Lettres de Fleury ( juillet / aout 2014)

Une lettre en date du 4 juin 2015 revient sur les violences subies par Christine à Fleury Mérogis, suite auxquelles elle passe en procès le 29 juin 2015 au tribunal d’Évry. La voilà ici :

Je suis arrivée début juillet (je ne me souviens d’aucune date par cœur et je n’ai pas mon cahier avec moi) à Fleury, en transfert-transit entre Rennes et Vivonnes (2 CD [Centre de Détention]).

Comme d’habitude, à l’arrivée, je refuse de donner mes empreintes au greffe. Je leur explique calmement « Soit vous rester calmes et on règle ça dans une semaine avec un prétoire où je ne risque pas plus de 7 jours ; soit vous me les prenez de force, on risque de se faire mal, ça va compliquer tout le reste de la détention ici et, de toutes façons, vous n’aurez rien d’utilisable ». Ils choisissent la force, ce qui donne une photo assez comique et pas d’empreintes palmaires. Je résiste mais ne me débat pas. Arrivée à la MAF [Maison d’Arrêt Femmes], en camion vu la taille de la taule, un chef vient me dire que je vais direct au mitard. Je lui dit qu’il va avoir du mal à le justifier mais que j’accepte. Je suis encore menottée, il y a des agents avec l’équipement pare-coups (casques, plastrons, etc.). Je redis que je vais y aller seule mais ils veulent me tenir. Du coup, je me débats et ils m’y portent de force. Là, je refuse la fouille et je rue comme je peux pendant qu’ils me pelotent.

Le prétoire 2 jours plus tard est annulé car, comme je l’avais prévu, il n’y a pas de justificatif de mise en prévention. Je vais au QA 3 jours puis ils le refont correctement. Je prend 7 jours de QD [Quartier Disciplinaire (« mitard »)]. Durant la GAV [Garde à vue], presque 3 mois plus tard, ils me diront que 2 surveillantes ont été blessées (2 et 3 jours d’ITT) lors de la fouille. C’est la première affaire de violences.

Quand je passe au prétoire, donc, une semaine après mon arrivée, ils veulent me fouiller « parce que c’est comme ça pour tout le monde, tout le temps ». Je leur explique la loi de 2009 qui exige des justifications individuelles et finis par accepter contre la note de service que je pourrais attaquer au TA [Tribunal Administratif]. La matonne chargée de la fouille à nu fait du zèle, retire les lacets des tennis (alors que je ne suis pas suicidaire), exige d’examiner la culotte que j’ai aux chevilles. Je jette le slip à terre et, pendant qu’elle le ramasse, met mon index valide (un a été salement amoché – 6 points de suture – dans les violences précédentes) dans mon vagin avant de lui tendre sous le nez en disant « T’es sûre que ça ne sent pas le shit là ? ». Elle hurle « Me touches pas, salope ! », fuit et crie encore derrière la porte « Je vais te casser la gueule ! ». Pour ça, je prendrais 30 jours de QD et c’est la 2ème affaire (violences sans ITT) qui sera jugée le 29 juin.

Pendant ces 30 jours, les conflits se sont multipliés : 23 CRI au total. La chef de détention n’en garde que 5 et j’ai un nouveau prétoire, 2 jours après être sortie. A nouveau « Vous allez au QD donc fouille à nu ». Je refuse car je n’ai jamais eu la note promise. Elles sont 3 matonnes à négocier presque 1h. A la fin, ils me menottent puis reviennent en masse : 4 femmes en tenue, 4 autres avec les gants plastiques, au moins 4 mecs dans le couloir. Ils me déshabillent entièrement, arrachent le slip, cassant la braguette du pantalon. Écartelée, face à terre, j’ai peur. Quand ils me lâchent, je me précipite vers la porte et y passe le bras pour empêcher la fermeture et parler au chef de la MAF.

En GAV, ils me diront que j’ai touché une surveillante au visage (5 jours d’ITT) – 3ème affaire. Moi, je dépose plainte pour violences sexuelles en réunion. Bien sur, elle est enterrée. Pour ça, je prendrais 20 jours.

