 70 000 prisonniers en France, chaque journée passée en prison est un défi face à l’Administration Pénitentiaire (AP). Forte d’une multitude d’outils et de dispositifs tant violents qu’insidieux, l’AP encadre l’atomisation des prisonniers et orchestre la répression de leurs résistances. Pour n’en citer que quelques exemples :

  •  casques, boucliers, équipes d’intervention anti-émeute (ERIS)
  •  sédatifs et anti-anxiolytiques
  •  chantages à la possibilité d’avoir accès à des remises de peines, activités, parloirs, UVF (Unité de Vie Familiale), … qui deviennent des faveurs à quémander à l’AP,
  •  organisation de l’espace qui vise l’atomisation des détenus (cellules d’isolement, quartier disciplinaire, segmentation par de nombreuses grilles d’accès, TV/douche/repas en cellule et donc seuls…)

Aspirateur social, prison de la misère, machine à broyer, entreprise de déshumanisation, les mots n’ont jamais manqué pour désigner la prison, la taule. Des paroles de prisonniers aux enquêtes de l’Observatoire International des Prisons en passant par les témoignages des familles et proches de détenus, les conclusions sont les mêmes : la prison détruit l’être social.

Résister en prison, c’est y survivre, c’est exister.

Au centre pénitentiaire de Vivonne en décembre 2014, les détenues du quartier femmes rédigent une plate-forme de revendications collectives (voir au dos) où elles expriment leurs frustrations et aspirations immédiates dans le cadre de leur détention. C’est dans ce contexte d’expression collective que l’Administration pénitentiaire de Vivonne décida de porter plainte contre Christine qui comparaîtra ce mardi 6 octobre pour outrage, violence et rébellion.

Face aux institutions, ne pas se laisser piétiner et tabasser est trop souvent synonyme d’ « outrage, violence, menace »…

En prison, en plus de l’insupportable privation de liberté, les situations de confrontation et d’humiliation sont le lot quotidien des prisonniers face aux agents de l’administration pénitentiaire et leurs supérieurs : refus de promenade, de séances de sport, fouilles diverses et multiples, problèmes de courrier ou remarque déplacée, palpations, annulations de parloir… D’autant plus que « les matons disent qu’ils ne font que respecter la loi. […] Mais c’est rarement le cas. »

Alors à chaque manquement à ses droits ou provocation, que Christine soit elle-même concernée ou que l’une de ses codétenues soit visée, elle réagit avec la même ardeur et, en retour, essuie des sanctions. Christine a ainsi passé la moitié de ces deux dernières années en quartier disciplinaire ou à l’isolement, et subi treize transferts d’établissement. Certaines confrontations mènent à des insultes ou affrontements physiques… A plusieurs reprises, Christine a porté plainte contre des surveillants : ses plaintes n’ont jamais été retenues. À plusieurs reprises, des surveillants ont porté plainte : ils y ont gagné du fric et de nouvelles peines pour Christine. En deux ans d’emprisonnement, Christine a ainsi accumulé plus d’une année d’incarcération supplémentaire à sa peine initiale (elle-même le fruit d’« outrages, violences et rébellions »).

Sans notre soutien, les prisonniers et leurs combats

face à l’Administration pénitentiaire sont écrasés dans le silence.

 

Soyons nombreux mardi 6 octobre 2015 à 12h devant le tribunal de Poitiers (Place Alphonse Lepetit)

LISTE DE REVENDICATIONS DES PRISONNIÈRES DE LA MAISON D’ARRÊT DES FEMMES DU CENTRE PÉNITENTIAIRE DE POITIERS-VIVONNE

Décembre 2014

Comme ailleurs, nous voulons :

  • Des payes correctes, tant aux ateliers qu’au service général
  • La suppression des QI et des régimes différenciés au CD
  • Les portes ouvertes en MA et/ou le téléphone en cellule
  • La mise en place systématique des aménagements de peine sans délais et des transferts en CD dès la condamnation
  • La facilitation du téléphone, des parloirs et des UVF avec nos proches, enfermés ou non
  • La fin des fouilles systématiques et/ou punitives
  • Les repas appétissants : marre de manger du plastique !Localement, nous demandons :
  • Des conditions dignes à la nursery : arrêt des réveils nocturnes, une cour avec de l’herbe, des temps de socialisation pour la maman…L
  • ’accès à l’école pour toutes : fin des refus avec la fausse excuse de la mixité
  • La télé à 8 euros par mois : alignement sur la loi, comme dans les prisons publiques (18 euros ici pour Eurest)
  • La fin de l’interdiction des apports aux parloirs (livres, disques, produits d’hygiène…) : on n’est pas là pour enrichir les cantines privées
  • L’ouverture d’une salle de convivialité : elle doit être systématique quand la météo est mauvaise car il n’y a pas de préau dans la cour
  • Plus d’activités : actuellement, il n’y a que « bricolages en papier » et « fitness », 2h. par semaine
  • L’accès au terrain de foot : seuls les hommes y ont droit
  • La gratuité du courrier interne : on doit timbrer les lettres pour le quartier hommes

(Ces demandes sont toutes réalisables dans l’état actuel de la législation)

« Nous avons donc affiché la liste de revendications le jeudi 13 sur le tableau des notes de services. A notre surprise, la feuille manuscrite y est restée quatre jours ! Mais nous n’avons eu aucun retour. Je l’ai donc expédiée à la direction qui n’a pas fait plus de commentaires. Alors nous avons fait une lettre, extrêmement polie, pour demander l’ouverture d’une salle aux mêmes heures que les promenades. Elle a été signée par toutes les filles de la MAF. Quand elle a été remise à la chef, j’étais déjà au mitard [NDLR : sanctionnée pour un refus de fouillà nue ].

J’ai appris que le chef de bâtiment avait convoqué toutes les filles une par une dans son bureau pour leur faire peur en disant que les revendications collectives étaient interdites. Bien sûr, ils n’ont pas osé mentir ainsi aux Basques et à moi. En effet, ce qui est passible d’un CRI (compte-rendu d’incident), c’est « une action collective mettant en danger la sûreté de l’établissement », ce qui n’est pas notre cas. Au contraire, la loi de 2009 incite l’AP à consulter les détenus sur les activités qui leur sont proposées. Il en a profité pour leur dire aussi que c’était interdit de me saluer en criant (et comment peut-on faire autrement avec le béton qui nous sépare ?). Donc depuis quinze jours, seules les Basques me parlent. Bref, c’est l’attitude classique de l’AP… »

Christine, 11/12/2014, MAF de Vivonne

Voir le site du journal anti-carcéral (envoyé gratuitement aux prisonniers sur demande) : http://lenvolee.net/

Pour des lettres, infos et nouvelles de Christine : https://enfinpisserdanslherbe.noblogs.org/

À propos de Christine Ribailly, adresse à tous les enfermeurs

Ci-dessous, une lettre ouverte envoyée aux institutions judiciaires et pénitentiaires en réaction à un article paru le 9 juin 2015 dans le quotidien Vosges Matin. Cet article est une tribune sur la situation de Christine Ribailly (à l’époque incarcérée à la maison d’arrêt d’Épinal) donnant la parole à Mme Fadila Doukhi, déléguée syndicale de la section FO pénitentiaire des Vosges.

