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Procès à Poitiers le 28 avril (rassemblement)

Mardi 28 avril à 15h

Rassemblement de solidarité

en soutien à Christine qui résiste en prison

contre l’arbitraire et pour la liberté

RDV devant le tribunal de Poitiers à 15h,

10 Place Alphonse Le Petit

Isolement, éloignement familial, transferts disciplinaires, fouilles à nu, violences, quartiers disciplinaires, humiliations… Pour les 66 270 prisonniers en France au 1er février 2015, chaque journée passée en prison est un défi face à l’Administration Pénitentiaire (AP). Forte de ses casques, de ses uniformes blindés, de ses armes et d’un code pénal qu’elle manie à sa guise, l’AP encadre l’atomisation des prisonniers et orchestre la répression de leurs résistances.

Aspirateur social, prison de la misère, machine à broyer, entreprise de déshumanisation, les mots n’ont jamais manqué pour désigner la prison, la taule. Des paroles de prisonniers aux enquêtes de l’Observatoire International des Prisons en passant par les témoignages des familles et proches de détenus, les conclusions sont les mêmes : la prison détruit l’être social.

Résister, c’est y survivre, c’est exister.

Face aux institutions, ne pas se laisser piétiner et tabasser est trop souvent synonyme d’ « outrage, violence, menace »

Sans notre soutien, les prisonniers et leurs combats

contre l’Administration pénitentiaire sont écrasés dans le silence.

Le 28 avril 2015, Christine Ribailly, détenue à la prison de Strasbourg, sera transférée au tribunal de Poitiers pour y répondre d’ « incidents » survenus à l’automne 2014 quand elle était incarcérée à Vivonne. Alors qu’une plate-forme de revendications collective venait de voir le jour au quartier femmes du centre de détention, dans laquelle les détenues exprimaient leurs frustrations et aspirations immédiates, l’Administration pénitentiaire de Vivonne décida de porter plainte contre Christine. C’est dans ce contexte d’expression collective que Christine s’est débattue lors de fouilles et autres provocations des surveillants de la pénitentiaire. Coupable d’avoir refusé d’encaisser sans broncher, de ne pas s’être écrasée, elle comparaîtra ce 28 avril à 16h pour outrage, violence et rébellion.

Refus de promenade, de séances de sport, fouilles diverses et multiples, problèmes de courrier ou remarque déplacée, palpations… En prison, les situations de confrontation sont le lot quotidien :

« Les matons disent qu’ils ne font que respecter la loi. J’attends donc une honnêteté sans faille de leur part. Quand j’ai été incarcérée, j’ai lu le code du prisonnier et le code pénal. Je regarde toutes les notes de service affichées en détention. Si tout ça est respecté, je ne fais pas d’histoire. Mais c’est rarement le cas. »

A chaque manquement à ses droits ou provocation, que Christine soit elle-même concernée ou que l’une de ses codétenues soit visée, elle réagit avec la même ardeur et, en retour, essuie les sanctions. Christine a ainsi passé la moitié de ces deux dernières années en quartier disciplinaire ou à l’isolement, et subi dix transferts d’établissement. Certaines confrontations dérapent. Insultes, affrontements physiques… À plusieurs reprises, des surveillants ont porté plainte, ajoutant de nouvelles condamnations à sa peine. En deux ans d’emprisonnement, Christine a ainsi accumulé plus d’une année d’incarcération supplémentaire.

La Justice va-t-elle, une fois de plus, écraser la résistance des prisonniers face à l’arbitraire de l’AP et accorder à l’institution carcérale une nouvelle fois l’impunité ?

Qui est Christine ? (cf. article de L.Bjurström http://www.politis.fr/Christine-un-engrenage-carceral,28711.html)

Christine est bergère. Elle aime la montagne et son troupeau, pouvoir se déplacer en toute liberté, voir qui elle veut quand elle le veut. Quand son compagnon est incarcéré, condamné pour une longue peine, elle découvre les contraintes du parloir, la sévérité de l’administration pénitentiaire. En décembre 2004, une altercation avec des surveillants du centre de détention de Valence, pour un parloir promis puis refusé, l’expédie en garde à vue pour la toute première fois. En comparution immédiate, elle écope de quatre mois de prison avec sursis pour violence sur personne dépositaire de l’autorité publique et outrage. Chaque année qui suit ajoute une nouvelle peine à son dossier. Aux incidents de parloir s’ajoutent ceux des manifestations contre le système carcéral, la loi Loppsi 2 ou le puçage des moutons, et des gardes à vue qui s’enchaînent. Le 8 novembre 2012, partie voir son compagnon au parloir, elle passe un portail de sécurité. Celui-ci ne sonne pas, mais les surveillants lui demandent d’enlever sa veste. L’ordre résonne comme une manifestation supplémentaire de l’arbitraire de l’institution. Parce que « les familles n’ont pas à se déshabiller sans raison », Christine refuse. Sa résistance l’expédie en garde à vue, puis deux mois en prison pour outrage et rébellion. Les deux mois d’incarcération sont devenus années. Un à un, les sursis et peines accumulés depuis 2004 sont tombés. Et, en deux ans d’emprisonnement, les multiples altercations avec les surveillants ont déjà allongé sa peine d’un an. Du mitard au quartier d’isolement, de commissions disciplinaires en procès, Christine s’accroche et ne faiblit pas.

Pour plus d’infos sur la situation de Christine : https://enfinpisserdanslherbe.noblogs.org/

 

Tract 28 avril 2015 – POITIERS

Strasbourg ( janvier / mai 2015 )

Mercredi 6 mai

[…]

Tout d’abord, d’accord avec toi : merci aux camarades poitevins pour leur boulot d’info. J’ai envoyé l’article de la Nouvelle République à M., je suis contente que la plate-forme soit sortie. […] Bref, il y a eu du monde.

Bien sur, ça n’excuse pas la paranoïa des gendarmes et le refus d’extraction ! Tu t’en doutes, j’en étais particulièrement frustrée. J’étais même en colère parce que les deux extractions précédentes (mercredi 22 à l’hôpital, jeudi 23 à Arras) avaient déjà été bien riches en délire sécuritaire. J’ai rêvé un moment qu’au moins on aurait un parloir toute les deux le jeudi, mais je comprend que ça n’est pas été possible pour toi.

Suite à ça, j’ai vu un officier qui m’a dit qu’une demande de transfert était en cours et que je devrais dégager « prochainement ». J’ai hâte, j’en ai marre. Durant les 30 derniers jours de mitard, j’ai chopé une douzaine de CRI (insultes, blocage de promenade, déclenchement de l’alarme incendie…), j’ai pris des gnons, ils m’ont faite tricarde (pas d’eau, pas de matelas, pas de couvertures pendant 36h par exemple). Bref, ils ont tout ce qu’il faut pour me recoller 30 jours pour « violences », même s’ils n’ont pas d’ITT. Si le prétoire a lieu assez rapidement, le transfert aura lieu alors que je serai au mitard et je risque de commencer dans la nouvelle taule par 3 semaines de QD, le départ pourri par excellence (cf. Joux-la-ville).

Mais il y a pire. Hier, ils sont allés encore plus loin dans la perversité. Ils sont arrivés à monter des filles contre moi (des que j’avais dépanné en tabac en plus!). Hier, une est venue au contact physique, elle m’a envoyé deux coups de poing. Je n’ai pas réagi, les matons n’attendaient que ça pour me foutre au mitard. Ils ont tout vu, ne sont pas intervenus. Ils nous ont mises en promenade ensemble. Ils attendaient que je fasse un faux pas. J’ai donné RDV à F. dans l’angle mort, elle n’est pas venue. Elle n’a pas été appelée au bureau. Quand j’ai tapé dans une porte, j’ai pris 30 jours ; là ils autorisent une fille à taper sur une autre : logique de salauds ! Ils avaient déjà joué à ça à la Talau et à Rennes pour activer le transfert qu’ils voulaient encore plus que moi. Vivement que ça arrive !

Bon, tout ça pour dire que je risque d’utiliser plus ton bouquin que ton numéro de téléphone dans les jours qui viennent… Mais, je tiens bon, je sais toujours où j’en suis et qui sont mes ennemis, ils ne m’auront pas.

Par exemple, lundi, j’ai eu RDV avec le kiné suite à l’ordonnance du toubib qui a refusé de m’examiner à l’hôpital alors que j’étais entourée de robocops. J’ai pu lui parler très calmement et il m’a entendue. D’ici quelques jours, je devrais avoir un nouveau RDV avec un toubib compétent.

Lundi 4 mai

J’ai bien reçu ta lettre, avec le journal chilien. Ils font gaffe avec moi et je n’ai jamais été censurée, ni en envoi, ni en réception ; ça me fait très bizarre que mon histoire soit relayée jusqu’en Amérique du Sud. Je n’ai vraiment pas l’impression de faire des trucs exceptionnels, j’essaye (et réussi) à rester vivante, c’est tout. Est-ce donc si bizarre ?

Je n’ai toujours pas eu de retour du blog à part le tract d’appel pour venir à Poitiers le 28 dont j’ai discuté avec K.

Tu as du savoir que cette extraction a été annulée au dernier moment, sans aucune explication alors que je tournais en rond dans la cellule depuis 2 h minimum. Après, j’ai pu joindre l’avocat. Il m’a dit que c’était reporté au 6 octobre à 14h ; ça me fait chier car on attendait cette sentence pour poser une nouvelle condi et, là, ça reporte à assez loin pour annuler l’espoir de passer Noël avec mes parents. En plus, je comptais apercevoir des potes dans la salle d’audience et pouvoir causer le soir (et pourquoi pas en promenade) avec mes camarades de Vivonne. Bref je suis frustrée.

En plus, il y a eu 2 extractions auparavant : mercredi à l’hôpital pour un contrôle de mon genou et jeudi pour voir un juge à Arras suite à une plainte déposée il y a 2 ans contre des matons à Bapaume. Les 2 fois, ils ont complètement déliré sur le côté sécuritaire, humiliant, sadique, paranoïaque. Ils m’ont collé une escorte digne de Ferrara ou Saïd Redoine, étaient sur les dents, se la jouaient. C’était assez épuisant de faire face à ces mabouls…Bref, je crois que si la « virée » du 28 a été annulée c’est à cause de la paranoïa de la gendarmerie qui croyait une évasion possible puisque je savais depuis des jours l’heure et le trajet de cette sortie des murs et qu’ils sont convaincus que « mon comité de soutien » est capable d’organiser une évasion (si au moins c’était vrai !).

J’attends un transfert. Je pensais qu’il aurait lieu à la fin des 30 jours de mitard, qui ont été plutôt chauds. Mais non, ils ont préféré me faire chier (et faire chier mes parents) plutôt que s’assurer leur propre confort ! Sauf que là il y a surpopulation au quartier femme. Il y a 20 cellules, dont 1 mitard, 1 cellule pour suicidaire en cas d’urgence et 1 amenagée pour recevoir une femme et son bébé. Donc 18 places. Et on est 36 en ce moment. Ils ont mis quelqu’un avec la mineure et L. n’a que 16 ans. Moi, ils me laissent seule : ça a du bon d’être une emmerdeuse ! Mais du coup, il y a une cellule où elles sont 3, dont une tire le matelas de dessous le lit pour la nuit. Je trouve ça inacceptable mais ça n’a l’air de choquer que moi : les autres filles attendent les transferts ou les libérations passivement puisque « on ne peut rien faire » ; ça me fait honte ! Bon ceci dit, ça hâtera peut être mon transfert disciplinaire…Je l’espère car je m’ennuie ici.

Samedi 21 mars 2015, MAF de Strasbourg

« … »

Je t’avais raconté l’engueulade avec le chef le 17 février. Ça a fait ressortir 2 autres CRI rédigé par la même surveillante, et que lui avait tenté d’enterrer car la provocation était évidente. Mais le 3 au matin cette même matonne en a remis une couche dès la levée du courrier à 7h30. Il y a eu bousculade, même si je ne l’ai pas cognée. Comme j’en avais marre d’attendre le prétoire qui n’était toujours pas programmé (je voulais voir la dirlo à propos notamment de ma demande de transfert, du téléphone avec « mon ami à st. Martin » et l’accès aux cours mixte qui étaient bloqués), j’ai accepté très tranquillement d’aller au Q.D.: ça fait longtemps que cela ne me fait plus peur…
J’ai été sidérée qu’elle me mette 30 jours (10 avec sursis) pour  ce dernier CRI, les autres ayant abouti à des peines minimes et confusionnées. Les images de la caméra du couloir prouvaient que le CRI était mensonger. En plus, le mardi 16, j’ai eu parloir avec un OPJ (pas une GAV avec « sortie ») car la chercheuse de merde a déposé plainte pour « violence ». Je me disais donc que le seul but était qu’ils aient le temps , à la D.I., de me trouver une place ailleurs…Même pas !
Bien qu’ici (et c’est la seule taule ou j’ai vu ça), il n’y ai qu’une promenade par jour, j’ai bien tenu le choc. Il faut dire qu’il n’y a pas de Q.D. Spécifique et que j’entends mes voisines. Certaines me saluaient ouvertement quand j’étais dans la cours de 8h30 à 9h30. J’avais aussi beaucoup de lecture.

Eh oui, j’ai fini par céder à ces palpations qui me révulsent : je n’aurais pas pu tenir 20 jours dans ces 7m2. C’est humiliant mais il y allait de ma santé. En plus, le printemps est arrivé en Alsace. Le bricard leur a passé des consignes et les matonnes ne font pas de zèle. Ça démontre le seul but de ces palpations : l’affichage de la soumission. L’excuse sécuritaire est bidon au possible.

Le bricard m’a dit qu’ils étaient d’accord pour le téléphone avec « mon ami à st. Martin » mais que c’était à moi de téléphoner car il n’y a pas ici l’équipement d’une ligne fixe sur laquelle il pourrait appeler. Or il n’y en a pas non plus à st. Martin de Ré (c’est pourquoi c’est lui qui appelait à Renne et Vivonne) !
Ils ont bonne conscience : Ils ne refusent pas. Et nous, on l’a dans le cul ! Et bien sur, en deux mois ils n’ont pas eu le temps d’installer une ligne, dans un des box du parloir avocat par exemple, qui la rendrait accessible aux mecs comme aux nanas (je ne suis pas la seule à avoir un proche enfermé!) !

Enfin, ils ont gagné sur le tripotage (fut-il symbolique), c’était peut-être là leur  seul but. Mais c’est un mauvais calcul car maintenant je vais rencontrer mes voisines 2h chaque jours dans la cour (et avec cette météo elles y sont nombreuse), L’incitation à l’émeute va être plus facile ! 🙂

« … »

Christine

18 mars à 5h du mat’ (en attendant un parloir avec les parents) :

[…] Hier matin [17 mars], j’étais appelée au parloir avocat pour voir un OPJ. La matonne qui m’a repoussée le 3 après avoir refusé de prendre mon courrier a déposé plainte pour « violences sur agent ». Je suis dégoûtée ! L’audition s’est bien passée mais maintenant il faut attendre 3 mois pour savoir si le proc’ va classer sans suite ou s’il y aura un procès à Strasbourg d’ici 6 mois.

Sinon, la vie au QD [Quartier Disciplinaire] suit son cours. Je ne suis pas revenue sur ma compromission sur les palpations et ça me permet d’aller dans la cour tous les jours de 8h30 à 9h30. Je suis arrivée à trouver quelques bonnes émissions à la radio et j’avais pas mal de bouquins en stock. J’ai la visite de l’aumônier bouddhiste le lundi et celle de la catho le mercredi, ça fait des « marqueurs de temps ».

Vendredi, j’ai vu les délégués de la CGLPL [Contrôleur général des lieux de privation de liberté] durant près de trois quarts d’heure en cellule (ils ont fini par s’asseoir par terre). Je leur ai parlé des fouilles systématiques mais aussi du fait qu’il n’y a ici qu’une promenade par jour au QD alors que dans toute la France, conformément aux directives anti-suicide, on en a une le matin et une l’après-midi. […] Je leur ai dit aussi qu’un médecin refusait de faire ouvrir la grille lors des visites hebdomadaires obligatoires au QD. Ils auront l’info… […]

Il est maintenant 16h, la soirée commence. Exceptionnellement, comme je n’ai pas pu aller dans la cour de 8h30 à 9h30, pour cause de parloir, j’ai été en promenade de 14h à 15h. […]

A midi, je n’ai pas eu de courrier. Depuis plusieurs jours, il traîne car la direction s’est mise à le lire avant de me le filer. J’étais étonnée qu’ils ne le fassent pas avant car c’est une pratique régulière avec moi dans toutes les taules […]

Par contre, j’ai enfin eu la réponse de la direction que j’avais réclamée lors du prétoire du 5. Le téléphone inter-prison n’est toujours pas mis en place : ils seraient d’accord mais il y a un « problème technique »…qu’ils n’ont pas réglé durant ces 20 jours de pause forcée. Le transfert n’est pas non plus au programme, dimanche [22 mars] je retourne dans la cellule en face du « kiosque » [bureau vitré des matonnes]. Je n’aurais toujours pas accès aux cours mixtes à cause de mon « comportement agressif ». Bref, je ne comprend pas ! [qu’il n’y ai pas de transfert prévu] Pourquoi attendre que le conflit dégénère pour cause de mépris récurrent ? Certes, ils ont obtenu que je m’humilie en acceptant leurs tripotages avant chaque promenade. Maintenant que c’est fait, je ne vais pas revenir dessus et j’irai en promenade dimanche après-midi. Mais ils croient que le problème est résolu ? Non, sérieux ? Putain de merde !