Un médecin, particulièrement lâche, refuse de m’examiner face à face, sans la présence des bleus. Ça fait une semaine que je n’ai pas eu de visite bien que la loi en prévoit 2 par semaine. Je m’avance dans le couloir pour lui parler. Un briscard (DUREIL) me repousse, je me débats, il m’agrippe par le cou, moi aussi et sa chaînette en or casse. Ils arrivent à me rentrer en s’y mettant à plusieurs. Après, petit à petit, le médecin n’aura plus peur de moi et me recevra correctement à l’UCSA [Unité de consultation et de soins ambulatoires]. L’autre médecin, Mme Lecu, elle, est toujours correcte (c’est elle qui m’a recousu le doigt).

Pour ça, je prends 30 jours de QD, mais 22 avec sursis (nouvelle directrice). Il n’a aucun ITT ce kakou mais c’est la 4ème affaire. Il a provoqué de plus en plus jusqu’à la fin et a été souvent violent.

Je pars de Fleury pile 3 mois après y être arrivée, du mitard où j’ai passé 87 jours sur les 92 passés là-bas. Arrivée à Vivonne, ils prennent aussi les empreintes digitales et la photo de force.

Procès à Evry le 29 juin à 13h30.

NB : les mitards à Fleury sont les pires : chiottes turcs, pas de fenêtres, réveils toutes les heures la nuit, cour minuscule, douches sales, utilisés pour les nanas en crise psy…


Les lettres suivantes sont celles écrites durant la periode passée à Fleury-Mérogis

(juillet, août et septembre 2014)