Incarcérée depuis plus de deux ans et demi, Christine se trouve dans un rapport de force quotidien avec l’administration pénitentiaire pour se faire respecter face à des conditions de détention toujours plus difficiles pour l’ensemble de la population carcérale. La corporation de matons d’Épinal, comme bien d’autres, n’aime pas les récalcitrants et cette fois-ci a voulu faire connaître ses élucubrations sur la manière dont elle voudrait voir gérer l’incarcération de Christine par l’administration pénitentiaire. Après avoir, une énième fois, pleurniché sur ses conditions de travail, cette corporation ose ici demander à ce que les protestations de Christine soient considérées comme manifestations de folie afin de la faire interner et ne plus l’avoir dans les pattes.

Le courrier ci-dessous vient rappeler à ces sordides apprentis toubibs que personne ne leur a demandé leur avis et qu’ils peuvent donc se le garder !

Pour l’instant, Christine est toujours en détention, et heureusement pas en institution psychiatrique. À défaut, ces matons d’Épinal auront obtenu, fin juin, le transfert de Christine.
Elle est aujourd’hui à la Maison d’arrêt de Metz.

Face à ces efforts pour détruire les détenus et leurs résistances en prison, restons attentifs à l’évolution de la situation de Christine.

Pour continuer de lui écrire :
Christine RIBAILLY, écrou 57937, 1 rue de la Seulhotte, BP 95020, 57071 METZ cedex 3

Pour en lire plus: https://enfinpisserdanslherbe.noblogs.org/

____________________________________________________________________________

A l’attention particulière de
FO Pénitentiaire des Vosges
la direction de la MA d’Épinal
la Direction Régionale de Strasbourg
la Garde des sceaux
la Rédaction de Vosges Matin
la direction de la MA de Metz

OBJET : Situation de Mme Christine RIBAILLY, anciennement détenue à la MAF d’Épinal  – Réaction à l’article de Vosges Matin paru le 9 juin 2015

Mesdames, Messieurs,
Nous venons ici attirer votre attention sur la situation de Mme Christine Ribailly, actuellement incarcérée à la MAF de Metz, et précédemment, à la MAF d’Épinal. Dans un même temps, nous souhaitons réagir à l’article « Une détenue qui pousse à bout le personnel » paru dans le quotidien Vosges Matin du 09 juin 2015. Véritable tribune d’une section syndicale de surveillants qui se veulent à la fois juges, psychologues et médecins, cet article autorise et soutient ces surveillants dans un exercice qui dépasse leur fonction, et vise à aggraver la situation de cette détenue dans la droite ligne du travail engagé, depuis plus de deux ans, par l’Administration Pénitentiaire et la justice. Si cet article se garde bien de la nommer, il ne fait aucun doute que la détenue dont il est question est Mme Christine Ribailly, enfermée depuis novembre 2012 pour ses insoumissions à l’autorité de différentes institutions publiques, dans la défense de ses revendications.

Dans cette tribune, la section FO Pénitentiaire des Vosges déclare, par la voix de Mme Fadila Doukhi, que la «place [de Mme Ribailly] ne serait pas en maison d’arrêt mais en hôpital psychiatrique ». Il est inacceptable qu’une corporation syndicale de surveillants s’arroge le droit de colporter les élucubrations du personnel sur l’état de santé d’une détenue. Quelle formation médicale possède ce personnel pour se permettre de tels diagnostics ?

Si par la même voix de Vosges Matin, la direction de la MAF d’Épinal veut donner à croire qu’elle ne partage pas l’avis de son personnel syndiqué, les faits montrent le contraire. En effet, rapidement la direction donnait raison à la demande de la déléguée de FO en procédant à un signalement auprès de la préfecture : le 17 juin 2015 Mme Ribailly était ainsi convoquée pour une expertise psychiatrique. Celle-ci, n’a, heureusement et pour l’instant, pas donné lieu à une décision d’hospitalisation sous contrainte.

Malheureusement, nous ne savons que trop bien à quoi peut servir le recours à l’institution psychiatrique dans la gestion des détenus par l’Administration Pénitentiaire. Loin de tout altruisme, cette pratique n’a d’autre but que de faciliter le travail du personnel pénitentiaire pour des cas de détenus trop récalcitrants au quotidien carcéral.
Dans les faits, après les traditionnels transferts disciplinaires et autres placements au mitard ou en isolement, l’internement psychiatrique vient comme ultime sanction disciplinaire appelée par l’administration pénitentiaire. L’injection de sédatifs et la camisole physique sont en effet redoutables pour ce qui est de casser toute velléité de protestation.
Le personnel pénitentiaire se voit alors rapidement soulagé. Les détenus voient leur santé rapidement et dangereusement dégradée.

Concernant Mme Ribailly, ce n’est pas la première fois que l’Administration Pénitentiaire brille par de telles pratiques ! Il y a quelques mois seulement, l’administration de la MAF d’Elsau à Strasbourg, réussissait, par un signalement similaire, à faire placer Mme Ribailly à l’UHSA de Nancy. Sitôt arrivée, la médecin psychiatre de service reconnaissait le caractère abusif de ce placement et procédait à la levée de l’hospitalisation sous contrainte.
En 2011, c’était le centre pénitentiaire de Lyon-Corbas qui faisait procéder à un même placement à l’UHSA du Vinatier à Lyon. Suite à un recours de la part de Mme Ribailly, le tribunal administratif jugea, a posteriori, ce placement abusif et demanda son annulation administrative.

Nous dénonçons ces pratiques régulières de la part de nombreuses institutions, comme l’administration pénitentiaire, mais également de nombreuses autres institutions de l’autorité publique (forces de police et de gendarmerie, justice, mairies, préfectures, etc.) qui, lorsqu’elles se trouvent face à une contestation de leur autorité, n’hésitent pas à juger comme « fous » leurs détracteurs afin de s’en débarrasser à grands coups de camisoles physiques et chimiques.

Par ailleurs, nous tenons également à dénoncer des pratiques, malheureusement trop communes, qui visent à monter les détenus les uns contre les autres. Dans le même article de Vosges Matin, il est fait référence aux soi-disant inquiétudes pour leur surveillantes, formulées par courrier, d’une dizaine de détenues de la MAF d’Épinal. Nous savons que trop bien comment fonctionne le chantage, aux sanctions d’un côté, et aux Remises de Peines Supplémentaires et petites faveurs de l’autre. Dans de telles conditions, il devient difficile de refuser quelconque demande du personnel pénitentiaire, qui quant à lui, combat toute forme de solidarité entre détenus.