Le chef du QF [Quartier Femmes] m’a demandé : « Vous avez bien dit à l’OPJ [Officier de Police Judiciaire] de visionner les images de la vidéo du couloir du 3 ? » Bien sur ! Et ta honte d’appartenir à un troupeau de menteurs ne changera rien à la confiance que le proc’ aura en la parole d’un « agent dépositaire de la force publique » plutôt qu’en celle d’une taularde…
Bon, voilà où j’en suis. Et c’est pas très glorieux… Certes, dimanche je pourrai voir les filles à la messe puis à la promenade, je pourrais me couper les ongles des pieds, manger du chocolat cantiné il y a trois semaines et téléphoner à ma frangine. Mais rien n’est réglé. A part m’améliorer aux mots croisés, à quoi ont servi ces 20 jours de cachot ? Enfin, bon, plus que 3 jours à y glander…

Je ne sais pas comment finir cette lettre sur une note gaie et intelligente. Je t’embrasse. Passe le bonjour aux potes. Merci. A plus.
Christine

Le dimanche 15 mars

Salut
Je t´écris depuis le mitard où je suis depuis 13 jours, depuis le 3 mars au matin.
Donc tu as compris que l’engueulade avec le chef du quartier femme lors de son intervention a changé la donne de notre pseudo « kolaboration ».
Il a été vexé que je l’insulte devant les filles alors qu’il veillait depuis plus d’un mois à ce que je n’aille pas au nmitard. [il a menacé] de bloquer les parloirs téléphoniques (…).

Mais bon. La direction a redréssé la barre et a demandé à ce qu’il fasse un CRI et mette en place le téléphone inter prison. Sauf qu’il y a des « contingences matérielles indépendantes de sa volonté »  qui font que je ne peux toujours pas joindre J. Et ce CRI en a réveillé deux autres, faits par une matonne, que cette politique d’apaisement  révoltait et qui voulait m’apprendre que « c’est pas [moi] qui fait la loi ici ». Il y a eu des incidents minimes les 9 et 14 février et le chef les avait plus ou moins enterrés…

Bref, le 3 au matin, j’attendais toujours le prétoire pour ces 3 CRI (insultes et tapage) et j’étais plutot contente de voir la dirlo car elle ne répondait pas à mes courriers, notamment à propos de ma demande de transfert vers un CD.
C’était la même matonne chercheuse de merde qui a ouvert à 8h pour prendre le courrier. Il était dans la boite contre la porte, elle n’avait qu’à tendre le bras. Mais elle a voulu que je me lève. J’étais au lit, donc à poil et j’ai obtempéré. Là elle a refusé de me prendre les lettres que je lui tendais dans le couloir et tenté de me repousser dans la cellule et de fermer la porte. J’ai résisté, sans jamais la cogner, sans l’agripper ou la bousculer, sans même lâcher mes lettres.
Le renfort est arrivé et je suis rentrée en cellule une fois qu’ils ont accepté de prendre le courrier. 5 minutes après, alors que je m’étais habillée et que je fumais tranquille à la fenêtre, la chef de détention elle même est venue me dire que j’allais au mitard. J’ai accepté sans aucun problème : au moins j’étais sûre de voir la dirlo dans les 2 jours. Peu après, elle est revenue assez piteuse au mitard me dire qu’elle avait vu les images de la caméra du couloir, qu’effectivement j’avais accepté de me lever, mais qu’elle maintenait la mise en prévention au QD pour que ca soit vite étudié.

Le prétoire a été très long : 1/2h avec l’avocat commis d’office, 1h d’audition à propos des 4 CRI et des contentieux avec la direction (notamment les palpations sytématiques qui faisaient que je n’allais pas en promenade depuis plus d’un mois) et 1h de délibéré ( du jamais vu dans ma grande expérience des CDD).

J’ai pris 5 jours fernes pour l’insulte le 17, 5 jours de sursis et un avertissement pour les deux premières provos de la matonne et 30 jours ( 20 fermes + 10 de sursis) pour l' »agression » de la surveillante 2 jours plus tôt !
C’était dégueulasse, super malhonnête. Ca veut dire que je vais sûrement prendre 40 jours de retrait de CRP, que je n’ai pu voir K. que le 4 et mes parents que le 18 alors qu’ils viennent pour 2 jours ( 2 fois 2 heures) de parloir. Mais je me disais que ca enclencherait peut être le transfert que j’attends depuis 2 mois.

Le pire, c’est quand j’ai appris jeudi que mardi 17 à 9h45 j’étais convoquée au parloir pour voir un OPJ suite à une plainte pour « violence sur agents ». Le mitard ca leur suffit pas, ils veulent aussi un procès en correctionnel. Il n’y a rien dans le dossier,c’est un putain de montage sur la parole d’une menteuse ! ALors bon j’attends. On verra mardi, et puis apres, peut être que ca sera classé sans suite, c’est déjà arrivé…

Bon a part ca, ca ne va pas trop mal au mitard. J’ai des bouquins, du tabac, du courrier et le transistor. J’ai cédé sur les palpations, (après une ulitme provo de ma part) pour pouvoir aller dans la cour tous les jours de 8h30 à 9h30 : je n’aurais pas tenu 20 jours sans sortir de ces 7m2 et le printemps arrive.

J’ai la visite des aumoniers boudhistes et cathos les lundis et mercredis. Tout est bon à prendre, même le « parloir » de mardi prochain ! Certaines voisines me saluent quand je suis dans la cour et elles à leur fenêtre
Vendredi, j’ai eu un entretien de 3/4 h avec les délégués de la CGLPL en visite d’inspection a la MA de Strasbourg. Je leur ai fait un topo super précis, mais je ne les crois pas capables de bouger l’AP juste à coups de « recommandations ».
C’était une visite plus longue que celle des aumoniers, c’est toujours ca !
Je leur ai écris de Réau, Vivonne, Fleury, et ici…en vain.
(…)
Dimanche 1er Mars 2015, MAF de Strasbourg

« … »

Ça m’aide cette météo pourrie d’Alsace, à supporter l’absence de promenade depuis un mois. J’espérai que cette formation horticulture allait me permettre d’aller un peu dans la cours, me salir les mains dans la terre, mais ça n’a pas duré longtemps : je me suis faite virée au bout de deux jours.

Le premier jours, le formateur nous a fait lire un polycopié sur « l’éco-citoyennisme ». Non seulement il n’avait pas préparé son cours, ne sachant pas expliquer le vocabulaire de la brochure, mais j’ai eu beaucoup de mal, idéologiquement avec ce concept « consommez et triez vos déchets et vous serez des gens biens ». Ça à lancé un débat entre nous, sur lequel le prof n’a pas su rebondir et qu’il n’a même pas su gérer. Moi j’ai été sidéré par le discours de mes voisines : « si il n’y avait pas de lois, ça serait l’anarchie. Tout le monde ferait n’importe quoi, y aurait pas de respect », « si t’es en prison c’est que tu as fait des conneries. Maintenant tu dois payer », « les surveillantes sont gentilles, elles ne font que leur travail. Il ne faut pas mal leur parler », « qu’est-ce qu’on en a à foutre des palpations ? Ça dure que 5 seconde. En plus c’est pour notre sécurité ! » …
Crois moi, je n’invente rien, tout ça a été dit par des taulardes !

Le lendemain, le prof nous a collé un test de français à faire en 3 heures. Je n’ai eu besoin que d’1/2 heure, alors j’ai décidé d’aider ma voisine qui galère en lecture. Mais notre conversation gênait celles qui voulaient bosser en silence. J’ai donc déplacé notre table à l’autre bout de la pièce. Or à ce moment là, le chef QF était en train de discuter avec le formateur (et j’ai beau ne pas être parano, je ne doute pas que le débat de la veille et mon rôle étaient abordés). Le lundi, le prof nous avait bien dit que l’important c’était l’entraide et le respect dans le groupe, mais quand le chef a gueulé « Ribailly, vous remettez tout de suite cette table à sa place ! » ce lâche n’a rien dit. Alors je me suis tournée vers lui et j’ai dit « Si Raymond a quelque chose à me dire, il peut le faire tout seul. Si il suit les ordres d’un connard, c’est que tu es un lâche ! ». Bien sur, ça a jeté un froid dans la salle et il m’a dit tout penaud « Remettez vous à la table en U » et le chef est parti en disant « on se reverra bientôt ».

Le mercredi, à 13h30, j’étais convoquée au bureau où il y avait ce bricard et la chef chargée de la formation.
Ils m’ont dit que j’étais exclue de la formation pour « incitation à l’émeute ». Le responsable QF était furax : je peux bien le comprendre puisque je l’ai insulté devant les autres filles mais il ne tenait pas son calme comme d’habitude. Il m’a dit qu’il avait rédigé un CRP pour la direction et qu’en répression de l’insulte il ne demanderait pas un prétoire mais le refus de téléphone inter-prison avec « mon ami à St.Martin ». Lui qui me disait être droit et pas rancunier… le « partenariat » avait méchamment pris du plomb dans l’aile ! Ça a gueulé sévère dans le bureau et j’ai mis du temps à me calmer à la sophro. Peut après j’avais parloir avec un pote Et ça c’était sympa.

Le vendredi, le bricard est venu en cellule me dire qu’il avait discuté avec la directrice. Elle lui a dit de mettre en place le parloir téléphonique car « mon ami à St.Martin » n’était pas responsable de mon comportement. Elle lui a demandé de faire un CRI pour l’insulte. Je trouvais ça réglo. J’étais aussi contente de pouvoir la voir pour la brancher sur le refus de cours à mon niveau et la demande de transfert vers un CD qui traîne.

Mardi 24, j’ai eu l’enquête pour ce CRI pour insulte. Ils m’ont joint aussi 2 autres sur des petites engueulades avec des matonnes le 6 et 14 février où il n’y a pas eu d’affrontement physique. J’ai fait mes dépositions à l’écrit et ai demandé l’assistance de David (l’avocat de Christine). C’est sur que je vais être déclassée puisque c’est déjà fait. Au pire, je risque 14 jours de mitards pour « tapage » et « insulte ». Mais la tension a nettement baissée et je ne crois pas qu’ils aient envie de me foutre au QD vu comment ils ont merdé début janvier. Pour l’instant je n’ai toujours pas eu la date du prétoire, je pense que ça sera dans la semaine qui vient…

Le lundi 16, après la journée de formation, j’ai été appelée au greffe. C’était une convocation pour le 29 juin au tribunal d’Evry. Je t’avais dit que j’avais fait une GAV à Fleury pour plusieures plaintes de « violences sur agent » et que le proc’ avait demandé un complément d’info. Après 4 mois sans nouvelles j’espérais que ça avait été classé sans suite…Ben non, ça a juste été requalifié en « rébellion » pour 3 plaintes sur 4. Boh ! Ça fera une sortie…

Je vais essayé de joindre David au téléphone demain pour qu’on fasse le point : le prétoire, les procès à venir, l’appel pour la condi (le 16 mars) et les démarches contre les fouilles systématiques par palpation ici.
Je sais bien que je n’ai rien a espérer pour la condi dans ces conditions.

« … »

Christine

25 février

(…)Ici ca continue sans heurts particuliers, mais avec un ennui réél. Comme je refuse les palpations, voici un  mois que je ne suis pas allée en promenade. Je vois quand meme quelques voisines a l’aumonerie ou au sport ou en sophrologie. Mais je ne retrouve pas l’ambiance solidaire, combative, et festive de Vivonne.
Ils m’ont inscrite a une formation « horticulture » qui doit durer 3 mois.
J’espérais que ca me permettrait enfin de sortir a l’air de la cour. Mais j’ai été virée au bout de 2 jours pour « incitation à la rebellion »… Je passe au prétoire la semaine prochaine pour ca.

Je ne risque que le déclassement, déjà effectif, car ils ne veulent pas me gérer à coup de QD. Le chef s’est mis en tête le défi de m’apprendre l’obéissance sans violence,de prouver à ses collègues qu’il y est arrivé, lui.
Donc pour ca il ne faut pas que j’aille au mitard d’où les transferts disciplinaires sont plus rapides à obtenir.
Je voudrais partir d’ici, etre en CD où je pourrais voir mes parents en UVF, mais ca traine…
J’ai bien sûr fait les courriers à l’OIP, à mon avocat, au Défenseur des droits et au Controleur général à propos des fouilles systématiques par palpation, mais là ca traine.
Le 28 avril au plus tard j’aurai quelques secondes à l’air lors de l’extraction pour le procès à Poitiers. Je viens d’apprendre qu’il y en aura un aussi le 29 juin à Evry pour des engueulades avec les matons de Fleury, presque 1 an après…
Et il y a toujours le risque d’un autre à Lille, pour des faits vieux de plus de 18 mois à la MAF de Séquedin.
Quand ils tiennent un pigeon pour faire tourner les taules pourries, ils ne le lachent pas si vite hein ! (…)
Dimanche 22 février

Salut !
(Au sujet du numéro 40 de L’Envolée:) Je suis d’accord avec les extraits de lettres qui ont été choisis pour accompagner notre plate forme de la MAF de Vivonne. Mais je suis triste qu’il y en ait autant demoi, à croire qu’on avait raison avec (les copines) quand on ironisait sur « les trois pékins de l’envolée »… Par contre j’ai lu avec grand plaisir le compte-rendu de Marina de leur procès. En trois mois à Fleury, je ne l’avais rencontrée que quatre fois au sport, durant mes pauses entre les peines de QD, et je sais que c’est une nana pêchue. D’habitude dans le journal on lit surtout « je suis encore au QI » ou « Ils sont venus à 10 me cogner dessus ». De pouvoir lire que des camarades ont transformé le grand cirque judiciaire en une occasion de vie sociale, avec en plus de l’humour sur la phallocratie des enfermeurs, ça change dans le bon sens !

Je continue à croire qu’il est possible que des plateformes sortent des différentes taules, des différents quartiers, des différents étages. Pour ça, cependant, il faut deux conditions. D’abord l’amitié, ou de la confiance, entre les rédacteurs/trices, ce que les chercheurs en sociologie appellent du « lien social ». Par définition une plateforme collective ne peut sortir d’un lieu d’isolement (QI, QD, UHSI…). Mais nous avons prouvé que c’était possible en MA ou en « portes fermées », ça laisse, de fait, les plus rebelles sans guère de possibilité : l’AP connaît son taff… Donc il faut que le journal remotive des gens qui écrivent peu (souvent, et c’est tant mieux, parce qu’ils arrivent à s’occuper un peu avec les activités proposées). (…) Pour ça un appel officiel comme la lettre de novembre ne marchera pas. Là aussi, comme tu l’as fait avec moi, il faut une relance plus amicale, plus personnelle.

J’ai aussi appris que des potes à moi avaient décidé de créer un blog pour éditer les lettres à propose de la taule sur un site plus pérenne que rebellyon
(ndlr : https://enfinpisserdanslherbe.noblogs.org/).
Au début ça m’a choqué : je ne suis pas une rock star ! Mais j’ai compris les explications et je vous fais confiance.

L’internement a été une dure épreuve, tant pour moi, pour mes parents, que pour vous. Je ne pense pas que ça se reproduira, du mois à Strasbourg. Depuis le 27 janvier, je n’ai pas été appelée une seule fois au SMPR. Ça ne me gêne pas car je sais que je n’en tirerai rien de bon. Si je suis encore là (ce qui me semble malheureusement possible car il ne semblent pas décidés à organiser un transfert rapide, c’est-à-dire disciplinaire) quand ils étudieront les RPS, je demanderai just eune attestation de refus de suivi.