Fleury-Mérogis, dimanche 6 juillet
Salut !
[…] Tu arrives à me lire ? L’index est encore emmailloté et raide mais je coince le stylo avec le majeur et ça marche plutôt bien. On doit retirer les fils demain (6 points quand même). Je devais faire une radio de contrôle pour savoir s’il n’était pas fêlé (je ne crois pas) mais ça a été reporté : sûrement en même temps demain, quand la toubib (honnête) leur aura mis un coup de pression…
[…]
[Je connais déjà le mitard de Fleury.] En fait, c’est la première cellule que j’ai vue (à part celle d’attente au greffe). J’ai bien sûr refusé les empreintes digitales, biométriques et photo à l’arrivée. Ils ont joué les gros bras, faisant une photo assez rigolote de ma tronche grimaçante, avec épaule en arrière, 2 mains gantées sur le cou, 1 main tirant les cheveux en arrière… Une vraie pub pour Guantanamo ! J’avais accepté d’aller seule au mitard pour calmer le jeu après avoir ruiné leur espoir d’avoir des empreintes à l’encre utilisables. Mais là encore, ils n’ont pas voulu avoir mis les équipements anti-émeutes (casques, cuirasses pare-coups…) pour rien et se sont ridiculisés à m’y porter. Toute l’AM, ils se sont vengés en m’y laissant sans rien (ni lunettes, ni tabac, ni bouquins, ni même repas). Ça s’est calmé avec la gamelle le soir et la visite « arrivante » chez le toubib qui m’a reçue seule (pas comme à Sequedin).
Le lendemain, j’ai demandé plusieurs fois le transistor auquel on a le droit au QD [Quartier Disciplinaire] mais ils faisaient comme à Réau : « on en a pas, ils sont tous cassés et d’ailleurs il n’y a pas de réseau ». Donc le dimanche, j’ai bloqué la promenade à 11h et ils m’ont rentrée de force (mais sans boucliers et menottes). Le lundi, rebelotte, d’où le doigt dans la porte. Ils m’ont laissée sans soins durant 2h, juste pour savourer leur vengeance alors qu’ils voyaient que ça saignait.
A 14h, je devais passer au prétoire, mais avant ils m’ont quand même laissée aller à l’infirmerie où la médecin m’a recousue avec une anesthésie locale, du beau travail. Puis, bien que (et peut-être parce que) je n’avais pas d’avocat malgré ma demande, ils ont décidé un report de la commission de discipline et donc une levée de prévention.
Je me suis donc retrouvée au quartier arrivant. La cour était aussi minable que celle du mitard mais on pouvait y être 4h par jour et en groupe. Ils nous réveillaient aussi toutes les heures la nuit, mais la cellule avait une grande fenêtre d’où on voyait des oiseaux (pas de fenêtre du tout au mitard). J’y suis restée jusqu’à jeudi 13h30, avec un bon contact avec mes voisines, tout juste arrivées de GAV et complètement paumées, ayant besoin de beaucoup d’infos et d’aide pour les courriers.
Donc jeudi, nouveau prétoire. Il y avait un commis d’office à qui j’ai un peu appris son boulot et qui a été choqué de la violence utilisée. Est-ce à cause de ça ? Je n’ai pris « que » 7 jours. Comme j’en avais déjà fait 4 et qu’ici on sort le matin (et pas le soir comme à Rennes), dès samedi 9h j’étais dans la cellule du quartier des condamnées, dans l’aile 6E.
Durant ces 2 jours, j’ai continué à me battre pour avoir le transistor (que j’ai finalement obtenu vendredi à 18h) et refuser les fouilles systématiques. Ça m’a valu 3 CRI qui seront audiencés mardi à 14h. J’ai demandé à mon avocat d’être là, je ne sais pas encore s’il sera disponible. Je risque 30 jours car ils m’accusent de violences (ça faisait longtemps !). Les bricards hommes sont particulièrement remontés contre moi car je mets leur légitimité de mâles (faire peur aux taulardes) en cause. Là encore, je n’ai eu mes livres et mes médicaments (j’avais mis le tabac dans les poches en prévention) que 18h après le prétoire…
Depuis que je suis dans l’aile 6E (l’étage du 6ème couloir), une des ailes des condamnées, la pression ne baisse pas vraiment. Je suis, bien sûr, seule en cellule (bien plus grande qu’à Rennes soit dit en passant), privilège des « emmerdeuses » que j’ai toujours eu. Pour me mettre en promenade ou me servir la gamelle, ils sont constamment en surnombre (au moins trois selon la directive, mais jusqu’à 8 quand c’est un bricard homme qui gueule). En fait, la différence avec Sequedin c’est qu’ici il n’y a pas de QI…
Je ne sais pas combien de temps je vais rester à Fleury. Certes, c’est lourd pour eux et ils stressent (surtout les plus cons). Mais il y a un procès à la cour d’appel de Paris le 26/09 et ils voudront peut-être économiser un transfert depuis Poitiers. Dans ce cas, pour parer à l’absence de QI, ils peuvent motiver du QD à gogo. Ca me fait un peu chier. D’abord parce que je ne vais pas pouvoir le cacher éternellement à ma mère. Ensuite parce que j’ai retrouvé ici une fille avec qui je m’entendais bien à Réau et que j’aime mieux les promenades avec elle que toute seule. Enfin car il y a un stage de théâtre du 17/07 au 6/08 et que ça occuperait mieux que la branlette… […]