Depuis maintenant plus de deux ans et demi, Mme Ribailly est incarcérée dans vos prisons. Initialement condamnée pour avoir contesté l’arbitraire dont fait preuve l’administration pénitentiaire face aux familles et proches de détenus, mais également pour son engagement contre le prélèvement ADN, le fichage de la population, la loi LOPPSI 2, le puçage et la vaccination obligatoire des brebis, et d’une manière générale, toutes les situations arbitraires générées par les autorités publiques.

Bien qu’incarcérée, Mme Ribailly continue de dénoncer les situations qu’elle subit et réprouve. En détention, il s’agit notamment des fouilles systématiques pratiquées par la plupart des établissements pénitentiaires en France et ce, malgré l’interdiction posée par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Il s’agit également des cartes de circulations imposées pour tout déplacement à l’intérieur de la détention, continuum de la logique de fichage généralisé qui traverse la société. Et plus généralement, toutes les humiliations, chantages, violences, morales comme physiques, que peut produire le quotidien carcéral sur l’ensemble des détenus.

Face à toute velléité de protestation, l’administration pénitentiaire regorge de moyens disciplinaires et cela fait deux ans et demi que Mme Ribailly en fait les frais.
Nous dénonçons l’ensemble de ces pratiques :

  • Insultes, menaces et violences physiques et morales de la part du personnel pénitentiaire.
  • Chantages (suppression de parloirs, d’UVF, d’activités diverses, de repas, d’accès à la douche, de correspondances internes entre les détenu-e-s, des couvertures, des produits d’hygiène, de tabac, du droit à la défense par le refus d’appel à son avocat, de l’accès aux soins, etc.).
  • Sanctions disciplinaires telles les placements successifs au mitard puis en isolement lorsque les délais légaux sont dépassés (deux tiers de l’incarcération de Mme Ribailly passés en QD et QI), et les transferts disciplinaires à répétition et dans des établissements systématiquement loin de ses proches.
  • Plaintes à répétition de surveillants opportunistes et vindicatifs qui, par les procédures judiciaires à répétition, les lourds frais qu’elles engendrent et les ignobles dommages et intérêts qu’ils se voient accorder, ne visent qu’à user Mme Ribailly.
  • Report continuel d’une possibilité de libération par l’ajout de nouvelles condamnations prononcées en détention, par des suppressions de remises de peines et les refus systématiques des aménagements de peine auxquels elle a théoriquement droit.

Alors non, contrairement à ce qu’en disent les élucubrations des surveillants de FO, si traitement spécifique il y a avec Mme Ribailly, ce n’est certainement pas un « traitement de faveur » mais bien un ensemble de pratiques qui ne visent qu’à la faire renoncer à ses revendications, quitte à rallonger son incarcération et à mettre à mal son intégrité physique et morale, ainsi que celle de ses proches.

Dans l’immédiat, nous exigeons que cessent, sans délais, toutes les exactions précitées dont fait l’objet Mme Ribailly. Nous réclamons :

  •  Que cesse toute pression et tout acharnement,
  •  Que cesse l’ensemble des sanctions disciplinaires,
  •  Que soit abandonnée toute tentative de placement en hôpital psychiatrique,
  •  Que soit donné droit aux aménagements de peine auxquels Mme Ribailly a théoriquement accès,
  •  Que soit donné droit à sa demande de transfert dans un établissement pour peine à proximité de ses proches.

Sachez que nous restons attentifs à l’évolution de la situation de Mme Ribailly que nous continuerons de dénoncer et de rendre publique ; et que nous ne cesserons de réagir de toutes les manières nécessaires aux traitements qui lui sont faits derrière les murs de vos prisons.

Mercredi 15 juillet 2015,
Enfinpisserdanslherbe, regroupement de personnes en soutien à Christine

Pour tout contact : christinecontact@riseup.net

Epinal ( mai juin 15)

Mardi 23 juin 2015

Salut !

Je t’écris tout de suite après reçu ta lettre postée le 19 car, vu le temps que met le contrôle, j’aimerai que tu saches que je l’ai reçue avant le 29. Il y avait tout dedans : l’article de Vosges Matin et la brochure sur A.Jacob.

Donc, deux semaines après qu’il soit paru, j’ai pu lire ce torchon. Je suis rassurée sur plusieurs points :

-il n’y a pas mon nom : donc pas de recherche internet possible

-il n’y a pas d’info sur JL qui n’a rien demandé

-les bleus s’engueulent entre eux : ça ne m’apporte rien mais c’est toujours jouissif…

Par contre, je suis outrée qu’une syndicaliste s’érige en psy et me déclare barjot. Ça corrobore malheureusement le signalement que l’AP a fait au psychiatre qui m’a reçu la semaine dernière.

Je ne reconnais pas les deux matons pris en photo, mais je ne suis pas du tout physionomiste.

Hier, j’ai vu les 2 directeurs pour une discussion à propos du QI. Ils ont justifié cette décision, prise bien avant le 19, par les 11 lettres des filles qu’ils ont reçues et où elles se plaignaient de moi. Ça confirme ce que dit la matonne FO dans l’article. Ainsi, le dirlo a osé me dire : « Plus de la moitié de vos co-détenues se plaignent de vous, disent que vous criez trop, que vous ne respectez pas les surveillantes et que vous les tutoyez. Je ne peux donc pas décemment vous laisser retourner en promenade collective. A 11 contre 1, il en va de votre sécurité ». Au début, j’ai cru qu’il se moquait de moi. En effet, j’ai eu des courriers internes sympas de 8 d’entre elles (je te rappelle qu’on n’était que 17 – moi comprise – le 1er juin). […] Il est […] tout à fait probable qu’elles aient fait le papier demandé par la matonne, juste pour lui faire plaisir sans réfléchir une minute qu’elles se comportaient comme des poukaves. Ça me désole et me met en colère, je préférerai qu’il mente tout simplement. Peut-être que l’homme n’est pas un loup pour l’homme, mais la violence est l’autre face de la peur. Et par peur de l’AP, elles ont fait acte de violence (uniquement morale) contre moi. J’en ai eu la gerbe une bonne partie du samedi (quand ils ont refusé de me laisser retourner en bâtiment) et de la journée (quand j’ai « digéré » cette info d’instrumentalisation des taulardes les unes contre les autres).

J’ai refusé d’aller au QI samedi, ils m’ont donc laissée au mitard. Mais ils se sont embrouillés dans les papiers et les dates. Au final, cette peine finira le vendredi 3 au matin. Pourras-tu t’organiser pour qu’on ait un parloir le 2 puis un le 3 ?

Ensuite, j’irai au QI, maintenant qu’ils m’ont fourni une explication (malhonnête au possible certes, mais sûrement réelle). Il n’y aura plus qu’à attendre le prochain prétoire. Et, comme à Joux et à Sequedin, je naviguerai entre QD et QI au gré de leurs envies en attendant le transfert. Statistiquement, ça sera pour mi-août.