Pour moi, ici et pour le moment c’est une espèce de statu quo. Le chef du QF a décidé qu’il ne cèderait pas sur les palpations systématiques, avant la promenade. Voici donc près d’un mois que je ne suis pas allée dans la cour. Comme à Fleury, il n’y a pas de QI et il ne veut pas jouer la carte QD (à mon avis à cause de leur gestion dégueulasse les 10, 11 et 12 janvier dont il y a de quoi avoir honte). Donc il me laisse aller à pas mal d’activités. Celles qui ont lieu au QF (aumônerie, sophrologie et médiation animale), ça ne pose pas de problème. Mais celles qui ont lieu dans le bâtiment socio, aussi utilisé par les gars, c’est plus compliqué car ils étaient habitués aux palpations systématiques. Il est arrivé à organiser un changement d’habitudes pour la gymnase et la biblio et du coup, on passe toutes juste sous le portique. Mais je me suis vue refuser les cours niveau DAEU, mixtes. Il m’avait même inscrite à une formation horticulture prévue pour trois mois.
Contrairement au dernier stage, et bien que la salle de cour soit au QF, on ne se faisait plus pelotter, on passait juste sous le portique. C’était une victoire dont les autres filles n’ont pas pris la mesure. Je l’ai relevée durant les cours et j’ai été accusée d’ « incitation à la rébellion ». Si au moins ça avait pu être vrai … ! J’ai été virée de la formation au bout de deux jours et je dois avoir un prétoire prochainement qui ne fera que valider cette expulsion. Je ne suis pas arrivée à faire évoluer mes condisciples, qui me disaient : « Pourquoi tu parles mal aux surveillantes ? Elles sont gentilles. Elles ne font que leur boulot en nous palpant, c’est pour notre sécurité. Si ça ne te plaît pas d’être en prison, tu n’avais qu’à ne pas faire de conneries. Maintenant tu dois payer, c’est normal. S’il n’y avait pas de lois, ça serait celle de la jungle, tout le monde ferait n’importe quoi. Quand tu sortiras (si tu te calmes), tu auras payé ta dette ». Dur à entendre de la part de gens sans uniformes ! Donc, pour l’instant, j’ai quelques activités les lundis, mardis, mercredis et jeudis.
Le vendredi il n’y a que la douche du matin pour sortir de cellule. Le WE, rien (mais, parfois, pour tromper le temps, je vais à la messe, rigole pas!) Bref, je suis entre 22 et 24h par jour en cellule.

Christine.

PS : Je viens de relire mes textes dans l’envolée. Depuis Fleury je disais « Je fais gaffe à ne pas risquer du pénal ». Et ben c’est raté ! J’ai été en GAV le 25 septembre, 4 jours avant mon transfert sur Vivonne. Plusieurs matons avaient déposé plainte pour « violences ». Le proc’ n’avait pas demandé une comparution immédiate, contrairement à l’habitude. Il avait demandé un complément d’information. Depuis plus de quatre mois sans nouvelles, j’avais espéré que c’était classé sans suite. Mais je viens de signer une convocation pour le tribunal d’Evry le 29 juin pour trois « rébellions » et une « violence ».

Encore un truc : le côté « local » de la plateforme permet à des gens non-politisés de parler de leur quotidien et des idées qu’ils ont pour l’améliorer. Ça permet de mettre dans le mouvement des gens qui nous traiteraient d’utopistes si on ne réclamait « que » l’abolition de la prison. C’est sur ces idées, ces râleries entendues en promenade, qu’on peut bâtir une plate-forme qui reflète les idées de la « base », ce concept politique de gauche syndicaliste.
Le 28/01

Salut !

J’ai bien recu ta lettre à l’UHSA et ca m’a fait plaisir de savoir que l’info circulait bien, que du monde dehors était efficace.
L’ambiance à l’UHSA etait très différente de ce que j’avais connu il y a 4 ans au Vinatier.

Je n’ai pas été à l’isolement ( je venais d’en bouffer 5 jours horribles ) et ils ont arrété le traitement. Donc j’ai pu  m’expliquer et ils ont très vite compris que je n’étais pas malade. J’ai pu faire quelques activités avec les autres « patients » et j’ai profité de la mixité dont je suis privée depuis 27 mois.. c’est le psychiatre qui me suivait qui a levé l’HO, le JLD n’a servi a rien.
Bref ca n’a duré qu’une semaine et je suis revenue à la MA de Strasbourg lundi, avant hier, vers 16 heures.

Le problème c’est qu ils continuent avec les palpations  systématiques,comme a Fleury… L’ambiance ressemble plutot à la Talau: un petit QF de 30 nanas dans une vieille taule en centre ville. Mais ils veulent pas démordre de leurs saloperies de tripotage avant chaque promenade. Et ca moi, je ne peux pas accepter. D’habitude, dans ce cas, je bloque le mitard pour accélerer le transfert. Mais la on dirait qu’ils ne veulent pas. Le bricard veut beaucoup me parler et m’a lu une note interne qui sous couvert de vigipirate autorise ( et impose) ces fouilles illégales. Bien sur, je vais essayer de l’attaquer mais je sais que ce sera aussi long qu’inefficace. Donc pour l’instant, (depuis 2 jours), ils me repoussent sans trop de violence en cellule à 4 à chaque fois que je veux aller en promenade sans qu’ils me touchent. Je ne sais pas ce qu’il va en etre pour le sport et l’école mais si je suis privée de tout ca va etre dur !
En fait, comme à chaque fois, je ne comprends pas pourquoi les autres filles acceptent. Elles trouvent ca normal, ca ne les choque pas. Et ce n’est pas dans ce petit QF de MA que je trouverai des basques ou autres capables d’entendre un discours politique…
Mes potes de Vivonne me manquent. (…)

Gardez la niaque !

Maison d’arrêt de Poitiers Vivonne ( nov 2014/janv 2015)

L’introduction et les courriers marqués d’un * sont repris sur l’Envolée.

Christine et deux autres prisonnières se sont emparées de la proposition de plate-forme. Les extraits de courriers qui suivent témoignent des échanges, des doutes, des questions que suscite l’élaboration d’une parole collective. Elles ont finalement opté pour une liste de revendications en deux parties : revendications locales et revendications communes à toutes les détentions, que nous publions à la suite.

Maison d’arrêt des femmes du centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne

Le 2 novembre 2014

Salut, […] Après pas mal de débats avec les deux copines d’ici, on est tombées d’accord sur l’utilité de coordonner les revendications locales dans les taules (voire dans les bâtiments) et de les porter dehors. Mais, je l’avoue, les premières phrases ont plutôt été : « Quelles revendications ? Les prisonnières sont adaptées et moutonnières ! On n’a aucune revendication commune. En prison, il n’y en a qu’un sur cent qui se bat. Et dehors, c’est pareil : l’Envolée, c’est quoi ? Trois pékins ? » Mais, portées par l’enthousiasme, on s’est dit que si l’Envolée pouvait faire passer dans toutes les taules les infos d’une lutte dans une, ça pourrait soutenir le moral des gens qui râlent ailleurs, sans savoir qu’il y a ce combat ailleurs.
Les Basques m’ont parlé aussi d’une bagarre qu’elles ont menée pour obtenir (comme les autres enfermées à Vivonne) les parloirs le samedi matin : dès que leurs familles ont diffusé des tracts au marché et devant la prison, ça a été accepté. Cette expérience prouve que si on arrive à sortir une liste de revendications dans le journal local, ça sera efficace. Du coup, j’ai écrit la liste suivante et je l’ai fait approuver par toutes les filles de la promenade. Bien sûr, ça ne veut rien dire car le jour où il faudra relever les manches pour obtenir des choses, on ne sera que trois à risquer le mitard (et dans le cas des Basques, ça nécessitera une coordination dans leur organisation). Mais bon, on aura la légitimité de dire au prétoire que si le mode d’action nous est personnel, la plate-forme était collectivement réfléchie…
PS : Comme à la télé, on a vu les manifs contre les violences policières suite à la mort de Rémi Fraisse, on a voulu se solidariser (à trois) et on a mis une affiche en promenade : « Assassiné sur la ZAD – suicidé(e)s en prison. Dedans ou dehors – la répression tue » : aucun écho, ni des filles, ni de l’AP…

*Jeudi 11 décembre

Nous avons donc affiché la liste de revendications le jeudi 13 sur le tableau des notes de services. A notre surprise, la feuille manuscrite y est restée quatre jours ! Mais nous n’avons eu aucun retour. Je l’ai donc expédiée à la direction qui n’a pas fait plus de commentaires. Alors nous avons fait une lettre, extrêmement polie, pour demander l’ouverture d’une salle aux mêmes heures que les promenades. Elle a été signée par toutes les filles de la MAF. Quand elle a été remise à la chef, j’étais déjà au mitard [NDLR : sanctionnée pour un refus de fouille à nu].
J’ai appris que le chef de bâtiment avait convoqué toutes les filles une par une dans son bureau pour leur faire peur en disant que les revendications collectives étaient interdites. Bien sûr, ils n’ont pas osé mentir ainsi aux Basques et à moi. En effet, ce qui est passible d’un CRI (compte-rendu d’incident), c’est « une action collective mettant en danger la sûreté de l’établissement », ce qui n’est pas notre cas. Au contraire, la loi de 2009 incite l’AP à consulter les détenus sur les activités qui leur sont proposées. Il en a profité pour leur dire aussi que c’était interdit de me saluer en criant (et comment peut-on faire autrement avec le béton qui nous sépare ?). Donc depuis quinze jours, seules les Basques me parlent.Bref, c’est l’attitude classique de l’AP…

*Le 11 décembre 2014

Je suis tout à fait d’accord avec le discours de Franck. Malheureusement, je suis d’accord avec son analyse sur notre impuissance !

Il veut déposer plainte contre l’AP… qu’il essaie donc et il verra, là encore, à quel mur il se heurte. Je l’ai fait à plusieurs reprises et ça traîne encore trois ans après mon dépôt de plainte. Pour eux, pas de comparution immédiate ! Peut-être que s’il a un bon avocat… je lui souhaite sincèrement ! […]
Je recopie ce que M. m’a écrit suite à sa lecture sur le texte de Franck : « J’ai parlé avec I., et bon, nous sommes d’accord toutes les deux pour dire qu’il se trompe à la base. Le problème c’est l’origine même de ce système pénitentiaire (pourquoi et dans quel but a-t-il été créé ?), et pas le trop grand nombre de bleus pourris comme il le prétend. Nous pensons également qu’il se contredit quelquefois (il pense que les prétoires sont importants mais reconnaît que la direction de la prison est impliquée, par exemple). Et bien sûr, si ce sont des actions bien organisées et qui cherchent l’union des gens, c’est bien, même, ce qu’il propose. Il faut se battre, dans l’union et l’organisation, et sur plusieurs fronts, à notre avis. Franchement, juste avec ce qu’il propose, vous n’arriverez pas très loin. Mais bon, c’est mieux que rien… pendant ce temps, nous continuerons ici… ça oui, debout et en lutte.
Bien sûr, il faut s’unir, et TOUTES les stratégies de lutte sont légitimes : la voie légale – en sachant ce qu’est leur Justice – et l’illégale.
Mais, à mon avis, il se croit trop dans un État démocratique. On peut faire améliorer les conditions de vie en prison, mais si on ne fait pas tomber le système capitaliste, ce monstre de l’AP continuera.

*Décembre 2014

LISTE DE REVENDICATIONS DES PRISONNIERES DE LA MAF DE VIVONNE

COMME AILLEURS, NOUS VOULONS :

– Des payes correctes, tant aux ateliers qu’au service général
– La suppression des QI et des régimes différenciés au CD
– Les portes ouvertes en MA et/ou le téléphone en cellule
– La mise en place systématique des aménagements de peine sans délais et des transferts en CD dès la condamnation
– La facilitation du téléphone, des parloirs et des UVF avec nos proches, enfermés ou non
– La fin des fouilles systématiques et/ou punitives
– Les repas appétissants : marre de manger du plastique !

LOCALEMENT, NOUS DEMANDONS :

– Des conditions dignes à la nursery : arrêt des réveils nocturnes, une cour avec de l’herbe, des temps de socialisation pour la maman… – L’accès à l’école pour toutes : fin des refus avec la fausse excuse de la mixité
– La télé à 8 euros par mois : alignement sur la loi, comme dans les prisons publiques (18 euros ici pour Eurest)
– La fin de l’interdiction des apports aux parloirs (livres, disques, produits d’hygiène…) : on n’est pas là pour enrichir les cantines privées
– L’ouverture d’une salle de convivialité : elle doit être systématique quand la météo est mauvaise car il n’y a pas de préau dans la cour
– Plus d’activités : actuellement, il n’y a que « bricolages en papier « et « fitness », 2h. par semaine
– L’accès au terrain de foot : seuls les hommes y ont droit
– La gratuité du courrier interne : on doit timbrer les lettres pour le quartier hommes (Ces demandes sont toutes réalisables dans l’état actuel de la législation)

*Mardi 6 janvier

[NDLR: écrit depuis le mitard après une embrouille avec des surveillants]

Salut ! Il y a quand même eu un truc très chouette. Le jeudi 25, six filles ont dit qu’elles ne rentreraient de promenade que lorsqu’elles auraient vu un chef pour lui remettre un courrier à propos des conditions de vie au quartier disciplinaire (QD). Elles ont obtenu gain de cause sans aucune violence. Elles passent au prétoire demain (mais les deux cellules du mitard sont déjà occupées : l’une d’elles est de nouveau de retour pour une pécadille et ces salauds lui appliquent le même protocole qu’à moi. Elle est donc en grève de la faim depuis deux jours). […] On n’a pas eu de retour officiel de notre affiche, qui est quand même restée quatre jours. Durant mes cinq jours de pause, on a demandé l’ouverture exceptionnelle d’une salle pour partager ensemble le premier repas de 2015, mais sans pétition.
Le 30, alors que j’étais au QD, on leur a dit que c’était accepté, mais que pour un goûter. Puis le soir, les matonnes leur ont dit que celles qui avaient un CRI (celles qui avaient exprimé leur solidarité contre la torture du QD cinq jours avant) en étaient interdites. Voilà comment marche l’AP… Je te recopie ce qu’écrivent les copines suite à la lecture de ta lettre : « Pour te répondre nous ne savons pas trop quoi dire… peut-être nous insisterons sutout sur un aspect : l’organisation. Peut- être faudrait-il faire des efforts pour trouver quelqu’un/une dans chaque prison pour faire un réseau de gens et de groupes, un réseau le plus ample possible. Après, les revendications, je ne pense pas que ça sera difficile d’en trouver en commun… et recevoir et envoyer de l’information, on est partantes, oui. »

Mardi 6 janvier

Salut

Je suis à nouveau au mitard. (…) Je suis sortie du mitard le 17 décembre. Ils voulaient me foutre au QI mais ils ont cédé aux arguments d’une bricarde moins conne que la moyenne et je suis retournée à la MAF. J’étais contente de revoir les filles mais triste parce que l’une d’entre elles venait de prendre 8 jours de QD, on avait passé ma dernière journée à causer à la fenêtre. Le dimanche 21 au soir, je voulais qu’ils lui passent du rab de la gamelle (j’avais laissé mon yaourt au chocolat car je sais qu’elle aime ça). Ils ont géré ma demande par le mensonge et le mépris.
Donc, le lendemain matin, à 7h, à l’ouverture, je suis sortie de la cellule avec ce foutu yaourt pour discuter avec la surveillante dans le couloir. Mais il y avait aussi un bricard avec qui ça s’était mal passé durant les 30 jours précédents. Il gueulait et m’a foutue au sol pour me menotter et m’envoyer au QD. Je me suis laissée faire. Au mitard, pour calmer le jeu, j’ai accepté de vider mes poches et j’ai dit que je donnerai mon survêtement qui avait un lacet en éch    ange d’un jean. Mais ce con tenait à sa crise d’autorité. J’ai négocié un quart d’heure puis il est redevenu violent. Là je suis arrivée à le mordre par deux fois au mollet. J’ai pris de la lacrymo en pleine face et ils sont sortis. J’ai attendu à poil jusqu’à 11H pour avoir enfin de quoi me laver et m’habiller.
Pour la promenade de l’après-midi, ils sont venus à quatre avec casques et boucliers et m’ont dit de me mettre face au mur pour être menottée. J’ai refusé et ça a encore cogné. Idem le mardi matin. Quand le médecin est venu pour la visite obligatoire, ils sont restés avec lui dans la cellule. Au prétoire, sans surprise, j’ai pris 30 jours. Le directeur m’a aussi promis le transfert disciplinaire (ouf!) après la GAV et la comparution immédiate qui devait suivre.
Depuis, chaque ouverture se fait avec les robocops mais ils ne tentent plus de me menotter et je reste assise sur le lit quand ils déposent la gamelle sur la table. Je prends quand même des coups régulièrement et le mépris est à son paroxysme (refus de me donner la balayette, refus de chaussures pour la promenade, froid en cellule, pas de respect du secret médical, etc…).
Là j’attends avec impatience la gardav’, ça me fera une pause dans la violence de l’AP.
J’avais eu une GAV le 8 décembre et ça s’était très bien passé. J’y ai appris qu’en plus de la plainte de la prison de Vivonne, il y en avait une, vieille de 18 mois, de celle de Séquedin. Si on ajoute à ça celle de Fleury, toujours en suspens, ça fait pas mal ! Bref, j’étais repartie avec une COPJ pour le 28 avril 2015. Là, j’attends la deuxième couche…

Bon voilà où on en est actuellement. Il y a quand même eu un truc très chouette. Le jeudi 25, six filles ont dit qu’elles ne rentreraient de promenade que lorsqu’elles auraient vu un chef pour lui remettre un courrier à propos des conditions de vie au QD. Elles ont obtenu gain de cause, sans aucune violence. Elles passent au prétoire demain (mais les deux cellules sont déjà occupées, I. est de nouveau de retour pour une pécadille et ces salauds lui appliquent le même protocole qu’à moi. Elle est donc en grève de la faim depuis deux jours).