Fleury-Mérogis, vendredi 18 juillet

Salut !
[Mardi 8] à 14h, j’avais un nouveau prétoire. Il n’y avait que 2 CRI : un refus de retour de promenade du QD pour négocier le transistor (que j’ai eu le dernier soir) et une « violence sur agents ». En fait, le jeudi 3, lors du 2ème prétoire pour le refus de fichage, ils m’ont ordonné une fouille à nue. J’ai essayé de négocier, expliquant au chef de détention que les fouilles devaient être justifiées. Il m’a sorti une note de service disant qu’elles étaient systématiques à l’entrée du QD. J’ai alors accepté en échange d’une photocopie de cette note pour que je puisse l’attaquer au TA, comme celle de Rennes […]. Il n’y avait qu’une matonne avec moi dans la salle . Elle faisait du zèle : elle a retiré les lacets des tennis, voulait examiner le slip (comme s’il y avait une poche !) que j’avais de moi-même baissé jusqu’au chevilles pour qu’elle ait le temps de voir ma chatte et mon cul. Je lui ai alors jeté le slip et, pendant qu’elle se baissait pour le ramasser, j’ai mis mon index valide dans mon vagin. Quand elle me l’a rendu, je lui ai dit : « T’es sûre que ça suffit ? Tiens, renifle donc pour voir si j’avais planqué du shit » en lui tendant le doigt sous le nez. Elle est devenue hystérique, elle est sortie en hurlant « Me touche pas, salope ! », puis, elle a encore crié. « Je vais t ’éclater la gueule ! ». Bon, tu connais l’AP, bien que je ne l’ai pas touchée, que ça soit elle qui m’ai insultée et menacée, j’ai pris 30 jours (+ 5 confusionnées pour le refus de réintégrer).
Donc, à nouveau « Vous allez au mitard donc on va faire une fouille intégrale ». C’était d’autant plus idiot qu’ils m’avaient passé à la poêle (détecteur de métaux) et qu’ils savaient par expérience que je n’avais ni shit ni médocs. Donc j’ai refusé très calmement tant que je n’aurai pas la justification individuelle. Les matonnes, qui avaient apprécié le calme dans lequel s’était déroulé la commission de discipline, ont essayé de négocier (« on va faire vite, on vous touche pas, on obéit juste aux ordres, on ne cherche pas la merde ») durant une heure en entier.
Puis, l’heure de la gamelle arrivant, elles sont allées en référer au chef qui a envoyé 4 d’entre elles avec les casques et autant avec les gants en plastiques et autant de mecs dans le couloir.
Ils m’ont entièrement foutue à poil, arrachant et déchirant le slip, cassant le fermeture du pantalon. Écartelée, à plat ventre, j’ai eu peur qu’ils me rentrent les doigts dedans, mais leur « tournante » s’est arrêtée là. Par contre mon doigt dont on venait de retirer les points s’est réouvert et le médecin n’a pu que mettre des strips durant 10 jours (on les a enlevés ce matin, c’est propre). J’ai pu voir le toubib 1 heure après, à 19h, mais je n’ai eu me s livres et de quoi écrire que le lendemain (ça s’appelle « faire tricarde une emmerdeuse »).
Bon, depuis la situation s’est nettement calmée. J’ai mes deux promenades par jour, le transistor, le courrier timbré dans des délais corrects. En fait, l’ambiance dépend beaucoup de l’équipe de la demi-journée : les 2 bricardes femmes sont moins chercheuses de merde que les hommes qui ont envie de se bagarrer (mais toujours en surnombre, ces lâches). J’ai eu hier un retour forcé en cellule car le toubib remplaçant, comme à Sequedin, à eu peur, à cause même de ce surnombre, de tirer la porte derrière lui pour faire un semblant de confidentialité médicale. J’ai pas mal de problèmes pour correspondre avec K. car, si le courrier timbré passe bien, l’intérieur est très ralenti pour vérifier si je « n’incite pas à l’émeute ». Mais surtout, il fait très chaud au mitard, où il n’y a même pas de fenêtre (un hublot face au plafond dans le sas). Selon les équipes, ils me laissent cuire dedans ou ouvrent la porte (pas la grille hein !) voire même celle de la cour de promenade en même temps pour essayer de faire un courant d’air (qui tient d’ailleurs plus de la méthode Coué). Ce qui est très lourd, c’est le réveil toutes les heures de 19h à 7h, totalement inutile en termes de sécurité. Là, ça ne sert à rien de mettre le drap sur la grille pour boucher la vue depuis le judas car il suffit que le bricard laisse la porte ouverte à 20h pour ne plus se déplacer de la nuit (la nuit seul le chef a les clés, pas les matonnes).