J’espère que l’extraction pour voir le chirurgien à l’hôpital aura lieu avant. J’aimerai être capable de courir après les brebis quand ils se décideront à me lâcher !

Pour répondre à ton interrogation sur le contrôle des courriers de ton précédent envoi, voici un extrait de la discussion d’hier :

LUI : – Et en plus vous mentez à vos correspondants !

MOI, baissant la tête, piteuse : – C’est vrai. Quand j’écris à mes parents, j’édulcore. Mais c’est pour qu’ils ne s’inquiètent pas trop.

LUI : – Non, ça c’est respectable. Je parlais de votre récit sur Fleury.

MOI : – Quoi ? Mais il n’y a aucun mensonge là !

LUI : – On verra ce qu’en dira le juge le 29…

[…]

Il reste demain à m’emmerder. Jeudi et vendredi, je vois les parents. Puis le week-end au mitard, 23h/j, à part peut-être la visite de l’aumônière 1/2h samedi après-midi. Lundi sera occupé et je serais contente de vous (aperce)voir. Il ne restera plus que 3j, puisque la sortie du QD se fait le matin et j’espère bien qu’on aura au moins un parloir de 1h45. […]

Dimanche 21 juin 2015

J’avais prévu de te téléphoner ce matin, de te tirer du lit et qu’on partage un café virtuel en papotant. Tu as vu, c’est raté.

Voilà ce qui s’est passé : vendredi matin, il y a eu le prétoire pour 3CRI anodins en soi mais précurseurs de la suite (dont le 1er juin, mais aussi le 9). Je suis arrivée à rester calme même si la veille j’avais été convoquée chez le psychiatre à qui l’AP avait fait un signalement (comme à Strasbourg avant l’HO). Je savais que je prendrais 14j, ça n’a pas loupé. Mais ils ont dit que ça commencerait le 22, donc le week-end hors du mitard pour qu’il n’y ai pas plus de 30j d’affilé. Là où ça a commencé à merder c’est que le dirlo a dit que ces 2j je les passerai au QI. Or, avant le prétoire, je lui avais demandé un entretien, qui devait impérativement avoir lieu avant ma sortie du QD. Je voulais lui dire d’arrêter le surnombre pour que ça reparte normalement avec mes voisines. D’ailleurs, depuis qu’elles m’ont parlé de l’article du 9 juin, le courrier interne ne passe plus (ou alors elles n’y répondent plus sur ordre de l’AP).

Donc hier midi j’étais remontée et bien décidée à ne pas aller au QI. La seule différence avec le QD (outre la télé dont je n’ai rien à foutre) c’était que j’aurai eu accès au téléphone. Mais ils n’avaient toujours pas enregistré ton numéro ces salauds ! Bref, j’ai refusé de sortir du mitard avant de voir le directeur et j’ai chopé un CRI du 2ème degré (refus de se soumettre à une mesure de sécurité) alors que je n’ai fait aucun blocage et qu’il n’y a pas eu de contact physique. Ça leur permet de me mettre en prévention jusqu’à demain…où commencera la peine de 14j. C’est bien calculé et ça m’énerve ! Ce qui m’énerve c’est que c’est reparti comme à Joux ou à Sequedin : je vais rester bloquée au QI-QD jusqu’à mon transfert, sans revoir les filles que je n’ai jamais menacées, volées, rackettées, violées ou autres. Statistiquement, je serai partie mi-août vers une autre taule.

Le seul truc que le dirlo m’a concédé c’est que j’aurai un parloir double avec les parents les 25 et 26. Par contre, avec toi, il y a fort à parier qu’on devra se contenter du 2. Renseigne-toi de ton côté, moi je ne veux pas leur donner l’impression que je fais la manche.

Je devrais donc sortir du QD le 4 juillet. Mais d’ici là, ils ont plusieurs CRI en stock et vont pouvoir refaire un prétoire. Même s’ils le font plus tard, je parie qu’ils me colleront au QI en attendant. Je serai obligée d’accepter car je téléphone tous les mois environ à ma grand-mère et elle va finir par s’inquiéter si c’est trop long. […]

Mercredi 17 juin 2015

[…]

Eh oui, nos courriers sont très probablement lus. Il suffit de le savoir. Je ne me suis jamais auto-censurée (et je compte pas le faire) pour autant. Parfois, j’utilise cette donnée pour fair eun peu de provo, c’est tout. […]

Je serai contente de te voir début juillet. Comme je te l’ai dit, j’ai un prétoire dans 36h pour les 3 CRI de mai. Les faits sont anodins en soit mais ils ont motivé leur parano qui a abouti à la provo du 1er juin. Je ne risque « que » 14j de mitard. Ils ont le droit, légalement, de faire commencer la sanction samedi, quand celle-ci finira. On verra…

[…] Le dirlo avait demandé un apaisement mais il n’a pas eu lieu longtemps, du moins pas avec les matons encartés FO. Comme je te l’ai dit dans une précédente lettre, ils ont joué la carte de la diffamation par voie de presse. Une matonne (celle qui m’a bousculée le 1er) continue à chercher la merde. Un briscard aussi, qui m’a collé un CRI tout bidon dimanche 17 juste pour que je l’insulte (et donc en avoir un plus sérieux). Avec les autres, ça va.

Mais cet après-midi, il y a eu du nouveau. Ils m’ont proposé d’aller à l’infirmerie pour voir « le psy ». Je croyais que c’était la psychologue que j’ai relancée depuis que je suis au mitard pour avoir de l’occupation. Mais c’était un psychiatre qui avait eu un signalement par l’AP. Ça m’a fait peur car c’est comme ça qu’a eu lieu l’HO à Strasbourg. Du coup, j’étais super tendue lors de cet entretien. Il a eu beau me dire qu’il ne demanderait pas d’HO, il m’a quand même proposé un « traitement pour être plus calme » que j’ai bien sur refusé. Du coup, je suis sur mes gardes. Et c’est pas bon car ça me rend plus réactive (eux disent agressive). Il va falloir que j’assure face au dirlo vendredi matin !