On n’a pas eu de retour officiel de notre affiche (ndlr : une liste de revendications collectives) qui est quand même restée 4 jours. Mais l’officier a pris à part quelques filles pour leur dire de se méfier de « celles qui font de la politique » et les menacer d’un CRI si elles me répondaient de la cour. Bien sûr, ni les Basques ni moi avons eu droit à ces menaces idiotes et on a continué à se saluer tous les jours, entraînant de timides cris des autres.

Durant mes cinq jours de pause, on a demandé l’ouverture exceptionnelle d’une salle pour partager ensemble le premier repas de 2015, mais sans pétition. Le 30, alors que j’étais au QD, on leur a dit que c’était accepté mais que pour un goûter. Puis le soir, les matonnes leur ont dit que celles qui avaient un CRI (celles qui avaient exprimé leur solidarité envers la torture du QD cinq jours avant) en étaient interdites. Voilà comment marche l’AP… (…)

Je n’ai eu la réponse de la JAP que le 18 (j’attendais depuis plus de 48h, j’étais sur les dents!) : refus. Je pensais que l’appel viendrait de la proc’, pas d’elle puisque l’AP était pour. Mais entre temps, les conditions s’étaient bien dégradées au QD et il y avait cette première GAV… Bien sûr j’ai fait appel avec le baveux, mais sans aucun espoir vu l’ambiance actuelle. Je ne crois plus pouvoir sortir en 2015 de ces murs. Et merde ! (…)

Lettres de Fleury ( juillet / aout 2014)

Une lettre en date du 4 juin 2015 revient sur les violences subies par Christine à Fleury Mérogis, suite auxquelles elle passe en procès le 29 juin 2015 au tribunal d’Évry. La voilà ici :

Je suis arrivée début juillet (je ne me souviens d’aucune date par cœur et je n’ai pas mon cahier avec moi) à Fleury, en transfert-transit entre Rennes et Vivonnes (2 CD [Centre de Détention]).

Comme d’habitude, à l’arrivée, je refuse de donner mes empreintes au greffe. Je leur explique calmement « Soit vous rester calmes et on règle ça dans une semaine avec un prétoire où je ne risque pas plus de 7 jours ; soit vous me les prenez de force, on risque de se faire mal, ça va compliquer tout le reste de la détention ici et, de toutes façons, vous n’aurez rien d’utilisable ». Ils choisissent la force, ce qui donne une photo assez comique et pas d’empreintes palmaires. Je résiste mais ne me débat pas. Arrivée à la MAF [Maison d’Arrêt Femmes], en camion vu la taille de la taule, un chef vient me dire que je vais direct au mitard. Je lui dit qu’il va avoir du mal à le justifier mais que j’accepte. Je suis encore menottée, il y a des agents avec l’équipement pare-coups (casques, plastrons, etc.). Je redis que je vais y aller seule mais ils veulent me tenir. Du coup, je me débats et ils m’y portent de force. Là, je refuse la fouille et je rue comme je peux pendant qu’ils me pelotent.

Le prétoire 2 jours plus tard est annulé car, comme je l’avais prévu, il n’y a pas de justificatif de mise en prévention. Je vais au QA 3 jours puis ils le refont correctement. Je prend 7 jours de QD [Quartier Disciplinaire (« mitard »)]. Durant la GAV [Garde à vue], presque 3 mois plus tard, ils me diront que 2 surveillantes ont été blessées (2 et 3 jours d’ITT) lors de la fouille. C’est la première affaire de violences.

Quand je passe au prétoire, donc, une semaine après mon arrivée, ils veulent me fouiller « parce que c’est comme ça pour tout le monde, tout le temps ». Je leur explique la loi de 2009 qui exige des justifications individuelles et finis par accepter contre la note de service que je pourrais attaquer au TA [Tribunal Administratif]. La matonne chargée de la fouille à nu fait du zèle, retire les lacets des tennis (alors que je ne suis pas suicidaire), exige d’examiner la culotte que j’ai aux chevilles. Je jette le slip à terre et, pendant qu’elle le ramasse, met mon index valide (un a été salement amoché – 6 points de suture – dans les violences précédentes) dans mon vagin avant de lui tendre sous le nez en disant « T’es sûre que ça ne sent pas le shit là ? ». Elle hurle « Me touches pas, salope ! », fuit et crie encore derrière la porte « Je vais te casser la gueule ! ». Pour ça, je prendrais 30 jours de QD et c’est la 2ème affaire (violences sans ITT) qui sera jugée le 29 juin.

Pendant ces 30 jours, les conflits se sont multipliés : 23 CRI au total. La chef de détention n’en garde que 5 et j’ai un nouveau prétoire, 2 jours après être sortie. A nouveau « Vous allez au QD donc fouille à nu ». Je refuse car je n’ai jamais eu la note promise. Elles sont 3 matonnes à négocier presque 1h. A la fin, ils me menottent puis reviennent en masse : 4 femmes en tenue, 4 autres avec les gants plastiques, au moins 4 mecs dans le couloir. Ils me déshabillent entièrement, arrachent le slip, cassant la braguette du pantalon. Écartelée, face à terre, j’ai peur. Quand ils me lâchent, je me précipite vers la porte et y passe le bras pour empêcher la fermeture et parler au chef de la MAF.

En GAV, ils me diront que j’ai touché une surveillante au visage (5 jours d’ITT) – 3ème affaire. Moi, je dépose plainte pour violences sexuelles en réunion. Bien sur, elle est enterrée. Pour ça, je prendrais 20 jours.

Un médecin, particulièrement lâche, refuse de m’examiner face à face, sans la présence des bleus. Ça fait une semaine que je n’ai pas eu de visite bien que la loi en prévoit 2 par semaine. Je m’avance dans le couloir pour lui parler. Un briscard (DUREIL) me repousse, je me débats, il m’agrippe par le cou, moi aussi et sa chaînette en or casse. Ils arrivent à me rentrer en s’y mettant à plusieurs. Après, petit à petit, le médecin n’aura plus peur de moi et me recevra correctement à l’UCSA [Unité de consultation et de soins ambulatoires]. L’autre médecin, Mme Lecu, elle, est toujours correcte (c’est elle qui m’a recousu le doigt).

Pour ça, je prends 30 jours de QD, mais 22 avec sursis (nouvelle directrice). Il n’a aucun ITT ce kakou mais c’est la 4ème affaire. Il a provoqué de plus en plus jusqu’à la fin et a été souvent violent.

Je pars de Fleury pile 3 mois après y être arrivée, du mitard où j’ai passé 87 jours sur les 92 passés là-bas. Arrivée à Vivonne, ils prennent aussi les empreintes digitales et la photo de force.

Procès à Evry le 29 juin à 13h30.

NB : les mitards à Fleury sont les pires : chiottes turcs, pas de fenêtres, réveils toutes les heures la nuit, cour minuscule, douches sales, utilisés pour les nanas en crise psy…


Les lettres suivantes sont celles écrites durant la periode passée à Fleury-Mérogis

(juillet, août et septembre 2014)

Fleury-Mérogis, dimanche 6 juillet
Salut !
[…] Tu arrives à me lire ? L’index est encore emmailloté et raide mais je coince le stylo avec le majeur et ça marche plutôt bien. On doit retirer les fils demain (6 points quand même). Je devais faire une radio de contrôle pour savoir s’il n’était pas fêlé (je ne crois pas) mais ça a été reporté : sûrement en même temps demain, quand la toubib (honnête) leur aura mis un coup de pression…
[…]
[Je connais déjà le mitard de Fleury.] En fait, c’est la première cellule que j’ai vue (à part celle d’attente au greffe). J’ai bien sûr refusé les empreintes digitales, biométriques et photo à l’arrivée. Ils ont joué les gros bras, faisant une photo assez rigolote de ma tronche grimaçante, avec épaule en arrière, 2 mains gantées sur le cou, 1 main tirant les cheveux en arrière… Une vraie pub pour Guantanamo ! J’avais accepté d’aller seule au mitard pour calmer le jeu après avoir ruiné leur espoir d’avoir des empreintes à l’encre utilisables. Mais là encore, ils n’ont pas voulu avoir mis les équipements anti-émeutes (casques, cuirasses pare-coups…) pour rien et se sont ridiculisés à m’y porter. Toute l’AM, ils se sont vengés en m’y laissant sans rien (ni lunettes, ni tabac, ni bouquins, ni même repas). Ça s’est calmé avec la gamelle le soir et la visite « arrivante » chez le toubib qui m’a reçue seule (pas comme à Sequedin).
Le lendemain, j’ai demandé plusieurs fois le transistor auquel on a le droit au QD [Quartier Disciplinaire] mais ils faisaient comme à Réau : « on en a pas, ils sont tous cassés et d’ailleurs il n’y a pas de réseau ». Donc le dimanche, j’ai bloqué la promenade à 11h et ils m’ont rentrée de force (mais sans boucliers et menottes). Le lundi, rebelotte, d’où le doigt dans la porte. Ils m’ont laissée sans soins durant 2h, juste pour savourer leur vengeance alors qu’ils voyaient que ça saignait.
A 14h, je devais passer au prétoire, mais avant ils m’ont quand même laissée aller à l’infirmerie où la médecin m’a recousue avec une anesthésie locale, du beau travail. Puis, bien que (et peut-être parce que) je n’avais pas d’avocat malgré ma demande, ils ont décidé un report de la commission de discipline et donc une levée de prévention.
Je me suis donc retrouvée au quartier arrivant. La cour était aussi minable que celle du mitard mais on pouvait y être 4h par jour et en groupe. Ils nous réveillaient aussi toutes les heures la nuit, mais la cellule avait une grande fenêtre d’où on voyait des oiseaux (pas de fenêtre du tout au mitard). J’y suis restée jusqu’à jeudi 13h30, avec un bon contact avec mes voisines, tout juste arrivées de GAV et complètement paumées, ayant besoin de beaucoup d’infos et d’aide pour les courriers.
Donc jeudi, nouveau prétoire. Il y avait un commis d’office à qui j’ai un peu appris son boulot et qui a été choqué de la violence utilisée. Est-ce à cause de ça ? Je n’ai pris « que » 7 jours. Comme j’en avais déjà fait 4 et qu’ici on sort le matin (et pas le soir comme à Rennes), dès samedi 9h j’étais dans la cellule du quartier des condamnées, dans l’aile 6E.
Durant ces 2 jours, j’ai continué à me battre pour avoir le transistor (que j’ai finalement obtenu vendredi à 18h) et refuser les fouilles systématiques. Ça m’a valu 3 CRI qui seront audiencés mardi à 14h. J’ai demandé à mon avocat d’être là, je ne sais pas encore s’il sera disponible. Je risque 30 jours car ils m’accusent de violences (ça faisait longtemps !). Les bricards hommes sont particulièrement remontés contre moi car je mets leur légitimité de mâles (faire peur aux taulardes) en cause. Là encore, je n’ai eu mes livres et mes médicaments (j’avais mis le tabac dans les poches en prévention) que 18h après le prétoire…
Depuis que je suis dans l’aile 6E (l’étage du 6ème couloir), une des ailes des condamnées, la pression ne baisse pas vraiment. Je suis, bien sûr, seule en cellule (bien plus grande qu’à Rennes soit dit en passant), privilège des « emmerdeuses » que j’ai toujours eu. Pour me mettre en promenade ou me servir la gamelle, ils sont constamment en surnombre (au moins trois selon la directive, mais jusqu’à 8 quand c’est un bricard homme qui gueule). En fait, la différence avec Sequedin c’est qu’ici il n’y a pas de QI…
Je ne sais pas combien de temps je vais rester à Fleury. Certes, c’est lourd pour eux et ils stressent (surtout les plus cons). Mais il y a un procès à la cour d’appel de Paris le 26/09 et ils voudront peut-être économiser un transfert depuis Poitiers. Dans ce cas, pour parer à l’absence de QI, ils peuvent motiver du QD à gogo. Ca me fait un peu chier. D’abord parce que je ne vais pas pouvoir le cacher éternellement à ma mère. Ensuite parce que j’ai retrouvé ici une fille avec qui je m’entendais bien à Réau et que j’aime mieux les promenades avec elle que toute seule. Enfin car il y a un stage de théâtre du 17/07 au 6/08 et que ça occuperait mieux que la branlette… […]