Bon, ceci dit, je ne vais pas mal. J’ai plein de courrier. […] J’ai demandé la visite de l’aumônier pour passer le temps (pour l’instant, pas de réponse). J’ai eu donc une lettre de ma prof d’Auxillia qui me propose de bosser sur la Commune de Paris. J’ai encore quelques bouquins envoyés par des potes. Le dirlo, après un coup de fil de (ou à ?) Bidet (le dirlo lâche de Rennes), m’a même « offert » 1/2heure d’entretien hier « pour comprendre ». Il m’a même dit qu’il allait demander à un psychologue (pas psychiatre, hein !) de venir causer 2 fois par semaine. Si ça lui permet d’avoir bonne conscience à ce salopard d’enfermeur, tant mieux pour lui. Moi ça me fait toujours une petite occupation hors de la cellule. Ça serait chouette s’il savait jouer aux échecs le psy…
Lundi, je vois [mon avocat] au parloir, là aussi, ça fera une « sortie ». Mais surtout on va essayer de voir comment accélérer la vraie. Il faut préparer le procès du 26 septembre, quoique la fin officielle des peines planchers devrait aider. Il faut aussi monter le dossier pour la condi. [Mon autre avocat] s’occupe des confusions, même si la 1ère demande a foiré.
[…] Je ne sais pas ce qu’ils ont en tête à propos de mon transfert sur Poitiers. Le 6 août je sors du QD, et, comme il n’y a pas de QI ici et qu’ils ont peur que je motive les filles à refuser les palpations systématiques (à chaque sortie de cellule, même s’il y a un portique à l’entrée de promenade !), je pense que tout dépendra de si d’ici là ils ont appris à respecter la loi ou non… Si ça traîne, malgré le recours au TA, je pense que le 6 au matin je prendrai le camion (même si du coup, ça fera une extraction Poitiers-Paname le 26 septembre pour l’appel). Bon, dans tous les cas, je ne ferai pas le stage théâtre ou sculpture…On verra… En attendant, je joue à « cassoulet » toute seule 😉 …
Sinon, comment ça va ? Ben pas trop mal. Je suis toujours debout, mon doigt se retape, je mange toute ma gamelle. J’entretiens ma colère et m’amuse en relevant la moindre entorse de leur part au règlement ou à la loi. Mais je fais super attention à ce que mes actions ne risquent pas d’entraîner une nouvelle poursuite au pénal.
D’habitude, quand j’ai une voisine au mitard c’est plus cool et on fait des batailles navales ou des parties de dames, chacune sur son lit (E3 ! C5 !). Mais là, j’ai récupéré pour 15 jours une toxico que c’est pas du gâteau… Comme elle me demandait pourquoi j’étais en prison, j’ai répondu, « Comme toi : un juge m’a condamnée, des gendarmes m’y ont amenée et les matons ont fermé la porte ». Cette idiote n’a pas compris le message et a insisté : « Mais pourquoi il t’a condamnée le juge ? ». Comme la réponse « il te l’a dit à toi pourquoi ? Parce qu’il était de mauvaise humeur car cocu ? Parce qu’il avait faim et qu’il voulait pas t’écouter après midi et ½ ? Parce qu’il voulait se venger de ton avocat qui l’avait humilié lors d’un autre procès ? ») ne lui a pas plu, elle a décrété que j’étais « une pédo ». C’est l’insulte majeure des procureurs de coursives dans les taules pour femmes (il paraît que chez les mecs c’est « pédé » ou « pointeur »). Du coup quand elle ne dort pas, cachetonnée, elle m’insulte. Heureusement, j’ai la radio pour couvrir ses conneries… GRR !