Le week-end du 13 & 14 juin 2015

[…] J’ai appris que le syndicat FO-Pénitenciaire avait commandé un article sur ma pomme au journal local, un torchon nommé « Vosges Matin ». Ce journal est distribué tous les jours gratuitement aux prisonnier(e)s d’Epinal. Le but est donc d’essayer de me stigmatiser encore plus que par un surnombre d’agents à chacun de mes mouvements. Il est paru le 9 juin, alors que j’étais au mitard (où je suis encore). J’ai alerté David [l’avocat de Christine] mais, sur internet, il n’a pu lire que la une du journal qui renvoyait à un article (gros a priori) en page intérieure. Ce qui me dégoûte c’est que c’est nettement une commande syndicale pour nuire : le « journaliste » n’a pas entendu parler de moi en flânant au tribunal d’Epinal ou en monnayant les infos auprès des gendarmes en train de faire une GAV… Perso, je n’ai pas encore pu avoir le journal entre les mains mais David a lu en une « La détenue qui pousse à bout les surveillants. FO-Pénitenciaire soutient les surveillants qui ont maille à partir avec une détenue qui a déjà fait 12 transferts et 80 commissions de discipline. Lire page 5 ». […]

Jeudi 18, je repasse au prétoire pour les 3 CRI récupérés avant le lundi 1er juin. C’est assez anodin et c’est à la base ou les conséquences de mon « traitement spécial » lors des ouvertures de cellule. Je risque 14 j au maximum (insultes et tapages). On verra s’ils les collent tout de suite après le 20 (date de fin de la peine actuelle) ou s’ils attendent le 26 que j’ai vu mes parents…[…]

Pour le procès du 29, David a l’air plutôt au point et confiant. Mais, vu l’escorte que je vais me traîner, ça va être difficile que ça n’impressionne pas la cour. Bah ! Ça me fera toujours une journée hors du QD. Et puis, je verrai quelques tronches amies…

Pour l’instant, les conditions de vie au mitard sont correctes. J’ai toutes mes affaires auxquelles j’ai droit (je peux donc fumer, bouquiner, écrire et écouter la radio). Comme on est en centre ville, justement, la radio capte bien plus de stations qu’à Réau ou Joux. Mais je n’ai qu’une promenade par jour, de 9 à 10h, dans une petite cour bétonnée. Par contre, je reçois les aumôniers très correctement, en discrétion et sans temps imparti tous les jeudis. […] Après avoir du batailler, le médecin fait aussi ses visites grille ouverte sans maton à proximité immédiate. Ils ne m’emmerdent pas non plus sur le fait que j’ai mis le matelas hors d’atteinte du panoptique : ils savent que je crèverai pas ici !

A nouveau, un RDV est promis « prochainement » à l’hôpital pour voir un chirurgien pour mon genou. J’espère que ça sera avant le prochain transfert !

[…]

Le 7 juin

Salut !

Pour ne pas changer les habitudes, je t’écris du mitard. Après trois semaines en bâtiment, j’ai pris vingt jours de QD : la parité est respectée.

En fait, dès le début, j’ai été éberluée par le manque d’imagination, l’institutionnalisation des filles ici. Il y en a dans toutes les taules, mais là je ne trouvais personne avec qui j’aurais envie de discuter. L’une d’elle, par exemple, a dit à un prof, pendant un cours intéressant : « Ça vous gêne pas Monsieur qu’elle vous tutoye ? » Des auxi-matons, je ne vois pas d’autre nom ! Le pire c’est que les matons, sentant que je dénote, ont pris peur et, suite à un accrochage complètement anodin et sans conséquences physiques (le refus que je sorte en promenade le jeu d’échecs cantiné, comme je le faisais en promenade depuis une semaine), ont décidé d’être en surnombre à chacun de mes mouvements. Des agents mecs au QF, ça ne passe pas inaperçu, et donc ça a renforcé chez chacune (matonne ou voisine) l’idée que j’étais un « cas dangereux ».

J’ai essayé d’en parler à l’officier QF mais il n’a pas voulu écouter. Du coup, lundi dernier, une matonne se sentant la bride sur le cou a décidé de pousser la provocation jusqu’à venir en civil me bousculer sur le lit lors du contrôle de 12h30. D’où les vingt jours de mitard…

Ceci dit, au prétoire, si le dirlo a bien sûr validé les mensonges de ses agents, li m’a quand même écoutée. Du coup, je les sens vachement plus sur leurs gardes, attentifs à ne pas déconner. Ainsi, jeudi, les aumôniers ont été tout étonnés qu’on nous ouvre une pièce propre et sans contrôle pour une heure de discussion ; ils étaient plus habitués à rester derrière la grille… Le téléphone avec [son compagnon incarcéré] est mis en place, comme à Rennes et à Vivonne. Bon on verra si ça dure car cette surveillante en particulier l’a mauvaise et ne va sûrement pas en rester là…

A plus.

Le 7 juin

J’accuse réception de ton courrier avec la dépèche de l’AFP sur le rapport du CGLPL, à propos de la MA de Strasbourg, et je t’en remercie.
Quand ils étaient venus nous faire leur visite de contrôle en mars, j’en avais recu au mitard pendant presque 1 heure. Je leur avais parlé de ce que j’avais remarqué : les fouilles par palpation systématiques avant les promenades, l’unique promenade quotidienne au QD, les humiliations ( coupure d’eau, prise de matelas et de couvertures, violences…) au mitard.
Je n’avais pas parlé de l’hygiène car la cour des femmes est agréable, à la différence de celle des mecs et les douches valent celles des campings où je vais dehors.

J’ai été transférée à Epinal le 11 mai : une MA à 2heures de route (1h30 avec le gyrophare) de Strasbourg et un QF de 20 lits et 8 cellules.
Peu de temps après j’étais dans la salle de « convivialité » avec une autre fille, une grande gueule. On met BFM pour avoir l’heure. Sur l’écran un plan fixe de la MA de Strasbourg et la voix off qui dit que le contrôleur général a rendu un rapport tres négatif. Puis apparait un maton syndicaliste qui dit « Strasbourg n’est pas la pire prison de France. On a des problèmes, certes, mais on fait tout pour les gérer. Si le CGLPL trouve à y redire, il faudrait toutes les fermer ! ».
Je me mets à rire en disant  » C’est bien la première fois que je suis d’accord avec un maton ! Bien sûr qu’il faut fermer toutes les taules de France ! ». Alors la fille apeurée me rétorque  » Mais on irait où nous ? »  Je t’assure que ce n’était pas de l’ironie… Juste une preuve de plus de l’institutionnalisation !
Quelques jours plus tard arrivent 2 filles de Strasbourg dans le cadre d’un transfert de désencombrement. Elles me donnent des nouvelles des autres et de l’ambiance à la MAF : encore 4 nouvelles arrivées. Puis elles m’apprennent qu’il y a eu un viol entre mecs. Grâce au papier que tu m’as envoyé, je comprends maintenant comment elles ont eu cette info largement périmée.
Je leur passerai l’info correcte quand je sortirai du mitard. Car bien sûr, rien de plus original à Epinal que dans les autres taules : après 3 semaines en bâtiment, me voici pour 20 jours au QD. Ils avaient préparé le truc : ca faisait 10 jours qu’ils étaient en surnombre à chacun de mes mouvements. L’effet sur mes voisines était assez efficace : la plupart se transformaient en auxi maton. Putain que c’est énervant !
Là j’ai appris que la matonnerie avait fait passer le mot que je « m’étais calmée ». Effectivement, depuis le prétoire de mercredi, ils font gaffe à ne plus sortir des clous, je n’ai donc plus à revendiquer. Je crois que, même s’il refuse de le reconnaitre, le dirlo a compris qu’ils avaient merdé et essaye de récupérer.
Ainsi, en plus de l’appel hebdo à mes parents, le téléphone inter prison avec J. a été maintenu vendredi.
Bon, voilà les news de mon coté. (…)