Fleury-Mérogis, vendredi 18 juillet

Salut !
[Mardi 8] à 14h, j’avais un nouveau prétoire. Il n’y avait que 2 CRI : un refus de retour de promenade du QD pour négocier le transistor (que j’ai eu le dernier soir) et une « violence sur agents ». En fait, le jeudi 3, lors du 2ème prétoire pour le refus de fichage, ils m’ont ordonné une fouille à nue. J’ai essayé de négocier, expliquant au chef de détention que les fouilles devaient être justifiées. Il m’a sorti une note de service disant qu’elles étaient systématiques à l’entrée du QD. J’ai alors accepté en échange d’une photocopie de cette note pour que je puisse l’attaquer au TA, comme celle de Rennes […]. Il n’y avait qu’une matonne avec moi dans la salle . Elle faisait du zèle : elle a retiré les lacets des tennis, voulait examiner le slip (comme s’il y avait une poche !) que j’avais de moi-même baissé jusqu’au chevilles pour qu’elle ait le temps de voir ma chatte et mon cul. Je lui ai alors jeté le slip et, pendant qu’elle se baissait pour le ramasser, j’ai mis mon index valide dans mon vagin. Quand elle me l’a rendu, je lui ai dit : « T’es sûre que ça suffit ? Tiens, renifle donc pour voir si j’avais planqué du shit » en lui tendant le doigt sous le nez. Elle est devenue hystérique, elle est sortie en hurlant « Me touche pas, salope ! », puis, elle a encore crié. « Je vais t ’éclater la gueule ! ». Bon, tu connais l’AP, bien que je ne l’ai pas touchée, que ça soit elle qui m’ai insultée et menacée, j’ai pris 30 jours (+ 5 confusionnées pour le refus de réintégrer).
Donc, à nouveau « Vous allez au mitard donc on va faire une fouille intégrale ». C’était d’autant plus idiot qu’ils m’avaient passé à la poêle (détecteur de métaux) et qu’ils savaient par expérience que je n’avais ni shit ni médocs. Donc j’ai refusé très calmement tant que je n’aurai pas la justification individuelle. Les matonnes, qui avaient apprécié le calme dans lequel s’était déroulé la commission de discipline, ont essayé de négocier (« on va faire vite, on vous touche pas, on obéit juste aux ordres, on ne cherche pas la merde ») durant une heure en entier.
Puis, l’heure de la gamelle arrivant, elles sont allées en référer au chef qui a envoyé 4 d’entre elles avec les casques et autant avec les gants en plastiques et autant de mecs dans le couloir.
Ils m’ont entièrement foutue à poil, arrachant et déchirant le slip, cassant le fermeture du pantalon. Écartelée, à plat ventre, j’ai eu peur qu’ils me rentrent les doigts dedans, mais leur « tournante » s’est arrêtée là. Par contre mon doigt dont on venait de retirer les points s’est réouvert et le médecin n’a pu que mettre des strips durant 10 jours (on les a enlevés ce matin, c’est propre). J’ai pu voir le toubib 1 heure après, à 19h, mais je n’ai eu me s livres et de quoi écrire que le lendemain (ça s’appelle « faire tricarde une emmerdeuse »).
Bon, depuis la situation s’est nettement calmée. J’ai mes deux promenades par jour, le transistor, le courrier timbré dans des délais corrects. En fait, l’ambiance dépend beaucoup de l’équipe de la demi-journée : les 2 bricardes femmes sont moins chercheuses de merde que les hommes qui ont envie de se bagarrer (mais toujours en surnombre, ces lâches). J’ai eu hier un retour forcé en cellule car le toubib remplaçant, comme à Sequedin, à eu peur, à cause même de ce surnombre, de tirer la porte derrière lui pour faire un semblant de confidentialité médicale. J’ai pas mal de problèmes pour correspondre avec K. car, si le courrier timbré passe bien, l’intérieur est très ralenti pour vérifier si je « n’incite pas à l’émeute ». Mais surtout, il fait très chaud au mitard, où il n’y a même pas de fenêtre (un hublot face au plafond dans le sas). Selon les équipes, ils me laissent cuire dedans ou ouvrent la porte (pas la grille hein !) voire même celle de la cour de promenade en même temps pour essayer de faire un courant d’air (qui tient d’ailleurs plus de la méthode Coué). Ce qui est très lourd, c’est le réveil toutes les heures de 19h à 7h, totalement inutile en termes de sécurité. Là, ça ne sert à rien de mettre le drap sur la grille pour boucher la vue depuis le judas car il suffit que le bricard laisse la porte ouverte à 20h pour ne plus se déplacer de la nuit (la nuit seul le chef a les clés, pas les matonnes).
Bon, ceci dit, je ne vais pas mal. J’ai plein de courrier. […] J’ai demandé la visite de l’aumônier pour passer le temps (pour l’instant, pas de réponse). J’ai eu donc une lettre de ma prof d’Auxillia qui me propose de bosser sur la Commune de Paris. J’ai encore quelques bouquins envoyés par des potes. Le dirlo, après un coup de fil de (ou à ?) Bidet (le dirlo lâche de Rennes), m’a même « offert » 1/2heure d’entretien hier « pour comprendre ». Il m’a même dit qu’il allait demander à un psychologue (pas psychiatre, hein !) de venir causer 2 fois par semaine. Si ça lui permet d’avoir bonne conscience à ce salopard d’enfermeur, tant mieux pour lui. Moi ça me fait toujours une petite occupation hors de la cellule. Ça serait chouette s’il savait jouer aux échecs le psy…
Lundi, je vois [mon avocat] au parloir, là aussi, ça fera une « sortie ». Mais surtout on va essayer de voir comment accélérer la vraie. Il faut préparer le procès du 26 septembre, quoique la fin officielle des peines planchers devrait aider. Il faut aussi monter le dossier pour la condi. [Mon autre avocat] s’occupe des confusions, même si la 1ère demande a foiré.
[…] Je ne sais pas ce qu’ils ont en tête à propos de mon transfert sur Poitiers. Le 6 août je sors du QD, et, comme il n’y a pas de QI ici et qu’ils ont peur que je motive les filles à refuser les palpations systématiques (à chaque sortie de cellule, même s’il y a un portique à l’entrée de promenade !), je pense que tout dépendra de si d’ici là ils ont appris à respecter la loi ou non… Si ça traîne, malgré le recours au TA, je pense que le 6 au matin je prendrai le camion (même si du coup, ça fera une extraction Poitiers-Paname le 26 septembre pour l’appel). Bon, dans tous les cas, je ne ferai pas le stage théâtre ou sculpture…On verra… En attendant, je joue à « cassoulet » toute seule 😉 …
Sinon, comment ça va ? Ben pas trop mal. Je suis toujours debout, mon doigt se retape, je mange toute ma gamelle. J’entretiens ma colère et m’amuse en relevant la moindre entorse de leur part au règlement ou à la loi. Mais je fais super attention à ce que mes actions ne risquent pas d’entraîner une nouvelle poursuite au pénal.
D’habitude, quand j’ai une voisine au mitard c’est plus cool et on fait des batailles navales ou des parties de dames, chacune sur son lit (E3 ! C5 !). Mais là, j’ai récupéré pour 15 jours une toxico que c’est pas du gâteau… Comme elle me demandait pourquoi j’étais en prison, j’ai répondu, « Comme toi : un juge m’a condamnée, des gendarmes m’y ont amenée et les matons ont fermé la porte ». Cette idiote n’a pas compris le message et a insisté : « Mais pourquoi il t’a condamnée le juge ? ». Comme la réponse « il te l’a dit à toi pourquoi ? Parce qu’il était de mauvaise humeur car cocu ? Parce qu’il avait faim et qu’il voulait pas t’écouter après midi et ½ ? Parce qu’il voulait se venger de ton avocat qui l’avait humilié lors d’un autre procès ? ») ne lui a pas plu, elle a décrété que j’étais « une pédo ». C’est l’insulte majeure des procureurs de coursives dans les taules pour femmes (il paraît que chez les mecs c’est « pédé » ou « pointeur »). Du coup quand elle ne dort pas, cachetonnée, elle m’insulte. Heureusement, j’ai la radio pour couvrir ses conneries… GRR !

Christine

Courrier paru dans l’Envolee

Maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis, le 18 juillet 2014

Salut ! […] Le jeudi 3, lors d’un prétoire pour le refus de fichage, ils m’ont ordonné une fouille à nu. J’ai essayé de négocier, expliquant au chef de déten- tion que depuis 2009 les fouilles devaient être justi- fiées. Il m’a sorti une note de service disant qu’elles étaient systématiques à l’entrée du QD. J’ai alors ac- cepté en échange d’une photocopie de cette note pour que je puisse l’attaquer au tribunal adminis- tratif, comme celle de Rennes […]. Il n’y avait qu’une matonne avec moi dans la salle. Elle faisait du zèle : elle a retiré les lacets des tennis, voulait examiner le slip (comme s’il y avait une poche !) que j’avais de moi-même baissé jusqu’au chevilles pour qu’elle ait le temps de voir ma chatte et mon cul. Je lui ai alors jeté le slip et, pendant qu’elle se baissait pour le ramasser, j’ai mis mon index dans mon vagin. Quand elle me l’a rendu, je lui ai dit : « T’es sûre que ça suffit ? Tiens, renifle donc pour voir si j’avais planqué du shit », en lui tendant le doigt sous le nez. Elle est devenue hystérique, elle est sortie en hurlant : « Me touche pas, salope ! », puis elle a en- core crié : « Je vais t’éclater la gueule ! » Bon, tu connais l’AP, bien que je ne l’aie pas touchée, que ça soit elle qui m’ait insultée et menacée, j’ai pris trente jours. Donc, à nouveau : « Vous allez au mi- tard, donc on va faire une fouille intégrale. » C’était d’autant plus idiot qu’ils m’avaient passée à la poêle (détecteur de métaux) et qu’ils savaient par expé- rience que je n’avais ni shit ni médocs. Donc j’ai re- fusé très calmement, tant que je n’aurais pas lajustification individuelle. Les ma- tonnes, qui avaient apprécié le calme dans lequel s’était déroulée la commission de discipline, ont essayé de négocier : « On va faire vite, on vous touche pas, on obéit juste aux ordres, on ne cherche pas la merde », durant une heure en entier. Puis, l’heure de la gamelle arrivant, elles sont allées en ré- férer au chef qui a envoyé quatre d’entre elles avec les casques et autant avec les gants en plastique, et autant de mecs dans le couloir. Ils m’ont entière- ment foutue à poil, arrachant et déchirant le slip, cassant la fermeture du pantalon. Écartelée, à plat ventre, j’ai eu peur qu’ils me rentrent les doigts de- dans, mais leur « tournante » s’est arrêtée là. […] Bon, depuis, la situation s’est nettement calmée. En fait, l’ambiance dépend beaucoup de l’équipe de la demi-journée : les deux bricardes femmes sont moins chercheuses de merde que les hommes qui ont envie de se bagarrer (mais toujours en surnom- bre, ces lâches). […] Sinon, comment ça va ? Ben pas trop mal. J’entretiens ma colère et m’amuse en relevant la moindre entorse de leur part au règle- ment ou à la loi. Mais je fais super attention à ce que mes actions ne risquent pas d’entraîner une nouvelle poursuite au pénal.

CHRISTINE

« Mercredi 23 juillet, Maison d’arrêt pour femmes (MAF) de Fleury Merogis,

Salut !

J’ai à nouveau changé d’adresse. La tradition du baluchonnage a repris, ils ne sont pas originaux. Et Fleury n’est qu’un transit, puisque je suis officiellement affectée au CD de Poitiers Vivonne. Le QF (quartier femmes) y est minuscule (18 nanas) et c’est tellement branché sécuritaire que les matons l’appellent « centrale ». Alors tu vois, je m’en fous bien d’être au QD (quartier disciplinaire) ici ou là-bas…

Car bien sûr je suis au mitard. C’est même la première cellule que j’ai découvert à Fleury. Ça a commencé au greffe où, comme à chaque fois, j’ai refusé de donner empreintes, photo et biométrie. Ils me sont tombés dessus à 10 contre un, puis j’ai revu les casqués, que j’avais presque oubliés à Rennes. Et oui, le transfert disciplinaire de Rennes n’était motivé que par la volonté de confort de l’AP, mais durant cinq mois il n’y a pas eu de violence avec les matons. J’ai donc fait une semaine de mitard à mon arrivée, avec une petite pause de deux jours au QA (quartier arrivants) car le premier prétoire (1) était vraiment trop mal ficelé pour pouvoir avoir lieu.

Donc le samedi 6 je me suis retrouvée affectée dans une cellule, seule (c’est l’avantage d’être une emmerdeuse !) mais avec la promenade collective dans l’aile condamnées. Je n’en ai pas profité longtemps (j’avais pourtant retrouvé une fille avec qui je m’entendais bien à Réau et c’était plutôt cool) car, comme à Séquedin, il y a des palpations systématiques à chaque sortie de cellule, alors même qu’il y a un portique détecteur de métaux à l’entrée en promenade, c’est donc totalement illégal et je m’y suis opposée. En plus, au QD, il n’y avait pas le transistor auquel on a droit depuis 2009, et j’ai du faire plusieurs blocages de promenade pour l’obtenir le dernier soir. Bref, la même situation qu’à Séquedin où ils jouaient à avoir peur de moi sur la simple foi du dossier. Là aussi ils étaient en surnombre (parfois jusqu’à 6) à chacun de mes mouvements, ce qui les limite, les ralentit et les met sous pression. Comme ici, à la différence de Séquedin ou Joux, il n’y a pas de QI (quartier d’isolement) ils m’ont collée au mitard pour 30 jours depuis le 8 juillet (j’ai fait un recours avec David, l’avocat parisien, car il n’y a pas eu contact avec la matonne qui hurle à la « violence »). Depuis, l’ambiance dépend beaucoup du bricard de service. Ils sont toujours en surnombre (3 pour que je franchisse le 1m50 entre la porte du mitard et celle de la promenade, bien plus pour que j’aille à l’UCSA(2) ou au téléphone), mais ils ont arrêté les tripottages continuels. Ce que je ne sais pas, c’est si ils continuent en détention. (…)

J’ai appris un peu par hasard que je suis conditionnable(3) depuis le 6 juillet. J’ai donc lancé les démarches. L’avocat m’a bien expliqué qu’il ne fallait pas que je rêve trop, d’abord parce qu’il y a deux peines (6 mois + 4 mois) qui n’ont toujours pas été mises à exécution. Et puis surtout que la JAP tient beaucoup compte du « bon comportement » et que mes transferts à répétition ne plaident pas en ma faveur. (…)

Bonne niak à tous et toutes !

Christine »

notes :

  1. Prétoire = commission de discipline interne
  2. UCSA = service médical
  3. être conditionnable = avoir le droit de demander une libération conditionnelle

Fleury-Mérogis, vendredi 21 août
Le 13 août j’ai rencontré le big boss de Fleury (« J’ai 4000 personnes à gérer, mais vous êtes un cas »), comme ça avait été le cas à Séquedin. D’ailleurs, la gestion est exactement la même, le QI en moins. Comme il passait son temps à mentir, disant que j’avais cogné sur des matons à Rennes, je l’ai forcé à me promettre de me faire lire le rapport qui accompagnait mon transfert disciplinaire. Bien sûr, il n’a pas tenu parole et j’ai dû à nouveau faire pression sur le chef de détention. Mardi, j’ai pu le lire. J’y ai donc appris que « l’urgence » qui motivait le transfert c’était un mouvement de matons qui pleurnichaient à la menace de prise d’otages. Je n’ai rien fait, mais un tract syndical a du poids pour obtenir le transfert d’une emmerdeuse ! J’ai lu aussi dans ce rapport de l’AP de larges extraits d’une expertise psy faite pour le procès de Bapaume. J’avais récupéré les conclusions au greffe de Rennes : l’étanchéité justice – AP laisse à désirer… Bien sûr, je n’en ai pas une copie et ne pourrai rien faire de ces infos avant d’être libérée et que la CNIL leur ait ordonné de me laisser lire mon CEL [Cahier Électronique de Liaison]. Bref dans au moins 3 ans. J’espère qu’à ce moment-là j’aurai mieux à faire qu’à faire chier ces cons : faire naître un agneau, préparer l’apéro pour les potes, accompagner K. au collège en vélo, cueillir un bouquet de fleurs pour Maman, retaper le camion, jouer avec mon chien… « 

Compte rendu du procès de Christine à la cour d’appel de Paris

Le 26 septembre 2014, Christine est passée en procès à la cour d’appel de Paris suite à une plainte de maton pour violence. Elle avait été condamnée à un mois ferme et 200 euros de dommage et intérêts par le Tribunal de Grande Instance de Melun le 5 mars 2014, mais le parquet, jugeant la peine trop clémente avait fait appel.

Comme lors de ses nombreux procès précédents, elle a tenté d’expliquer son geste en décrivant le contexte dans lequel il se place. Pour une fois, les juges lui ont laissé la possibilité de s’exprimer et ce fut donc pour Christine une occasion supplémentaire de poser des mots sur son quotidien, sur ses perspectives de plus en plus réduites par l’engrenage carcéral dans lequel elle est maintenue. Sans exprimer de regrets et sans s’excuser, elle explique point par point les actes que la justice lui reproche et met les juges face à la question carcérale. Comment imaginer une quelconque insertion ou réflexion lorsque tout un quotidien est conçu pour nous isoler et nous humilier ?

Lorsque ses projets de sortie sont abordés, elle maintien son envie de retrouver son troupeau, une vie à la campagne avec ses proches et n’oublie pas de mentionner que c’est la prison qui l’a désinsérée de ce projet puisque c’est l’AP (administration pénitentiaire) qui fut la première à lui passer les menottes.

Comme lors des précédents procès, elle précise que l’AP est une administration de droit qui contient des codes et des articles de lois. Le moins qu’on puisse attendre d’elle est qu’elle applique les règles qu’elle s’est elle même fixées et ce n’est pas le cas puisque le quotidien qu’elle vit depuis qu’elle est confrontée à l’AP est régit par l’arbitraire des matons et que cela ne peut qu’attiser sa révolte.

Lorsque ses anciennes condamnations sont abordées par la procureur avec la fameuse question « Que pensez vous de ces peines ? Selon vous, sont elles fondées ou toutes injustes ? » elle explique calmement qu’elle comprend que ce sont des conséquences logiques face aux lois auxquelles elles font références mais qu’en l’occurrence, elle rejette la légitimité de ces lois et donc conteste les condamnations prononcées contre elle.

Suite aux questions des différents magistrats, la proc requiert un ajournement du procès pour le mois de mars en précisant que cela pourrait avoir une influence sur le comportement de Christine et la pousser à sa seule possibilité d’amorcer un processus de sortie, une soumission à l’AP en réprimant elle-même ses envies de révoltes.

Ensuite, la plaidoirie de son avocat se basa sur son doute quant à la pertinence d’un ajournement puisqu’il retarde encore une fois la date de sortie et donc la démarche de conditionnelle que Christine est en train d’amorcer. Il exprime aussi son inquiétude face à l’accumulation des peines et aux tensions que cela crée dans le quotidien de Christine et à l’impossibilité, dans la dynamique actuelle, d’imaginer une sortie si un geste n’est pas fait de la part de la justice pour désamorcer l’engrenage dans lequel Christine se trouve. Il fait donc appel à la clémence des juges dans l’espoir qu’ils comprennent que c’est la seule solution pour que la situation s’apaise et que Christine puisse retrouver un espoir de sortie.
Suite à cela, le juge a demandé à Christine si elle accepterait une peine de TIG (travaux d’intérêts général), proposition que Christine a accepté.

Il est toutefois bon de noter que les réquisitions de la proc furent surprenantes puisqu’elles ne faisaient pas références aux anciennes réquisitions mais que dans la plupart des situations, un ajournement entraîne une carotte supplémentaire qui pousse la personne condamnée à se soumettre aux autorités auxquelles elle est confrontée.

Le 24 octobre 2014, la cour d’appel de Paris a rendu son délibéré et a condamné Christine à 140 heures de TIG à effectuer durant les 18 prochains mois.

Dans la société actuelle, il est souvent difficile d’imaginer une position cohérente puisque c’est un contexte de confrontation quasi permanent face à des institutions oppressantes. Dans une telle situation, il est difficile d’imaginer survivre sans effectuer une série de compromis, ainsi que de rendre nos désir de révoltes et de luttes concrètes au quotidien.