Christine

Courrier paru dans l’Envolee

Maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis, le 18 juillet 2014

Salut ! […] Le jeudi 3, lors d’un prétoire pour le refus de fichage, ils m’ont ordonné une fouille à nu. J’ai essayé de négocier, expliquant au chef de déten- tion que depuis 2009 les fouilles devaient être justi- fiées. Il m’a sorti une note de service disant qu’elles étaient systématiques à l’entrée du QD. J’ai alors ac- cepté en échange d’une photocopie de cette note pour que je puisse l’attaquer au tribunal adminis- tratif, comme celle de Rennes […]. Il n’y avait qu’une matonne avec moi dans la salle. Elle faisait du zèle : elle a retiré les lacets des tennis, voulait examiner le slip (comme s’il y avait une poche !) que j’avais de moi-même baissé jusqu’au chevilles pour qu’elle ait le temps de voir ma chatte et mon cul. Je lui ai alors jeté le slip et, pendant qu’elle se baissait pour le ramasser, j’ai mis mon index dans mon vagin. Quand elle me l’a rendu, je lui ai dit : « T’es sûre que ça suffit ? Tiens, renifle donc pour voir si j’avais planqué du shit », en lui tendant le doigt sous le nez. Elle est devenue hystérique, elle est sortie en hurlant : « Me touche pas, salope ! », puis elle a en- core crié : « Je vais t’éclater la gueule ! » Bon, tu connais l’AP, bien que je ne l’aie pas touchée, que ça soit elle qui m’ait insultée et menacée, j’ai pris trente jours. Donc, à nouveau : « Vous allez au mi- tard, donc on va faire une fouille intégrale. » C’était d’autant plus idiot qu’ils m’avaient passée à la poêle (détecteur de métaux) et qu’ils savaient par expé- rience que je n’avais ni shit ni médocs. Donc j’ai re- fusé très calmement, tant que je n’aurais pas lajustification individuelle. Les ma- tonnes, qui avaient apprécié le calme dans lequel s’était déroulée la commission de discipline, ont essayé de négocier : « On va faire vite, on vous touche pas, on obéit juste aux ordres, on ne cherche pas la merde », durant une heure en entier. Puis, l’heure de la gamelle arrivant, elles sont allées en ré- férer au chef qui a envoyé quatre d’entre elles avec les casques et autant avec les gants en plastique, et autant de mecs dans le couloir. Ils m’ont entière- ment foutue à poil, arrachant et déchirant le slip, cassant la fermeture du pantalon. Écartelée, à plat ventre, j’ai eu peur qu’ils me rentrent les doigts de- dans, mais leur « tournante » s’est arrêtée là. […] Bon, depuis, la situation s’est nettement calmée. En fait, l’ambiance dépend beaucoup de l’équipe de la demi-journée : les deux bricardes femmes sont moins chercheuses de merde que les hommes qui ont envie de se bagarrer (mais toujours en surnom- bre, ces lâches). […] Sinon, comment ça va ? Ben pas trop mal. J’entretiens ma colère et m’amuse en relevant la moindre entorse de leur part au règle- ment ou à la loi. Mais je fais super attention à ce que mes actions ne risquent pas d’entraîner une nouvelle poursuite au pénal.

CHRISTINE

« Mercredi 23 juillet, Maison d’arrêt pour femmes (MAF) de Fleury Merogis,

Salut !

J’ai à nouveau changé d’adresse. La tradition du baluchonnage a repris, ils ne sont pas originaux. Et Fleury n’est qu’un transit, puisque je suis officiellement affectée au CD de Poitiers Vivonne. Le QF (quartier femmes) y est minuscule (18 nanas) et c’est tellement branché sécuritaire que les matons l’appellent « centrale ». Alors tu vois, je m’en fous bien d’être au QD (quartier disciplinaire) ici ou là-bas…

Car bien sûr je suis au mitard. C’est même la première cellule que j’ai découvert à Fleury. Ça a commencé au greffe où, comme à chaque fois, j’ai refusé de donner empreintes, photo et biométrie. Ils me sont tombés dessus à 10 contre un, puis j’ai revu les casqués, que j’avais presque oubliés à Rennes. Et oui, le transfert disciplinaire de Rennes n’était motivé que par la volonté de confort de l’AP, mais durant cinq mois il n’y a pas eu de violence avec les matons. J’ai donc fait une semaine de mitard à mon arrivée, avec une petite pause de deux jours au QA (quartier arrivants) car le premier prétoire (1) était vraiment trop mal ficelé pour pouvoir avoir lieu.