Jeudi 4 juin 2015

Salut !
Normalement, à cette heure-ci, on devrait être en train de papoter face à face au parloir. Mais bon, voilà, tu le sais, ils m’ont collé en prévention lundi et je suis passée au prétoire hier. Fait chier !
La procédure était totalement foireuse, ça aurait pu faire annuler le prétoire. Mais le commis d’office ne valait pas grand-chose et le directeur préfère passer pour un con aux yeux de la DI dans 2 mois plutôt que de désavouer ces matonnes menteuses. Donc, j’en ai pris pour 20 jours (pourquoi pas 30??). J’espère que je pourrai te téléphoner dès le dimanche 21 à 7h30 (prépare-toi au réveil!;)) car ton numéro devrait enfin être enregistré.
G. t’a peut-être raconté les provocations avec le surnombre d’agents à chaque mouvement depuis le 23. J’ai essayé d’en parler avec l’officier QF mais il n’a rien voulu entendre. Une matonne plus hargneuse que les autres s’est ainsi senti la bride sur le cou et est venue me bousculer alors que j’étais assise sur le lit. Ses collègues sont arrivés dans la minute : le piège était bien en place !
Je savais que j’avais 3 CRI en stock, mais comme le prétoire n’était pas encore programmé lundi, ça ne mettait pas en danger nos 3 parloirs. Hier, le directeur m’a dit qu’il aurait lieu durant ces 20 jours, comme s’il voulait pouvoir faire une confusion de peines. Il a été bizarre hier, presque à l’écoute malgré l’irrégularité de cette commission de discipline. J’ai l’impression qu’il a passé le message pour que les matons lèvent le pied sur la provocation. J’ai moins peur maintenant d’aller au QI dès le 20 à 10h.
[…] [A propos du procès prévu le 29 juin 2015 à Evry] On a bien bossé le dossier avec l’avocat qui semble plutôt confiant. […] Je lui ai encore téléphoné ce matin, notamment pour qu’il s’occupe de faire annuler cette sanction de 20j. Ça sera facile mais ça tombera quand je les aurais finis depuis longtemps. J’ai confiance en lui et ça aide, on commence à bien se connaître maintenant. On a un nouveau RDV téléphone mercredi prochain.
G. m’a apporté des cahiers de jeux. A la biblio, j’ai trouvé un bouquin technique intéressant sur la communication canine. La bibliothécaire m’a aussi fait passer une saga préhistorique style « Ayla et le clan de l’ours ». Bref, j’ai de quoi occuper les 16j restants, même si, aussi ici, il n’y a qu’une promenade par jour (et dans une petite cour bétonnée). La cellule est vaste et le soleil y rentre un peu. J’ai mis le matelas au sol contre le mur pour me protéger de la panoptique la nuit et ils ne me font pas chier avec ça. J’ai du tabac et des allumettes (même s’il a fallu un peu batailler). Je devrais avoir la visite des aumôniers que j’avais pris la précaution de contacter avant. Ça le fera car ça fait longtemps que le mitard ne me fait plus peur. En plus, comme ce n’est « que » 20j, ça ne met pas en danger les 2 parloirs avec les parents les 25 et 26 juin. Le courrier m’arrive avec un peu de retard à cause du contrôle, mais je l’ai au complet. J’ai fait un courrier interne à 2 filles, on verra ce que ça donne (même si depuis le 23, l’AP cherchait à me stigmatiser comme folle et violente à leurs yeux).
[…]

27 mai
(…)
C’est chouette que le blog serve aussi à entrer en contact avec d’autres familles dans les mêmes galères avec l’AP. Je suis touchée par ce salut inconnu et j’espère que l’union de la lutte va payer. A Vivonne, je n’avais aucun contact avec le quartier hommes.
L’ambiance, ici, est très différente.
On est 17 nanas, plus une mineure, isolée de fait. C’est un petit quartier, très tranquille. Moi, je suis seule en cellule, mais la plupart sont 2, voire 4.
Et quasi toutes attendent leurs médocs chaque jour, que ce soit la métha ou d’autres psychotropes. Et toutes, absolument toutes, ont des discours hyper chiants, pleins de compromissions avec l’AP à base de « on n’est pas en prison pour rien » et « les surveillantes sont gentilles ».
Ca ne m’étonne pas que des gosses qui sont passées direct du foyer à la prison confondent matons et éducs et causent avec les bleues comme s’il y avait du respect mutuel. Mais je suis plus choquée quand j’entends le discours de femmes plus agées et plus cultivées.
Ainsi une nana de 30 ans, responsable d’un accident de la route qui a fait 2 morts et un blessé grave alors qu’elle n’avait que 0,5g d’alcool me sort   » c’est normal que je sois ici, je dois ca à la famille de mes victimes, ca les aidera à faire leur deuil ».
Bien sûr, outrée j’ai répondu « quoi ? ca ne te suffit pas qu’ils pleurent leurs morts, tu veux en plus les accuser de perversité, les rendre responsable de l’enfermement d’un être humain ! non mais sérieux, quels avantages ont-ils à ce que leurs impôts servent à payer des gens qui te font foutre à poil après chaque parloir ? Ca ne leur rendra pas leurs proches ! Et que tu les prennes pour des salauds avides de vengeance, que tu les confondes avec le proc ne leur apportera rien non plus… » Mais elle m’a achevée en disant  » même si ce n’est pas important pour eux, c’est important pour moi. Si je n’avais pas été punie j’aurais pu me dire que ce n’était pas grave. Mais maintenant je sais que je ne conduirai plus jamais après avoir bu. Et puis ca me permet de payer ».
J’ai été incapable de répondre à ca…
Enfin bon, en résumé le contact avec mes potes basques de Vivonne me manque. Il n’y a aucune possibilité de remise en question de l’AP ici, aucun espoir d’action collective. Le pire c’est quand je revendique seule, sur des trucs anodins, les filles comme les matonnes prennent peur. Le WE dernier, ils ont fait venir un bricard du QH à chacune de mes ouvertures de cellule : la paranoia n’aura pas mis longtemps à se réinstaller !
Je connais par coeur ce scénario et je sais que le QD non plus ne va pas tarder, dans ces conditions… (…)

Maison d’arrêt de Poitiers Vivonne ( nov 2014/janv 2015)

L’introduction et les courriers marqués d’un * sont repris sur l’Envolée.