En prison, cette réalité est accentuée et la moindre confrontation est souvent synonyme de représailles des matons, de durcissement du quotidien ou de procès supplémentaire. Le cas de Christine n’est malheureusement pas un cas isolé et beaucoup de personnes se trouvent dans le même engrenage et voient, jours après jours, procès après procès, leur sortie s’éloigner. Face à l’esprit revanchard et corporatif des matons ainsi que le panel des outils juridiques qui maintient cette situation, il est difficile d’imaginer des manières de sortir d’un engrenage de la sorte. Ce qui est sûr, c’est que briser l’isolement causé par l’AP peut apporter de la force à celles et ceux qui se battent entre les murs et peut être un des éléments parmi d’autres permettant de diminuer le sentiment d’impunité que les matons ressentent dans leur quotidien.

Solidarité avec Christine et les détenu.e.s en lutte !
Et que crève l’AP !

Bref compte-rendu du procès du 5 mars au TGI de Melun

Christine était accusée d’avoir mordu le surveillant Ha-o-kwi. Quelques personnes étaient venues la soutenir. Le procureur et les parties civiles réclamaient la peine plancher de un an pour récidive, et un dédommagement de 500euros pour le doigt du surveillant, insistant sur la nécessité de punir sévèrement cette détenue récalcitrante qui selon eux menaçaient la détention. Son avocat, Benoît David, de l’association Ban Public, a tout d’abord plaidé la relaxe pour divers vices de procédures. Il a aussi insisté sur le fait que Christine ait été tabassée suite à la prise de bec avec Ha-O-kwi, qui curieusement n’a porté plainte que trois semaines plus tard… quand les images de vidéo-surveillance n’étaient plus visionnables !
Christine a terminé en parlant de la prison : « Je n’ai jamais avoué à ma grand mère que j’étais en prison, elle n’arrêtait pas de demander quand je viendrais la voir. Elle est morte avant que je sorte de prison. Voilà ce que c’est la prison. Je me demande en quoi cela protège votre société ? »
Christine et son avocat ont eu la « bonne » surprise de ne la voir condamnée « que » à un mois de prison supplémentaire et 200euros d’amende. Une peine qui reste lourde, même si on s’attendait à pire, connaissant les habitudes de la justice dans ce genre d’affaires.

 

Transfert à Fleury Mérogis

Après cinq mois d’incarcération à Rennes, Christine [1], a connu un nouveau transfert disciplinaire fin juin. Elle est pour l’instant à Fleury-Mérogis, semble-t-il en attendant qu’une place se libère au Centre de Détention (CD) de Poitiers-Vivonne. Christine doit passer devant la Cour d’Appel de Paris le 26 septembre suite à l’appel du parquet sur son procès de Melun début mars 2014.

Depuis février 2014, Christine était donc incarcérée au CD pour femmes de Rennes, arrivée en transfert disciplinaire depuis Réau en banlieue parisienne (voir ici les événements précédents). Après la tension de Réau (mitard, violences physiques et humiliations de la part des matons), le climat change à Rennes. Il faut dire que cette taule, souvent présentée comme un modèle, tient à conserver son image. Mais c’est bien d’image dont il est question. Le mode de gestion des détenues y est peut être différent mais plus bien plus insidieux.
Absence de Quartier d’Isolement et de régime « portes fermés », le changement sur le quotidien n’est pas des moindre. Sitôt arrivée, Christine s’inscrit aux nombreuses activités que propose l’Administration Pénitentiaire (AP), (cours de langues, journal interne, sport, jardin, …). Les Unités de Vie Familiale (UVF) sont facilement obtenues et les jours de mitard tombent moins rapidement et sont un peu moins nombreux (près 40 jours en 5 mois, contre plus de 200 jours en 15 mois dans les taules précédentes). Mais, contrairement à ce dont se vante la direction, il ne s’agit pas là d’altruisme ni d’une « humanisation » de la détention, mais seulement de dispositifs tendant à mieux faire accepter cette détention. Pour les détenues récalcitrantes, la suppression de ces nombreux « avantages » sert de moyen de chantage pour les faire rentrer dans le rang. Une manière de faire en sorte que même derrière des barreaux et des murs de béton, il puisse encore y avoir quelque chose à perdre.
Et cela n’a pas raté. Rapidement, Christine s’est vue restreindre puis interdire l’accès au cours de langue, au jardin et au journal interne (au cynique nom : « Citad’elles »). Constamment l’AP menace de refuser un parloir double, une UVF. Malgré cela, Christine ne se démonte pas.
Mais fin juin, l’AP de Rennes s’en débarrasse par un nouveau transfert disciplinaire. Bien qu’officiellement affectée au CD de Poitiers-Vivonne, elle est placée en transit à Fleury-Mérogis le temps qu’une place s’y libère.
Arrivée à Fleury, comme ailleurs, elle refuse de donner ses empreintes et de prendre la carte de circulation et refuse aussi les fouilles et palpations. Là, le mode de gestion des détenues est plus proche des établissements précédents que de Rennes. Elle rentre direct au mitard et n’en sort que quelques jours à chaque fois (car limité à 30 jours maxi consécutifs), le temps d’une autre commission de discipline, puis elle y retourne. Chaque déplacement se fait avec une escorte de matons casqués où Christine ne manque pas de se faire molester (plusieurs points de sutures à l’index dès son arrivée).
Le passage de transit à Fleury ne doit officiellement pas dépasser 3 mois mais devrait certainement aller jusqu’au 26 septembre (à 13h30 Pôle2, chambre9), date à laquelle Christine doit passer devant la Cour d’Appel de Paris suite à l’appel du parquet sur son procès de Melun début mars 2014

Lettres de Rennes (juin / juillet 2014)

« CD de Rennes,
jeudi 6 février 2014

Au Centre de Détention Femmes de Réau, les filles qui n’ont plus le droit au « régime de responsabilité »1 (donc que l’AP maintient en irresponsabilité avec la complicité de l’UCSA) ont quand même la possibilité de faire les deux premières heures de promenade de l’après-midi au chaud. Ils appellent ça « la salle de convivialité » et on peut y avoir accès à quelques jeux de société. Le 2 décembre, j’y étais juste avec Kaoutar (qui cartonne au scrabble!). Dans le couloir on a entendu du grabuge car une fille voulait y venir alors que la matonnerie le lui refusait (depuis, selon son souhait, elle a été transférée, elle devrait même être dehors à l’heure qu’il est). Le 3 décembre, on n’a pas eu accès à cette salle car elle sert aussi de vestiaire quand il y a des arrivantes. Et le 4 au matin, une affiche la déclarait fermée, sans explication et sur ordre de la direction.

J’ai demandé aux surveillantes puis aux gradés pourquoi, aucun n’a voulu me répondre, tant il était évident que c’était juste une crise d’autorité injustifiée. Je suis alors allée demander à l’officier, dans son bureau. Il a encore forcé la dose sur l’autoritarisme et le mépris, m’envoyant, grâce à un CRI mensonger, au mitard pour 18 jours. Au prétoire du 6, la directrice a dit qu’elle ré-ouvrirait la salle « dans une semaine ».
Mais quand je suis sortie du QD le 21 décembre, la salle était toujours fermée, sans plus de raison. On en a parlé en salle de muscu avec les filles du RDC et on a décidé de demander la ré-ouverture mais aussi une ouverture exceptionnelle le 1er janvier à midi « pour commencer l’année sous le signe de la bonne camaraderie », selon les termes de notre courrier signé par 11 d’entre nous (sur 13 au rez-de-chaussée!). Les chefs ont eu cette lettre collective le 24 au soir. Le vendredi 27, on n’avait toujours pas de réponse. J’ai insisté auprès des chefs qui m’ont refusé une audience mais ont pris 5 filles à part pour leur dire « Ne suivez pas Ribailly dans ses conneries. On peut très bien vous mettre un CRI car les pétitions sont interdites. C’est nous, et nous seuls, qui décidons si la salle sera ré-ouverte et quand ». Elles sont rentrées à fond dans la menace et m’ont dit qu’elles feraient rien qui risquerait de déplaire à la pénit’. Moi, j’ai chopé la directrice dans le couloir dès que j’ai pu, c’est à dire le lundi 30. Elle m’a dit, une fois qu’elle a compris que je lui collerai aux basques jusqu’à avoir une réponse, que la salle serait ré-ouverte le lundi 6 (c’est à dire à la fin des vacances scolaires, quand les activités reprendrons, logique,…) et qu’ils allaient décider en équipe pour l’ouverture de mercredi, qu’on en serait informées le lendemain en fin d’AM.

Donc le mardi 31, à 15h, juste à la sortie du gymnase, je suis appelée au bureau des chefs. Il y avait 2 bricards, Ho-a-Kwie et Borde, une nouvelle. Il m’a dit : « Je t’ai appelé pour te donner la réponse pour la salle demain ». J’étais convaincue que c’était refusé et j’ai dit : « pourquoi juste moi ? On est 11 à l’avoir signé cette lettre, il y a une semaine ! » Il a essayé d’expliquer que j’étais la seule à avoir mis une affiche (c’est vrai et ça m’a valu un CRI de plus, à mettre sur la pile), à avoir alpagué la dirlo, donc que j’étais la porte-parole. J’ai refusé ce terme et il m’a dit qu’il préviendrait chacune des filles individuellement.
Après, ils m’ont passé des documents administratifs, en partie périmés que j’ai bâclé, et je suis partie. Une dizaine de minutes plus tard, j’étais de retour, un peu calmée et j’ai demandé un imprimé pour répondre aux papiers que j’avais jetés. Et (et c’est juste à ce moment-là que j’ai eu tort car je savais qu’ Ha-o-kwie est un sale menteur), avant de partir, je me suis retournée vers lui :
– Tu préviens les filles une par une, hein ? Parce que depuis 10 min, tu n’as rien fait, alors que la moitié sont à la biblio où tu pourrais nous parler à toutes en même temps.
– Je fais ce que je veux !
– Non, foutu psychopathe, tu ne fais pas ce que tu veux ! Tu as pris un engagement, tu le tiens ! Si t’as un problème avec la « toute puissance », vas donc voir le psychiatre que vous m’avez balancé dans les pattes alors que je réclamais la radio au mitard !
– Tu t’en vas de ce bureau !
– Et pourquoi ? Pour te laisser le temps de rédiger un CRI pour l’affiche, alors que tu dois nous répondre ?
– J’ai dis que je te répondrais. Je le ferai si je veux, c’est ça la liberté d’expression !
– Sale menteur ! Vous passez votre temps à ça : mentir et menacer. Comme quand vous avez dit aux filles de se méfier de moi…
– On sait bien que c’est toi qui a écrit cette lettre. Et il n’y a que toi qui fait chier…
– Quoi ? J’ai pas écrit cette lettre ! Je l’ai rédigée, c’est tout ! On est 11 à l’avoir signée !
– Ouais, t’as même fait signer les filles qui savent pas écrire !
– Qu’est ce que tu dis là ? C’est vous qui menacez les filles, pas moi ! Y a des filles qui t’ont dit qu’elles avaient signé alors qu’elles ne voulaient pas manger ensemble, peut être ?
– On m’a dit que tu leur faisais peur…
Là, ça a été trop ! J’ai fait un pas en avant, bien vif, dans sa direction, mais sans le toucher. Borde et deux matonnes qui s’étaient approchées à cause du bruit de l’engueulade, m’ont saisie par le bras, lui a bondi de son siège, effrayé. Je n’ai pas bougé, j’ai juste ricané : « C’est toi qu’a peur, minable menteur ! ». Alors qu’elles étaient trois à me tenir sans que je me débatte, il a pointé son index sur moi pour me menacer : « c’est une agression sur personne ! Tu vas manger ! ». Je l’ai laissé délirer trente secondes puis, lassée, j’ai fait mine de le lui happer le doigt. Je sais que je n’ai pas serré les dents, mais il est aussi douillet que lâche et l’alarme a été lancée. Ils m’ont foutue au sol et menottée dans le dos pendant que ce [biiiiip] m’envoyait des coups de poing au visage.

Au mitard, ils m’ont arraché mon survêt’ (avec lacet) et m’ont laissée à poil et menottée pendant près d’une heure. Je n’ai eu l’ensemble de mes affaires que 36h plus tard. Je n’ai vu le toubib que 72h après, c’est à dire après le prétoire qui a eu lieu le 2 janvier.

Le prétoire a été dégueulasse. Il y avait un vice de procédure énorme (je n’ai pas eu le dossier 24h avant ) mais mon commis d’office était minable. Il n’y avait pas non plus les images de la caméra qui donne sur le bureau des chefs et qui devaient montrer les coups de poing au visage (confirmés par le certificat médical, 3 jours après). Il n’y a même pas le Compte Rendu Professionnel (CRP) d’une matonne qui dit que j’ai crié au chinois « c’est toi qui a peur ! » et qu’elles me tenaient quand je l’ai « mordu », mais la dirlo n’en a pas tenu compte. Il n’y avait aucun certificat médical constatant cette « grave blessure » que je lui avais infligé. Bref, sans originalité, j’ai pris 30 jours avec une promesse de dépôt de plainte et de transfert disciplinaire à la clef. Le lendemain, le mitard étant très proche de la cour du RDC, les filles m’ont saluée et m’ont dit qu’on leur avait proposé à 11h d’aller à la salle de convivialité. À sept, elles ont partagé le sac que j’avais préparé pour ça (soda, gâteaux, bonbons, saucisson). Elles n’y sont pas restées à midi parce que c’est interdit d’y fumer. Depuis, je ne les ai pas ré-entendues dans la cour mais l’aumônière m’a dit qu’elles me saluaient bien. Une autre bonne nouvelle : mercredi, bien sûr, quand j’ai pu aller en promenade, j’ai dit : « je rentrerai quand il y aura un transistor ». Ils sont venus, comme d’habitude, avec casques et boucliers. Jeudi, ils m’ont laissée en promenade de 11h à 14h30 ! Mais quand je suis rentrée en cellule, en plus de la gamelle froide, il y avait un petit poste de radio FM. On ne capte que Radio Autoroute, ce qui n’a rien d’exaltant, mais c’est quand même une victoire. Ma voisine de QD qui était là depuis 12 jours, a eu aussi le sien. Elle n’a pas compris l’ironie quand j’ai lancé « El pueblo unido jamás será vencido » en guise de chant de victoire. […] Les 30 jours sont passés, lentement bien sûr, mais sans trop de provo, à part le refus de courrier interne, commun à tout le CPSF (Centre Pénitencier Sud Francilien), de leur part. J’avais la radio et j’ai eu un parloir de 2h30 avec ma mère. J’appréciais les visites des aumônières ou autre pour le break, pour voir des gens sans uniforme. J’attendais aussi la GAV. Elle n’a eu lieu que le 28, à la toute fin. Contrairement aux gendarmes de Bapaume, les flics de Moissy on été bien cons durant la GAV, singeant la paranoïa des matons, même après 2 heures d’audition. J’ai appris, quand j’ai pu lire le dossier avec l’avocat de la comparution immédiate, que ce pauvre maton violenté, qui a récupéré 1 jour d’ITT (alors qu’il était au boulot le lendemain), n’a été déposer plainte au comico de Moissy Cramayel que le 22. Au tribunal, à 20h30, j’ai refusé d’être jugée sans un avocat correct et avec plein de pièces manquantes (notamment le témoignage de la matonne du 31 décembre, mon certificat médical du 3 janvier et les images de la caméra de la coursive). Bref, je repasse le 5 mars à 13h30 au TGI de Melun et Ha-o-Kwi sera partie civile (pour avoir un 13ème mois).