Donc le samedi 6 je me suis retrouvée affectée dans une cellule, seule (c’est l’avantage d’être une emmerdeuse !) mais avec la promenade collective dans l’aile condamnées. Je n’en ai pas profité longtemps (j’avais pourtant retrouvé une fille avec qui je m’entendais bien à Réau et c’était plutôt cool) car, comme à Séquedin, il y a des palpations systématiques à chaque sortie de cellule, alors même qu’il y a un portique détecteur de métaux à l’entrée en promenade, c’est donc totalement illégal et je m’y suis opposée. En plus, au QD, il n’y avait pas le transistor auquel on a droit depuis 2009, et j’ai du faire plusieurs blocages de promenade pour l’obtenir le dernier soir. Bref, la même situation qu’à Séquedin où ils jouaient à avoir peur de moi sur la simple foi du dossier. Là aussi ils étaient en surnombre (parfois jusqu’à 6) à chacun de mes mouvements, ce qui les limite, les ralentit et les met sous pression. Comme ici, à la différence de Séquedin ou Joux, il n’y a pas de QI (quartier d’isolement) ils m’ont collée au mitard pour 30 jours depuis le 8 juillet (j’ai fait un recours avec David, l’avocat parisien, car il n’y a pas eu contact avec la matonne qui hurle à la « violence »). Depuis, l’ambiance dépend beaucoup du bricard de service. Ils sont toujours en surnombre (3 pour que je franchisse le 1m50 entre la porte du mitard et celle de la promenade, bien plus pour que j’aille à l’UCSA(2) ou au téléphone), mais ils ont arrêté les tripottages continuels. Ce que je ne sais pas, c’est si ils continuent en détention. (…)

J’ai appris un peu par hasard que je suis conditionnable(3) depuis le 6 juillet. J’ai donc lancé les démarches. L’avocat m’a bien expliqué qu’il ne fallait pas que je rêve trop, d’abord parce qu’il y a deux peines (6 mois + 4 mois) qui n’ont toujours pas été mises à exécution. Et puis surtout que la JAP tient beaucoup compte du « bon comportement » et que mes transferts à répétition ne plaident pas en ma faveur. (…)

Bonne niak à tous et toutes !

Christine »

notes :

  1. Prétoire = commission de discipline interne
  2. UCSA = service médical
  3. être conditionnable = avoir le droit de demander une libération conditionnelle

Fleury-Mérogis, vendredi 21 août
Le 13 août j’ai rencontré le big boss de Fleury (« J’ai 4000 personnes à gérer, mais vous êtes un cas »), comme ça avait été le cas à Séquedin. D’ailleurs, la gestion est exactement la même, le QI en moins. Comme il passait son temps à mentir, disant que j’avais cogné sur des matons à Rennes, je l’ai forcé à me promettre de me faire lire le rapport qui accompagnait mon transfert disciplinaire. Bien sûr, il n’a pas tenu parole et j’ai dû à nouveau faire pression sur le chef de détention. Mardi, j’ai pu le lire. J’y ai donc appris que « l’urgence » qui motivait le transfert c’était un mouvement de matons qui pleurnichaient à la menace de prise d’otages. Je n’ai rien fait, mais un tract syndical a du poids pour obtenir le transfert d’une emmerdeuse ! J’ai lu aussi dans ce rapport de l’AP de larges extraits d’une expertise psy faite pour le procès de Bapaume. J’avais récupéré les conclusions au greffe de Rennes : l’étanchéité justice – AP laisse à désirer… Bien sûr, je n’en ai pas une copie et ne pourrai rien faire de ces infos avant d’être libérée et que la CNIL leur ait ordonné de me laisser lire mon CEL [Cahier Électronique de Liaison]. Bref dans au moins 3 ans. J’espère qu’à ce moment-là j’aurai mieux à faire qu’à faire chier ces cons : faire naître un agneau, préparer l’apéro pour les potes, accompagner K. au collège en vélo, cueillir un bouquet de fleurs pour Maman, retaper le camion, jouer avec mon chien… «