Christine et deux autres prisonnières se sont emparées de la proposition de plate-forme. Les extraits de courriers qui suivent témoignent des échanges, des doutes, des questions que suscite l’élaboration d’une parole collective. Elles ont finalement opté pour une liste de revendications en deux parties : revendications locales et revendications communes à toutes les détentions, que nous publions à la suite.

Maison d’arrêt des femmes du centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne

Le 2 novembre 2014

Salut, […] Après pas mal de débats avec les deux copines d’ici, on est tombées d’accord sur l’utilité de coordonner les revendications locales dans les taules (voire dans les bâtiments) et de les porter dehors. Mais, je l’avoue, les premières phrases ont plutôt été : « Quelles revendications ? Les prisonnières sont adaptées et moutonnières ! On n’a aucune revendication commune. En prison, il n’y en a qu’un sur cent qui se bat. Et dehors, c’est pareil : l’Envolée, c’est quoi ? Trois pékins ? » Mais, portées par l’enthousiasme, on s’est dit que si l’Envolée pouvait faire passer dans toutes les taules les infos d’une lutte dans une, ça pourrait soutenir le moral des gens qui râlent ailleurs, sans savoir qu’il y a ce combat ailleurs.
Les Basques m’ont parlé aussi d’une bagarre qu’elles ont menée pour obtenir (comme les autres enfermées à Vivonne) les parloirs le samedi matin : dès que leurs familles ont diffusé des tracts au marché et devant la prison, ça a été accepté. Cette expérience prouve que si on arrive à sortir une liste de revendications dans le journal local, ça sera efficace. Du coup, j’ai écrit la liste suivante et je l’ai fait approuver par toutes les filles de la promenade. Bien sûr, ça ne veut rien dire car le jour où il faudra relever les manches pour obtenir des choses, on ne sera que trois à risquer le mitard (et dans le cas des Basques, ça nécessitera une coordination dans leur organisation). Mais bon, on aura la légitimité de dire au prétoire que si le mode d’action nous est personnel, la plate-forme était collectivement réfléchie…
PS : Comme à la télé, on a vu les manifs contre les violences policières suite à la mort de Rémi Fraisse, on a voulu se solidariser (à trois) et on a mis une affiche en promenade : « Assassiné sur la ZAD – suicidé(e)s en prison. Dedans ou dehors – la répression tue » : aucun écho, ni des filles, ni de l’AP…

*Jeudi 11 décembre

Nous avons donc affiché la liste de revendications le jeudi 13 sur le tableau des notes de services. A notre surprise, la feuille manuscrite y est restée quatre jours ! Mais nous n’avons eu aucun retour. Je l’ai donc expédiée à la direction qui n’a pas fait plus de commentaires. Alors nous avons fait une lettre, extrêmement polie, pour demander l’ouverture d’une salle aux mêmes heures que les promenades. Elle a été signée par toutes les filles de la MAF. Quand elle a été remise à la chef, j’étais déjà au mitard [NDLR : sanctionnée pour un refus de fouille à nu].
J’ai appris que le chef de bâtiment avait convoqué toutes les filles une par une dans son bureau pour leur faire peur en disant que les revendications collectives étaient interdites. Bien sûr, ils n’ont pas osé mentir ainsi aux Basques et à moi. En effet, ce qui est passible d’un CRI (compte-rendu d’incident), c’est « une action collective mettant en danger la sûreté de l’établissement », ce qui n’est pas notre cas. Au contraire, la loi de 2009 incite l’AP à consulter les détenus sur les activités qui leur sont proposées. Il en a profité pour leur dire aussi que c’était interdit de me saluer en criant (et comment peut-on faire autrement avec le béton qui nous sépare ?). Donc depuis quinze jours, seules les Basques me parlent.Bref, c’est l’attitude classique de l’AP…

*Le 11 décembre 2014

Je suis tout à fait d’accord avec le discours de Franck. Malheureusement, je suis d’accord avec son analyse sur notre impuissance !

Il veut déposer plainte contre l’AP… qu’il essaie donc et il verra, là encore, à quel mur il se heurte. Je l’ai fait à plusieurs reprises et ça traîne encore trois ans après mon dépôt de plainte. Pour eux, pas de comparution immédiate ! Peut-être que s’il a un bon avocat… je lui souhaite sincèrement ! […]
Je recopie ce que M. m’a écrit suite à sa lecture sur le texte de Franck : « J’ai parlé avec I., et bon, nous sommes d’accord toutes les deux pour dire qu’il se trompe à la base. Le problème c’est l’origine même de ce système pénitentiaire (pourquoi et dans quel but a-t-il été créé ?), et pas le trop grand nombre de bleus pourris comme il le prétend. Nous pensons également qu’il se contredit quelquefois (il pense que les prétoires sont importants mais reconnaît que la direction de la prison est impliquée, par exemple). Et bien sûr, si ce sont des actions bien organisées et qui cherchent l’union des gens, c’est bien, même, ce qu’il propose. Il faut se battre, dans l’union et l’organisation, et sur plusieurs fronts, à notre avis. Franchement, juste avec ce qu’il propose, vous n’arriverez pas très loin. Mais bon, c’est mieux que rien… pendant ce temps, nous continuerons ici… ça oui, debout et en lutte.
Bien sûr, il faut s’unir, et TOUTES les stratégies de lutte sont légitimes : la voie légale – en sachant ce qu’est leur Justice – et l’illégale.
Mais, à mon avis, il se croit trop dans un État démocratique. On peut faire améliorer les conditions de vie en prison, mais si on ne fait pas tomber le système capitaliste, ce monstre de l’AP continuera.

*Décembre 2014

LISTE DE REVENDICATIONS DES PRISONNIERES DE LA MAF DE VIVONNE

COMME AILLEURS, NOUS VOULONS :

– Des payes correctes, tant aux ateliers qu’au service général
– La suppression des QI et des régimes différenciés au CD
– Les portes ouvertes en MA et/ou le téléphone en cellule
– La mise en place systématique des aménagements de peine sans délais et des transferts en CD dès la condamnation
– La facilitation du téléphone, des parloirs et des UVF avec nos proches, enfermés ou non
– La fin des fouilles systématiques et/ou punitives
– Les repas appétissants : marre de manger du plastique !