Le lendemain, j’étais, après 30 jours de QD, transférée à Rennes. Là, je suis au quartier arrivante du CD. L’architecture ici est très différente des prisons Bouygues. Il y a moins de caméras et pas de sas. Les matons ne sont pas cachés dans leurs aquariums à déclencher des portes à distance. Donc ils sont moins paranos, donc ils sont moins dangereux, donc ça va mieux. Bon, je ne me fais quand même pas d’illusion, j’attends de voir où se niche leur perversité… en profitant de l’herbe dans la cour de promenade et en retournant au sport. »

 

Rennes, dimanche 1er juin
Salut !
[…] Comme promis, voici le récit et les documents à propos du projet « jardin potager ».
Au CD de Rennes, l’aumônerie gère un petit jardin attenant à la chapelle où poussent des fleurs pour la décoration de l’église. Une dizaine de filles y vont le samedi matin et cultivent aussi quelques fraises ou pieds de menthe sous la houlette d’un moine jardinier. La première fois que j’y ai suivi une fille, l’aumônerie en chef m’a dit « Je dois d’abord signaler ta présence à l’AP ». Mais la semaine suivante, alors que j’arrivais pleine de bonne volonté pour me salir les mains, elle m’a dit que le chef de détention avait refusé de me mettre sur la liste. J’ai alors exigé un RDV. Il y avait l’adjoint du chef de détention (absent depuis 3 mois) et le directeur que je voyais pour la première fois. Ils m’ont sorti une histoire totalement bidon comme quoi je risquais de m’évader du jardin (un 1er mur de 2,5m, aussi haut qu’en promenade, réhaussé de fils électriques puis un 2ème de 4m) avec l’aide de mon « comité de soutien ». Leur fantasme était si costaud qu’ils m’ont même parlé d’une évasion que j’avais déjà faite lors d’une extraction ! Il a fallu un bon mois pour que je revois Bidet (le dirlo) dans les couloirs et qu’il reconnaisse que c’était du pipeau…
En attendant, je suis allée à l’aumônerie le samedi matin, sans avoir accès au jardin, me contentant de fumer ma clope sur le haut des escaliers. Lors du café traditionnel à 11h, je parlais avec les jardinières. On a décidé de rédiger un projet pour avoir un potager plus conséquent et même un poulailler. Je suis allée taper ce texte à la Cyber-base pour que ce courrier ne soit pas écrit de ma main. Un mois après que la direction l’ait réçu, on n’avait toujours pas de réponse. De mon côté, je n’avais toujours pas accès au jardin, l’aumônière refusant de m’écouter et faisant le valet de l’AP.
Le 14 mai, j’ai revu Raoul1 et Bidet. Ils m’ont officiellement interdit l’accès au jardin (et au journal interne [Citad’elles] pour faire bonne mesure) mais m’ont demandé de prévenir les filles intéressées qu’une réunion aurait lieu le 30 à propos des projets agricoles. J’ai fait une grosse propagande et suis allée imprimer une affiche pour mettre dans toutes les divisions pour prévenir tout le monde. Raoul m’a alors interdit de les afficher et 2 jours plus tard une note de service disait qu’il fallait s’inscrire auprès du chef de dét’ pour aller à la réunion. Bidet avait aussi décidé qu’une seule d’entre nous devrait être « représentante » de sa division (une division c’est maximum 20 filles, il y a 11 divisions au CD où on est 200). C’était une jolie forme de censure…
À la division B2, on était 9 à être intéressées, on a fait une liste commune et attendu. Dans les autres divisions, il n’y a eu que des demandes individuelles. Puis on a eu la liste des personnes autorisées. J’en faisais partie avec C., une autre fille du B2. On a alors organisée une assemblé générale. J’avais fait une affiche que j’avais mise dans les communs et qui a été arrachée plusieurs fois par les surveillantes. À la fin, j’ai obtenu gain de cause car rien n’interdit d’afficher sur les panneaux, même si les « actions collectives », (qu’ils ont pourtant motivées !) les dérangent.
À l’AG, on était 6 car les matonnes avaient dit [à d’autres] « Si vous ne voulez pas d’ennuis, ne vous mêlez pas de ça ». Il a été décidé en 20 min et sans un éclat de voix, que C. et moi étions déléguées par le reste des filles intéressées.
À la réunion le 30, on était 11 filles (à la divison B1, elles étaient 2 à s’être inscrites et à être présentes, il y avait aussi une représentante du journal interne, 3 divisions n’étaient pas représentées, Bidet a mené ça d’une main de maître, un parfait politicien. On n’a rien obtenu de ce qu’on voulait : la participation ne se ferai pas sur la base de groupes affinitaires mais par une liste validée par l’AP (comme au « jardin du curé » ou à « Citad’elles » dont je m’étais faite virée), le poulailler est reporté aux calendes grecques parce que Bidet « n’a pas envie de faire des papiers avec le ministère de l’agriculture » et la surface qui nous est allouée est ridicule (8x6m, soit le 1/3 du jardin du curé »). Mais la plupart des filles ont été flattées d’être écoutées, elles voyaient là « un début sur lequel on pourra continuer ». Elles ont proposé de faire des courriers de demande de sponsors aux grosses boites locales (GamVert, Truffaut,…) pour obtenir les 10m de clôture, le petit abri pour les outils, les dits outils et quelques semences. Le directeur a promis de nous laisser une salle 2h par semaine pour qu’on travaille ce courrier et qu’on se reverrait à la fin juin pour qu’il le valide et nous explique l’échéance des travaux de dessouchage qu’il faut faire au préalable.

Voilà comment une initiative spontanée est récupérée, comment on passe d’un projet autogéré à une opération de promotion du SPIP [Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation : service sociaux de la justice] et de l’AP, comment l’AP obtient notre collaboration active. Ce projet (dont Bidet m’avait déclaré meneuse) ne m’intéresse plus du tout dans ces conditions. C’est aussi le cas des basques à qui on a fait un compte rendu (avec arrachage préalable des affiches par la matonnerie qui ne perd pas la main).
[…]

Je reprends cette lettre lundi matin, en attendant l’ouverture pour aller au sport. Je suis encore arrivée à améliore mon score au rameur : 8min 23 pour 2000m. J’en ai bien chié, mais je continue à penser que je peux encore gagner 10 sec : faut bien trouver de quoi s’occuper.
Je passe au prétoire après-demain à propos d’un refus de fouille systématique à l’entrée au mitard il y a un mois. J’espère que le commis d’office aura un peu de courage. Ce qui est important c’est que Raoul m’a promis que, quelle que soit la sanction, j’aurais le parloir et l’UVF avec mes parents. Ils ont encore 2 CRI [Compte Rendu d’Incident] en stock qu’ils auraient très bien pu passer en même temps. Ils se gardent des réserves…
[…]

Christine

PS : le journal « Citad’elles » est visible sur le site des établissements Bollec [http://etablissementsbollec.com/?p=683], association qui en tire le plus de profit. Sur 3 articles que j’avais proposé, 2 ont été censurés et le dernier [« La maison-monde »] a une mise en page dégueulasse.

« Vendredi 6 juin, Centre pénitentiaire pour femmes (CPF) de Rennes

Salut !

(…) Pour moi ça va couci couça. Je sais bien que la vie est plus supportable à Rennes que dans les prisons modernes, que ça soit Condé (cf L’Envolée n°39) ou Réau, Séquedin, etc. Pour autant il y a toujours de quoi s’énerver. D’abord être enfermée, ensuite de voir le comportement de l’AP. Donc depuis le 29 janvier, j’avais régulièrement des petites altercations avec les bleus ou leurs valets (UCSA, service scolaire, SPIP…) et ça débouchait sur de petites peines de mitard qui me permettaient de faire mon courrier en retard. Effectivement comme il n’y a pas le système « portes fermées »(1) ici, j’arrive à m’occuper assez dans la journée (sport, promenade, activités…) pour m’endormir assez tôt devant la télé. Mais ce comportement « atypique » perturbe les habitudes de la direction qui aimerait bien me transférer pour n’avoir plus à gérer que les conflits traditionnels entre toxicos. Comme depuis 4 mois je n’ai répondu à aucune provocation physique (d’ailleurs bien moindres que dans les prisons Bouygues) ils espèrent que c’est moi qui vais craquer et demander à partir. Ils multiplient alors les interdictions diverses, le pistage dans les couloirs, les demandes autoritaires injustifiées. Tout est bon pour me stigmatiser auprès des autres filles, leur faire croire que me fréquenter risque de leur attirer des problèmes, m’isoler. (…)

Je n’arrive pas à pondre le texte que tu me réclames sur le fichage. J’ai des oppositions basiques, instinctives, au flicage, que ça soit pour moi, mes potes ou mes brebis. J’aime aussi, tout simplement, dire « non » à ceux qui me disent « tu n’as pas le choix ». J’ai du céder au CPF de Rennes car ils m’ont sorti une note liant la présentation de la carte biométrique à l’obtention d’un parloir. Je ne pouvais pas imposer ça à ma famille. J’ai vu avec David pour faire annuler cette note au tribunal administratif, j’ai aussi alerté le défenseur des droits. Ça sera super long (2 ans au moins) et j’espère bien être sortie d’ici là… Je sais donc que ça ne servira pas à grand chose car aucune fille n’a tenté cette résistance, soit parce qu’elles n’imaginent même pas qu’on peut dire « non », soit parce qu’elles estiment ça inutile. (…)

Je n’ai aucune idée d’une date à laquelle je pourrai demander une condi ou sortir en fin de peine (quoique ce ne sera pas une vraie fin de peine vu qu’il y a au moins six mois de sursis récupérés à Arras pour me tenir sous pression même quand je pourrai pisser dans l’herbe). J’ai appris que Kaoutar était sortie, cool ! Je lui souhaite « bon vent » (…).

Au CPF, il y a le quartier maison d’arrêt (environ 50 filles, souvent 2 -voire 3- en cellule), la nursery (5 filles, condamnées ou prévenues), le centre de détention (200 filles, réparties en 11 divisions) et le quartier semi-liberté pour les hommes qu’on ne voit jamais. Chaque quartier est bien cloisonné. (…) Je suis toujours convaincue, pour l’avoir testé, que la taule c’est plus difficile pour les proches que pour les enfermé(e)s…

A plus.

Christine »

notes :

1) les portes de cellule sont ouvertes en journée, ce qui permet de circuler un peu en détention, d’avoir quelques activités…

 

Rennes, dimanche 15 juin 2014
Salut !
Je suis dans la cour du mitard, seule et au soleil. Si je n’avais pas promis au prétoire de mercredi de faire gaffe à ne plus les provoquer en échange d’une suspension dans la menace de transfert, je retirerais bien le tee-shirt pour en profiter en plein…
[…]
Cette semaine n’a pas été facile. […] il y a eu une nouvelle provocation de la matonnerie qui m’a envoyée au mitard samedi soir. J’assumais très bien de leur causer plus de travail jusqu’à ce qu’ils me disent que, du coup, l’UVF de mardi avec mes parents était supprimé. J’étais aussi triste qu’en colère, dégoûtée. Ma mère, que j’ai vue au parloir 2h30 le lundi était aussi démontée par cette annonce. Le prétoire de mardi 10h (alors que l’UVF était prévu à 10h30) a conclu à 4 jours de mitard que j’avais déjà fait. J’ai donc pu voir mes parents du mardi 14h au mercredi 10h30. […]
Mais pour avoir « gagné » cet UVF, qu’est ce qu’on a dû subir de pression et de mépris avant… Et encore, s’il n’y avait pas eu l’assesseur civil, Bidet aurait saisi l’occasion pour organiser un transfert disciplinaire.
Donc mercredi, je quitte l’UVF à 11h et je vais au prétoire […]. Je suis encore passée pour 4 autres CRI. Pour 2 d’entre eux c’est des intervenants (diététicienne et prof d’espagnol) qui avaient eu peur sans raison alors que j’essaye de discuter d’adulte à adulte avec elles et qui avaient appelé la matonnerie à la rescousse comme avait fait la SPIP il y a 2 mois. Un autre était dû à une matonne qui m’avait refusé la cour de promenade à 17h, alors qu’on y avait le droit depuis un mois : je me suis glissée sous son bras, sans la toucher. Pour ça, j’ai eu une nouvelle interdiction (comme Citad’elles et le jardin du curé) d’aller en cours d’espagnol et 7 jours de mitard avec sursis. Là encore, rien n’est réglé pour l’accès à la promenade à 17h, après le sport. Il y a aussi un jour où j’ai refusé la fouille à poil avant d’aller au mitard. C’était la 4ème ou 5ème fois que j’y allais et ils ne m’avaient jamais imposé ça, de plus, depuis 2009, les fouilles doivent être justifiées et je ne suis pas suicidaire. J’avais tous les documents à l’appui, mais ils voulaient démontrer qu’ils sont les plus forts et se foutent de la loi. J’ai donc pris 10 jours et je suis en train de les faire, jusqu’à vendredi. Durant cette partie du prétoire, briefée par mes parents, de leur envie de transfert, je leur ai promis ce qu’ils attendaient : ne plus leur chercher des poux dans la tête, faire profil bas. Le dirlo, qui sait que je ne mens pas, l’a entendu et sait ce que ça me coûte. Du coup, et là c’est rigolo, il m’a demandé de vider mes poches à l’audience avant de dire « Messieurs, la fouille ne sera donc pas nécessaire cette fois ». Je lui ai quand même dit que je ne lâchais pas l’affaire sur ce point de droit et j’ai demandé à mon avocat de faire un recours à la DI [Direction Inter-régionale de l’AP] puis au TA [Tribunal Administratif]. […]
Bref, j’en suis revenue à la situation de Bapaume où j’avais promis de ne plus me lancer dans des provos juste pour le plaisir de les faire chier. J’avais tenu ma parole mais ils n’avaient pas voulu le voir, continuant à m’interdire l’accès au téléphone pour l’avocat jusqu’au jour où ils m’ont envoyée à Séquedin parce que je témoignais de ce que ma voisine subissait. Je m’étais affranchie de cet engagement parce que j’avais vu que les limites étaient plus loin ici, avec l’obtention assez facile des UVF et l’absence de QI ou « portes fermées ». J’avais pu reprendre ce jeu qui m’amusait bien de leur mettre le nez dans leur propre caca. Je m’étais quand même imposée des limites : celles que je considère comme le respect (« Ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas qu’on te fasse »). Je ne suis donc pas allée à l’affrontement physique, n’ai (guère) insulté que les menteurs, n’ai jamais menacé qui que ce soit, bien sûr pas de deal ou de vol auprès de mes voisines. D’ailleurs, je n’ai pris ici quasiment que des peines de maximum 1 semaine pour « refus d’obtempérer », aucune pour « violences ».
Donc là, j’en suis à me faire bien chier. C’était un bon jeu de chercher à les coincer à chacune de leurs conneries. Bien sûr, je risquais le mitard, mais ça fait longtemps que ça ne me fait plus peur… Par contre, je ne peux pas imposer à mes parents un transfert dans une taule où il n’y aura pas d’UVF. Et puis moi aussi, je préfère les promenades dans l’herbe qu’au QI. Je sais quand même que je me suis faite achetée et ça me fait chier. Je sens que les mois à passer ici vont être encore très longs : ce n’est pas le rameur qui va compenser cette énergie là…
Bidet aurait bien voulu que je la mette dans le projet jardin. Il l’a même dit à mes parents, après avoir appris après la lecture d’une de mes lettres que je me désinvestissais de ce projet qui lui permettrait juste de peaufiner son image et n’avait plus rien à voir avec ce qu’on avait proposé.
[…]

Christine

Lettres de Réau (déc / février… puis Rennes)

CD de Réau, mercredi 11 décembre 2013

Depuis mercredi dernier, je suis de nouveau au mitard. Avec l’AP, chassez le naturel il revient au galop ! L’ « équilibre des nuisances » dont je parlais dans ma lettre précédente [12 novembre] a été rompu par un officier qui remplace celui du CDF pendant ses congés, et qui a préféré jouer les gros bras plutôt que de se renseigner sur la relation qu’on avait mise en place.

Au prétoire (où, comme à Joux, il n’y avait pas d’avocat car c’était hors des jours habituels), j’ai vu qu’il avait salement chargé le CRI, inventant (mais là non plus ce n’est pas original) que j’avais essayé de le mordre. J’ai pris 18 jours jusqu’au 21 décembre, mais là il reste encore des CRI en suspens. Pourtant, depuis le 25 novembre, et ma demande de prolongation de parloirs pour voir mes parents le WE du 21 et 22 décembre, j’avais repris ma carte de circulation et il n’y avait plus eu de rapport.

Au mitard ici, on a la douche dedans. D’ailleurs, elle déclenche l’alarme incendie avec la buée quand elle est bien chaude ! Par contre, malgré la loi de 2009, la pénitentiaire ne fournit pas de radio au prétexte que les ondes FM ne passent pas les murs de cette foutue taule. Heureusement, mes voisines basques m’ont dégoté un petit transistor avec lequel je chope « France Bleue » en ondes courtes. Quand mon corps fait antenne près de la fenêtre (position assez sportive), je chope même « France Musique » en FM.

À propos de musique classique, il y a eu un concert avec les cuivres de l’orchestre de Chambre de Paris le 15 novembre au gymnase. Pour la première fois à Réau, les gars du CD1 et CD2 et nous du CDF avons pu y aller en même temps. Quand nous sommes arrivées, avec près d’1/2h de retard, une trentaine de gars étaient assis sur leurs chaises groupés au fond du gymnase. Nous, on était une quinzaine de filles. Toutes se sont assises sur les chaises groupées. Entre les gars et nous, il y avait un « no mans land » de 4m de large. Moi, bien-sûr, puisqu’on ne nous avait pas donné d’ordre, je suis allée m’asseoir sur une chaise libre de l’autre côté. Les filles, qui avaient intégré la norme avant même qu’elle soit formulée, me regardaient effarées.

Les gars avec qui j’essayais péniblement d’engager la conversation me regardaient aussi comme un extraterrestre. Ça a quand même duré 2 bonnes minutes. Puis un maton est venu me dire de changer de côté. « Pourquoi ? » « Là c’est les hommes » « Et alors ? » »Vous ne vous mélangez pas ». Alors je me suis levée en lançant à la cantonade « Désolée les mecs, il paraît que je vais choper des maladies si je reste à côté de vous ! ». Ça n’a fait rire personne mais le maton n’a rien dit. Quand j’ai pris ma place parmi les femmes, il s’est assis au milieu de la travée.