LOCALEMENT, NOUS DEMANDONS :

– Des conditions dignes à la nursery : arrêt des réveils nocturnes, une cour avec de l’herbe, des temps de socialisation pour la maman… – L’accès à l’école pour toutes : fin des refus avec la fausse excuse de la mixité
– La télé à 8 euros par mois : alignement sur la loi, comme dans les prisons publiques (18 euros ici pour Eurest)
– La fin de l’interdiction des apports aux parloirs (livres, disques, produits d’hygiène…) : on n’est pas là pour enrichir les cantines privées
– L’ouverture d’une salle de convivialité : elle doit être systématique quand la météo est mauvaise car il n’y a pas de préau dans la cour
– Plus d’activités : actuellement, il n’y a que « bricolages en papier « et « fitness », 2h. par semaine
– L’accès au terrain de foot : seuls les hommes y ont droit
– La gratuité du courrier interne : on doit timbrer les lettres pour le quartier hommes (Ces demandes sont toutes réalisables dans l’état actuel de la législation)

*Mardi 6 janvier

[NDLR: écrit depuis le mitard après une embrouille avec des surveillants]

Salut ! Il y a quand même eu un truc très chouette. Le jeudi 25, six filles ont dit qu’elles ne rentreraient de promenade que lorsqu’elles auraient vu un chef pour lui remettre un courrier à propos des conditions de vie au quartier disciplinaire (QD). Elles ont obtenu gain de cause sans aucune violence. Elles passent au prétoire demain (mais les deux cellules du mitard sont déjà occupées : l’une d’elles est de nouveau de retour pour une pécadille et ces salauds lui appliquent le même protocole qu’à moi. Elle est donc en grève de la faim depuis deux jours). […] On n’a pas eu de retour officiel de notre affiche, qui est quand même restée quatre jours. Durant mes cinq jours de pause, on a demandé l’ouverture exceptionnelle d’une salle pour partager ensemble le premier repas de 2015, mais sans pétition.
Le 30, alors que j’étais au QD, on leur a dit que c’était accepté, mais que pour un goûter. Puis le soir, les matonnes leur ont dit que celles qui avaient un CRI (celles qui avaient exprimé leur solidarité contre la torture du QD cinq jours avant) en étaient interdites. Voilà comment marche l’AP… Je te recopie ce qu’écrivent les copines suite à la lecture de ta lettre : « Pour te répondre nous ne savons pas trop quoi dire… peut-être nous insisterons sutout sur un aspect : l’organisation. Peut- être faudrait-il faire des efforts pour trouver quelqu’un/une dans chaque prison pour faire un réseau de gens et de groupes, un réseau le plus ample possible. Après, les revendications, je ne pense pas que ça sera difficile d’en trouver en commun… et recevoir et envoyer de l’information, on est partantes, oui. »

Mardi 6 janvier

Salut

Je suis à nouveau au mitard. (…) Je suis sortie du mitard le 17 décembre. Ils voulaient me foutre au QI mais ils ont cédé aux arguments d’une bricarde moins conne que la moyenne et je suis retournée à la MAF. J’étais contente de revoir les filles mais triste parce que l’une d’entre elles venait de prendre 8 jours de QD, on avait passé ma dernière journée à causer à la fenêtre. Le dimanche 21 au soir, je voulais qu’ils lui passent du rab de la gamelle (j’avais laissé mon yaourt au chocolat car je sais qu’elle aime ça). Ils ont géré ma demande par le mensonge et le mépris.
Donc, le lendemain matin, à 7h, à l’ouverture, je suis sortie de la cellule avec ce foutu yaourt pour discuter avec la surveillante dans le couloir. Mais il y avait aussi un bricard avec qui ça s’était mal passé durant les 30 jours précédents. Il gueulait et m’a foutue au sol pour me menotter et m’envoyer au QD. Je me suis laissée faire. Au mitard, pour calmer le jeu, j’ai accepté de vider mes poches et j’ai dit que je donnerai mon survêtement qui avait un lacet en éch    ange d’un jean. Mais ce con tenait à sa crise d’autorité. J’ai négocié un quart d’heure puis il est redevenu violent. Là je suis arrivée à le mordre par deux fois au mollet. J’ai pris de la lacrymo en pleine face et ils sont sortis. J’ai attendu à poil jusqu’à 11H pour avoir enfin de quoi me laver et m’habiller.
Pour la promenade de l’après-midi, ils sont venus à quatre avec casques et boucliers et m’ont dit de me mettre face au mur pour être menottée. J’ai refusé et ça a encore cogné. Idem le mardi matin. Quand le médecin est venu pour la visite obligatoire, ils sont restés avec lui dans la cellule. Au prétoire, sans surprise, j’ai pris 30 jours. Le directeur m’a aussi promis le transfert disciplinaire (ouf!) après la GAV et la comparution immédiate qui devait suivre.
Depuis, chaque ouverture se fait avec les robocops mais ils ne tentent plus de me menotter et je reste assise sur le lit quand ils déposent la gamelle sur la table. Je prends quand même des coups régulièrement et le mépris est à son paroxysme (refus de me donner la balayette, refus de chaussures pour la promenade, froid en cellule, pas de respect du secret médical, etc…).
Là j’attends avec impatience la gardav’, ça me fera une pause dans la violence de l’AP.
J’avais eu une GAV le 8 décembre et ça s’était très bien passé. J’y ai appris qu’en plus de la plainte de la prison de Vivonne, il y en avait une, vieille de 18 mois, de celle de Séquedin. Si on ajoute à ça celle de Fleury, toujours en suspens, ça fait pas mal ! Bref, j’étais repartie avec une COPJ pour le 28 avril 2015. Là, j’attends la deuxième couche…

Bon voilà où on en est actuellement. Il y a quand même eu un truc très chouette. Le jeudi 25, six filles ont dit qu’elles ne rentreraient de promenade que lorsqu’elles auraient vu un chef pour lui remettre un courrier à propos des conditions de vie au QD. Elles ont obtenu gain de cause, sans aucune violence. Elles passent au prétoire demain (mais les deux cellules sont déjà occupées, I. est de nouveau de retour pour une pécadille et ces salauds lui appliquent le même protocole qu’à moi. Elle est donc en grève de la faim depuis deux jours).

On n’a pas eu de retour officiel de notre affiche (ndlr : une liste de revendications collectives) qui est quand même restée 4 jours. Mais l’officier a pris à part quelques filles pour leur dire de se méfier de « celles qui font de la politique » et les menacer d’un CRI si elles me répondaient de la cour. Bien sûr, ni les Basques ni moi avons eu droit à ces menaces idiotes et on a continué à se saluer tous les jours, entraînant de timides cris des autres.

Durant mes cinq jours de pause, on a demandé l’ouverture exceptionnelle d’une salle pour partager ensemble le premier repas de 2015, mais sans pétition. Le 30, alors que j’étais au QD, on leur a dit que c’était accepté mais que pour un goûter. Puis le soir, les matonnes leur ont dit que celles qui avaient un CRI (celles qui avaient exprimé leur solidarité envers la torture du QD cinq jours avant) en étaient interdites. Voilà comment marche l’AP… (…)

Je n’ai eu la réponse de la JAP que le 18 (j’attendais depuis plus de 48h, j’étais sur les dents!) : refus. Je pensais que l’appel viendrait de la proc’, pas d’elle puisque l’AP était pour. Mais entre temps, les conditions s’étaient bien dégradées au QD et il y avait cette première GAV… Bien sûr j’ai fait appel avec le baveux, mais sans aucun espoir vu l’ambiance actuelle. Je ne crois plus pouvoir sortir en 2015 de ces murs. Et merde ! (…)