Puis le concert a commencé. Il était de bonne qualité et les musiciens prenaient le temps entre les morceaux de nous les situer dans leur contexte historique, de nous présenter leurs instruments. Après un bonne heure, le chef d’orchestre a dit « Mesdames, messieurs, nous vous remercions pour la qualité de votre écoute » et les matonnes ont dit « Mesdames, on y va ». Alors je me suis levée et j’ai dit aux musiciens « Messieurs, j’espère ne pas me tromper en disant que c’est nous qui vous remercions pour ce beau concert. D’entendre comme ça des musiques qu’on connaissait dehors c’est presque comme recevoir du courrier. Quand je suis venue, je dois dire c’était surtout pour sortir de cellule et croiser nos voisins, mais là, en plus, on a eu un concert de grande qualité. Merci. ». Je crois que ça les a émus, alors j’ai continué « Messieurs, si vous voulez continuer à nous faire plaisir, s’il-vous-plaît, offrez-nous une valse qu’on puisse inviter nos voisins ». Là, l’orchestre, pris au dépourvu, interroge la nombreuse matonnerie du regard, qui s’interroge entre elle sans un mot, mais avec une lueur de panique amusée. Devant cette absence de refus, ils entament aussitôt une valse. Je franchis alors l’espace de « sécurité » et invite le premier gars en face. Il refuse en secouant la tête. Je tend la main vers un voisin qui bredouille un « Je sais pas danser ». Je regarde alors l’ensemble de ces 30 gars et tous font un signe de refus. Dépitée, je retourne chez les filles et leur demande à voix basse : « Mais pourquoi vous en profitez pas ? ». La réponse : « Faut pas brusquer les bleus, c’est déjà une belle victoire. Et puis on sait pas danser ».

Devant cette déconfiture, le morceau s’achève assez vite. On ne demande pas de bis. Mais au moment de partir, les quelques filles qui avaient un compagnon de l’autre côté vont lui faire une bise furtive, de quelques secondes. Puis on part toutes sagement, sans un mot.

Moi, j’ai été stupéfaite que personne ne pense à sortir de la norme. Je n’ai rien fait de contraire au règlement ou la loi, mais j’ai choqué tout le monde. Au bout de quelques années de taule, homme ou femme chacun(e) a intégré des limitations dans l’espace et dans la relation à l’autre. J’ai du mal à rire quand j’entends parler de culture comme élément de re-socialisation … C’est désespérant.

Pour la petite histoire, la directrice a demandé après au matons du CDF de me coller un CRI pour un geste d’impatience, ni dangereux pour qui que ce soit, ni abîmant du matériel de l’AP, ni insultant ou vulgaire que j’avais eu à l’attente (1h quand même !) dans le sas avant l’entrée au gymnase. J’ai pris 3 jours de mitard pour avoir fait des tractions sur une grille, 20 jours après les faits…

CD de Rennes, jeudi 6 février 2014

Au Centre de Détention Femmes de Réau, les filles qui n’ont plus le droit au « régime de responsabilité »1 (donc que l’AP maintient en irresponsabilité avec la complicité de l’UCSA) ont quand même la possibilité de faire les deux premières heures de promenade de l’après-midi au chaud. Ils appellent ça « la salle de convivialité » et on peut y avoir accès à quelques jeux de société.

Le 2 décembre, j’y étais juste avec Kaoutar (qui cartonne au scrabble !). Dans le couloir on a entendu du grabuge car une fille voulait y venir alors que la matonnerie le lui refusait (depuis, selon son souhait, elle a été transférée, elle devrait même être dehors à l’heure qu’il est).

Le 3 décembre, on n’a pas eu accès à cette salle car elle sert aussi de vestiaire quand il y a des arrivantes. Et le 4 au matin, une affiche la déclarait fermée, sans explication et sur ordre de la direction.

J’ai demandé aux surveillantes puis aux gradés pourquoi, aucun n’a voulu me répondre, tant il était évident que c’était juste une crise d’autorité injustifiée. Je suis alors allée demander à l’officier, dans son bureau. Il a encore forcé la dose sur l’autoritarisme et le mépris, m’envoyant, grâce à un CRI mensonger, au mitard pour 18 jours. Au prétoire du 6, la directrice a dit qu’elle ré-ouvrirait la salle « dans une semaine ».

Mais quand je suis sortie du QD le 21 décembre, la salle était toujours fermée, sans plus de raison. On en a parlé en salle de muscu avec les filles du RDC et on a décidé de demander la ré-ouverture mais aussi une ouverture exceptionnelle le 1er janvier à midi « pour commencer l’année sous le signe de la bonne camaraderie », selon les termes de notre courrier signé par 11 d’entre nous (sur 13 au rez-de-chaussée !). Les chefs ont eu cette lettre collective le 24 au soir. Le vendredi 27, on n’avait toujours pas de réponse. J’ai insisté auprès des chefs qui m’ont refusé une audience mais ont pris 5 filles à part pour leur dire « Ne suivez pas Ribailly dans ses conneries. On peut très bien vous mettre un CRI car les pétitions sont interdites. C’est nous, et nous seuls, qui décidons si la salle sera ré-ouverte et quand ». Elles sont rentrées à fond dans la menace et m’ont dit qu’elles feraient rien qui risquerait de déplaire à la pénit’. Moi, j’ai chopé la directrice dans le couloir dès que j’ai pu, c’est à dire le lundi 30. Elle m’a dit, une fois qu’elle a compris que je lui collerai aux basques jusqu’à avoir une réponse, que la salle serait ré-ouverte le lundi 6 (c’est à dire à la fin des vacances scolaires, quand les activités reprendrons, logique,…) et qu’ils allaient décider en équipe pour l’ouverture de mercredi, qu’on en serait informées le lendemain en fin d’AM.

Donc le mardi 31, à 15h, juste à la sortie du gymnase, je suis appelée au bureau des chefs. Il y avait 2 bricards, Ho-a-Kwie et Borde, une nouvelle. Il m’a dit : « Je t’ai appelé pour te donner la réponse pour la salle demain ». J’étais convaincue que c’était refusé et j’ai dit : « pourquoi juste moi ? On est 11 à l’avoir signé cette lettre, il y a une semaine ! » Il a essayé d’expliquer que j’étais la seule à avoir mis une affiche (c’est vrai et ça m’a valu un CRI de plus, à mettre sur la pile), à avoir alpagué la dirlo, donc que j’étais la porte-parole. J’ai refusé ce terme et il m’a dit qu’il préviendrait chacune des filles individuellement. Après, ils m’ont passé des documents administratifs, en partie périmés que j’ai bâclé, et je suis partie. Une dizaine de minutes plus tard, j’étais de retour, un peu calmée et j’ai demandé un imprimé pour répondre aux papiers que j’avais jetés. Et (et c’est juste à ce moment-là que j’ai eu tort car je savais qu’ Ha-o-kwie est un sale menteur), avant de partir, je me suis retournée vers lui :
Tu préviens les filles une par une, hein ? Parce que depuis 10 min, tu n’as rien fait, alors que la moitié sont à la biblio où tu pourrais nous parler à toutes en même temps.
Je fais ce que je veux !
Non, foutu psychopathe, tu ne fais pas ce que tu veux ! Tu as pris un engagement, tu le tiens ! Si t’as un problème avec la « toute puissance », vas donc voir le psychiatre que vous m’avez balancé dans les pattes alors que je réclamais la radio au mitard !
Tu t’en vas de ce bureau !
Et pourquoi ? Pour te laisser le temps de rédiger un CRI pour l’affiche, alors que tu dois nous répondre ?
J’ai dis que je te répondrais. Je le ferai si je veux, c’est ça la liberté d’expression !
Sale menteur ! Vous passez votre temps à ça : mentir et menacer. Comme quand vous avez dit aux filles de se méfier de moi…
On sait bien que c’est toi qui a écrit cette lettre. Et il n’y a que toi qui fait chier…
Quoi ? J’ai pas écrit cette lettre ! Je l’ai rédigée, c’est tout ! On est 11 à l’avoir signée !
Ouais, t’as même fait signer les filles qui savent pas écrire !
Qu’est ce que tu dis là ? C’est vous qui menacez les filles, pas moi ! Y a des filles qui t’ont dit qu’elles avaient signé alors qu’elles ne voulaient pas manger ensemble, peut être ?
On m’a dit que tu leur faisais peur…
Là, ça a été trop ! J’ai fait un pas en avant, bien vif, dans sa direction, mais sans le toucher. Borde et deux matonnes qui s’étaient approchées à cause du bruit de l’engueulade, m’ont saisie par le bras, lui a bondi de son siège, effrayé. Je n’ai pas bougé, j’ai juste ricané : « C’est toi qu’a peur, minable menteur ! ». Alors qu’elles étaient trois à me tenir sans que je me débatte, il a pointé son index sur moi pour me menacer : « c’est une agression sur personne ! Tu vas manger ! ». Je l’ai laissé délirer trente secondes puis, lassée, j’ai fait mine de le lui happer le doigt. Je sais que je n’ai pas serré les dents, mais il est aussi douillet que lâche et l’alarme a été lancée. Ils m’ont foutue au sol et menottée dans le dos pendant que ce salaud m’envoyait des coups de poing au visage.

Au mitard, ils m’ont arraché mon survêt’ (avec lacet) et m’ont laissée à poil et menottée pendant près d’une heure. Je n’ai eu l’ensemble de mes affaires que 36h plus tard. Je n’ai vu le toubib que 72h après, c’est à dire après le prétoire qui a eu lieu le 2 janvier.

Le prétoire a été dégueulasse. Il y avait un vice de procédure énorme (je n’ai pas eu le dossier 24h avant ) mais mon commis d’office était minable. Il n’y avait pas non plus les images de la caméra qui donne sur le bureau des chefs et qui devaient montrer les coups de poing au visage (confirmés par le certificat médical, 3 jours après). Il n’y a même pas le Compte Rendu Professionnel (CRP) d’une matonne qui dit que j’ai crié au chinois « c’est toi qui a peur ! » et qu’elles me tenaient quand je l’ai « mordu », mais la dirlo n’en a pas tenu compte. Il n’y avait aucun certificat médical constatant cette « grave blessure » que je lui avais infligé. Bref, sans originalité, j’ai pris 30 jours avec une promesse de dépôt de plainte et de transfert disciplinaire à la clef.

Le lendemain, le mitard étant très proche de la cour du RDC, les filles m’ont saluée et m’ont dit qu’on leur avait proposé à 11h d’aller à la salle de convivialité. À sept, elles ont partagé le sac que j’avais préparé pour ça (soda, gâteaux, bonbons, saucisson). Elles n’y sont pas restées à midi parce que c’est interdit d’y fumer. Depuis, je ne les ai pas ré-entendues dans la cour mais l’aumônière m’a dit qu’elles me saluaient bien.
Une autre bonne nouvelle : mercredi, bien sûr, quand j’ai pu aller en promenade, j’ai dit : « je rentrerai quand il y aura un transistor ». Ils sont venus, comme d’habitude, avec casques et boucliers. Jeudi, ils m’ont laissée en promenade de 11h à 14h30 ! Mais quand je suis rentrée en cellule, en plus de la gamelle froide, il y avait un petit poste de radio FM. On ne capte que Radio Autoroute, ce qui n’a rien d’exaltant, mais c’est quand même une victoire. Ma voisine de QD qui était là depuis 12 jours, a eu aussi le sien. Elle n’a pas compris l’ironie quand j’ai lancé « El pueblo unido jamás será vencido » en guise de chant de victoire. […]

Les 30 jours sont passés, lentement bien sûr, mais sans trop de provo, à part le refus de courrier interne, commun à tout le CPSF (Centre Pénitencier Sud Francilien), de leur part. J’avais la radio et j’ai eu un parloir de 2h30 avec ma mère. J’appréciais les visites des aumônières ou autre pour le break, pour voir des gens sans uniforme. J’attendais aussi la GAV. Elle n’a eu lieu que le 28, à la toute fin. Contrairement aux gendarmes de Bapaume, les flics de Moissy on été bien cons durant la GAV, singeant la paranoïa des matons, même après 2 heures d’audition. J’ai appris, quand j’ai pu lire le dossier avec l’avocat de la comparution immédiate, que ce pauvre maton violenté, qui a récupéré 1 jour d’ITT (alors qu’il était au boulot le lendemain), n’a été déposer plainte au comico de Moissy Cramayel que le 22. Au tribunal, à 20h30, j’ai refusé d’être jugée sans un avocat correct et avec plein de pièces manquantes (notamment le témoignage de la matonne du 31 décembre, mon certificat médical du 3 janvier et les images de la caméra de la coursive). Bref, je repasse le 5 mars à 13h30 au TGI de Melun et Ha-o-Kwi sera partie civile (pour avoir un 13ème mois).

Le lendemain, j’étais, après 30 jours de QD, transférée à Rennes. Là, je suis au quartier arrivante du CD. L’architecture ici est très différente des prisons Bouygues. Il y a moins de caméras et pas de sas. Les matons ne sont pas cachés dans leurs aquariums à déclencher des portes à distance. Donc ils sont moins paranos, donc ils sont moins dangereux, donc ça va mieux. Bon, je ne me fais quand même pas d’illusion, j’attends de voir où se niche leur perversité… en profitant de l’herbe dans la cour de promenade et en retournant au sport.

Résistance à la taule de Réau, un maton porte plainte contre Christine

Mi-octobre 2013, Christine se fait incarcérer au Centre de Détention de Réau en banlieue parisienne. Dès son arrivée, elle refuse de prendre la carte de circulation nécessaire aux passages des multiples sas de sécurité au sein de la taule. Elle est alors maintenue en « régime de portes fermées ». Pour les détenues placées sous ce régime, une seule pièce, la « salle de convivialité », permet de passer des moments ensemble. Début décembre, l’Administration Pénitentiaire (AP) décide de fermer cette salle sans donner de motif à cette décision.

Immédiatement, Christine demande des explications. L’AP n’apprécie pas trop cette insolence et lui colle au total 21 jours de mitard en faisant tomber des Comptes Rendus d’Incidents gardés sous le coude.
Au mitard, elle continue de protester, mais cette fois-ci pour obtenir un poste radio (obligatoire au mitard depuis la loi pénitentiaire de 2009). à sa sortie du mitard, elle rédige avec ses co-détenues un courrier destiné à l’AP, revendiquant la ré-ouverture de la « salle de convivialité » ainsi qu’une ouverture exceptionnelle de cette même salle le 1er janvier pour prendre ensemble le repas de midi.

L’AP tarde à répondre, et le 31 décembre le chef de détention Ha-o-kwie convoque Christine pour lui rendre, à elle seule, la réponse négative. Elle proteste et refuse de devoir annoncer elle-même cette réponse à ses co-détenues. Ha-o-kwie insinue alors que c’est elle la meneuse et qu’elle aurait manipulé ses co-détenues pour rédiger la lettre de revendications. Elle fait un pas de défiance en avant. Là, trois autres matons restés à proximité l’agrippent par les bras pendant qu’Ha-o-kwie la menace en agitant son index sous le nez de Christine. Pour stopper cette humiliation, elle lui pince le doigt avec les dents. Menottée, les matons la collent au sol pendant qu’Ha-o-kwie lui envoie des coups de poing au visage.

Suite à cette altercation, Christine prend 30 jours de mitard. Ne voulant pas rater l’occasion de se faire un treizième mois, Ha-o-kwie porte plainte pour violence. Le dernier jour de mitard (le 28/01/14), Christine est placée en garde à vue et présentée au TGI de Melun pour être jugée sur cette plainte. Elle refuse cette comparution immédiate et reçoit une convocation en correctionnelle pour le 5 mars à 13h30 au même TGI de Melun. Dès le lendemain matin, elle est transférée pour raison disciplinaire au Centre Pénitentiaire de Rennes.

En 14 mois de détention, il s’agit de son sixième transfert disciplinaire et donc de sa septième taule. En 14 mois elle aura passés 205 jours au mitard et 70 jours en quartiers d’isolement. Après avoir écopé de 6 mois fermes et plusieurs centaines d’euros à verser à différents matons de Bapaume décidés par le Tribunal d’Arras, c’est maintenant le Tribunal de Melun qui veut venir en rajouter une couche.

N’appréciant pas les réfractaires, l’Administration Pénitentiaire, avec l’appui de la Justice, joue la carte de l’acharnement pour tenter de détruire Christine. Même si nos marges de manœuvre sont étroites, ne laissons pas Christine seule face à la machine à broyer.

 

Suite au procès du 13 février 2013 à Lyon, le parquet avait jugé la peine (3 mois fermes) trop clémente et avait donc fait appel. La date de cette nouvelle audience est tombée. Ce sera le lundi 14 avril 2014 à 13h30 à la Cour d’Appel de Lyon.